Avis publié le 1er juillet 2022
IKKS – 848/22
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 22 avril 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société IKKS, pour promouvoir sa marinière à base de coton biologique.
La publicité en cause, diffusée sur le site Internet de la marque, montre une marinière de couleur blanche, rayée bleu, une bobine de fil et un décor de plage.
Les textes accompagnant ces images sont « La marinière qui nettoie les océans », « Fils de broderie en polyester recyclé certifié Oeko- Tex », « Une marinière composée à 50% de coton biologique et à 50% de Seaqual Yarn, un fil de polyester issu du recyclage des déchets plastiques marins par Sequal initiative », « Une fois le plastique collecté et nettoyé, il est transformé en Sequal Marine Plastic qui va composer Sequal Yarn. Le fil ainsi créé sera ensuite utilisé par les marques et les fabricants soucieux de l’environnement comme matière première dans des produits durables tels que la marinière IKKS », « Une vraie solution proposée par Seaqual Initiative pour lutter contre la pollution plastique qui ancre IKKS dans une approche respectueuse de l’environnement et dans le projet d’une mode qui soit la plus durable possible ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant considère qu’utiliser une fibre provenant du recyclage de déchets plastiques marins est une démarche de sourcing plus responsable qui est intéressante. Mais en aucun cas le produit lui-même ne permet de « nettoyer les océans ».
De surcroît, le vêtement n’est composé qu’à 50 % de cette matière. Comment la marque peut-elle s’assurer que les vêtements, une fois usagés, ne seront pas jetés dans la nature et ne finiront pas comme déchet dans les océans ?
L’allégation « La marinière qui nettoie les océans » est donc de nature à induire en erreur le public sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable et ne respecte pas les points 2 (véracité des actions), 3 (proportionnalité) et 7 (vocabulaire) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Par ailleurs, d’autres allégations utilisées sur la page web : « produits durables » et
« approche respectueuse de l’environnement » sont globalisantes et ne respectent pas le point 7 de la Recommandation. Elles devraient être relativisées.
– La société Ikks a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 10 mai 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.
La société Ikks explique que la marinière IKKS est conçue à 50 % avec du fil SEAQUAL YARN, issu du recyclage des déchets plastiques marins, par SEAQUAL INITIATIVE, dans une approche respectueuse de l’environnement. Les 50 % restants sont du coton issu de l’agriculture biologique, comme cela est bien indiqué dans la campagne publicitaire. Ce produit est donc bien à 100 % réalisé dans une démarche respectueuse de l’environnement.
Par ailleurs, 5% des ventes de ces marinières seront reversés à l’association THE SEACLEANERS, pour soutenir le projet de construction du navire Manta, un bateau écologique luttant contre la pollution plastique océanique, qui sera capable de collecter, traiter et valoriser entre 5 000 et 10 000 tonnes de déchets plastiques marins par an. Cela est également bien indiqué dans la campagne publicitaire, mais n’a malheureusement pas été relevé dans la plainte.
La vente de ces marinières est donc bien associée à la lutte contre la pollution plastique des océans en raison de sa composition et de l’action concrète qu’elle soutient particulièrement dans le cadre de cette campagne.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :
- au titre de la véracité des actions (point 2) :
« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »
- au titre de la proportionnalité du message (point 3) :
« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /
3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. (…) ».
- au titre de la clarté du message (point 4) :
« 4.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ; (…) / 4.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP (…) »
- au titre du vocabulaire (point 7) :
« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.
7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.
7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur.
7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire.
D’une part, le Jury relève que la publicité en cause allègue que la marinière dont elle fait la promotion « nettoie les océans ». Si, à l’évidence, le public ne peut être induit en erreur sur le fait que, par elle-même, la marinière offerte n’a pas pour fonction de nettoyer les océans, une telle assertion donne à penser qu’en achetant ce produit, le consommateur contribue directement à réduire la pollution marine voire à rendre les océans propres. Or la double circonstance que ce vêtement est constitué à 50 % de polyester issu du recyclage de déchets plastiques récupérés dans les océans (en sus de 50 % de coton issu de l’agriculture biologique) et que 5 % des recettes tirées de sa vente sont reversées à une association (The Seacleaners) pour soutenir le projet de construction d’un navire capable de collecter, traiter et valoriser des déchets plastiques marins ne permet pas d’alléguer, dans le respect de l’exigence de véracité et de proportionnalité découlant des points 2 et 3 de la Recommandation « Développement durable », que son achat aurait un tel effet au regard de l’ensemble du cycle de vie du produit.
D’autre part, compte tenu des incidences environnementales de l’activité de l’annonceur, et en dépit de l’intérêt que présentent de ce point de vue tant la composition du vêtement que le partenariat avec l’association The Seacleaners, il ne peut être allégué, de façon globale et non relativisée, que IKKS s’inscrirait dans une démarche « respectueuse de l’environnement ». Une telle allégation est contraire au point 7 de la Recommandation « Développement durable ».
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît, dans la mesure précédemment rappelée, les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Avis adopté le 3 juin 2022 par M. Lallet, Président, Mmes Lenain et Boissier, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.