Avis JDP n° 581/19 – EQUIPEMENTS AUTOMOBILE – Plainte fondée

Avis publié le 8 juillet 2019
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 février 2019, d’une plainte émanant de la Fédération Nationale des Usagers des Transports (FNAUT), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire présente sur le site Internet de la société annonceur, pour présenter une offre promotionnelle pour l’achat de pneus.

La vidéo publicitaire en cause présente un véhicule à moteur évoluant sur des voies de circulation dans un décor de montagne. Dans les derniers instants du film, le véhicule apparaît stationné sur l’herbe, à proximité d’une rivière.

2. Les arguments échangés

– L’association plaignante estime que cette image est contraire aux recommandations déontologiques de l’ARPP sur le développement durable, en ce qu’elle est susceptible de banaliser des pratiques contraires au développement durable et d’inciter à arrêter sa voiture en pleine nature, hors des voies réservées à la circulation.

– La société annonceur a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 14 mai 2019, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

La société indique qu’elle est très attentive à inscrire sa communication dans le cadre des principes de développement durable et de responsabilité sociétale et environnementale.

La vidéo litigieuse, d’une durée de 45 secondes, avait pour objet de diffuser une offre promotionnelle qui a duré jusqu’au 13 avril 2019 inclus. Les 30 premières secondes de la vidéo, qui en constituent la partie essentielle, représentent bien un véhicule roulant, en milieu naturel, sur une route goudronnée – laquelle correspond sans doute possible à une voie ouverte à la circulation des véhicules.

Ce n’est qu’à compter de la 31ème seconde qu’apparaît, furtivement et sur le côté droit de la vidéo, l’image de l’avant du véhicule à l’arrêt, positionné sur un terrain non goudronné situé en bordure d’une rivière. C’est donc sur la base d’une capture d’écran réalisée à la 31ème seconde de la vidéo que la plainte de la FNAUT a été déposée.

Une partie de l’image de ce véhicule à l’arrêt est toutefois rapidement recouverte, dès la 32ème seconde, par un bandeau explicatif bleu visant à rappeler les conditions principales de l’offre promotionnelle. L’image du véhicule à l’arrêt disparaît totalement dès la 36ème seconde de la vidéo, pour laisser place à la représentation d’une personne en tenue de trekking et portant des jumelles, positionnée sur un rocher qui domine un panorama naturel où n’apparaît aucune trace d’activité humaine.

Dès lors, la société estime que la vidéo promotionnelle litigieuse ne constitue pas une représentation publicitaire non conforme aux principes du développement durable en ce qu’elle ne banalise pas des comportements qui seraient contraires aux principes du développement durable.

De plus, cette vidéo doit être appréciée dans sa globalité. En l’espèce, elle n’avait pas vocation à présenter l’action de la société en matière de développement durable, mais visait à diffuser une offre promotionnelle concernant la vente de pneus.

Par ailleurs, cette vidéo ne diffuse aucun message qui serait contraire aux principes du développement durable :

– elle présente un paysage naturel ;

– elle représente, dans sa dernière partie, une personne se livrant à des activités de trekking – lesquelles visent en particulier, la préservation des espaces naturels et la diffusion de pratiques sportives éco-responsables ;

– les seules images animées qu’elle contient représentent un véhicule roulant sur une route goudronnée, dont il ne peut être contesté qu’elle constitue une voie réservée à la circulation.

La société précise que les produits mis en avant sont des pneus destinés à un usage quotidien de la route et non pas à des activités de type rallye hors-piste ou tout terrain. La seule pratique de conduite représentée dans la vidéo est bien celle consistant à rouler sur des espaces spécialement aménagés pour la circulation des véhicules.

Elle ajoute que seule une image fixe, représentant la partie avant d’un véhicule à l’arrêt sur un terrain en bord de rivière, et apparaissant très furtivement à la 31ème seconde de la vidéo litigieuse, est dénoncée par la FNAUT comme étant susceptible de « banaliser » une pratique qui serait contraire au développement durable. Cette vidéo promotionnelle ne peut cependant être résumée à cette seule image fixe, qui n’est pas représentative de la publicité dans son ensemble, laquelle, appréciée dans son intégralité et dans sa finalité, respecte les règles préconisées par l’ARPP en matière de développement durable.

En outre, selon l’annonceur, elle contient une image furtive qui, en soi, ne représente pas un comportement contraire aux principes du développement durable.

Par ailleurs, il considère que l’association plaignante adopte une interprétation littérale et excessivement restrictive de l’article 9.1.e) de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP et s’interroge sur le point de savoir si le simple fait de représenter, furtivement, la partie avant d’un véhicule positionné à l’arrêt sur un terrain serait susceptible, à lui seul et en dehors de tout contexte, de constituer une pratique publicitaire qui serait contraire aux recommandations de l’ARPP.

En effet, si l’article 9.1, e) de la Recommandation « Développement Durable » impose que les véhicules terrestres à moteur représentés « en milieu naturel » soient « clairement positionnés » sur des voies de circulation, il ne distingue pas selon que le véhicule est représenté à l’arrêt ou en mouvement. L’esprit et le texte de la Recommandation « Développement Durable » visent à proscrire la représentation de véhicules roulant en milieu naturel en dehors des voies réservées à cet usage, et non le simple stationnement sur des terrains non goudronnés.

La publicité en cause, appréciée dans sa globalité, ne laisse aucun doute sur le fait qu’elle n’encourage en aucune manière la pratique consistant à faire rouler des véhicules en milieu naturel, en dehors des routes spécialement aménagées à cet effet.

Dans un avis antérieurement publié par le Jury de Déontologie Publicitaire, il a été considéré qu’un visuel fixe représentant l’avant d’un véhicule « comme sortant de l’encart […] pour rouler sur la plage » méconnaissait la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP. Tel n’était pas le cas, en revanche d’un second visuel diffusé par le même annonceur, dans lequel un photomontage avait permis de juxtaposer l’image d’une plage et celle d’un véhicule – de sorte que rien ne permettait de penser que ce véhicule roulait sur un milieu naturel.

En l’espèce, les 30 secondes de la vidéo publicitaire qui précèdent l’image fixe litigieuse (laquelle apparaît sur le rebord droit, est vite recouverte par un bandeau bleu, et disparaît quelques secondes plus tard) ne permettent pas de douter du fait que la publicité a bien été organisée pour représenter un véhicule en milieu naturel roulant sur (et non pas en dehors) des voies spécialement réservées à cet usage. Le simple fait que pendant un temps très bref, la partie avant d’un véhicule apparaît à l’arrêt sur un terrain ne peut suffire à entraîner une confusion dans l’esprit du public.

L’annonceur précise enfin qu’il s’engage à retirer la vidéo promotionnelle litigieuse de sa chaîne YouTube, si le Jury de Déontologie Publicitaire devait ne pas retenir ses explications et considérer que la plainte déposée est justifiée.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit dans son point 9 « Impacts éco-citoyens » que :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

9.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

[…]

e/ La représentation, sous quelque forme que ce soit, de véhicules à moteur en milieu naturel devra clairement les positionner sur des voies ouvertes à la circulation. »

Le Jury constate que la vidéo publicitaire en cause présente un véhicule à moteur évoluant sur des voies de circulation dans un décor de montagne. Dans les derniers instants du film, le véhicule apparaît stationné sur l’herbe, à proximité d’une rivière.

Le véhicule apparaît manifestement positionné sur un milieu naturel et non sur une voie ouverte à la circulation ou, ce qui en fait partie au sens de la Recommandation précitée, sur un espace de stationnement dédié aux véhicules.

Le caractère furtif de cette image fixe est sans incidence sur les conséquences d’un tel constat et ne permet pas d’écarter l’application du point 9.1 e) de la Recommandation « Développement durable ». Est également sans incidence le fait que le véhicule soit à l’arrêt, et non en train de rouler, dans cet espace naturel : la Recommandation précitée, préconisant de positionner les véhicules à moteur en milieu naturel « sur des voies ouvertes à la circulation » ne saurait s’entendre comme autorisant le positionnement du véhicule, à l’arrêt, dans un milieu naturel, hors de tout espace dédié aux véhicules à moteur.

En conséquence, le Jury, qui prend acte des engagements de la société en matière de développement durable, est d’avis que la publicité en cause méconnaît les dispositions de la Recommandation précitée.

Avis adopté le 7 juin 2019 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Acker, Depincé, Lacan et Leers.