GRT GAZ

Véhicule publicitaire

Plainte fondée

Avis publié le 2 janvier 2024
GRTGAZ – 974 / 23
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 octobre 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication de la société GRTGaz.

Celle-ci, diffusée sur la portière d’une voiture, montre les lettres « GRT » inscrites sur une feuille d’arbre stylisée au milieu de laquelle est tracée une ligne blanche discontinue. Le texte accompagnant cette image est : « Je roule au gaz naturel pour protéger l’environnement ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que la mention « Je roule au gaz naturel pour protéger l’environnement » est trompeuse.

Le gaz naturel mentionné reste un combustible fossile, émetteur de gaz à effet de serre, principale cause du dérèglement climatique. Même si la réduction des émissions par rapport aux autres modèles thermiques est avérée, ce mode de transport reste parmi les plus polluants au km. 10 à 25% de réduction des émissions de CO2 par rapport à l’option la plus polluante ou presque (i.e. le même modèle de véhicule mais thermique à essence ou au diesel) ne sont pas suffisants pour rendre ce mode de transport protecteur de l’environnement. Par exemple, le Dacia Duster au gaz est classé C (126gCO2e/km) loin derrière toutes les options électriques.

L’émission de gaz à effet de serre n’est pas le seul problème des véhicule GNV. Selon une étude de Transport et Environnement, quand on regarde un polluant que l’on ne parvenait pas à mesurer jusqu’à récemment, les particules ultrafines (dont on sait qu’elles ont un impact important sur la santé humaine, comme le spécifie Airparif sur le lien suivant https://www.airparif.asso.fr/particules-ultrafines), les émissions des véhicules GNV sont très supérieures à celles des diesels en ville et à la campagne. Soit là où la pollution de l’air est la plus dangereuse, puisque c’est également là que les gens vivent.

L’utilisation, en plus de cela, d’une feuille pour le logo GNV permet de rattacher un ensemble de caractéristiques positives d’un point de vue environnemental à l’acronyme GNV, notamment un possible caractère renouvelable ou au moins durable. Or, aujourd’hui le gaz renouvelable ne représente que quelques pourcents du mix gazier français. L’utilisation de ce logo est donc trompeuse.

La société GRT Gaz a été informée, par courriel avec accusé de réception du 8 novembre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société observe au préalable que la plainte ne mentionne aucun texte législatif ou réglementaire ni aucune recommandation de l’ARPP auquel la mention contestée serait contraire. Le courrier de notification de la plainte en date 13 novembre 2023 n’apporte pas davantage de précision quant aux dispositions de la Recommandation « Développement durable » auxquelles la mention contestée constituerait « un manquement flagrant ». Il est difficile pour GRTgaz de comprendre précisément ce qui lui est reproché et, par suite, de pouvoir apporter des éléments de réponse avec autant d’exactitude que le principe du contradictoire le commanderait.

GRTgaz s’étonne de la qualification de publicité retenue dans le courrier du 13 novembre 2023. En effet, si la publicité fait l’objet de multiples définitions, sur le plan juridique, et ainsi que le rappelle le Conseil d’Ethique Publicitaire dans son avis du 17 décembre 2018, la Directive 84/450/CEE du 10 septembre 1984 la définit comme « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations ».

Or, la société GRTgaz, investie de missions de service public, a pour activité commerciale la construction et l’exploitation de canalisation de transport de gaz (gaz naturel, biogaz et hydrogène). A la différence d’un producteur ou d’un fournisseur d’énergie, GRTgaz ne produit ni ne vend de gaz naturel. Elle ne vend pas davantage de véhicules roulant au gaz naturel, ni ne transporte de gaz naturel. Il ne saurait dès lors lui être reproché d’utiliser un argument écologique, au sens de la Recommandation « Développement durable », établissant un lien entre les produits qu’elle vend et le respect de l’environnement.

Sur les émissions de CO2, la plainte indique que la mention « je roule au gaz naturel pour protéger l’environnement » est trompeuse. Le plaignant estime que même si les réductions des émissions de CO2 sont avérées, celles-ci « ne sont pas suffisantes pour rendre ce mode de transport protecteur de l’environnement ». L’argument ne pourra être retenu selon GRT GAZ.

En effet, si, comme le Jury de Déontologie publicitaire le rappelle dans ses différents avis, il convient de se placer du point de vue du citoyen avisé et attentif et normalement informé, GRTgaz observe que la mention litigieuse n’a bien évidemment pas pour but de promouvoir le déplacement motorisé ou de minimiser les conséquences environnementales des automobiles thermiques.

La mention contestée n’a pas davantage pour objet de systématiser le message selon lequel le gaz naturel ne serait pas polluant, mais simplement de rappeler que le GNV contribue manifestement à la réduction des émissions de CO2, en comparaison à d’autres modèles thermiques.

A cet égard, GRTgaz rappelle que le GNV émet 10 à 25% moins de CO2 que 97,7 % du parc automobile français en 2022, composé essentiellement de voitures roulant à l’essence ou au diesel. Au regard du parc automobile existant, il n’est pas donc contestable que les automobiles utilisant du GNV contribuent à préserver l’environnement, notamment en comparaison des solutions alternatives.

Enfin, s’agissant de la proportionnalité du message, GRTgaz observe que la mention litigieuse ne suggère pas indûment « une absence totale d’impact négatif » et, qu’au regard des avis rendus par le Jury, l’annonceur n’est pas contraint, en tout état de cause, de faire état des conséquences dommageables pour l’environnement des produits promus, ni de mentionner les éventuelles solutions alternatives (par exemple : Avis 18 septembre 2023, PAMPERS HARMONIE 924/23).

Sur les particules émises par les véhicules GNV, le plaignant fait valoir que les émissions de particules ultrafines des véhicules GNV sont « très supérieures à celles des diesels en ville et à la campagne », « soit là où la pollution de l’air est le plus dangereuse ». Toutefois, les allégations et documents mentionnés par le plaignant à l’appui de sa plainte sont particulièrement contestables. En effet, le GNV respecte l’ensemble de la règlementation s’agissant des émissions de polluants atmosphériques (Nox et particules fines).

En France, la certification Crit’Air, qui traduit les performances des différents véhicules concernant la qualité de l’air en fonction de leur motorisation et de leur âge, classe le GNV en Crit’Air 1 alors que 71% des automobiles en circulation au 1er janvier 2022 sont classés Crit’Air 22 et plus.

En outre, les dernières études comparant les voitures au GNC et à l’essence démontrent que les quantités de NOx sont 4 fois moins élevées pour le GNC (mesures totales), et, s’agissant des particules, 15 à 70 fois moins élevées.

Par ailleurs, s’agissant de l’étude de Transport & Environnement sur laquelle le plaignant se fonde, le Jury ne pourra que constater qu’elle n’a aucune pertinence en l’espèce. D’une part, les mesures retenues dans cette étude ne concernent pas les véhicules légers dont il est question au cas d’espèce mais un poids lourd de 44 tonnes. D’autre part, les résultats de cette étude se concentrent principalement sur des mesures de particules PM4 (masse de particules de diamètre 4 nm), alors même que la mesure de telles particules ne sont imposées par aucune norme applicable, faute de disposer de moyens fiables pour les mesurer. En effet, la norme Euro VI, actuellement en vigueur, ne mesure pas PM4 (ni même les PM10).

Concernant les véhicules lourds, GRTgaz rappelle que selon les mesures d’AirParif, le GNV est 30 fois moins émetteur de NOx que les diesel Euro IV et sept fois moins émetteur que le diesel Euro VI4.

Sur l’utilisation d’une feuille pour le logo GNV, GRTgaz observe que le plaignant ne démontre aucunement en quoi cette représentation aurait un lien quelconque avec la part du gaz renouvelable dans le « mix gazier » français. Pour autant, et à toutes fins utiles, GRTgaz rappelle qu’en 2022, 35,9% du gaz utilisé dans le secteur routier est d’origine renouvelable (bioGNV) et que cette part ne cesse de croître. Or, ainsi que le consacre la réglementation européenne, le bioGNV est un carburant renouvelable et durable permettant de réduire de 80% les émissions de CO2 par rapport au diesel. En prenant en considération le cycle de vie, le bioGNV apparaît comme l’une des solutions les moins émettrices de CO2 pour tout type de véhicules routiers en Europe, voire la meilleure pour le cas des voitures. A ce titre, il constitue indéniablement un pas vers une solution très bas carbone.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury constate que la communication critiquée est apposée sur la portière d’une voiture et comporte les lettres GRT inscrites sur une feuille d’arbre stylisée au milieu de laquelle est tracée une ligne blanche discontinue. Le texte accompagnant cette image est : « Je roule au gaz naturel pour protéger l’environnement ».

Cette communication présente à l’évidence un caractère promotionnel, tant pour l’entreprise GRT Gaz que pour l’utilisation du gaz naturel. La circonstance que l’annonceur ne commercialise lui-même aucune offre de distribution de gaz naturel est sans incidence à cet égard, alors surtout qu’en tant que constructeur et exploitant de canalisations de transport de gaz naturel, ce dernier a intérêt au développement de cette filière, laquelle dépend du choix des consommateurs de recourir à cette source d’énergie.

Par suite, la communication critiquée constitue une publicité dont le Jury est compétent pour connaître.

3.2. Sur la recevabilité de la plainte

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

Le Jury observe à titre liminaire que, contrairement à ce qu’indique l’annonceur, la plainte dont il a été saisi est clairement motivée. Il résulte des termes mêmes du 5° de l’article 11.1 de son règlement intérieur que le plaignant n’est pas tenu, à peine d’irrecevabilité, d’invoquer formellement l’une des règles déontologiques mentionnées à l’article 2.2 du même règlement. Il appartient au Jury d’identifier, au vu de l’argumentation soulevée, les règles déontologiques applicables. Ce sont celles qui sont reproduites ci-dessus et que GRT Gaz pouvait elle-même identifier en confrontant la plainte à la Recommandation « Développement durable » sur laquelle son attention avait été appelée au moment de la transmission de la plainte. Le caractère contradictoire de la procédure devant le Jury, qui ne présente d’ailleurs aucun caractère juridictionnel, est donc respecté.

Le Jury relève que la publicité en cause allègue qu’utiliser le gaz naturel pour rouler en voiture permettrait de « protéger l’environnement ». Cette allégation est renforcée par le logo évoquant directement la nature. Or la consommation de gaz naturel, qui implique non seulement sa combustion par le consommateur final, mais aussi de multiples opérations en amont, en particulier son extraction, son transport, son stockage et sa distribution, est à l’origine de multiples nuisances environnementales. Si l’annonceur indique avoir entendu, ce faisant, mettre en valeur les avantages du GNV (gaz naturel pour véhicules) en comparaison d’autres énergies, cette démarche comparative ne ressort pas de la publicité en cause. Celle-ci est donc de nature à induire en erreur le public sur la réalité des conséquences écologiques du recours au GNV.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les règles déontologiques précitées.

Avis adopté le 8 décembre 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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