IKKS – Jesus & Gabriel – Internet – Plaintes fondées

Avis publié le 6 décembre 2021
IKKS – 785/21
Plaintes fondées 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Ikks et de l’agence Jesus & Gabriel, par visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 9 et 10 septembre 2021, de deux plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur le site Internet de la société Ikks et sur les réseaux sociaux, pour promouvoir sa collection de vêtements pour hommes et femmes.

La vidéo publicitaire en cause montre des images en noir et blanc d’hommes, de femmes et d’enfants, portant les vêtements de la marque et évoluant dans des décors de nature ou de ville.

Le texte accompagnant ces images est : « Nous sommes la génération X, ceux qui ont choisi d’être des esprits libres parmi les esprits résignés, ceux qui ont choisi de ne plus obéir à l’absurdité et de rester léger quand tout devient lourd. Nous sommes la génération qui va devoir laisser un monde meilleur à nos enfants qui seront, comme nous, la génération IKKS. ».

Les publications sur Instagram énoncent : « Nous sommes la génération Ikks. Ceux qui ont choisi d’être des esprits libres parmi les esprits résignés, ceux qui ont choisi de ne plus obéir à l’absurdité et de rester légers… la génération qui va devoir réparer le monde ancien, pour laisser un monde meilleur à nos enfants qui seront comme nous, la génération Ikks », « Libres et engagés pour un monde meilleur ? Rejoignez la Génération Ikks pour repenser le futur !… », « Génération Ikks. Définition : ensemble de personnes qui ne se définit ni par son âge ni par son appartenance à une classe sociale… agir de façon responsable pour le bien des générations à venir… ».

2. Les arguments échangés

L’un des plaignants considère que le propos de la publicité sur Instagram qui promet d’ « agir de façon responsable pour les générations à venir… » ne se justifie pas s’agissant d’une collection de vêtements en cuir.

L’autre plaignant énonce que plusieurs images de la vidéo font référence aux enjeux du développement durable : une femme dans une forêt, un rapace, des rochers recouverts par la mer, un bébé dans l’eau, des enfants qui construisent une cabane avec des branches ou qui grimpent à un arbre… La société Ikks se positionne ainsi clairement comme au cœur des enjeux de développement durable. Elle fait le constat que la génération actuelle a la responsabilité de « laisser un monde meilleur à nos enfants ». Or à aucun moment elle n’explique comment elle va jouer ce rôle, favoriser cette prise de conscience et respecter cet engagement.

Cette publicité contrevient donc aux points 2.3 et 4.1 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

La société Ikks a été informée, par courriel avec accusé de réception du 12 octobre 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Son agence de communication Jésus et Gabriel, qui a réalisé la campagne, a transmis au Jury les éléments de réponse aux deux plaintes reçues.

Il est précisé que la campagne en cause s’articulait autour de deux temps forts :

– un premier temps de communication de marque construit autour d’un film, diffusé en télévision et par voie numérique, et d’une campagne d’affichage, sous la forme d’un manifeste de marque, visant à mettre en avant l’esprit libre incarné par IKKS (la liberté de penser et d’être soi-même), une marque résolument tournée vers l’avenir, celle de toutes les générations qui se reconnaissent dans cette attitude rock et rebelle constitutive de l’ADN de la marque.

Ce film n’avait pas vocation à promouvoir l’achat de produits en particulier. Il est ainsi dépourvu de gros plans sur des matières, de descriptifs produits, de prix, tout comme l’affichage urbain concomitant à la diffusion du film qui n’avait pour fonction que d’annoncer la nouvelle posture fédératrice de la marque autour de la génération IKKS.

– un deuxième temps de communication, orchestré sur les réseaux sociaux et le site marchand de la marque, avait pour objectif de promouvoir la collection Leather Story, une gamme de produits cuir.

Pour autant il n’a jamais été fait mention de ce que l’achat des produits de la gamme Leather Story constituait un acte écologiquement responsable. Rien ne conditionne l’appartenance à la génération IKKS, qui est un état d’esprit.

La campagne avait pour vocation de réveiller les ambitions passées et de rappeler ce qu’IKKS a toujours été : une marque rock et rebelle mais fédératrice (enfants, femme, homme), une marque inscrite dans son temps qui propose des vêtements mode solides et adaptés, une marque résolument tournée vers l’avenir, celle de toutes les générations.

Il ne s’est pas agi pour IKKS de promouvoir les actions spécifiques qu’elle mène autour des problématiques du développement durable et de RSE, même si, à ce titre, des engagements concrets existent.

Lors de la séance, la société Ikks et l’agence Jésus et Gabriel ont indiqué ne pas connaître le Jury, ne pas comprendre la raison de son intervention alors que les services de l’ARPP auraient délivré un avis favorable à ces publicités, et ne pas avoir à se justifier quant à la réalité de l’engagement de la société en matière de développement durable. Ils ont insisté sur le fait que le mot « responsable » n’était pas prononcé dans le film publicitaire litigieux et qu’il ne s’agissait pas d’une publicité relative au développement durable.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose dans son Préambule, au titre de son champ d’application, que « La présente Recommandation a vocation à s’appliquer à toutes publicités utilisant :

  • une présentation d’éléments non compatibles avec les objectifs du développement durable, même sans y faire référence ;
  • un argument faisant référence au développement durable ;
  • un argument écologique, en renvoyant ou non au concept du développement durable ;
  • un argument social, sociétal ou économique présenté comme lié au développement durable. ».

Cette Recommandation rappelle en outre que « Pour les entreprises, dans cet esprit, le développement durable consiste à concilier trois piliers :

  • environnemental : impact des activités sur l’environnement ;
  • social/sociétal : conditions de travail des collaborateurs, politiques d’information, de formation, de rémunération, sous-traitance, existence et qualité des relations avec la société civile, santé publique, etc. ;
  • économique : relations avec les clients, les fournisseurs, les actionnaires, etc… ».

Cette Recommandation dispose :

  • En son point 2.3, que :

« L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité. »

  • Et en son point 4.1, que :

« L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées. »

Le Jury relève que la campagne publicitaire litigieuse entend promouvoir l’esprit « Ikks », en recourant à un jeu de mots avec la « génération X ».

Le Jury relève que les publications critiquées sur Instagram comportent les textes « la génération qui va devoir réparer le monde ancien », « un monde meilleur », « repenser le futur » et « agir de façon responsable pour le bien des générations à venir… ». De telles allégations font, sans la moindre ambiguïté, référence au développement durable, et tendent à associer la marque Ikks à cet effort collectif jugé nécessaire. Or aucun élément de ces publications n’indique en quoi la société Ikks ou son activité présenterait les qualités ainsi revendiquées. En outre, l’annonceur n’a pas produit d’éléments objectifs, fiables et vérifiables permettant de justifier ces arguments.

S’agissant du film publicitaire, le Jury relève qu’il est essentiellement axé sur l’état d’esprit de la marque Ikks, qui se caractériserait par la liberté, la légèreté, le refus des contraintes « absurdes » et une forme de rébellion, mais aussi par la préoccupation de « laisser un monde meilleur à nos enfants ». Cette formule est appuyée par des images d’animaux, de paysages ou d’éléments naturels, et d’un bébé plongeant dans l’eau.

Le Jury, qui constate d’ailleurs que cette vidéo et les publications Instagram se répondent implicitement, estime que la première comporte également un argument faisant référence au développement durable, rendant applicable la même Recommandation, quand bien même ne comporte-t-elle pas le mot « responsable ». Il ne fait en effet aucun doute, dans l’esprit du public, que l’avènement d’un monde meilleur renvoie à l’urgence climatique et, plus largement, aux différents piliers du développement durable.

Or là encore, aucune mention de ce film n’explique en quoi l’annonceur ou ses activités contribueraient à cet objectif.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette campagne publicitaire méconnaît les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 5 novembre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, et Mme Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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