IXINA – Bon d’achat – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 4 janvier 2022
IXINA – 795/21
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentantes de la société Ixina,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 23 octobre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Ixina, pour promouvoir son offre de cuisines.

La publicité en cause, diffusée sous forme de bon d’achat, montre la photographie de deux mains enserrant une pousse d’arbre. Au-dessous de l’image, un logo représente une plante à trois feuilles dans un cercle, à proximité du symbole d’une flèche de couleur verte.

Les textes accompagnant ces images sont « Cultiver avec vous l’esprit éco-responsable. Grâce à l’achat de votre cuisine, c’est 21 arbres replantés. Et ce n’est pas tout ! Votre cuisine est 100% neutre en CO2 », « Ixina, partenaire de Graine de Vie / www.grainedevie.org ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que l’ensemble des images et du propos peuvent induire l’acheteur en erreur, qui peut penser faire une bonne action par cet achat.

Il ajoute que la production, la distribution et l’achat d’une cuisine impliquent du transport, en particulier en amont et en aval des magasins, des usines de production, des matériaux qu’il faut transformer… Même en excluant l’électroménager, la neutralité n’est pas possible.

Le partenariat avec Graine de Vie est louable mais vise à mettre en avant la neutralité carbone. La publicité n’explique pas comment cette neutralité est calculée alors que devrait être indiqués, à tout le moins, le « scope » (avec des explications claires pour les gens non formés à ces questions complexes), une référence à des calculs et si l’électroménager est inclus ou non.

En voyant cette publicité, le client pense qu’il fait un geste neutre pour la planète, qu’il peut changer de cuisine tous les deux ans s’il le souhaite (et si ses moyens lui permettent). Or le GIEC l’a rappelé dans son dernier rapport : chaque tonne de CO2 émise participe au réchauffement climatique.

La société Ixina a été informée, par courriel avec accusé de réception du 3 novembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique que la publicité a été conçue et diffusée par la société IXINA France, à laquelle la société FBD International a transmis les éléments reçus.

Elle fait valoir que, lorsqu’un consommateur passe commande d’une cuisine en magasin, le vendeur lui remet un bon de commande comprenant, notamment, un document au format A4 l’informant de l’existence d’un partenariat conclu entre Ixina et l’ONG Graine de vie. C’est ce document qui est visé par la plainte.

Selon l’annonceur, le consommateur qui vient d’acheter une cuisine est donc informé qu’Ixina est partenaire de Graine de Vie, et que, grâce à l’achat de sa cuisine, 21 arbres seront plantés, de sorte que sa cuisine sera 100 % neutre en CO2.

Elle souligne que ce partenariat avec l’ONG Graine de vie a débuté il y a dix ans, et précise que l’engagement d’Ixina dans la compensation de l’émission des gaz à effet de serre n’a jamais été un argument de vente actif de l’enseigne. Ce partenariat correspond à un engagement sincère de l’enseigne, et non à une stratégie commerciale et médiatique. D’ailleurs, le document mis en cause par le plaignant est diffusé par Ixina depuis le début de l’année 2021 seulement, et est inséré dans le dossier remis aux consommateurs qui ont signé un bon de commande.

Concernant le reproche fait par le plaignant sur le fait que « Le scope pris en compte n’est pas indiqué, il s’agit vraisemblablement du scope 1 uniquement, alors que les scopes 2 et 3 sont prépondérants dans la fabrication, transport, etc d’une cuisine. Cet argument de neutralité sans indication du scope peut induire en erreur l’acheteur, qui peut penser faire une bonne action dans cet achat », l’annonceur fait valoir que la publicité ne fait que traduire les conclusions d’une Etude Bilan Carbone qui a été établie par la société CO2Strategy à la demande d’Ixina France. En page 10 de ce rapport, il est indiqué que le but de cette étude est de mesurer les émissions de CO2 d’une cuisine de référence, d’une part, et de calculer le nombre d’arbres à planter pour rendre neutres les émissions de CO2, d’autre part.

Selon les mentions figurant en page 11 du rapport, l’étude a tenu compte des émissions directes et indirectes, et donc des scopes 1, 2 et 3. Et selon ce qui est indiqué en page 12, l’étude a été faite selon la méthode « Bilan carbone » développée en France par l’ADEME, qui tient compte de ces trois scopes.

En conclusion du rapport (pages 25 et 26) il est indiqué : – « Sachant qu’un arbre va compenser durant sa vie 100 kg CO2, nous pouvons en déduire qu’il faudra planter 21 arbres pour que la cuisine soit neutre en carbone ». – « Dans ces conditions, nous pourrons certifier que la cuisine de référence IXINA est neutre en carbone ». – « Par conséquent, nous pouvons conclure qu’il est tout à fait raisonnable de se baser sur un nombre moyen de 21 arbres par cuisine vendue pour garantir la neutralité carbone de tous les types de cuisine ».

En conséquence, la société estime que cette publicité est véridique lorsqu’elle mentionne que, grâce à la plantation de 21 arbres, la cuisine est 100 % neutre en CO2, et qu’elle n’est pas de nature à induire en erreur le consommateur. Elle ajoute qu’Ixina est en mesure de justifier que, pour chaque cuisine vendue, elle reverse effectivement à Graine de Vie une somme permettant la plantation de 21 arbres.

Au final, la société estime que la publicité en cause véhicule un message conforme aux principes communément admis du développement durable (point 1 de la Recommandation « Développement durable »), qu’elle est en mesure de justifier comptablement les allégations (point 2), que le message publicitaire exprime avec justesse l’action d’Ixina auprès de Graine de vie, d’une part, et est tout à fait proportionné à l’ampleur des actions menées par Ixina, notamment aux sommes versées à Graine de vie, d’autre part (point 3), et que ce message est clair et loyal, et insusceptible d’induire le consommateur en erreur.

Lors de la séance, les représentantes de la société ont confirmé cette analyse en indiquant que le partenariat avec l’ONG Graine de vie et l’engagement d’Ixina dans la compensation de l’émission des gaz à effet de serre ne sont portées à la connaissance de l’acheteur qu’une fois prise sa décision d’achat, ce qui exclut, selon elles, toute volonté de « greenwashing ».

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique, etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables.

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4):
    • « l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7):
    • « les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;
    • lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition ;
    • dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ;
    • les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »
  • enfin, au titre des dispositifs complexes (point 9): « Certains dispositifs reconnus peuvent reposer sur des démonstrations très techniques ou sur des montages complexes dans lesquels le bénéfice en matière de développement durable est indirect (ex. dispositifs dits “électricité verte”, “compensation carbone”, “Investissement Socialement Responsable”, etc.). / Lorsque la publicité fait référence à ce type de dispositif :

9.1 Elle doit veiller à ne pas induire le public en erreur sur la portée réelle du mécanisme.9.2 Si elle utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public les explications nécessaires, aux conditions définies par l’article 4.4 de ce texte ».

3.1 Sur la caractérisation de la publicité

Le Jury rappelle que, selon l’article 2 de son règlement intérieur, le Jury est compétent « pour se prononcer sur tout message publicitaire, à caractère commercial ou non, à l’exclusion de la propagande électorale ou de tout document à caractère politique ou syndical ». A ce titre, le Jury considère que constitue un message publicitaire toute communication ayant pour objet de promouvoir un produit, un service, une personne ou une cause, et qui émane de la personne à laquelle elle bénéficie, directement ou indirectement, quelle que soit l’étape de sa relation au client à laquelle ce message est diffusé.

Le Jury considère que la diffusion du document en cause sous forme du bon d’achat décrit au point 1 présente manifestement un caractère promotionnel et a vocation à être diffusé à l’acheteur.

Dans ces conditions, le Jury considère que ce document présente, au sens et pour l’application de son règlement intérieur, le caractère d’une communication publicitaire et qu’il est donc compétent pour se prononcer sur la plainte dont il est saisi.

3.2 Sur le message publicitaire

Le Jury relève d’abord que l’objectif annoncé, celui d’une neutralité carbone, est rattaché par la société au fait de planter 21 arbres par cuisine achetée, à travers un partenariat avec l’association Graine de vie. A cet égard, les éléments justificatifs sont accessibles sur le site de la marque, en se reportant au rapport de CO2Strategy, qui évoque les incertitudes et marges d’erreur du mode de calcul retenu.

Le Jury estime que si la mention « Cultiver avec vous l’esprit éco-responsable » peut être considérée comme suffisamment relativisée et ne contrevient pas aux points 1, 2 ou 7 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, il n’en demeure pas moins que le texte « 100 % neutre en CO2 » renvoie au seul fait de planter 21 arbres par cuisine achetée, sans qu’il soit clairement précisé que cette compensation ne concerne que les éléments des meubles « hors électroménager ».

Or la lecture du seul document diffusé, qui comprend des images de mains enserrant une pousse d’arbre, d’une plante à trois feuilles dans un cercle et d’une flèche de couleur verte, sont de nature à laisser croire au client que l’achat d’une cuisine complète constitue un geste neutre pour la planète, ce qui est de nature à induire le public en erreur sur la portée réelle du mécanisme, en contravention des points 2, 3 et 9 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, ainsi qu’aux dispositions du point 4 de la même Recommandation qui imposent à la société d’indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées.

En conséquence de ce qui précède, le Jury, tout en constatant que la société est en mesure de justifier de ses actions en termes de compensation carbone et sans remettre en cause son implication à cet égard, est d’avis que la publicité en cause, en raison de son imprécision sur le sens du mot « cuisine » dans l’expression « Grâce à l’achat de votre cuisine, c’est 21 arbres replantés. Et ce n’est pas tout ! Votre cuisine est 100% neutre en CO2 », méconnaît les points 2, 3, 4 et 9 précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 10 décembre 2021 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain et M. Thomelin.

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