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Plainte fondée

Publié le 4 mars 2024
GREEN-GOT – 992 / 24
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 29 décembre 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Green-Got, pour promouvoir son offre de services bancaires.

La publicité en cause, diffusée sur le réseau social Linkedin, se compose d’une publication, comportant un picto de la planète Terre, suivi du texte « 400 millions de kilos de glacier ne fondront pas, grâce aux comptes et cartes Green-Got. De rien les fans de sports d’hiver ! Depuis le lancement de Green-Got, 25 980 996 kg de CO₂e ont été évités ou stockés grâce aux membres de Green-Got, qui utilisent leur carte au quotidien pour soutenir la transition. Découvrez en images certains des beaux projets que l’on a pu financer en 2023, comme le boisement de 30 000 m² de la forêt de Ploemel en Bretagne, près de l’endroit touché par les incendies de 2022. Bravo et merci à toutes et à tous pour votre soutien, on a hâte de voir ce qu’on va faire ensemble en 2024. Green-Got.com Avis aux Green-Gotters : retrouvez votre récap personnalisé dans votre app Green-Got, en cliquant sur le poulpe. »

Ce post est accompagné d’une vidéo montrant différents paysages (avec populations, animaux…) sur terre ou en mer. Le texte accompagnant ces images est « En Inde… 4162 tonnes de CO2e évitées avec nos projets solaires…en France… nous avons financé le boisement de 30000m2 de forêt… Et au fond de l’eau, en Indonésie, grâce à votre compte Green-Got, des centaines de plans de coraux sont arrivés à maturité … Et déjà + 25 980 996 kg de CO₂e évités ou stockés … des centaines de kilos de plastique ont été ramassés…etc ». Plusieurs représentants d’associations ou de responsables de projets s’adressent face à la caméra pour remercier les membres de Green-Got.

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce qu’affirmer que « 400 millions de kilos de glacier ne fondront pas, grâce aux comptes et cartes Green-Got. » apparait comme une promesse complètement exagérée, avec informations insuffisantes et preuves inexistantes.

En outre, les activités financées directement ou indirectement par cette société (145t eq CO2/M€ investis ; source : https://vert.eco/articles/les-neo-banques-vertes-sont-elles-vraiment-ecolos) participent à l’émissions de GES et donc au réchauffement climatique et à la fonte des glaciers.

Cette publicité créée de la confusion en laissant croire le contraire.

La société Green-Got a été informée, par courriel et par courrier avec accusé de réception du 15 janvier 2024, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société fait valoir que la publication mentionne le financement d’un projet de boisement d’une ancienne terre agricole en Bretagne avec Ecotree. La plantation des 3000 plants parrainés par Green-Got a été réalisée en mars 2023.

Le financement de ce projet est permis par le don des frais d’interchange, une commission payée par les commerçants, par les marchands à chaque transaction par carte (qui fait donc partie des revenus de la société) et qui est reversée à des projets écologiques. En 2023, 5% de ses revenus ont été reversés à ces projets.

Le boisement des 3000 plants permettra l’absorption à terme de 800 tonnes de CO2e ainsi que de nombreux co-bénéfices en termes de biodiversité avec la présence d’une zone humide et de haies mellifères.

Dans cette publication, il est également énoncé que Green-Got a permis d’éviter ou de stocker l’équivalent de 25 980 996 kg de CO2e depuis son lancement. Ce chiffre correspond à  :

  • CO2e évité ou stocké grâce aux projets financés mentionnés ci-dessus (environ 16 000 000 kg)
  • CO2e évité car retiré des banques traditionnelles (environ 10 000 000 kg).

Pour les émissions évitées ou stockées grâce aux projets, Green-Got s’appuie sur les données fournies par les organisations qui portent les projets et compare les estimations avec les études faisant foi sur le secteur.

À date, la société permet l’évitement ou la séquestration avec chacun des projets de :

  • Financement des énergies renouvelables en Inde et en Turquie : 6 122 000 kg de CO2
  • Préservation de la forêt : 8 554 400 de CO2e
  • Boisement de la forêt de Ploemel : 800 000 kg de CO2e
  • Restauration de la mangrove dans le delta de Mahakam : 305 296 kg de CO2e

Soit un total de 15 781 696 kilos de CO2e évités ou séquestrés.

Pour les émissions évitées grâce au compte courant, elles se calculent en estimant la différence d’intensité carbone d’un compte courant dans l’une des 4 plus grandes banques françaises par rapport à celle des comptes courants de Green-Got.

La société considère que la moyenne de l’intensité carbone des 6 grandes banques Françaises est de 497 tonnes de CO2e par millions d’euros, contre 145,3 pour Green-Got. Elle avait à cette date en moyenne 29 millions d’euros déposés sur les comptes. 497 – 145,3 = 351,7 tonnes 351,7 x 29 = 10 199,3 tonnes évitées soit 10 199 300 kg.

Dans la conclusion de son analyse du premier volet du sixième rapport du GIEC, l’Agence Parisienne pour le Climat rappelle que « chaque demi-degré compte, chaque tonne de gaz à effet de serre compte ». Ainsi, 25 980 996 kg de CO2e évités, soit les émissions annuelles de 2 624 Français et Françaises, peut être considéré comme un impact significatif et participe à l’atteinte de l’objectif de -55% d’émissions de CO2e d’ici à 2030.

En cela, la publicité respecte les règles de l’ARPP qui demande qu’un impact soit significatif pour être revendiqué.

Concernant l’équivalent en masse de glace de glacier, celui-ci est un chiffre issu d’un post LinkedIn de la climatologue Valérie Masson-Delmotte, qui est lui-même issu d’un article scientifique publié dans la revue Nature en 2018 intitulé “Limited influence of climate change mitigation on short-term glacier mass loss”. Il y est mentionné qu’ « 1 kg de CO2e émis entraîne à terme la fonte d’environ 15 kg de glace de glaciers ».

Ainsi, 25 980 996 kg de CO2e x 15 = 389 714 940 kg de glace qui ne fondront pas à terme.

La quantité de gaz à effet de serre induit reste une donnée abstraite pour le grand public, la conversion en kilos ou tonnes de glaciers qui ne fondront pas, permet au public d’avoir une meilleure compréhension des ordres de grandeur.

La société Green-Got fait valoir qu’elle est transparente sur ses impacts négatifs. La plainte mentionne le fait que parler des bénéfices écologiques des actions conduirait à croire qu’il n’y a pas d’impacts négatifs. Green-Got ne considère pas que l’argent déposé sur ses comptes courants n’émet pas de CO2e. Elle a mesuré cet impact et considère être transparente dessus, ainsi que sur ses limites.

Green-Got a réalisé à deux reprises son Bilan Carbone, dont les résultats sont disponibles publiquement dans ses rapports d’impact et sur son blog. Elle est consciente que toute activité pollue. La question n’est pas si l’on émet du CO2e, mais combien et pour quoi faire, par rapport aux objectifs de décarbonation collectifs fixés.

Elle a réalisé une étude sur l’intensité carbone de ses comptes courants, la plus poussée à ce jour pour une fintech, l’argent cantonné étant souvent considéré comme n’émettant pas de gaz à effet de serre. Green-Got y stipule par exemple qu’elle est opposée au principe de compensation carbone. Les 25 000 tonnes mentionnées dans cette publication ne sont jamais retranchées de ses émissions induites et sont donc séparées comptablement.

Green-Got incite régulièrement ses membres à moins consommer pour réduire leur impact sur les écosystèmes. Elle a d’ailleurs développé un calculateur carbone qui estime les émissions induites par chaque dépense pour ne pas laisser penser que les émissions évitées par les projets et le changement de banque sont un “droit à polluer”.

Enfin, l’annonceur fait valoir qu’il a constitué un conseil scientifique composé d’experts et d’expertes du climat, de la finance, des questions énergétiques et de la transition, qui l’accompagne sur ses projets clé, ses choix et comment réduire son impact négatif sur le climat, la biodiversité et la société.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

1.1: (…)
c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement

  • au titre de la véracité des actions :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;

2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / (…) »

  •  au titre de la clarté

4.3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP.

4.4 Dans les cas où cette explicitation est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations.

  • au titre des dispositifs complexes:

9.2 Si elle utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public les explications nécessaires, aux conditions définies par l’article 4.4 de ce texte (mentions et renvois) ;

9.3 L’avantage procuré par les dispositifs de nature à compenser indirectement l’impact négatif d’un produit ou d’une activité ne doit pas être attribué directement au produit ou à l’activité

Le Jury considère que si l’entreprise peut valoriser sa démarche en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale, elle doit renvoyer non seulement à des travaux ou à des démonstrations objectifs et vérifiables, mais aussi, sourcés, accessibles et clairs, avec toutes les explications nécessaires pour leur bonne compréhension et sans raccourci simplificateur. (points 4 et 9 précités).

Elle ne peut le faire, par ailleurs, sans justifier et relativiser ses propres allégations au regard de sa propre activité qui doit apparaitre clairement (points 1/1 c et 2.1).

En premier lieu, s’agissant de l’affirmation selon laquelle « 400 millions de kilos de glacier ne fondront pas, grâce aux comptes et cartes Green-Got », Green-Got ne fournit aucune source à l’appui du chiffre avancé dans le post objet de la plainte. (point 2.3)

En second lieu, sur l’affirmation elle-même, dans les observations transmises au jury la société indique s’appuyer sur un post Linkedin de la climatologue Valérie Masson-Delmotte soutenant que « 1 kg de CO2 rejeté dans l’atmosphère = 15 kg de glace de glaciers fondue ».

Or, d’une part, aucun élément scientifique ne permet de déduire que 1 kg de CO2 évité permettrait, ipso facto, d’éviter la fonte de ces 15 kg de glace de glacier ; d’autre part et surtout, l’article de Nature de 2018 auquel renvoie le post cité, intitulé « Limited influence of climate change mitigation on short-term glacier mass loss », vise justement à démontrer que l’atténuation des émissions futures n’aura qu’une influence très limitée sur l’évolution de la masse des glaciers au XXIe siècle. D’ailleurs, la climatologue précitée a elle-même expliqué dans un post Twitter sur le même sujet datant du 4 juillet 2022, graphiques à l’appui, que « du fait de leur temps de réponse, les glaciers vont continuer à perdre de la masse pendant plusieurs décennies, même si le niveau de réchauffement planétaire est stabilisé (et pour cela il faut des émissions mondiales de CO2 à zéro net) » https://twitter.com/valmasdel/status/1544005954500542465.

Le Jury ne peut donc que constater que l’allégation destinée au consommateur moyen, telle que formulée par l’annonceur, en suggérant que l’utilisation des comptes et cartes Green-Got exercerait une influence, directe et immédiate, sur l’évolution de la masse des glaciers ne respecte pas le principe de véracité. (point 2)

En troisième lieu, s’agissant des autres chiffres qui sont proposés par la vidéo, ils ne sont jamais sourcés. En outre, il s’en dégage une certaine profusion, en tout cas, un mélange de données différentes qui rend peu intelligible le message qui les sous-tend et qui perd ainsi de son sens du fait d’une trop grande simplification et d’un raccourci trop rapide, d’où un problème de clarté. (points 2.3, 4 et 9)

Enfin, s’agissant des émissions de GES séquestrées ou évitées grâce aux projets financés par l’annonceur, les chiffres sont à relativiser au regard de l’activité humaine qui naît nécessairement de l’utilisation des produits bancaires proposés par Green-Got, le raisonnement qui lie utilisation des produits et effet sur l’environnement est incomplet rendant de ce fait l’affirmation simplificatrice. (point 1/1c, 2.1, 4 et 9).

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que les messages publicitaires en cause ne sont pas conformes aux exigences de clarté et de véracité précitées de la Recommandation, visée dans le présent avis.

Avis adopté le 9 février 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Lucas-Boursier et Thomelin.


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