ILEK – Affichage – Une plainte partiellement fondée, autres plaintes infondées

Avis publié le 14 septembre 2021
ILEK – 734/21
Une plainte partiellement fondée, autres plaintes infondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu l’un des plaignants et les représentants de la société Ilek, lors d’une séance tenue le 7 mai 2021 sous la forme d’une visioconférence,
  • après en avoir débattu et rendu un avis ayant fait l’objet d’une demande de révision d’un des plaignants sur le fondement de l’article 22 du règlement intérieur,
  • après avoir entendu les observations du Réviseur de la déontologie publicitaire et les représentants de la société Ilek, lors d’une séance tenue le 3 septembre 2021,
  • et après en avoir délibéré, en présence du Réviseur,
  • rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, entre le 12 et le 26 mars 2021, de plusieurs plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur :

  • d’une affiche publicitaire de la société Ilek pour promouvoir une offre de fourniture d’électricité : celle-ci représente un visuel en deux parties, sur laquelle figure la photographie d’un réacteur nucléaire. La partie gauche de l’image est accompagnée du texte : « De l’électricité », la partie droite est accompagnée du texte : « De l’électricité verte ». L’affiche comporte également le texte « Sur Ilek.fr l’énergie est 100% renouvelable et ne vient pas de l’énergie nucléaire».
  • pour l’une des plaintes, diverses allégations publicitaires figurant sur le site internet du même annonceur.

2. Les arguments échangés

Les plaignants considèrent que l’affiche publicitaire litigieuse est mensongère en présentant l’énergie nucléaire comme non verte alors que les émissions de CO2 des centrales nucléaires sont inférieures à celles des sources d’énergies renouvelables lorsque toute la chaîne de conception est prise en compte.

L’un des plaignants ajoute que les articles 1, 4, 5 et 6 et D1 du code ICC et la Recommandation « Développement durable » prescrivent un traitement loyal et véridique des informations véhiculées par le message publicitaire.

Selon lui, l’annonceur affirme sans nuance que l’électricité livrée aux clients est « 100% renouvelable ». Or les électrons qui transitent dans le réseau ne peuvent être distingués selon leur source de production. Cela signifie que le consommateur final recevra l’électricité fournie par le réseau, sans distinction possible de la source. Ainsi, il est physiquement impossible de garantir que l’électricité reçue par le consommateur provient de moyen renouvelable. En outre, le mix énergétique à tout moment est composé d’électricité de source nucléaire (autour de 70%), de source thermique (gaz principalement, autour de 18%).

Il ajoute que sur les 533,1 TWh d’électricité produite en France en 2019, 108,9 TWh proviennent de sources renouvelables (55,5 TWh d’électricité produite de source hydraulique, 34,1 TWh de source éolienne, 7,7 TWh provenant de source thermique et 11,6 TWh de source solaire). La part des énergies renouvelables dans le mix de production s’élève donc à 20,5% en 2019 (données du 1er avril 2019 au 31 mars 2020).

Selon lui, l’annonceur trompe le consommateur en affirmant que son électricité ne provient pas de centrales nucléaires et profite abusivement de l’intérêt des consommateurs pour l’environnement, en exploitant leur manque de connaissance du mix électrique français.

Par ailleurs, il soutient que plusieurs allégations publicitaires figurant sur le site web d’Ilek contreviennent aux règles déontologiques.

L’allégation « Vous pouvez choisir quel producteur d’électricité renouvelable alimentera votre logement. Vous savez d’où vient l’énergie qui vous éclaire (…) » constitue un manquement déontologique pour les raisons précédemment exposées. L’annonceur fait croire de manière déloyale qu’il serait possible à un consommateur de choisir le producteur qui l’alimente. Cette allégation n’est ni véridique ni loyale car un consommateur ne peut savoir d’où provient l’électricité qui l’alimente. Les électrons sont fongibles dans le réseau électrique. Ils ne peuvent être distingués selon la source de production.

Le même plaignant met en cause l’allégation « circuit court » qui ne peut être véridique et induit le consommateur en erreur sur les qualités de l’énergie électrique fournie par Ilek. En effet, les électrons produits ne restent pas « locaux », ils sont envoyés sur l’ensemble du réseau électrique français que ce soit celui d’Enedis ou celui de RTE. A titre d’illustration, en 2018, 90% de la consommation était issue du réseau de transport RTE et non du réseau local Enedis. Il précise qu’à l’inverse, 26% de la production injectée sur le réseau de distribution Enedis était refoulée vers RTE. Cette part de l’énergie refoulée croit avec le développement des ENR. Il est donc trompeur de faire croire que l’électricité d’Ilek serait une source locale d’électricité et le consommateur non averti est trompé par les termes employés dans cette publicité.

Il soutient également que l’annonceur ne peut justifier que ses clients consomment de l’électricité produite auprès d’un producteur local. Sur l’origine française de l’électricité d’Ilek alléguée sur le site web, le réseau électrique français est interconnecté avec les réseaux électriques des pays frontaliers européens, eux-mêmes interconnectés avec leurs propres voisins. Il y a une « plaque européenne » électrique. A chaque instant, un pays peut importer de l’électricité depuis un pays frontalier, que ce soit pour une consommation nationale ou en transit pour réexporter vers un autre pays.

Par conséquent, il estime que l’annonceur, par le biais des certificats d’origine, fait croire, sans le mentionner, que l’électricité est française, mais il ne peut affirmer qu’à chaque instant l’électricité livrée réellement à ses clients serait d’origine française exclusivement.

Selon le même plaignant, les allégations « Valoriser les énergies renouvelables plutôt que les énergies fossiles et fissiles (nucléaire entre autres) fait partie des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique » et « Nous laissons les sources d’énergies fossiles et fissiles pour nos concurrents : nucléaire » seraient également contraires aux articles 4, 5, 6, 11, 12 et D3 du code ICC.

L’annonceur laisse en effet entendre que l’énergie nucléaire serait fossile et fissile. Or le terme fossile renvoie, d’après le dictionnaire Larousse à un « Débris ou empreinte de plante ou d’animal, ensevelis dans les couches rocheuses antérieures à la période géologique actuelle, et qui s’y sont conservés ». L’uranium, ressource combustible de l’énergie nucléaire, est une ressource minérale. Elle ne peut donc être fossile. Le plaignant en déduit que l’annonceur non seulement induit en erreur le consommateur non averti mais aussi dénigre une technologie concurrente de production d’électricité. Il ajoute que le fait de ranger dans la même catégorie les énergies fossiles et le nucléaire est un moyen déloyal d’abuser de la méconnaissance du consommateur.

Sur les vertus environnementales alléguées de l’électricité d’Ilek, il soutient que l’annonceur sur son site web oppose l’électricité d’origine renouvelable à celle d’origine nucléaire. L’article D3 du code ICC proscrit des allégations comparatives qui seraient fausses. De même, les articles 11 et 12 du code ICC proscrivent le dénigrement et les comparaisons déloyales. Or, l’électricité nucléaire a un bilan carbone de 6g de CO2 par kWh. C’est une des sources d’électricité les moins carbonées, qui contribue à limiter le réchauffement climatique, contre 10 g cO2/kWh pour l’hydraulique, 14,1 g cO2/kWh pour l’éolien terrestre et 55 g cO2/kWh pour le photovoltaïque.

Cette affirmation sans nuance, selon laquelle le nucléaire participerait au réchauffement climatique, est, selon lui, fausse et déloyale.

Le même plaignant relève que l’annonceur annonce des gains d’émissions de CO2 pour ses consommateurs sans fournir sa méthodologie de calcul et les résultats présentés. L’entreprise fait donc espérer des avantages environnementaux non démontrés à ses clients et abuse ainsi de leur méconnaissance du mix électrique français réel.

Il soutient qu’Ilek utilise les mêmes arguments déloyaux de gaz bio provenant de producteurs locaux, ce qui est erroné. Le gaz provenant de la fermentation est injecté sur le réseau national et le consommateur ne peut savoir d’où il provient. Au titre des articles précités, Ilek abuse de la méconnaissance technique des consommateurs et ne pourra justifier de ses allégations. En outre, l’affirmation

Sur les vertus environnementales du gaz « bio », il constate que l’annonceur affirme que le gaz issu de la fermentation « ne contribue pas à l’augmentation des gaz à effet de serre ». Cette affirmation est trompeuse pour le consommateur et manque de nuance. En effet, bien qu’issu de la biomasse, le gaz « bio » a un bilan carbone estimé à 44,1 g CO2/kWh. En effet, il nécessite pour sa production des sources d’énergie extérieures. Il estime en conséquence que la publicité méconnaît les articles 1, 4, 5 et 6 du code ICC.

La société Ilek a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 avril 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir qu’elle est très engagée et très active dans la défense d’une transition énergétique responsable et porte une attention particulière au respect des règles déontologiques publicitaires, de sorte qu’elle a soumis la publicité litigieuse au contrôle a priori de l’ARPP.

Sur le respect par Ilek des principes de véracité et de proportionnalité, la société fait valoir   qu’elle utilise l’expression « 100 % renouvelable » dans la mesure où c’est ce qui la distingue principalement de ses concurrents : elle s’approvisionne en énergie renouvelable exclusivement auprès de producteurs éoliens, hydroélectriques et bio méthane. Ilek est en mesure de démontrer que pour chaque unité d’énergie qui est commercialisée (électricité et gaz), une garantie d’origine est émise, correspondant à la part d’énergie dont la source est ainsi garantie.

La société indique que les « garanties d’origine » assurent, au niveau européen, la traçabilité administrative de l’électricité renouvelable ou « verte » (Article R. 314-53 à R. 314-70 du code de l’énergie). Ce sont des certificats électroniques délivrés aux producteurs proportionnellement à la quantité d’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables. La société European Energy Exchange (EEX) assure la délivrance, le transfert et l’utilisation des garanties d’origine au Registre National des Garanties d’Origine. La société peut justifier de telles garanties et indique proposer une offre d’énergie verte dite « premium » selon l’ADEME.

Elle ajoute que la phrase dans laquelle est insérée la mention « 100% renouvelable » se termine par un astérisque qui renvoie à une note explicative en bas de la publicité selon laquelle « Ilek s’approvisionne auprès de producteurs d’énergies renouvelables indépendants et basés en France (…) Plus d’informations sur ilek.fr ».

La société considère que si le JDP a déjà pu décider que la mention « énergie 100% verte » d’une publicité antérieure d’Ilek était justifiée au regard des principes de véracité et de proportionnalité (Décision JDP n°687/20), il y lieu de considérer que la mention « 100% renouvelable », dont la signification est encore plus évidente et moins flatteuse dans l’esprit du public que l’adjectif « verte », l’est aussi.

La société soutient qu’elle ne sous-entend pas que le consommateur qui souscrit un contrat de fourniture d’électricité auprès d’elle recevrait directement dans sa prise électrique une électricité renouvelable. Il est évident que l’électricité qui circule sur le réseau ne peut être différenciée, lorsqu’elle est acheminée vers le consommateur, selon sa nature renouvelable ou pas. Toutefois, plus les consommateurs achèteront de l’électricité 100% renouvelable, plus la quantité d’énergie renouvelable sera importante sur le réseau.

Elle en déduit que les exigences de véracité (points 2.1 et 2.2 de la Recommandation « Développement Durable ») et de proportionnalité (point 3.2 de la même Recommandation) du message publicitaire sont donc respectées.

Sur l’absence de critique de l’énergie nucléaire, la société relève que la photographie de cette cheminée de centrale nucléaire n’est pas un photomontage, il s’agit bien d’une véritable cheminée de centrale nucléaire dont sort de la vapeur d’eau. Ilek n’émet aucun jugement de valeur sur l’énergie nucléaire et ne sous-entend pas que l’énergie nucléaire est plus carbonée qu’une autre.

La publicité dénonce, selon elle, l’absence de transparence de certains fournisseurs d’électricité prétendument « verte ». Il s’agit d’alerter le consommateur sur les apparences qui peuvent être trompeuses et dénoncer le « Greenwashing » opéré par certains fournisseurs d’électricité qui se disent « verts » alors qu’ils s’approvisionnent également en énergie nucléaire. Le public comprend aisément l’ironie d’apposer un texte distinct sur deux images qui sont identiques.

Elle précise encore que l’énergie nucléaire ne peut se targuer d’être « verte » bien qu’il s’agisse d’une énergie décarbonée. La société rappelle que l’expression « énergie verte » est une expression consacrée, notamment par le Médiateur National de l’Energie et la Commission de Régulation de l’Energie, qui désigne l’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables (énergie hydraulique, éolienne, solaire, géothermique, etc.) ou par cogénération, de sorte que l’énergie nucléaire ne peut pas être qualifiée de « verte » puisqu’il ne s’agit pas d’une énergie renouvelable. Ilek dénonce la communication de certains fournisseurs d’énergies qui se qualifient de « verts » et acquièrent des garanties d’origine alors qu’ils s’approvisionnent également en énergie nucléaire. Selon Ilek, ces fournisseurs ne devraient pas pouvoir se présenter comme « fournisseur d’électricité verte ».

L’annonceur a souhaité exposer son point de vue sur son site internet et a écrit une tribune en faveur de plus de transparence des fournisseurs d’électricité :nhttps://www.ilek.fr/blog/actualites-ilek/vraiment-vert-stop-greenwashing/.

Ilek n’exprime donc aucune hostilité envers l’énergie nucléaire mais informe de manière claire le public qu’elle ne s’approvisionne pas en énergie nucléaire : « Sur ilek.fr, l’énergie est 100% renouvelable et ne vient pas de centrales nucléaires ». Cette phrase est avant tout factuelle et descriptive. Le message véhiculé par la publicité vise à distinguer les fournisseurs qui s’approvisionnent uniquement en électricité issue de sources renouvelables et ceux qui se bornent à acquérir des « Garanties d’Origine » tout en en commercialisant de l’électricité d’origine fossile ou nucléaire.

La société considère donc que les plaintes sont infondées.

La société d’affichage Mediatransports a également a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 avril 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle rappelle que l’affiche publicitaire litigieuse a été soumise avant diffusion à l’ARPP et que les observations formulées par cette dernière ont été prises en compte. Elle considère que les griefs visant cette publicité ne sont pas fondés dans la mesure où le consommateur n’est pas induit en erreur sur la nature de l’électricité produite par les centrales nucléaires. Elle précise qu’elle ne dispose pas de la compétence technique pour apprécier la véracité des propos tenus par les plaignants comme des allégations de l’annonceur, et qu’elle s’en est remise sur ce point au contrôle assuré par l’ARPP.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique que l’affiche en cause lui a été soumise pour conseil avant diffusion par la régie d’affichage MEDIATRANSPORTS, adhérent, en février 2021.

Ce visuel correspond à une image extraite de la campagne publicitaire, diffusée notamment à la télévision, qui avait été soumise à l’ARPP par l’agence de communication, dans le cadre de sa mission d’accompagnement.

L’ARPP rappelle que, de manière générale, elle accorde une attention toute particulière au recours à des allégations se référant à l’environnement. L’Autorité est particulièrement attentive aux préconisations publiques et à la sensibilité de la société sur le sujet du « climat ». En témoignent, les engagements récemment pris par l’interprofession publicitaire sur cette question.

Elle a examiné la conformité de cette affiche au regard des dispositions déontologiques contenues dans la Recommandation « Développement durable », en particulier les principes de véracité, de proportionnalité.

En l’espèce, elle a pris en compte, outre la nature spécifique de l’activité de l’annonceur qui est fournisseur d’électricité verte, les éléments explicatifs transmis dans le cadre du conseil préalable, concernant la démarche de l’entreprise permettant d’utiliser des allégations telles que « 100% renouvelables locaux et justes » ainsi que la notion d’« électricité verte ».

Concernant cette dernière, il a été néanmoins conseillé, pour la bonne information du consommateur et comme le prévoit la Recommandation, d’ajouter une mention explicative, en respectant les conditions de bonne lisibilité imposée par la Recommandation « Mentions et renvois ». Un renvoi vers la page du site Internet de l’annonceur permettant d’accéder à toutes les précisions concernant l’électricité verte fournie a également été préconisé.

La mention légale « L’énergie est notre avenir, économisons-la ! » étant elle-même présente, le visuel en cause a été considéré comme conforme aux règles déontologiques en vigueur et un conseil favorable a pu être délivré à l’attention de la société Médiatransports.

Lors de la séance du 7 mai 2021 :

  • le plaignant présent a maintenu sa plainte et précisé qu’il avait été particulièrement interpellé par le fait que cette affiche était apposée sur les quais de métro et s’adressait à un public peu informé qui pouvait être induit en erreur ;
  • les représentants de la société Ilek ont repris oralement les principaux arguments indiqués ci-dessus.

3. L’avis initial du Jury

A l’issue de sa délibération du 7 mai 2021, le Jury a rejeté l’ensemble des plaintes comme infondées par un avis notifié aux parties le 27 mai 2021.

4. La demande de révision et les arguments échangés

Par une demande en date du 1er juin 2021 adressée au Réviseur de la déontologie publicitaire, le plaignant ayant mis en cause à la fois l’affiche publicitaire et le site web d’Ilek conteste le rejet de sa plainte par le Jury.

Il reprend en substance les mêmes griefs que dans sa plainte initiale mais relève que le Jury n’a pas répondu à l’argumentation visant le site web. A cet égard, il n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations. En effet, le site web prétend que le client d’Ilek peut choisir quel producteur d’électricité renouvelable alimentera son logement et sait d’où vient l’énergie qui l’éclaire. Or comme l’a relevé le Jury dans son avis, il est interdit à l’annonceur de prétendre que l’électricité effectivement consommée par un client provient exclusivement d’énergie renouvelables.

La société Ilek a produit des observations en réponse. Elle soutient, en premier lieu, que l’argumentation produite à l’appui de la demande de révision porte exclusivement sur son site internet et est sans lien avec l’affichage publicitaire en cause dans la plainte initiale. Il n’y a pas lieu pour le Jury d’examiner les allégations figurant sur le site, au-delà des références qu’y fait l’avis critiqué, et il appartient au plaignant de former une nouvelle plainte pour les contester, permettant à Ilek d’organiser sa défense. L’annonceur conteste, en second lieu, le bien-fondé des griefs soulevés, en mettant en avant la nécessité d’analyser les allégations critiquées à la lumière du parcours de navigation de l’internaute qui les consulte, et qui a pu prendre connaissance des informations nécessaires à la bonne compréhension de l’offre d’électricité verte proposée. Il précise enfin avoir modifié certaines allégations, portant notamment sur l’acheminement de l’électricité aux consommateurs ou sur le gaz bio.

5. Les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

Le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) a été saisi, entre le 12 et le 26 mars 2021, par plusieurs particuliers, de plaintes lui demandant de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de certaines publicités par lesquelles la société Ilek entend promouvoir son offre de fourniture d’électricité.

Par un avis délibéré le 7 mai, le Jury a rejeté ces plaintes estimant “que la publicité en cause ne méconnaît pas les dispositions du Code ICC et de la Recommandation « Développement durable » précités, notamment les principes de véracité et de loyauté”.

Cet avis fait l’objet, de la part d’un des plaignants initiaux, d’un recours en Révision, formé dans les délais, et fondé sur une critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) et/ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury”.

Par suite, et conformément au Règlement du JDP, le Réviseur s’est rapproché du Président du Jury et a procédé avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

La demande de Révision a été communiquée à l’ensemble des parties au litige pour permettre à chacune de faire valoir ses arguments au regard de cette demande.

A l’appui de sa critique de l’avis, le demandeur en Révision :

  • soutient que le Jury, “s’il a répondu aux griefs soulevés contre l’affichage, n’a pas répondu aux griefs soulevés concernant le site web” ;
  • estime que les publicités en cause constituent des manquements à plusieurs dispositions contenues dans le Code ICC et dans la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

L’annonceur ILEK, lui, s’oppose à la demande de Révision de l’avis, parce qu’il :

  • estime, à titre principal, “qu’aucun développement de son argumentation [celle du plaignant] ne concerne la publicité litigieuse” ;
  • soutient, à titre secondaire, que les critiques de fond adressées aux publicités en cause ne sont pas fondées.

A) Il convient donc en priorité de définir avec précision sur quels éléments publicitaires porte exactement le litige : quel est l’exact objet du débat ?

a) La plainte initiale – s’agissant de celle qui a été introduite devant le Jury par le demandeur en Révision – portait à la fois sur une affiche de la société ILEK (montrant deux photos d’une centrale d’électricité nucléaire) et sur le site Internet ILEK auquel l’affiche renvoie.

Le plaignant se prévalait d’ailleurs de cette connexité en faisant expressément valoir (en sa plainte initiale) que le “Jury considère qu’une référence à un site web dans une publicité permet de contester les allégations qui se trouvent sur ce site”.

Dans la réponse à cette plainte initiale que l’annonceur adressa ensuite au Jury, ILEK ne répondit qu’aux seules critiques de cette plainte portant sur l’affiche, sans aucune référence aux griefs adressés au site ILEK. (Le problème posé par le caractère partiel de cette réponse est abordé plus loin).

Comment le Jury, dans son avis, traite-t-il cette question ?

On observe que, dans la première partie de cet avis (où sont exposées “Les plaintes”), il n’est littéralement fait état que de l’affiche de ILEK contestée par le plaignant, et pas du tout des mentions à caractère publicitaire figurant sur le site de l’annonceur. Or il est incontestable (comme on vient de le voir) que la plainte initiale mettait en cause les allégations qui figurent aussi bien sur l’affiche d’ILEK que sur son site.

Toutefois, il ressort du texte de la suite de l’avis que :

  • dans la deuxième partie de cet avis (“Les arguments échangés”), les critiques du plaignant qui sont dirigés contre certaines mentions ou images figurant sur le site ILEK sont analysées minutieusement, le plus souvent dans les termes mêmes où ces critiques sont rédigées dans la plainte initiale du demandeur en Révision ;
  • dans sa troisième partie (“L’analyse du Jury”), l’avis, pour répondre au plaignant (et rejeter sa demande), fait référence, même de manière sommaire ou allusive, à certains éléments figurant sur le site d’ILEK.

De ces divers éléments il résulte que l’auteur de la demande en Révision est recevable et admis à contester la manière par laquelle le JDP a répondu à ses “griefs concernant le site web” d’ILEK.

b) Il n’est donc pas possible de faire droit à l’objection de l’annonceur quand il estime que le présent dossier ne concerne que la seule affiche ILEK et non le site internet.

On ne suivra donc pas ILEK quand il oppose une sorte d’irrecevabilité aux actions du plaignant, explicitement formulée ainsi : “si le plaignant considère que le site internet www.ilek.fr contient de nombreux textes publicitaires dont l’examen relèverait de la compétence du JDP, il lui appartenait de former une plainte séparément de la plainte concernant la publicité litigieuse [c’est à dire la seule affiche].

En effet, dès lors que la plainte initiale visait bien les deux supports de la publicité ILEK et dès lors en outre que l’une de ces deux publicités (l’affiche) renvoie à l’autre (le site), aucune raison n’oblige à introduire deux plaintes séparées.

c) l’annonceur soulève aussi un problème de procédure relatif à l’instruction du dossier lors du premier examen devant le Jury.

Il fait ainsi valoir que (lors de ce premier examen) son “argumentaire était limité à 2 pages seulement de sorte qu’il est matériellement impossible pour ILEK de se défendre et d’expliquer toutes les tournures de phrases employées sur son site internet”.

Il ressort en effet des pièces du dossier que la réponse d’ILEK aux plaintes initiales s’est bornée à deux pages, qu’elle n’a concerné que la seule affiche et qu’elle a totalement omis de répondre aux critiques portant sur son site.

Il est de fait, lors de l’instruction des plaintes devant le Jury, que, dans un souci de rapidité, de pragmatisme et d’efficacité, le Président du JDP – quand il transmet à un professionnel de la publicité la plainte dirigée contre son message – l’invite à “faire parvenir par écrit (courrier électronique) et sous une forme résumée, si possible sur 2 pages maximum, les principaux arguments de nature à éclairer le Jury sur la conformité de cette publicité aux règles déontologiques applicables, avant le… [date].

Ce format de “deux pages maximum” allégué par l’annonceur est seulement suggéré par le JDP et n’est donc nullement impératif (car assorti d’un “si possible”) ; ILEK pouvait donc dépasser cette dimension ou à tout le moins solliciter du Jury cette faculté.

Quoi qu’il en soit, le seul problème que pose cette question de procédure est de savoir si ILEK a été en mesure “de se défendre” (comme il l’écrit).

Tel est bien le cas en l’espèce, puisque la communication de la demande en Révision qui a été faite à toutes les parties a ainsi permis à ILEK d’avoir connaissance de tous les arguments du plaignant et par suite d’être en mesure d’y répondre (sans aucune limitation d’espace) – ce que cette société n’a d’ailleurs pas manqué de faire.

Sur ce point, il résulte donc que – contrairement à ce que pourrait laisser sous-entendre l’annonceur dans son mémoire en réponse au recours en Révision – le respect du contradictoire a été totalement assuré dans le présent litige.

d) enfin l’annonceur, pour écarter la demande de Révision, soutient que les “mentions figurant sur son site internet ilek.fr (…) ne présentent pas de lien avec la demande principale [pour lui, celle visant l’affiche]“.

Mais il ressort au contraire des pièces du dossier que, d’une part les deux supports publicitaires (l’affiche et le site) traitent de questions connexes, d’autre part l’affiche renvoie expressément les consommateurs vers le site, par la mention suivante : “Plus d’informations sur ilek.fr”

Pour l’ensemble des raisons qui précèdent, le demandeur, par son recours en Révision, est ainsi recevable et admis à contester la manière et le sens par lesquels le JDP a répondu à ses “griefs concernant le site web” de l’annonceur – ce qui nous amène au fond du dossier, et nous conduit à examiner les allégations publicitaires figurant notamment sur le site ILEK.

B) De ce point de vue, la demande de Révision reprend largement les critiques de la plainte initiale, estimant que l’avis contesté soit les a ignorés, soit les a rejetés à tort.

On les examinera donc successivement.

1) Le problème principal posé par ce dossier est celui des mentions “100 % renouvelable” ou “électricité verte” figurant sur l’affiche ou sur le site incriminés.

Sur ce point, il n’est pas contesté que, dans la pratique :

  • la totalité de l’énergie que se procure ILEK, celle qu’elle achète, provient de sources renouvelables ;
  • l’électricité que revend ILEK à ses consommateurs n’est pas différente du “bouquet (mix) énergétique” que dispensent les réseaux électriques.

a) Conformément à la doctrine constante du Jury, qui recoupe celle de l’ARPP et qui s’appuie sur les analyses du Médiateur national de l’énergie de la République française, on admettra donc que, même si l’électricité fournie par ILEK à ses consommateurs n’est pas différente du bouquet énergétique de ses concurrents, le fait qu’elle s’approvisionne exclusivement à des sources énergétiques “renouvelables” (et notamment hors énergie nucléaire) lui permet de se prévaloir de mentions publicitaires telles que “100 % renouvelable” ou “électricité verte” sans a priori enfreindre les règles déontologiques relatives à la loyauté ou à la véracité.

C’est ce qu’a estimé à juste titre le Jury.

Il a cependant pris grand soin, notamment dans ses développements sur les “dispositifs complexes”, de préciser que toutefois le caractère “extensif” d’une telle interprétation “interdit à [un] annonceur d’induire en erreur le public, ce qui serait le cas s’il prétendait, par exemple, que l’électricité effectivement consommée par les clients du fournisseur provient exclusivement d’énergies renouvelables”.

Et c’est là où se situe le nœud (principal) du litige qui nous est soumis.

Il nous faut vérifier jusqu’à quelles limites l’usage de mentions telles que “électricité verte” ou “100 % renouvelable” peut être admis sans enfreindre les règles déontologiques relatives à la loyauté ou à la véracité, plus généralement sans induire en erreur le public.

b) A l’appui de sa demande de Révision, le plaignant estime que plusieurs allégations inscrites sur le site de l’annonceur sont rédigées ou présentées de manière telle qu’un consommateur non averti, convaincu qu’ILEK n’achète que des énergies renouvelables, pourrait de bonne foi en déduire que ILEK ne lui fournit que des énergies renouvelables, alors que – comme on l’a vu plus haut – cette société ne peut lui vendre, à chaque instant, qu’une électricité correspondant au bouquet énergétique du moment.

En d’autres termes, le problème peut être posé de la manière suivante.

– D’un côté, on peut admettre qu’un revendeur d’électricité soit autorisé à recourir à des mentions telles que “100 % renouvelable” ou “électricité verte” à partir du moment où il se fournit à des sources énergétiques renouvelables ; cela se justifie par le fait que dans l’action qu’il maîtrise ou qu’il finance (l’achat d’énergies) il se conforme à ses allégations.

En outre, le fait d’autoriser une telle extrapolation publicitaire peut aussi avoir pour conséquence bénéfique que plus les consommateurs achèteront de l’électricité 100 % renouvelable, plus la quantité d’énergie renouvelable sera importante sur le réseau.

– D’un autre côté, on mesure à l’inverse les dangers de cette hyperbole publicitaire : par la confusion qu’elle suscite dans l’esprit d’un consommateur peu averti, elle peut donner à penser que c’est l’électricité fournie par le revendeur (et pas seulement celle qui est achetée par lui) qui est “100 % renouvelable” ou “verte”.

Toute formulation conduisant à une telle interprétation, à un tel glissement de sens, ne pourrait alors être que qualifiée de “trompeuse” ou comme étant “de nature à induire en erreur” le consommateur.

Elle aurait au surplus pour effet d’encourager les consommateurs à surconsommer (ceux-ci pouvant penser, à tort, que les conséquences environnementales de leurs dépenses d’électricité sont nulles ou faibles) ; elle serait aussi de nature à fausser la concurrence entre fournisseurs ; enfin, d’un point de vue sociétal, elle présente le danger de dissimuler la gravité des enjeux climatiques aux yeux des consommateurs, dès lors que ceux-ci seraient incités à croire que la plupart des énergies électriques sont vertes ou renouvelables.

De cette confrontation d’arguments opposés, il résulte, comme l’explique avec précision l’avis contesté, que la “doctrine” extensive à laquelle se réfère le Jury ne doit pas conduire à “induire en erreur le public”.

Il revient donc au Jury et au Réviseur de procéder, au cas par cas, à une appréciation de la manière dont une publicité peut être perçue par le public, au regard de ces considérations diverses et opposées.

c) Au cas particulier ILEK, le plaignant, s’appuyant sur le raisonnement du Jury (qu’il ne conteste pas) mais en le retournant à l’appui de sa demande, soutient que le site de l’annonceur “induit bien en erreur le public en lui faisant croire que l’énergie qu’il consomme provient exclusivement d’énergies renouvelables”.

A l’appui de sa démonstration, il cite notamment l’un des messages présents sur le site ILEK ainsi rédigé : “en rejoignant le fournisseur d’électricité ILEK, vous pouvez choisir quel producteur d’électricité renouvelable alimentera votre logement. Vous savez d’où vient l’énergie [en caractères gras sur le site] qui vous éclaire…”.

Sur les autres captures d’écrans du site ILEK produites par le plaignant en Révision, on lit également les mentions suivantes revendiquées par l’annonceur :

  • “nous pensons que savoir d’où vient l’énergie qui alimente nos maisons est essentiel pour vous comme pour nous”.
  • “L’électricité commercialisée sur Ilek a été produite par un producteur français partenaire : celui que vous aurez choisi.
  • “vous savez d’où vient l’énergie qui vous éclaire…”.
  • Notre énergie est renouvelable, locale, au prix juste”.
  • Choisir l’origine de son énergie”.

Enfin, sur les captures d’écran figurant dans la plainte initiale, on peut notamment lire aussi :

  • “Lorsque vous passez chez ILEK, chaque unité d’électricité que vous utilisez correspond à une unité produite et achetée sur le réseau par une source renouvelable (…)”.
  • “L’ensemble de nos clients ont une électricité 100 % renouvelable en circuit court.”

[Signalons que les mots soulignés dans les citations ci-dessus le sont par le Réviseur, au soutien de son argumentation]

Le Réviseur estime donc que – compte tenu de leur accumulation sur le site ILEK et de leur rédaction non dépourvue de confusion, notamment entre achat et distribution d’électricité – ces diverses mentions, en raison de leur multiplication et de leur ambiguïté sémantique, sont de nature à induire les consommateurs en erreur et qu’à ce titre elles constituent des manquements aux articles 1, 4, 5, 6 et D1 du Code de la Chambre de commerce internationale ICC “Publicité et marketing” et du point 9 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

Pour prendre la mesure des conséquences de cette confusion, indiquons que si, en 2019, l’électricité verte représente 100 % des énergies qu’achète ILEK, cette même électricité verte ne couvre que 27 % de la consommation totale d’électricité en France (Source : Panorama de l’électricité renouvelable au 31 décembre 2020 – RTE). Ce très grand écart mesure les risques de distorsion ou de confusion dont peut être victime le public par suite de messages par trop ambigus.

c) Pour être complet sur ce point crucial du débat, on ne retiendra pas l’argument de l’annonceur quand il estime que la plainte “découpe les mentions figurant sur le site ILEK de manière artificielle en les sortant de leur contexte”.

En effet, le “cheminement” qu’ILEK attribue (ou prête) au consommateur pour parcourir son site n’est qu’une pure hypothèse de “lecture” de ce site, que rien n’oblige ledit consommateur à suivre.

En tout état de cause, les diverses allégations figurant dans un message publicitaire peuvent être perçues par le public, et donc appréciées par le Jury, en fonction de leur contenu intrinsèque et de la signification qu’elles expriment ; ce n’est évidemment pas à l’annonceur d’imposer leur schéma de lecture au public.

d) On ajoutera encore que, dans sa réponse au recours en Révision, ILEK reconnaît expressément, confirmant ainsi ce que soutient le plaignant :

  • “que l’électricité qui arrive dans la prise électrique du domicile [d’un consommateur] n’est pas directement celle achetée par ILEK auprès des producteurs mais bien achetée sur le réseau” ;
  • qu’il “est évident que l’électricité qui circule sur le réseau ne peut être différenciée, lorsqu’elle est acheminée vers le consommateur, selon sa nature et son origine”.

C’est donc bien en raison de cette indifférenciation de distribution, reconnue par l’annonceur, que les allégations d’ILEK critiquées peuvent, à tort, donner à penser au consommateur que l’électricité distribuée par ILEK est, comme celle qu’achète cette société, “100 % renouvelable”.

e) Enfin, et toujours afin d’écarter les critiques du plaignant, ILEK soutient que, depuis le dépôt de la plainte initiale devant le Jury, “une partie de la mention critiquée a été modifiée afin que le public ne puisse aucunement être induit en erreur sur le fait qu’il puisse choisir l’électricité qui alimente directement son foyer”.

On observera que cette modification opérée par l’annonceur, à son initiative, revient à admettre que sa publicité initiale risquait (comme il le reconnaît lui-même) d’induire en erreur le public.

Mais cette modification, en raison de son caractère postérieur à la plainte initiale, est par suite sans influence sur la conformité de la publicité – laquelle doit s’apprécier au moment où la plainte est déposée devant le Jury.

Le Jury, pas plus que le Réviseur, ne peuvent en effet se prononcer sur une publicité ensuite modifiée par l’annonceur ; la conformité de cette dernière ne pourrait être appréciée qu’à l’occasion d’une nouvelle saisine du Jury, afin de permettre à ce litige d’être instruit en suivant toute la procédure prévue au Règlement du JDP, pour notamment respecter toutes les exigences du contradictoire.

Au total, ces manquements aux articles 1, 4, 5, 6 et D1 du Code de la Chambre de commerce internationale ICC “Publicité et marketing” et du point 9 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP étant, du point de vue du Réviseur, établis – on peut aborder les autres critiques soulevées dans la demande de Révision.

2) Trois griefs du plaignant visent les allégations ILEK sur l’énergie nucléaire.

a) Le plaignant conteste d’abord que les énergies fossiles et le nucléaire (en dépit des grandes différences qui apparaissent dans leur “bilan carbone”) soient pour autant rangées par les publicités ILEK dans une même catégorie. Mais on observera que ce fait n’est pas critiquable dès lors que l’annonceur ne regroupe ces énergies différentes que dans le seul but de mieux les opposer aux énergies “renouvelables” auprès desquelles ILEK se fournit en exclusivité.

Par suite, cette “assimilation” ne peut – comme le Jury l’a estimé à juste titre – être considérée comme ayant pour effet de dénigrer la technique concurrente de production que constitue l’énergie nucléaire.

b) Le plaignant reproche ensuite à la publicité ILEK de considérer que l’énergie nucléaire serait fossile et fissile – ce qui constitue selon lui une erreur.

Il est de fait que deux formulations du site ILEK peuvent apparaître ambiguës à cet égard.

Mais ces maladresses de rédaction sont sans réelle influence sur le litige en cause dès lors que les publicités critiquées ont pour seul objet de rappeler aux consommateurs qu’ILEK n’achète aucune énergie nucléaire – ce qui n’est pas contesté.

c) Le plaignant enfin fait valoir des manquements aux articles 11 & 12 du Code ICC (comparaisons et dénigrement) quand le site ILEK affirme “Valoriser les énergies renouvelables plutôt que les énergies fossiles et fissiles (nucléaire entre autres) fait partie des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique. [les mots soulignés dans la phrase précédente le sont par le Réviseur].

Sur ce dernier point, les chiffres d’émission de CO 2 fournis par le plaignant, tirés de documents ADEME, et non contestés par l’annonceur, conduisent en effet à constater le manquement allégué à l’article 11 du Code ICC (“les éléments de comparaison doivent s’appuyer sur des faits objectivement vérifiables…”).

3) Sur “l’impact Carbone”, le plaignant critique ILEK qui annonce des “gains d’émission de CO2 pour ses consommateurs” mais qui cependant “ne fournit pas sa méthodologie de calcul”.

Ce grief serait recevable si la plaignant fournissait un début d’indications ou d’explications suggérant que les chiffres fournis par l’annonceur seraient manifestement erronés ou grossièrement biaisés.

4) Les deux dernières critiques du plaignant visent le Gaz dit “bio” (ou “gaz vert”).

a) Au titre du premier reproche, le plaignant fait grief au site ILEK d’induire le public en erreur en lui faisant croire qu’il peut savoir d’où vient l’énergie qui alimente nos maisons.

On observe que ce grief s’inscrit dans la même logique que celui développé ci-dessus (§B- 1) et tiré de la confusion qui peut résulter pour le consommateur entre achat et vente d’énergie ; d’ailleurs le plaignant reconnait lui-même la similitude entre les deux arguments.

Ce reproche est donc, de l’avis du Réviseur, justiciable de la même appréciation que ci-dessus (savoir considéré comme un manquement à la déontologie applicable).

On ne pourra pas, en effet, retenir l’argumentation d’ILEK quand il fait valoir que son site indique aux consommateurs que “en choisissant l’offre de gaz bio d’ILEK, chaque unité de gaz que vous utilisez correspond à une unité qui a été produite et achetée sur le réseau français” ; après quoi ILEK poursuit son raisonnement en soutenant qu’“ainsi le consommateur est clairement informé que le gaz alimentant son domicile n’est pas directement acheté par ILEK mais correspond à une unité achetée”.

Il ressort de la manière dont l’annonceur tente ainsi de jouer sur l’ambiguïté du vocable “correspond”, que la subtilité même de cette ambiguïté est de nature à induire en erreur un public normalement averti – ainsi que le soutient la demande de Révision, laquelle devra donc être également accueillie sur ce point.

b) Au titre du second grief sur le gaz vert, le Réviseur estime que c’est à bon droit que le plaignant conteste deux allégations du site ILEK :

  • celle qui affirme que le gaz bio (ou vert), issu de la fermentation de matières organiques, “ne contribue pas à l’augmentation des gaz à effet de serre”, est en effet trompeuse, ce gaz ayant un bilan carbone estimé à 44,1 g CO 2/kWh, contre 6 g pour l’électricité nucléaire, soit 7 fois moins (Source : ADEME) ;
  • dans le même esprit, est critiquable l’affirmation du site ILEK selon laquelle “cette énergie renouvelable non fossile [le gaz bio] est considérée comme étant neutre en CO 2″.

Par suite, ces allégations, pour secondaires qu’elles puissent paraître, seront néanmoins considérées comme contraires à l’article 5 du Code ICC.

L’annonceur reconnaît d’ailleurs la pertinence de la critique du plaignant sur ces deux points puisqu’il indique avoir, postérieurement à la plainte initiale, supprimé les deux allégations litigieuses de son site selon lesquelles le gaz bio (ou vert), d’une part est considéré “comme étant neutre en CO 2”, d’autre part “ne contribue pas à l’augmentation des gaz à effet de serre”.

Là encore les corrections apportées a posteriori par l’annonceur à ses deux allégations confirment le bien-fondé de la plainte initiale, réitérée en Révision, sur le manquement à l’article 5 du Code ICC.

Mais ces corrections ne peuvent en tout état de cause être prises en compte pour apprécier la conformité des publicités litigieuses au moment de la saisine du Jury.

C) Pour conclure, le Réviseur de la Déontologie Publicitaire demande au JDP de bien vouloir :

a) déclarer recevable le recours en Révision présentée par le plaignant ;

b) procéder à une nouvelle et seconde délibération sur cette affaire ;

c) déclarer que les éléments publicitaires en litige méconnaissent les points 1, 4, 5, 6, 11 et D1 du Code de la Chambre de commerce internationale ICC “Publicité & marketing” et le point 9 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP ;

d) prendre acte des modifications apportées par l’annonceur à certaines de ses allégations ;

e) modifier son avis initial dans le sens des observations qui précèdent.

6. Les observations présentées à la suite de la révision

Lors de la séance du 3 septembre 2021, la société Ilek a rappelé que la plainte initiale complète n’avait pas été transmise et que celle-ci ne comportait pas de grief contre le site dans son entier. Elle a en outre insisté sur l’impossibilité logique de critiquer une allégation de façon isolée, sans tenir compte des autres contenus accessibles sur le site et de ce que ce dernier se conçoit comme un cheminement, un parcours obligé. Ainsi, les allégations critiquées se situent aux niveaux 3 et 4 du site, ce qui suppose que l’internaute a consulté des pages des niveaux 1 et 2.

La société a en outre contesté l’observation du Réviseur selon laquelle les modifications apportées au site postérieurement aux plaintes traduiraient une reconnaissance des manquements. La société a seulement entendu clarifier les mentions et éviter ainsi toute polémique inutile.

Elle a par ailleurs confirmé que le bio gaz ne contribue pas à l’augmentation des GES comme le fait le gaz naturel.

Enfin, elle a rappelé que le métier de fournisseur d’électricité relève de l’achat-revente et que les consommateurs ne peuvent l’ignorer.

7. L’avis définitif du Jury

7.1. Sur les règles applicables

Le Jury rappelle qu’il résulte du code de la Chambre de commerce internationale ICC « Publicité et marketing », dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, que :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing.

 Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération.

 Article 5 – Véracité

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…)

Article 6 – Justification 

Toute description, assertion ou illustration relative à un fait vérifiable dans une communication commerciale doit pouvoir être étayée. Les revendications, qui affirment ou impliquent qu’un niveau ou un type particulier de preuve existe, doivent présenter au moins le niveau de justification annoncé. Cette justification doit être disponible de telle sorte que la preuve puisse être apportée sans délai et sur simple demande aux organismes d’autorégulation responsables de la mise en œuvre du Code.

Article 11 – Comparaisons 

La communication commerciale contenant une comparaison doit être conçue de telle sorte que la comparaison ne soit pas de nature à induire en erreur le consommateur et elle doit respecter les principes de la concurrence loyale. Les éléments de comparaison doivent s’appuyer sur des faits objectivement vérifiables et qui doivent être choisis loyalement.

Article 12 – Dénigrement

La communication commerciale ne doit pas dénigrer une quelconque personne ou catégorie de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ou tenter de lui attirer le mépris ou le ridicule public. »

En outre, l’article D1, relatif à une présentation honnête et véridique, prévoit notamment que « La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas profiter abusivement de l’intérêt des consommateurs pour l’environnement ou exploiter leur éventuel manque de connaissance sur l’environnement. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation ou aucun traitement visuel de nature à induire en erreur les consommateurs de quelque manière que ce soit quant aux aspects ou aux avantages environnementaux de produits ou quant à des actions entreprises par le professionnel en faveur de l’environnement. »

Et l’article D3, relatif aux allégations comparatives, précise que :

« Toute allégation comparative doit être spécifique et la base de la comparaison doit être claire. Une supériorité environnementale par rapport à la concurrence doit uniquement être alléguée lorsqu’un avantage substantiel peut être démontré. Les produits comparés doivent répondre aux mêmes besoins et être destinés à la même finalité.

Les allégations comparatives, que la comparaison concerne un processus ou un produit antérieur du même professionnel ou bien ceux d’un concurrent, doivent être formulées de manière à faire clairement apparaître si l’avantage allégué est absolu ou relatif.

Les améliorations apportées à un produit et à son emballage doivent être présentées séparément et ne doivent pas être fusionnées conformément au principe selon lequel les allégations doivent être spécifiques et se rapporter clairement au produit, à son emballage ou à l’un de leurs ingrédients. »

Le Jury rappelle par ailleurs que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre des « impacts éco-citoyen » (point 1 ) :
    • « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique, etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables.

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4):
    • « l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • au titre du « vocabulaire » (point7):
    • « les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;
    • lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition ;
    • dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ;
    • les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »

– au titre des dispositifs complexes (point 9) : « Certains dispositifs reconnus peuvent reposer sur des démonstrations très techniques ou sur des montages complexes dans lesquels le bénéfice en matière de développement durable est indirect (ex. dispositifs dits “électricité verte”, “compensation carbone”, “Investissement Socialement Responsable”, etc.). Lorsque la publicité fait référence à ce type de dispositif : /

  • 1 Elle doit veiller à ne pas induire le public en erreur sur la portée réelle du mécanisme./
  • 2 Si elle utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public les explications nécessaires, aux conditions définies par l’article 4.4 de ce texte. (…) ».

7.2. Sur l’application de ces règles aux offres d’électricité verte

Ainsi que le rappelle l’ADEME dans son avis de décembre 2018 consacré aux « offres d’électricité verte », l’électricité verte désigne « une électricité produite à partir de sources renouvelables, c’est-à-dire principalement les énergies hydraulique, éolienne, solaire, et les énergies issues de la biomasse ». Dans la mesure où, une fois qu’elle est injectée sur le réseau électrique, l’origine de l’électricité ne peut plus être identifiée, il est impossible de savoir et d’affirmer que l’électricité produite par tel producteur (à partir de sources fossiles, nucléaires ou encore renouvelables – dite EnR) alimente tel consommateur. Il est seulement possible d’affirmer qu’un producteur donné a injecté telle quantité d’électricité sur le réseau. L’ADEME indique ainsi que « il n’est donc pas possible de prouver à un consommateur raccordé au réseau public que l’électricité qu’il consomme provient d’une installation EnR donnée. Par contre, il est possible de lui garantir que cette installation a injecté sur le réseau électrique une quantité d’électricité permettant de répondre à sa consommation. Cette garantie est apportée par un outil de traçabilité de l’origine de l’électricité : les Garanties d’Origine (GO) ». Dans tous les cas, l’électricité qu’utilise concrètement le client d’un fournisseur d’électricité, quel qu’il soit, correspond toujours au « mix électrique » du moment, composé majoritairement d’électricité de source nucléaire, en France. Il ne peut en aller différemment que pour les (rares) installations qui seraient directement raccordées à un producteur d’électricité renouvelable, sans injection sur le réseau national (de la même façon qu’un particulier peut consommer sa propre électricité, produite par des panneaux photovoltaïques reliés à son installation électrique, par exemple).

Les offres dites d’« électricité verte » sont celles qui garantissent au consommateur qu’une quantité d’électricité renouvelable égale à sa consommation a été injectée sur le réseau électrique européen. Un fournisseur d’électricité verte peut donc acheter de l’électricité auprès de n’importe quelle installation, renouvelable ou non, pourvu qu’il détienne une quantité de garanties d’origine (GO) égale à la consommation annuelle des clients de cette offre. L’ADEME distingue à cet égard deux catégories d’offres d’électricité verte :

  • Les offres « standard » : il s’agit de l’offre la plus courante qui implique l’achat séparé, sur le marché, de l’électricité et des GO, le plus souvent d’installations hydrauliques européennes. Le consommateur ne contribue à la rémunération de producteurs EnR qu’à travers l’achat des GO ;
  • et les offres « premium » : elle implique l’achat direct au même producteur de l’électricité renouvelable et des GO. En règle générale, il s’agit de petits producteurs français. Le consommateur contribue à la rémunération de producteurs EnR non seulement via l’achat des GO, mais aussi avec l’achat de l’électricité, dans le cadre d’un contrat d’achat de long terme, plus avantageux pour le producteur. Le client a la garantie que le montant de la facture qu’il acquitte auprès du fournisseur revient intégralement – sous réserve de la rémunération de ce fournisseur – à des producteurs d’énergie renouvelable déterminés, et non à d’autres producteurs. Pour autant, l’électricité du réseau qu’il utilise au quotidien est toujours celle du « mix électrique ».

Le Jury relève que le point 9 de la Recommandation « Développement durable » range ce dispositif d’électricité verte parmi les « dispositifs complexes ». Il en résulte que les règles déontologiques en vigueur n’exigent pas que chaque publicité en faveur d’une offre d’électricité verte en explicite dans le détail le mode de fonctionnement, les avantages et les inconvénients. Il est seulement interdit à l’annonceur d’induire en erreur le public sur les caractéristiques d’un tel dispositif ou de minimiser l’impact environnemental de la consommation d’électricité.

Tel est le cas s’il prétend, par exemple, que l’électricité effectivement consommée par les clients d’une telle offre provient exclusivement d’énergies renouvelables ou d’une installation EnR déterminée. En effet, une telle présentation serait factuellement erronée dès lors que, ainsi qu’il a été dit précédemment, il est impossible techniquement de distinguer l’origine de l’électricité consommée. Elle serait d’autant plus dommageable qu’elle pourrait inciter les clients à surconsommer de l’électricité, en croyant à tort que l’impact environnemental d’un tel comportement est limité voire négligeable eu égard au caractère renouvelable de la source d’électricité, alors que cette consommation requiert en réalité le fonctionnement des installations non renouvelables, y compris, en période de pointe, de centrales thermiques particulièrement polluantes, le cas échéant via l’importation d’électricité produite à l’étranger.

Induirait également en erreur le public le fournisseur d’une offre d’électricité verte « standard » qui allèguerait que les sommes dont s’acquitte le client rémunèrent un  producteur d’électricité renouvelable déterminé, dans le cadre d’un contrat d’achat direct.

7.3. Sur la conformité aux règles déontologiques de l’affiche publicitaire

Le Jury relève que l’affiche publicitaire en cause représente deux fois la même photographie de tours aéro-réfrigérantes de centrales nucléaires émettant de la vapeur d’eau. Un message est apposé sur chacune des photographies identiques, à gauche « Electricité », à droite « Electricité verte ». Sous ces visuels, un bandeau indique « Un mot ne suffit pas pour être vert », puis « Sur ilek.fr, l’énergie est 100% renouvelable et ne vient pas de centrales nucléaires ».

En premier lieu, le Jury constate que la mention « 100 % renouvelable » est précédée du renvoi à ilek.fr, site de la société, et suivie d’un astérisque qui renvoie à une note explicative en bas de la publicité selon laquelle « Ilek s’approvisionne auprès de producteurs d’énergies renouvelables indépendants et basés en France (…) Plus d’informations sur ilek.fr ». Sur ce site sont exposées les conditions de fourniture d’électricité notamment en ces termes « La quantité d’électricité qu’Ilek a achetée en fonction de la source : éolienne, solaire ou hydroélectrique, est contrôlée ».

Conformément à sa doctrine constante, le Jury considère que la notion d’« énergie renouvelable », comme celle d’ « électricité verte », désigne clairement l’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables, sans induire le public en erreur. Or Ilek s’approvisionnant auprès de producteurs éoliens, hydroélectriques et de biométhane, il est constant que la totalité de la production qu’il finance est renouvelable.

En l’espèce, le Jury retient que la note explicative figurant en bas de la publicité fait explicitement référence à l’approvisionnement d’Ilek par ses producteurs partenaires, et non à la fourniture d’électricité par l’entreprise. La publicité entend ainsi distinguer les fournisseurs qui, comme Ilek, financent exclusivement la production d’énergies renouvelables, de ceux qui achètent également de l’énergie d’origine nucléaire, tout en se présentant abusivement comme « verts ». Le Jury estime, dans ces conditions et à la lumière du point 9 de la Recommandation, que les règles déontologiques précitées ne sont pas méconnues et que le public n’est pas induit en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ou sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable au sens des articles 5 et D1 du code ICC.

En second lieu, le Jury constate que les photographies des cheminées aéro-réfrigérantes renvoient sans ambiguïté à la production d’énergie nucléaire. La mention de qualificatifs différents sur deux images identiques a précisément pour objet de dénoncer l’utilisation d’une qualité telle qu’« énergie verte » à propos d’une énergie provenant d’une source non renouvelable, comme l’est le nucléaire. En proposant l’allégation selon laquelle Ilek s’approvisionne en énergie qui « ne vient pas de centrales nucléaires », la société entend se distinguer des fournisseurs qui s’approvisionnent également en électricité d’origine nucléaire.

Le Jury considère que la base de la comparaison entre les sources d’énergie nucléaires et les sources d’énergie « vertes » est suffisamment claire dans la publicité. Il estime que les informations dont il est justifié concernent les sources, renouvelables ou non, de l’énergie et qu’à ce titre les énergies « fossiles » et « nucléaire » peuvent être classées ensemble dans la seconde catégorie sans méconnaître les articles 4, 5 et 6 du code ICC.

Le Jury déduit de ce qui précède que la comparaison factuelle mise en œuvre dans l’affiche vise à exposer les particularités d’une société qui revendique un approvisionnement sans énergie nucléaire, sans évoquer les autres aspects des productions d’énergie, éolienne ou gaz « bio », notamment en termes de bilan carbone.

Le Jury considère que les allégations figurant sur l’affiche n’ont ni pour objet ni pour effet de dénigrer la technologie concurrente de production d’électricité nucléaire, au sens des articles 11, 12 et D3 du code ICC précité, mais seulement de mettre en exergue, aux yeux des consommateurs, que l’électricité verte est une appellation réservée à l’énergie renouvelable.  Il considère que la comparaison n’est pas de nature à créer une confusion dans l’esprit du public, ni à induire en erreur le consommateur non averti au sens des points 1 et 2 de la Recommandation « Développement durable ».

Pour l’ensemble des raisons précédemment indiquées, le Jury considère que l’affiche publicitaire litigieuse, qui ne fait par ailleurs l’objet d’aucun grief dans le cadre de la demande de révision, ne méconnaît aucune des règles déontologiques invoquées.

7.4. Sur la conformité aux règles déontologiques d’allégations figurant sur le site internet ilek.fr

Le Jury constate que l’une des plaintes dont il a été initialement saisi met en cause le site internet d’Ilek. Sa rédaction n’est certes pas dépourvue d’ambiguïté dès lors qu’elle rappelle, dans un premier paragraphe, que la société Ilek « a fait paraître une publicité (reproduite en page 9 de ce document) pour leur offre de fourniture d’électricité en affichage » et que « cette publicité viole le code ICC et les recommandations développement durable pour les raisons ci-après exposées ». L’affiche en cause est annexée à cette plainte et c’est clairement à elle que fait référence le paragraphe introductif de la plainte. Toutefois, le Jury constate que cette plainte, à la différence de celles dont il a été parallèlement saisi, comportait aussi plusieurs captures d’écran du site internet d’Ilek faisant l’objet de griefs de nature déontologique et d’une argumentation propre, et lui demandait in fine de la déclarer fondée tant pour l’affiche que pour les « allégations sur son site web ». Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient Ilek, il y a lieu d’examiner la conformité de ces allégations aux règles déontologiques invoquées, à la suite de la demande de révision introduite par ce même plaignant.

En premier lieu, l’allégation selon laquelle « Vous pouvez choisir quel producteur d’électricité renouvelable alimentera votre logement. Vous savez d’où vient l’énergie qui vous éclaire (…) » établit un lien direct entre le producteur d’énergie renouvelable rémunéré par Ilek à la demande de son client et l’utilisation par ce dernier de l’électricité produite par l’installation ainsi financée, en méconnaissance du point 9 de la Recommandation « Développement durable », dans sa portée explicitée au point 6.2. du présent avis.

Les allégations figurant sur d’autres pages du site internet, que l’annonceur met en avant pour démontrer que l’internaute n’est pas susceptible de se méprendre (notamment celle selon laquelle chaque unité d’électricité utilisée « correspond » à une unité qui a été produite et achetée sur le réseau), ne l’autorisent pas à recourir au raccourci litigieux, qui est en soi trompeur, d’autant que la plupart d’entre elles ne présentent pas elles-mêmes un caractère très explicite et qu’aucun renvoi expresse n’y est fait, comme l’exige le point 4 de la Recommandation « Développement durable », qui renvoie à la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP. Au surplus, le Jury considère que le cheminement contraint qui résulte de l’architecture du site ne constitue pas une garantie suffisante que les internautes ont effectivement pris connaissance des contenus susceptibles d’éclairer la portée des allégations litigieuses, alors en outre que les pages qui les contiennent sont référencées et restent accessibles directement par le biais d’un moteur de recherche.

Enfin, eu égard aux particularités du dispositif de l’électricité verte, qualifié de « dispositif complexe » par cette Recommandation, il ne peut être soutenu, comme le fait Ilek, que le consommateur moyen saurait parfaitement que l’électricité circulant sur le réseau ne peut être différenciée selon sa nature et son origine. Il appartient au contraire aux prestataires de ces offres de fournir aux destinataires de leurs publicités des informations suffisamment claires à cet égard ou, à tout le moins, de ne pas l’induire en erreur par des formulations équivoques comme celles en cause.

Le Jury prend note que la formulation litigieuse a été modifiée afin de préciser sur cette page que le volume d’électricité consommé est « compensé » par l’injection d’une même quantité d’énergie renouvelable sur le réseau et que le client sait quelle énergie et quel produit il soutient.

La même conclusion doit être tirée pour ce qui concerne l’approvisionnement en gaz. En effet, à l’instar de l’électricité, il n’est pas possible de distinguer, au sein du gaz naturel alimentant un client, la part d’origine renouvelable, de sorte qu’il ne peut être garanti au souscripteur d’une offre « verte » que ce dernier ne consommera effectivement que du bio gaz. Or l’une des pages litigieuses comporte une citation prêtée à un producteur partenaire d’Ilek selon laquelle « Nous pensons que savoir d’où vient l’énergie qui alimente nos maisons est essentiel pour vous comme pour nous ». Une telle présentation, qui ne fait l’objet d’aucune mention rectificative sur la page ou d’un renvoi à une autre page, est là encore de nature à induire en erreur le public.

En deuxième lieu, le Jury estime, pour les raisons indiquées au point 6.3., que le site web d’Ilek peut, sans méconnaître les règles déontologiques invoquées, ranger l’électricité produite à partir de matières fossiles avec l’électricité d’origine nucléaire dès lors qu’il s’agit de mettre en évidence leur caractère non renouvelable.

En revanche, il considère que l’allégation selon laquelle « valoriser les énergies renouvelables plutôt que (…) l’énergie nucléaire fait partie des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique », au même titre que le remplacement des énergies fossiles, est de nature à induire en erreur le public quant à l’impact carbone respectif de ces modes de production d’électricité. En effet, selon le site « bilans-ges » de l’ADEME, les émissions de CO2 imputables au nucléaire seraient de l’ordre de 6 gCO2e/kWh en France (et 12 gCO2e/kWh selon le GIEC), contre 14 à 15 gCO2e/kWh pour l’éolien et 43,9 gCO2e/kWh pour le photovoltaïque. Est également citée une étude faisant état d’émissions de 13 gCO2e/kWh pour l’hydroélectricité et entre 14 et 41 gCO2e/kWh pour la biomasse, selon le cas. Les émissions imputables aux énergies fossiles sont très sensiblement supérieures. Ces ordres de grandeur, repris dans la plainte, ne sont pas contestés par l’annonceur. Le Jury relève d’ailleurs que, si la stratégie française pour l’énergie et le climat promeut les énergies renouvelables et ambitionne de réduire la part du nucléaire à 50 % dans la production électrique à l’horizon 2035, elle ne le justifie pas par l’impact du nucléaire sur le réchauffement climatique, mais par l’enjeu de résilience aux chocs externes notamment. Dans ces conditions, cette dernière allégation est contraire aux règles déontologiques précitées, en particulier à l’article 11 du code ICC relatif aux comparaisons.

S’agissant, en troisième lieu, de l’impact carbone de l’offre d’électricité verte d’Ilek comparé à celui du mix énergétique français, le Jury constate que la méthodologie de calcul est explicitée sur le site internet de l’annonceur. Ce dernier compare les émissions moyennes d’un ménage français résidentiel, en appliquant les émissions afférentes au mix énergétique, avec les émissions d’un ménage consommant de l’énergie éolienne et hydraulique, sur la base des données de l’ADEME. Ni la plainte initiale, ni la demande de révision n’apporte d’élément permettant de réfuter cette méthodologie de calcul. Dans ces conditions, ce grief  ne saurait être retenu.

En quatrième lieu, l’annonceur indique lui-même, en réponse à la demande de révision, que la consommation de biogaz « émet moins de gaz à effet de serre que consommer du gaz naturel traditionnel issu de sources d’énergies fossiles » et se réfère au site de GRDF selon lequel le « gaz vert a un contenu carbone 10 fois inférieur au gaz naturel ». Il résulte de ces éléments qu’un annonceur ne saurait, sans méconnaître le principe de véracité, prétendre que le bio gaz « ne contribue pas à l’augmentation des gaz à effet de serre » et est « neutre en CO2 », mais seulement, le cas échéant, qu’il contribue moins que d’autres sources ou qu’il est faiblement contributeur. Par conséquent, ces allégations, qui figuraient sur le site internet d’Ilek avant sa modification récente, méconnaissent cette règle déontologique.

En cinquième et dernier lieu, le Jury constate que, si la demande de révision ne revient pas sur l’allégation selon laquelle « L’ensemble de nos clients ont une électricité 100 % renouvelable en circuit court », celle-ci se réfère de manière générale aux griefs de la plainte initiale, dont le Jury est au demeurant saisi de plein droit, sauf dans le cas où le plaignant les a expressément abandonnés. Il y a donc lieu de répondre sur ce point.

Le Jury estime que la notion de « circuit court » est de nature à induire en erreur le public sur la réalité du dispositif d’électricité verte. En effet, l’alimentation des clients d’Ilek s’effectue selon le même « circuit » que pour les clients d’autres fournisseurs d’électricité, verte ou non, c’est-à-dire par injection de l’électricité sur le réseau général qui approvisionne les foyers sur la base du mix énergétique. L’expression « circuit court » donne à l’inverse le sentiment d’une électricité fournie directement « du producteur (EnR) au consommateur (Ilek) », sans la moindre altération du produit d’origine ni intermédiation, ce qui n’est pas le cas.

7.5. Conclusion

Il résulte de tout ce qui précède que :

  • les plaintes doivent être rejetées en ce qu’elles critiquent l’affiche publicitaire ;
  • certaines des allégations critiquées figurant sur le site web d’Ilek, dans sa version à la date d’introduction de la seule plainte qui les met en cause, méconnaissent les règles déontologiques figurant aux points 1, 4, 5, 6, 11 et D1 du code ICC, ainsi que 4 et 9 de la Recommandation « Développement Durable», dans les limites et pour les raisons exposées au point 7.4.

Avis adopté le 3 septembre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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