GRANIONS KIDS – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 5 décembre 2022
GRANIONS KIDS – 882/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante du Laboratoire des Granions lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 8 octobre 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur du Laboratoire des Granions, pour promouvoir sa gamme de produits destinés aux enfants Granions Kids.

La publicité en cause, diffusée par affichage sur la devanture d’une pharmacie, montre deux jeunes enfants sur une aire de jeu en train de manipuler des emballages de produits de la marque. Les textes accompagnant cette image sont : « Offre découverte – Le bien-être des enfants par nature -30% sur votre premier achat… ».

Lors de l’envoi d’éléments complémentaires, le plaignant met également en cause une publicité diffusée sur la page Facebook de la marque qui montre un enfant dans son lit, entouré de deux boîtes de la gamme (« sommeil » et « immunité »). Il a une tétine dans la bouche et tient dans la main un flacon du produit « sommeil » qu’il tend vers le public.

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que ces publicités vont à l’encontre des mesures de prévention contre les risques d’accidents domestiques.

Il souligne que l’intoxication est la quatrième cause d’accidents domestiques chez les 0-6 ans.

Le Laboratoire des Granions ainsi que la pharmacie Champagne Haute, où a été apposée l’affiche, ont été informés, par courrier avec accusé de réception du 10 octobre 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Le Laboratoire des Granions fait valoir qu’il a développé la gamme Granions Kids dans le but de proposer aux parents des produits destinés au bien-être des enfants, avec une composition et des dosages adaptés à leurs besoins et leurs spécificités.

L’annonceur indique qu’il n’entendait pas encourager des comportements dangereux pour la santé ou la sécurité des enfants, ce qui irait à l’encontre de la finalité même pour laquelle la gamme Granions Kids a été créée.

Le Laboratoire assure également que le public visé par sa campagne publicitaire est bien les parents et non les enfants eux-mêmes. La présence des enfants sur les images n’avait vocation qu’à mettre en lumière l’idée que la gamme Granions Kids leur était entièrement dédiée.

Afin de ne pas contrevenir à la Recommandation « Enfant », le Laboratoire des Granions a néanmoins pris la décision, à titre préventif, de ne plus utiliser les visuels publicitaires litigieux dans les futurs projets de communication en attendant l’avis qui sera rendu par le Jury de Déontologie Publicitaire auquel il affirme vouloir se conformer sans délai.

Lors de la séance, l’annonceur a repris en substance son argumentaire et confirmé qu’il se rangerait à l’avis du Jury.

La pharmacie de Champagne Haute explique que l’ensemble de la communication en lien avec ce lancement de gamme Granions kids bio n’est pas une initiative isolée. Elle a été élaborée avec tout le sérieux du laboratoire pharmaceutique Granions par les équipes marketing du laboratoire.

Sur l’ensemble de cette animation de lancement (habillage de 6 postes de vente, habillage de deux meubles de présentation des produits, et réalisation d’une vitrine) ce sont 6 visuels qui ont été réalisés et mis en avant et un seul montre un enfant manipulant un complément alimentaire.

Le responsable de la pharmacie admet le côté « maladroit » de cette image mais réfute tout caractère volontaire ou mal intentionné. Il regrette vivement que ce visuel isolé de l’ensemble de la communication puisse donner une image contraire à l’éthique de sa pharmacie et de son point de vente, ainsi qu’à la qualité et au sérieux pharmaceutique du laboratoire Granions, porteur de cette communication.

La pharmacie a supprimé tous les éléments réalisés pour cette communication. Une nouvelle vitrine sur un nouveau thème (hygiène buccodentaire) est en commande express auprès de l’imprimeur.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Enfant » de l’ARPP, qui s’applique à toute publicité mettant en scène des enfants, exige :

  • en son point 2.2 (Responsabilité sociale), que de telles publicités soient conçues « avec un juste sens de la responsabilité sociale» et, à ce titre, ne légitiment pas de comportements « qui seraient contraires aux principes (…) d’hygiène de vie »,
  • et en son point 5.2 (Sécurité) que « La publicité ne doit pas donner l’impression qu’un comportement dangereux ou imprudent est acceptable et peut être reproduit, dans quelque situation que ce soit, y compris dans le cadre de jeux».

Par ailleurs, le principe général repris à l’article 17 du code Publicité et marketing de la Chambre de commerce internationale (dit « code ICC ») prévoit que « Sauf justification pour des motifs éducatifs ou sociaux, la communication commerciale ne doit comporter aucune représentation ni aucune description de pratiques potentiellement dangereuses ou de situations où la santé et la sécurité ne sont pas respectées, selon les définitions des normes nationales locales. » et « Il doit être montré que les enfants sont sous la surveillance d’un
adulte lorsqu’un produit ou une activité implique un risque pour la sécurité
 ». En outre, selon le principe général repris à l’article 18.3 du code ICC, « Les enfants et les adolescents ne peuvent être représentés dans des situations dangereuses ou dans une participation à un acte dommageable pour eux-mêmes ou pour un tiers ».

Enfin, la Recommandation « Situations et comportements dangereux » de l’ARPP prévoit que « Les communications commerciales ne doivent pas mettre en scène des situations ou des comportements dangereux, susceptibles de l’être ou encore de nature à les encourager : / qu’ils soient ou non, associés à la manipulation d’un produit ou d’un objet, / que ce produit ou cet objet soit ou non, dangereux ». Il est précisé que « Une attention toute particulière doit s’appliquer aux mises en scène faisant intervenir des enfants ou s’adressant à eux »

Le Jury relève que la première affiche publicitaire en cause met en scène deux très jeunes enfants, manifestement âgés d’un ou deux ans, sur une aire de jeu, en train de manipuler, l’un, une boîte d’emballage en carton d’un produit de la marque, l’autre, un flacon en verre du produit. Les textes accompagnant cette image sont : « Offre découverte – Le bien-être des enfants par nature -30% sur votre premier achat… ».

Le second visuel, présent sur le site Facebook de la marque, présente la photographie d’un enfant dans son lit, entouré de deux boîtes de la gamme (« sommeil » et « immunité »). Il a une tétine dans la bouche et tiens dans la main un flacon du produit « sommeil » qu’il tend vers le public.

Le Jury considère que les photographies publicitaires litigieuses font apparaître une utilisation de produits de type compléments alimentaires de manière autonome par de très jeunes enfants. Même si la mise en scène peut laisser penser que le regard des enfants est tourné vers un adulte responsable, rien ne l’établit dans les visuels.

Or la manipulation de tels produits par de jeunes enfants présente deux types de dangers :

  • D’une part, si les compléments alimentaires ne constituent pas à proprement parler des médicaments, un surdosage, notamment en vitamines, peut occasionner des troubles graves et l’ingestion, même en quantités raisonnables, par de très jeunes enfants, un risque d’étouffement ;
  • D’autre part, la représentation laisse à penser aux adultes, mais également aux enfants qui verraient ces images dans l’enceinte d’une pharmacie, que les flacons et boîtes de médicaments, auxquels ressemblent ceux qui sont présentés, peuvent devenir un jouet et être laissées à la disposition des plus jeunes.

De telles représentations de pratiques potentiellement dangereuses pour des enfants, qui peuvent de surcroît être perçues comme acceptables compte tenu de leur diffusion dans l’espace dédié aux conseils sanitaires et prophylactiques que constitue une pharmacie, s’agissant de l’affiche, constituent une méconnaissance des règles déontologiques mentionnées ci-dessus, qui sont inadmissibles de la part de l’annonceur, laboratoire professionnel dont il est attendu l’application la plus stricte des consignes de sécurité dans le maniement de médicaments et produits potentiellement dangereux.

En conséquence de ce qui précède, tout en prenant acte de la décision de l’annonceur de ne plus utiliser les visuels publicitaires en cause, le Jury est d’avis que les publicités en cause méconnaissent les règles déontologiques précitées. Eu égard aux risques que fait courir une telle campagne publicitaire sur la sécurité des enfants, le présent avis fera l’objet d’un communiqué sur le site du Jury.

Avis adopté le 4 novembre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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