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Plaintes fondées

Avis publié le 2 avril 2024
INTERBEV – 997/24
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (INTERBEV) et le représentant de l’agence de communication chargée d’assistée cette dernière, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 7 février 2024, de deux plaintes émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités, en faveur de l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (INTERBEV), pour promouvoir la filière bovine.

  • La première publicité en cause, diffusée par la Newsletter de Time to Sign Off (TTSO) du 16 janvier 2024, montre la photographie de plusieurs vaches en train de paître, précédée de la mention « En partenariat avec Interbev ».

En-dessous de l’image, le texte énonce : « Végétal et animal : marions-les ! », « L’autonomie alimentaire des troupeaux, serait-elle l’avenir d’une agriculture écologique ? Sur le site Agriculture-Circulaire.fr, découvrez le cycle vertueux créé par Fabien Perrot, agriculteur et ingénieur, qui, sur ses cultures céréalières, a réintroduit un cheptel de bovins. Fertilisation naturelle, valorisation de l’espace et des plantes, enrichissement de la biodiversité permettant l’abandon du recours aux phytosanitaires. », « … constitution de puits à carbone dessinant la possibilité d’une exploitation non plus neutre en carbone, mais destructrice nette de CO2… l’union végétal-animal produit des fruits magnifiques. Et durables » ainsi qu’un lien intitulé : « En voir plus sur la ferme de Fabien Perrot et l’avenir de l’agriculture sur Agriculture-Circulaire.fr ».

  • La seconde publicité en cause, diffusée par la Newsletter TTSO du 30 janvier 2024, montre la photographie d’une femme, précédée de la mention « En partenariat avec Interbev ».

En-dessous de l’image, le texte énonce : « Et si on parlait agriculture (et écologie) », « En matière de changement climatique, “l’agriculture n’est pas le problème, mais la solution”c’est la conviction de Goulnara Aguiar, présidente d’Omrex, une ClimaTech spécialisée dans les crédits carbone destinés aux éleveurs et agriculteurs. Un chiffre ? “Globalement, pour atteindre les objectifs de la neutralité carbone à l’échelle de la planète d’ici à 2050, on doit réduire de 20 gigatonnes par an les émissions de CO2, car ces émissions ne seront pas absorbées, ni par la mer, ni par la forêt”… », « L’agriculture régénératrice a la capacité de stocker jusqu’à 60 gigatonnes sur les 20 prochaines années”Pour comprendre comment, lire l’interview de Goulnara Aguiar sur agriculture-circulaire.fr », suivi d’un lien cliquable « Lire l’interview ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que :

  • Concernant la première publicité qui présente l’intérêt d’associer agriculture et élevage sur une même exploitation : l’affirmation « neutre en carbone» est présentée comme un état de fait et la perspective d’une exploitation « destructrice nette de CO2 » comme une perspective réaliste mais aucune donnée ne vient étayer ces informations, ni dans le publi-rédactionnel ni dans l’article vers lequel il renvoie sur le site agriculture-circulaire.fr ;
  • Concernant la seconde publicité : le chiffre de « 60 gigatonnes sur 20 ans», avancé pour justifier l’affirmation centrale comme quoi « en matière de changement climatique, l’agriculture n’est pas le problème, mais la solution », n’est étayé par aucune donnée, ni dans le publi-rédactionnel ni dans l’article vers lequel il renvoie sur le site agriculture-circulaire.fr. Ce chiffre de « 60 gigatonnes sur 20 ans » est mis en rapport avec le chiffre de « 20 gigatonnes par an d’ici à 2050 », ce qui est trompeur.

L’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (INTERBEV) et la lettre d’information Time To Sign Off ont été informées, par courriel avec avis de réception du 12 février 2024, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

L’Association INTERBEV fait valoir que ces communications ont été diffusées dans le cadre de publirédactionnels et qu’il ne s’agissait pas d’une campagne publicitaire. Ces publirédactionnels s’inscrivent dans le cadre d’une démarche globale d’information dont l’interprofession est à l’initiative.

L’objectif était de nourrir la réflexion sur les changements qui s’opèrent au sein de la société. Comme d’autres secteurs d’activité, l’agriculture est au cœur de ces mutations. Une agriculture qui se veut harmonieuse, intégrée et plus durable. Une agriculture circulaire dans laquelle le végétal nourrit l’animal et inversement. Une agriculture pensée comme le cœur d’un système plus large, comme le moteur d’externalités positives : sur l’environnement, la captation carbone, la biodiversité, l’économique, le lien social, nos paysages…

C’est pour nourrir ce nouveau regard sur l’agriculture qu’INTERBEV est allée chercher ceux qui la font (agriculteurs et éleveurs), ceux qui la pensent (géographes, sociologues, professeurs des universités), ceux qui la racontent (historiens, auteurs et journalistes), en s’appuyant sur des newsletters indépendantes, telles que Time To Sign Off, afin de partager ces points de vue auprès des citoyens qui s’intéressent à ces questions.

Éclairer notre jugement, nous donner les tenants et aboutissants de ce que nous vivons, voilà l’objectif de cette démarche d’information. L’information compte en effet parmi les missions de l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes (bovins, ovins, caprins, équins), fondée en 1979 à l’initiative des organisations représentatives de la filière française de l’élevage et des viandes, et reconnue par les pouvoirs publics français, conformément au règlement européen.

Dans la droite ligne de cette volonté d’ouverture et de dialogue, les professionnels de la filière se sont rassemblés en 2017 autour d’une démarche RSE, labellisée par l’AFNOR : le Pacte Sociétal. Cette dynamique collective portée par INTERBEV vise à mieux répondre collectivement aux enjeux en matière d’environnement, de protection animale, de juste rémunération des acteurs de la filière et d’attractivité de ses métiers au service d’une alimentation raisonnée et de qualité. Cette dernière est détaillée dans la rubrique « pacte sociétal » de notre site lnterbev.fr https://www.interbev.fr/enjeux-societaux/pacte-engagement-societal/

Concernant les communications qui ont fait l’objet des plaintes, elles mettent en avant les témoignages d’auteurs dont on doit respecter la liberté d’expression.

Sur la plainte n°1 / témoignage de Goulnara Aguiar : ces chiffres sont avancés par Goulnara Aguiar, CEO d’une entreprise spécialisée dans la mise en place de programmes agricoles capables d’augmenter la captation carbone des terres agricoles (agriculture régénérative), dans une interview réalisée pour la plateforme digitale « Agriculture circulaire ». C’est l’une des rares spécialistes invités aux côtés des Etats dans les négociations de la Cop28, et d’une manière générale une intervenante reconnue à tous les sommets sur le changement climatique. Sa parole fait autorité sur le sujet.

Le fait de ne pas renvoyer à des sources pour des chiffres avancés dans une interview n’est pas en soi une pratique trompeuse mais une pratique courante. Le lecteur, s’il veut aller plus loin, peut de lui-même se rendre sur le site de la personnalité interviewée, lire ses publications, et les contester le cas échéant. Dans ce cas précis, il pouvait par exemple se rendre sur le site d’Ormex (Ormex.io) pour y retrouver les chiffres avancés, les sources, ainsi qu’un approfondissement des propos avancés par Goulnara Aguiar dans son interview.

Concernant l’allégation évoquée dans la plainte, il est écrit dans la newsletter TTSO « Globalement pour atteindre les objectifs de la neutralité carbone à l’échelle de la planète d’ici 2050, on doit réduire de 20 gigatonnes par an nos émissions de CO2… » et ensuite, dans un autre paragraphe différencié de ce premier point : « L’agriculture régénératrice a la capacité de stocker jusqu’à 60 gigatonnes sur les 20 prochaines années ». Ces deux affirmations sont justes et bien distinctes.

Sur la plainte n°2 / témoignage de Fabien Perrot : l’article en question n’est pas une publication scientifique mais le témoignage d’un agriculteur exploitant agricole qui a repris une ferme et qui, y introduisant de la diversité de culture, d’élevage et des haies, a considérablement amélioré son bilan carbone. Le fait de dire qu’aucune donnée ne vient étayer ces informations est exagéré car il s’agit de faits bien réels qui sont exposés. Par exemple : « … animaux nourris à l’herbe et élevés en plein-air intégral, de planter des haies intra-parcellaires (environ 1500 arbres d’une trentaine d’essences différentes), de diversifier l’assolement (plus d’une quinzaine de cultures différentes), de cultiver des légumes de plein champs grâce à la mise en place de l’irrigation, et de labelliser tout cet ensemble en agriculture biologique » ou encore « A l’époque ou la lutte contre les gaz à effet de serre devient cruciale, les arbres représentent un puits de carbone très important à l’échelle de l’exploitation. Ce stockage dans le sol viendra compenser les émissions et offrir ainsi un système neutre en carbone voire vertueux si les fixations viennent à dépasser les émissions. Dans quelques décennies, le bois produit sera une source d’énergie alternative et fournira très certainement un matériau de qualité pour une utilisation dans la construction, l’ameublement et bien d’autres domaine ».

Ce témoignage est donc bien basé sur la réalité de son exploitation et de ce qu’il a mis en œuvre pour la transformer, en partageant ses bonnes pratiques en matière de captation de carbone. La neutralité carbone de l’exploitation agricole n’est pas abordée comme un fait avéré, mais comme une perspective réalisable grâce à des mesures spécifiques. Reconnaissant la nature ambitieuse de cet objectif, l’éleveur en question la considère comme une possibilité concrète grâce à des actions telles que l’implantation d’arbres, de haies, qui peuvent considérablement réduire l’empreinte carbone de son exploitation. La neutralité carbone d’une exploitation, bien que rare, est réalisable. En témoigne le diagnostic CAP’2ER® (Calcul Automatisé des Performances Environnementales en Elevage de Ruminants) d’une exploitation bovine neutre en carbone.

La lettre d’information Time To Sign Off n’a pas fait parvenir d’observation.

Les représentants de la Ferme Fabien PERROT et de la société OMREX ont également été informés, des plaintes et de leur examen par le Jury.

Ils n’ont pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur le caractère publicitaire de la communication et la compétence du Jury :

Le Jury rappelle que, selon le point 2.1. de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques, par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion de la propagande électorale et des documents de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée, ou pour son compte, et qui a pour objet principal d’assurer la promotion d’une marque qu’il exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne elle-même, notamment son image de marque auprès du public, ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend.

Le caractère promotionnel de l’objet de la communication s’apprécie sur la base d’un faisceau d’indices incluant principalement son contenu propre, en particulier le caractère éventuellement valorisant, laudatif, incitatif, emphatique, percutant et/ou ramassé du message, la mise en scène ou la mise en forme et les éléments visuels utilisés, qui peuvent contribuer à conférer à la communication une forme publicitaire, ainsi que les modalités et le contexte de sa diffusion. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale, ou ne revêtir aucun caractère commercial.

En revanche, le Jury n’est pas compétent pour examiner les communications relevant du journalisme d’investigation ou d’information en général, ni, en particulier, celles dont l’objet principal est de porter à la connaissance du public des informations objectives, le cas échéant en vue de respecter des obligations légales ou réglementaires de transparence, quand bien même ces informations seraient de nature à valoriser l’image de l’entreprise.

S’agissant des deux présentes publications litigieuses correspondant à des publi-reportages au sein de la newsletter Time to Sign Off, dans un espace dédié et placé sous la bannière : « en partenariat avec Interbev », le Jury constate qu’il s’agit d’encarts constituant des accroches renvoyant à deux articles figurant intégralement sur le site de l’association INTERBEV dont la mission est d’assurer la promotion de la filière professionnelle qu’elle représente.

A cet égard, il s’agit donc bien, par le biais de ces encarts, d’assurer la promotion et la diffusion des articles mis en ligne par l’association INTERBEV sur son propre site, lequel tend lui-même, conformément à l’objet et à la mission de cette dernière, à promouvoir et mettre en valeur la filière bétail et viande.

Ces publications au sein de la newsletter précitée entrent donc incontestablement dans le champ de compétence du Jury.

Il convient en outre d’ores et déjà d’ajouter que ce type d’articles promotionnels, signés par un annonceur et insérés dans une publication internet, délivre en lui-même un message de nature publicitaire soumis aux règles déontologiques de la profession, ce qui implique d’en choisir les termes en conformité avec ces dernières, étant par ailleurs précisé à cet égard que le fait qu’il y soit renvoyé à des articles comportant des interviews ou des citations de tiers ne suffit pas davantage à s’en exonérer.

3.2. Sur les règles déontologiques applicables

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 3.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) :
    • « 4.2 Si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être présenté clairement.
    • 4.6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée ».
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

3.3. S’agissant de la publication mise en ligne le 16 janvier 2024 (« Végétal et animal : marions-les ! ») :

Le Jury relève qu’il s’agit d’un encart comportant une photographie qui représente des bovins paissant dans un près, accompagnée d’un texte évoquant une exploitation agricole en vantant les mérites de la réintroduction d’un cheptel de bovins sur des cultures céréalières et dont la partie mise en exergue déclare : « … constitution de puits à carbone dessinant la possibilité d’une exploitation non plus neutre en carbone, mais destructrice nette de CO2… l’union végétal-animal produit des fruits magnifiques. Et durables »

L’encart qui est placé sous la bannière de l’association INTERBEV (« en partenariat avec INTERBEV ») renvoie in fine à un article figurant sur le site internet de cette dernière (« En voir plus sur la ferme de Fabien Perrot et l’avenir de l’agriculture sur Agriculture-Circulaire.fr »).

L’allégation précitée qui est mise en valeur par une police en gras, laisse à penser que l’exploitation dont il est question dans l’article auquel renvoie cet extrait, est susceptible non seulement d’être neutre en carbone mais même de contribuer au stockage du carbone. Le renvoi à « l’avenir de l’agriculture » suggère en outre que ce modèle d’exploitation est généralisable.

Or cette allégation qui est directement contraire au constat habituellement partagé selon lequel l’agriculture en général et l’élevage en particulier contribuent actuellement de façon assez significative au réchauffement climatique, notamment par l’émission de CO2, n’est en rien expliquée, ni étayée par des données précises, que ce soit dans l’extrait ou même dans l’article lui-même auquel cet extrait renvoie (base du calcul ? chiffres ? évolution dans le temps ? méthodologie ? etc…).

Surtout, l’extrait litigieux tend à faire croire que l’exploitation dont il est question illustre d’ores et déjà la thèse selon laquelle l’élevage permettrait le stockage net de CO2 dans les prairies alors même que la lecture attentive de l’article fait quant à elle ressortir que cette thèse n’est envisageable que dans un futur qui est lui-même, en outre, un peu indéterminé: le fait que l’exploitation agricole en cause soit destructrice nette de CO2 n’est ainsi pas acquis à ce stade, quels que soient les mérites de cette dernière alors même que la présentation de l’encart tend à suggérer le contraire.

La présentation du message, à tout le moins dans cet encart, manque donc de clarté et met en valeur de façon disproportionnée les effets, en termes de développement durable, d’une pratique agricole qui, pour vertueuse qu’elle puisse paraître n’offre en réalité pas encore nécessairement les résultats promus.

3.4 S’agissant de la seconde publication mise en ligne le 30 janvier 2024 (« Et si on parlait agriculture (et écologie) ») :

Le jury relève qu’il s’agit également d’un encart comportant la photographie de Madame Goulanara Aguiar, désignée comme étant « la présidente d’Omrex, une Clima Tech spécialisée dans les crédits carbone destinés aux éleveurs et agriculteurs », accompagnée d’un texte citant cette dernière, selon laquelle en matière climatique : « l’agriculture n’est pas le problème mais la solution ». Dans une police en gras, il est en outre déclaré : « L’agriculture régénératrice a la capacité de stocker jusqu’à 60 gigatonnes sur les 20 prochaines années ».

L’encart qui est lui aussi placé sous la bannière de l’association INTERBEV (« en partenariat avec INTERBEV ») renvoie in fine à un article figurant sur le site internet de cette dernière (« Pour comprendre comment, lire l’interview de Goulnara Aguar sur Agriculture-Circulaire.fr »).

Il ressort des recommandations précitées de l’ARPP qu’en matière de développement durable, l’exigence de véracité qui pèse sur le message publicitaire doit conduire l’annonceur à pouvoir justifier des allégations avancées en particulier lorsqu’elles revêtent un caractère scientifique.

En l’occurrence, la publication litigieuse qui vante l’agriculture régénératrice comme solution au réchauffement climatique, met en avant des chiffres assez précis sur ses capacités de stockage en carbone (« 60 gigatonnes sur les 20 prochaines années »).

Or, ce faisant, elle ne renvoie à aucune étude précise, ni n’indique quelles sont les données ou publications scientifiques qui appuient cette prévision, étant souligné que la lecture de l’interview dans son intégralité, auquel renvoie certes l’encart publicitaire, ne permet pas de pallier cette carence car Mme Aguar n’y expose pas d’où elle tire cette information, ni la méthodologie pour parvenir à un tel résultat.

Ensuite, ce résultat chiffré est présenté comme un résultat accessible alors que ni l’encart, ni l’article n’indiquent avec un minimum de précisions quelles sont les conditions pour y parvenir (définition des termes, surfaces à consacrer à l’agriculture régénérative, conséquences éventuelles sur la productivité agricole et sur la compétitivité) et n’établit aucune comparaison, ce qui nuit à sa compréhension et à sa clarté par le grand public.

Enfin, et indépendamment même de ces chiffres, l’encart publicitaire laisse entendre, alors même que la question fait encore l’objet de débats scientifiques nourris, que l’activité agricole puisse être non seulement neutre en carbone mais même qu’elle puisse concourir à la réduction de sa présence dans l’atmosphère par son stockage dans les sols.

Or cette promesse devrait à tout le moins être relativisée en l’état des connaissances et des méthodes de production agricole.

Ainsi, notamment, et à titre d’exemple :

  • le groupe de travail composé d’experts de l’INRAE et réuni par le ministère en charge de l’agriculture pour étudier des scenarii de baisse des émissions de carbone dans le secteur agricole, ne parvient en réalité pas à un modèle permettant le stockage net de carbone mais table plutôt sur une réduction des émissions de 50% d’ici à 2050 :  Éléments pour des scénarios conduisant le secteur agricole à la neutralité carbone en 2050 | INRAE – 17 avril 2023 ;
  • et dans l’étude Stocker 4 pour 1 000 de carbone dans les sols : le potentiel en France | INRAE – 13 juin 2019, il est plutôt indiqué : « Au total, le stockage additionnel pourrait atteindre, au maximum, + 1,9 ‰ sur l’ensemble des surfaces agricoles et forestières (mais 3,3 ‰ pour les seules surfaces agricoles et 5,2 ‰ si l’on se restreint aux grandes cultures), soit 41 % des émissions de carbone agricoles. Aller au-delà demande des recherches nouvelles afin de pouvoir lever d’autres verrous et préciser les estimations ».

Aussi, en affirmant que l’agriculture n’est pas le problème mais la solution, expression que l’on retrouve tant dans l’encart litigieux que dans l’article auquel ce dernier renvoie, le message publicitaire ne respecte par le principe de proportionnalité, d’une part, car il omet de rappeler explicitement que ce résultat est soumis à un grand nombre de conditions et de contraintes dont la réalisation est incertaine, d’autre part, car il attribue à l’agriculture, fusse-t-elle régénératrice, des vertus qui font encore débats dans la communauté scientifique, en tout cas dans leur ampleur.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que les deux publirédactionnels en cause méconnaissent les dispositions déontologiques précitées.

Avis adopté le 8 mars 2024 par M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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