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Plainte partiellement fondée

Avis publié le 2 janvier 2024
GIFAS – 973/23
Plainte partiellement fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant particulier, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 24 août 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publications sur les réseaux sociaux émanant d’un influenceur dont le pseudonyme est Tibo InShape.

Les publications en cause sont différentes versions plus ou moins longues d’une vidéo montrant l’influenceur s’exprimant à propos de nouveautés en matière d’aviation présentées à l’occasion du salon du Bourget à Paris.

La version longue, diffusée sur Youtube, montre, dans un premier temps, Tibo InShape qui lit sur son téléphone portable des commentaires négatifs d’abonnés à propos des voyages en avion et leur caractère polluant pour l’environnement. Il est ensuite transporté, par un effet visuel, sur le site du salon du Bourget, qu’il présente en précisant que celui-ci est « … organisé par le GIFAS… ». A l’écran est affiché le nom complet du GIFAS, Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales. Puis, l’influenceur explique que « Le but de la vidéo est de montrer que l’avion de demain…comment l’industrie aéronautique se transforme, évolue, pour qu’on puisse continuer à voyager sans polluer… ». Il présente ensuite, sous forme d’interviews de professionnels, différents modèles d’avions en démonstration sur le salon.

Sous la publication sur Youtube, la partie « Description » mentionne « Collaboration avec le GIFAS Www.GIFAS.fr Www.laerorecrute ».

Sur la vidéo Tik Tok et les captures d’écran transmises par le plaignant, ces mentions relatives au GIFAS n’apparaissent pas.

Les allégations principalement critiquées par le plaignant portent sur les propriétés environnementales des appareils mises en avant, par des formules telles que « … est-ce possible qu’un jour les avions d’affaires vont réussir à émettre 0 gramme de CO2 ? », « comment rendre l’avion de demain moins polluant ? », « Il *émettra* 20% de moins de CO2 », « Ils seront 100% électriques » / « Du coup pas de CO2 ».

Sous les images des personnes interviewées apparaissent notamment des avions en vol, des livraisons de « Sustainable Aviation Fuel » (SAF), des plans de vol et un fond sous-marin.

2. Les arguments échangés

Le plaignant relève tout d’abord que, si la vidéo YouTube indique bien qu’il s’agit d’une collaboration commerciale et met le site du GIFAS en description, les capsules sur Instagram, Facebook et TikTok omettent en revanche d’identifier explicitement l’annonceur, ce qui est contraire au chapitre 1 et la fiche pratique n°3 de la Recommandation « Communication publicitaire numérique » de l’ARPP.

Le plaignant relève quatre allégations contestables :

  1. Volonté de montrer comment voyager sans polluer, dès lors que l’influenceur indique que
    « le but de la vidéo est de prouver que l’avion de demain peut être un avion propre».
  2. Volonté de « neutralité carbone » par l’utilisation de l’affirmation : « L’objectif est de 0 % d’émissions de CO2 net en 2050 »
  3. L’utilisation de SAF et d’hydrogène permettant d’agir dans cette voie par l’affirmation « Le SAF permet de réduire de 90 % l’empreinte carbone » car il n’émet pas de CO2 lors du vol.
  4. Zéro émission pour l’avion électrique par l’affirmation « Ils seront 100 % électriques et du coup pas de CO2 ».

Selon le plaignant, la communication méconnaît les points suivants de la Recommandation « Développement durable » :

  • Article 1.1 a) (« La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles ») : dès le début de la vidéo, TiboInShape explique qu’il prend l’avion lors de ses déplacements car c’est « plus simple ». Un tel comportement est incontestablement un comportement contraire à la protection de l’environnement car à peu près 50 fois plus polluant qu’un trajet équivalent en train.
  • Article 1.1 c) (« La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement») : les publicités en question visent précisément à mettre en doute les conséquences de la consommation de vols en avion.
  • Article 2.1-3 relatives à la véracité des actions en matière de développement durable (les informations relayées par une publicité ne doivent pas induire le public en erreur ; les annonceurs doivent être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité) : la charge de la preuve se situe donc du côté de l’annonceur pour prouver la véracité des 4 affirmations citées plus haut. Au contraire de ce qui est affirmé, de nombreuses études pointent l’incapacité du secteur à atteindre le « net zéro » en 2050 sans réduction substantielle du trafic aérien. Des affirmations telles que 0g de CO2 pour les moteurs électriques manquent de précision sur l’ensemble de la chaîne de production. La capacité des publicités à induire le public en erreur est renforcée d’une part par l’usage de comparaisons, couplées au manque de connaissance du public : « Des moteurs de dernière génération qui consomment beaucoup moins que la génération d’avant », « Ce moteur-là, y a pas de carénage, chez Safran émettra 20 % de moins de CO2 que les moteurs actuels » qui ne permettent pas au public de se faire une idée en termes absolus de la pollution que ces avions représentent et d’autre part par le contexte de visionnage sur les réseaux sociaux, qui est un contexte de détente peu propice à l’analyse scientifique rigoureuse du public. L’impression générale de respect de l’environnement est en contradiction avec la réalité factuelle en termes de pollution.
  • Article 3.3 c) : certains projets, encore à un stade expérimental, notamment l’hydrogène, sont présentées comme des solutions crédibles pour le futur. Il n’est pas fait mention du caractère incertain de la réussite industrielle et technique de ces avions.
  • Article 7.1 et 7.5 le « zéro émission nette » d’ici à 2050 est un engagement difficilement compréhensible pour un consommateur moyen. Il ne précise pas de quelle manière les émissions peuvent être compensées ni quels scopes d’émissions sont pris en compte, selon le protocole GHG par exemple. Il ajoute que la mention de « neutralité carbone» est déconseillée par l’ADEME.

Lors de la séance, le plaignant a réitéré ces critiques en insistant sur les confusions qui peuvent naître, selon lui, dans l’esprit du public lorsqu’il prend connaissance de cette publicité sur les réseaux sociaux, notamment dans la version raccourcie qui laisse entendre que l’allégation « l’avion ça pollue » est dépassée. Il confirme qu’il conteste également les allégations précitées qui figurent dans la vidéo de 25 minutes parue sur YouTube.

Le Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales a été informé, par courriel avec accusé de réception du 19 octobre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Le GIFAS tient à assurer de sa ferme volonté de respecter les règles de déontologie publicitaire en vigueur et de les appliquer à chacune de ses communications externes.

Son représentant fait valoir qu’une collaboration commerciale avec Tibo InShape a été engagée dans le cadre du Salon du Bourget 2023. Celle-ci est clairement indiquée par l’influenceur sur ses vidéos. De plus, ces publications ont fait l’objet d’une validation préalable de la part du GIFAS.

Les formats publiés par l’influenceur décrivent la visite par ce dernier des différentes zones d’exposition, toutes rendues accessibles au public du Salon du Bourget à partir du 23 juin 2023. Les arguments présentés par l’influenceur dans cette vidéo sont donc le reflet de ceux exposés par les industriels exposants lors du Salon du Bourget 2023.

Sur le premier « screenshot » « Il *émettra* 20% de moins de CO2 », Tibo InShape évoque les prévisions de réduction de CO2 calculées par Safran (-20% par rapport au moteur LEAP) sur la base des explications apportées par l’expert Thibaud Normand (Directeur Climat chez Safran) présent sur le stand d’exposition. En effet, la maquette du démonstrateur présentée par l’influenceur fait partie du programme RISE (Revolutionary Innovation for Sustainable Engines), un programme de développement technologique qui vise à poser les bases de la prochaine génération de moteurs. Safran précise dans son dossier de presse sur les défis climatiques publié en juin 2023 que ce projet technologique servira de fondement au développement d’un futur moteur 20% plus sobre en carburant que le moteur de dernière génération LEAP et 100% compatible avec des carburants durables.

Sur les deux autres « screenshots » « Ils seront 100% électriques » / « Du coup pas de CO2 », le propos de Tibo InShape concerne l’usage du moteur décrit à l’image. Les affirmations de l’influenceur sur la propulsion 100% électrique concernent ainsi spécifiquement les futurs aéronefs dédiés au transport urbain ou périurbain VTOL ou STOL. Le moteur montré à l’image par l’influenceur permettra à ce type d’appareils de voler avec une propulsion sans CO2 via un système électrique.

Enfin, concernant le contexte de visionnage, les différentes interventions de l’influenceur Tibo InShape lors du Salon du Bourget 2023 portent sur des projections des différents acteurs de la filière. Elles s’appuient ainsi sur les communications prévisionnelles de réduction d’émissions de CO2 réalisées par les industriels sur la base de leurs calculs. À ce titre, les arguments écologiques, au sens de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP, évoqués dans les capsules vidéo de l’influenceur se fondent sur des annonces communiquées antérieurement par les industriels du secteur. Les arguments ayant trait au développement durable dans les capsules vidéo peuvent donc être justifiés au moyen d’éléments objectifs et vérifiables au moment de leur publication.

Tibo InShape fait valoir qu’il a été sollicité par le GIFAS et a engagé suite à cette sollicitation une collaboration commerciale avec ce dernier dans le cadre du Salon du Bourget 2023. La collaboration commerciale est indiquée sur ses vidéos.

Il précise qu’il a été sollicité pour visiter les différentes zones d’exposition accessibles au public du Salon du Bourget à partir du 23 juin 2023. Il a pu dans ce cadre, comme les visiteurs du salon, s’entretenir avec les industriels du secteur sur place.

Il considère que ses commentaires dans les vidéos sont le reflet de ce que lui ont expliqué les industriels exposants lors du Salon du Bourget 2023.

Sur les extraits TikTok concernés par la plainte :

  • le « screenshot » « Il *émettra* 20% de moins de CO2» évoque les prévisions de réduction de CO2 calculées par Safran sur la base des explications apportées par l’expert Thibaud Normand (Directeur Climat chez Safran) présent sur le stand d’exposition. La phrase étant formulée au futur, elle permet aux internautes de comprendre qu’il s’agit d’une prévision future ;
  • les propos des deux autres screenshots« Ils seront 100% électriques » / « Du coup pas de CO2» concernent l’usage du moteur à propulsion 100% électrique, montré à l’image, concernent spécifiquement les futurs « taxis volants » VTOL ou STOL Ce moteur montré à l’image permettra à ce type d’appareil, selon son fabriquant, de voler avec une propulsion sans CO2 via un système électrique. De même, ces affirmations sont formulées au futur afin de marquer leur caractère prospectif.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur les règles applicables aux communications des influenceurs

Le Jury rappelle que la Recommandation « Communication publicitaire numérique » de l’ARPP encadre la communication des influenceurs dans sa fiche pratique n° 3, qui distingue deux hypothèses.

D’une part, une communication réalisée par un influenceur présente un caractère publicitaire lorsque les critères suivants sont réunis de manière cumulative :

  • le contenu est réalisé dans le cadre d’engagements réciproques ; la prise de parole de l’influenceur faisant l’objet d’un paiement ou de toute autre contrepartie telle que, par exemple, la remise de produits ou de services à son bénéfice ;
  • l’annonceur ou ses représentants exercent une validation du contenu avant sa publication ;
  • le contenu de la prise de parole de l’influenceur vise à la promotion du produit ou du service (discours promotionnel, présentation verbale ou visuelle à visée promotionnelle…).

Dans ce cas, l’ensemble des dispositions déontologiques de l’ARPP s’appliquent à une telle communication publicitaire, qui doit notamment faire apparaître l’existence de la collaboration commerciale entre l’influenceur et l’annonceur. Le Jury est compétent pour vérifier, à la demande d’un plaignant, la conformité de cette publicité aux règles déontologiques en vigueur.

D’autre part, lorsque tout ou partie des trois critères énumérés précédemment ne sont pas remplis, la communication n’est pas une publicité mais l’existence d’une collaboration commerciale entre l’influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu doit, le cas échéant, être portée à la connaissance du public par l’influenceur (point 1. du A). A moins que cette identification soit manifeste, la Recommandation prévoit d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme telle, de manière que ce caractère apparaisse instantanément. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo…) dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu.

Il résulte de l’article 2 du règlement intérieur du Jury que, par exception au principe selon lequel le Jury n’est compétent que pour connaître des messages publicitaires, il est également compétent pour « examiner l’identification des communications des influenceurs lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une collaboration commerciale avec un annonceur pour la publication d’un contenu, qu’elles présentent ou non un caractère publicitaire au sens de la fiche pratique n° 3 de la Recommandation « Communication Publicitaire Numérique » de l’ARPP ».

3.2. Sur la nature des publications en cause

Le Jury constate que les publications en cause s’inscrivent dans le cadre d’une collaboration commerciale entre le GIFAS et l’influenceur Tibo InShape, ont fait l’objet d’une validation préalable de la part du GIFAS, qui ne conteste pas leur caractère publicitaire, et présentent un caractère promotionnel, en faveur du transport aérien dont le GIFAS défend les intérêts. Les arguments présentés par l’influenceur Tibo InShape dans cette vidéo sont d’ailleurs le reflet de ceux exposés par les industriels exposants lors du Salon du Bourget 2023.

Il suit de là que cette communication présente le caractère d’une publicité commerciale du GIFAS.

3.3. Sur l’exigence d’identification de la collaboration commerciale

Le Jury observe que la collaboration commerciale entre l’annonceur et l’influenceur n’est ni manifeste ni explicitée par la communication, telle que communiquée au Jury, dans sa version diffusée à la date de la plainte sur les réseaux Instagram, Facebook et Tik Tok. Il appartenait à l’annonceur et à l’influenceur, à qui cette critique a été communiquée, d’apporter aux débats les éléments qui auraient permis d’établir que, contrairement à ce qu’indique le plaignant, la collaboration entre Tibo InShape et le GIFAS aurait été signalée dans le message sur ces réseaux sociaux. A défaut d’une telle preuve, le Jury est d’avis que la communication en cause, dans cette version, méconnaît l’exigence d’identification résultant du 1. du A) de la fiche pratique n° 3 de la Recommandation « Communication publicitaire numérique » de l’ARPP.

3.4. Sur le contenu de la publicité et les règles déontologiques applicables

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il ne lui appartient pas de contrôler la conformité d’une publicité aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, pas plus qu’à des « recommandations » de l’ADEME.

En revanche, il lui revient de s’assurer du respect du code de la Chambre de Commerce Internationale (ICC) et de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le code ICC prévoit notamment en son article 2 (« Responsabilité sociale ») que « La communication commerciale ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux. »

La Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose que :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

     a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles.

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2 Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées.
    • 3 L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité. /Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul./ La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion;
    • 3En particulier : a/ L’argument publicitaire ne doit pas porter sur plus de piliers du développement durable, plus d’étapes du cycle de vie ou plus d’impacts qu’il ne peut être justifié. /b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif./ c/ La présentation d’action(s), de produit(s) à un stade expérimental ou de projet (prototype, R&D, investissement…) doit clairement les présenter comme tels et ne pas en exagérer la portée.»
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.
    • 7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire. »

A titre liminaire, le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » n’a pas pour objet d’interdire aux entreprises, notamment celles du transport aérien, de valoriser les actions qu’elles mènent en matière environnementale. Elle fixe en revanche un cadre déontologique que ces dernières doivent respecter afin de ne pas dégrader la confiance que le consommateur peut porter tant à l’activité commerciale qu’à sa promotion publicitaire et de ne pas induire ce dernier en erreur. A cet égard, en raison de l’impact environnemental du transport aérien et de la très forte sensibilité du corps social à cette question, qu’il revient au Jury de prendre en compte conformément au point 1 de la Recommandation, les compagnies aériennes et les autres acteurs du secteur aérien doivent faire preuve d’une particulière vigilance dans la formulation des allégations écologiques figurant dans des publicités qu’elles diffusent.

Dans cette perspective, s’il n’appartient pas au Jury de remettre en cause le témoignage des personnes interviewées, les propos choisis au sein de la communication sont soumis aux mêmes règles que toute allégation environnementale publicitaire.

Sur le contenu des propos de l’influenceur, le Jury relève, en premier lieu, qu’il est reproché à ce dernier d’énoncer, dans la vidéo sur YouTube, la phrase suivante « moi, habitant Toulouse, parfois c’est plus simple de prendre l’avion. Faut être réaliste, parfois ce serait dur de se priver des avions ». Toutefois, s’il n’indique pas la destination choisie, rien ne permet de déduire de ce texte qu’il inciterait à privilégier l’avion sur de courtes distances. La déclaration selon laquelle il est « parfois » plus simple de prendre l’avion peut ainsi faire référence aux cas dans lesquels d’autres modes de transport offriraient une alternative peu commode. Elle ne constitue pas un comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles ni ne minimise les conséquences du transport aérien.

En deuxième lieu, si le plaignant conteste l’allégation faisant état de « 0 % d’émission de CO2 net en 2050 » (qu’il faut comprendre comme signifiant « 0 émission de CO2 net en 2050 », celle-ci est clairement présentée comme un objectif à atteindre. Elle constitue un simple rappel de l’engagement pris dans le cadre de l’association internationale du transport aérien en 2021, en cohérence avec l’Accord de Paris et confirmé, s’agissant des vols internationaux, dans le cadre de l’organisation internationale de l’aviation civile en 2022, qui repose sur des réductions d’émission liées à l’utilisation de carburants d’aviation durables, de nouvelles technologies de propulsion comme l’hydrogène, ainsi que de la capture et de la séquestration de carbone et des mesures de compensation. S’il est possible de nourrir des doutes quant à la capacité de l’industrie aéronautique à atteindre cet objectif, les éléments produits par le plaignant ne permettent pas de penser qu’il ne pourrait pas l’être et qu’il présenterait un caractère exagérément optimiste. Les vidéos litigieuses ne méconnaissent donc pas sur ce point le point 3.3. de la Recommandation « Développement durable » qu’il invoque. De même, elles n’apparaissent pas de nature à induire en erreur le public, qui peut aisément se documenter sur ce sujet, quant à la réalité des actions de l’industrie aéronautique, et ne recourent pas à cet égard à un « vocabulaire technique, scientifique, ou juridique » qui ne serait pas approprié ni compréhensible pour les destinataires du message publicitaire. Elles ne méconnaissent donc pas les points 7.1 et 7.5 de la même Recommandation qu’invoque le plaignant.

En troisième lieu, le Jury retient que plusieurs allégations environnementales évoquent la réduction de l’empreinte carbone ou la neutralité carbone sous la forme de questions telles que « est-ce possible qu’un jour les avions d’affaires vont réussir à émettre 0 gramme de CO2 ? », ou d’affirmations telles que « Des moteurs de dernière génération qui consomment beaucoup moins que la génération d’avant », « Ce moteur-là, y a pas de carrénage, chez Safran, émettra 20 % de moins de CO2 que les moteurs actuels », « Il *émettra* 20% de moins de CO2», et, à propos des taxis volants, « Ils seront 100% électriques » / « Du coup pas de CO2 », formules prononcées et, pour les trois dernières, écrites en lettres capitales en surimpression des visuels sur la publication Tik Tok.

Le Jury observe que ces allégations sont présentées en contrepoint au propos initial « l’avion, ça pollue ? C’est mauvais pour la planète ? On va voir ça tout de suite ! » que l’influenceur s’emploie à déconstruire. Le propos, introduit par la lecture de messages adressés à l’influenceur (« pourquoi tu prends encore l’avion ça pollue la planète »), est spontanément compris par la majorité du public, qu’il « suive » ou non Tibo InShape sur les réseaux sociaux, comme signifiant que la vidéo présente les procédés qui vont permettre de ne plus polluer la planète ou, a minima, de moins polluer. Ceci n’est pas, en soi, contraire aux règles déontologiques précitées, à la condition que les allégations ne prêtent pas à confusion au point d’induire en erreur le public.

A cet égard, le Jury constate que si la vidéo la plus longue, diffusée sur YouTube présente, sur plus de 25 minutes, des explications détaillées relatives aux innovations mises en valeur au salon du Bourget, tel n’est pas le cas de la vidéo d’une minute et 13 secondes diffusée sur Tik Tok, Facebook et Instagram.

Ainsi, sur la vidéo diffusée sur YouTube, les progrès sont présentés dans une perspective à moyen terme, qui mentionne les dates de 2035, 2037 et 2050 et la progressivité des évolutions. Il est indiqué dès les premières secondes que « Le but de la vidéo est de montrer que l’avion de demain peut être un avion propre » puis qu’il s’agit de « montrer comment l’industrie aéronautique évolue pour qu’on puisse continuer à voyager sans polluer ». L’influenceur pose la question de savoir s’il est possible qu’un jour, les avions d’affaire émettent zéro gramme de CO2. La réponse, qui fait référence au Falcon 10X, précise que cet avion sera « certifié SAF un carburant qui permet de réduire de 90% l’empreinte carbone ». Le spécialiste précise qu’« aujourd’hui on utilise 30 % de SAF là où dans les avions de ligne on utilise 1 à 2% et très vite on aura 50% de carburant disponible et les avions vont être certifiés pour 100%. Donc on va très vite vers cette perspective ». La vidéo relève également que des essais sont en cours pour une économie de 10% des carburants par des techniques de vol qui sont actuellement testées. De la même manière, les avions Airbus sont présentés dans une perspective à court terme mais non actuelle (« aujourd’hui 75 % des avions sont d’ancienne génération, donc très polluants »). Un spécialiste indique qu’il est « un peu tôt pour prévoir du tout électrique », un autre évoque des « technologies du futur » pour les avions à hydrogènes ainsi que pour les avions plus conventionnels. Cet interlocuteur indique que les progrès « vont mettre un certain temps à se mettre en place », explique comment le bilan peut s’améliorer en précisant les contraintes qui devront être dépassées : « si on n’a pas d’hydrogène propre ou pas d’aéroport pour accueillir des avions à hydrogène ».

Le Jury constate donc que, dans cette vidéo longue, les projets sont présentés comme des perspectives, relativisés au regard des leurs conséquences et soumis à une pluralité de facteurs, ce qui permet au consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif, de percevoir la complexité du processus permettant une amélioration des performances de l’industrie aéronautique au regard du développement durable.

Sur les vidéos courtes, en revanche, les échéances temporelles ne sont pas systématiquement précisées. Il en va ainsi des moteurs sans carénage, des « taxis volants » électriques ou de l’utilisation du carburant durable (SAF). Si certaines formulations permettent de comprendre que les dialogues de l’influenceur évoquent des améliorations en cours de réalisation (« Les moteurs de dernière génération consomment beaucoup moins que la génération d’avant », la première étape est « le remplacement de la flotte »), en revanche, les allégations sur le carburant et l’emploi du présent de l’indicatif ( « c’est pas du biocarburant classique : l’idée c’est de produire à partir de biomasse qu’on transforme en kérosène et qu’on utilise ensuite dans nos avions ») laissent entendre que dès à présent tous les avions en cause fonctionnent avec du carburant certifié « SAF » (« Sustainable Aviation Fuel »). L’emploi du présent associé aux raccourcis induits par les coupes au montage par rapport à la vidéo la plus longue sont ainsi de nature à brouiller le message adressé au consommateur. Or ainsi qu’il a été dit, cette même vidéo s’ouvre sur une première séquence dans laquelle l’influenceur laisse entendre qu’il va battre en brèche les préjugés selon lesquels l’avion pollue, sans qu’on comprenne s’il s’agit de la pollution résultant actuellement de l’utilisation des avions ou de l’idée que, par principe, un avion sera toujours polluant. L’internaute peut ainsi être induit en erreur sur la réalité de l’impact environnemental du transport aérien à l’heure actuelle. Cette vidéo méconnaît à ce titre les points 1.1 c/ et 3.3 c/ de la Recommandation « Développement durable ».

Le Jury relève en outre que si la vidéo de 25 minutes n’encourt pas ces mêmes critiques, elle contient en revanche l’allégation « Le but de la vidéo est de montrer que l’avion de demain peut être un avion propre ». Or, en l’absence de toute définition de l’« avion propre » et de toute relativisation du propos, le Jury relève que l’association des termes « avion » et « propre » est spontanément comprise par la majorité du public comme signifiant que l’avion n’entraîne pas de nuisance écologique. Même en prenant en considération les innovations technologiques annoncées au Salon du Bourget, cette allégation est disproportionnée eu égard à l’impact écologique global de l’industrie aéronautique et aux nuisances environnementales qui en résultent, notamment s’agissant des équipements aéroportuaires. En ce qu’elle utilise ainsi les termes « avion propre », la publicité n’est pas conforme aux points 7.1 et 7.3 de la Recommandation « Développement durable » précitée. Il en va de même de l’allégation « 2050 0 émission » qui apparaît à la fin de cette vidéo longue, et qui induit indûment l’idée d’émissions nulles (alors que la promesse est celle de « 0 émission nette »).

En quatrième et dernier lieu, le Jury estime que l’allégation se rapportant aux taxis volants « Ils seront 100% électriques » / « Du coup pas de CO2 » traduit l’idée que ces engins ne génèreraient aucune émission, ni lors de la fabrication de l’avion ni lors de son utilisation à brève échéance. Il n’est en effet pas précisé, contrairement à ce qu’il en est pour l’avion à hydrogène, que sont seulement évoquées ici les émissions en vol. Une telle présentation est de nature à induire en erreur le consommateur moyen, en méconnaissance des points 1.1 c/, 2.1, 7.1 et 7.3 de la même Recommandation.

Sans remettre en cause les efforts que consent l’industrie aéronautique pour limiter l’empreinte écologique du secteur aérien, le Jury considère donc que les communications publicitaires en cause méconnaissent les règles déontologiques précitées dans la mesure précédemment indiquée.

Avis adopté le 10 novembre 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.


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