FNAM – Internet – Plainte irrecevable – Plaintes fondées – Demande de révision rejetée

Avis publié le 8 février 2022
FNAM – 825/22
Plainte irrecevable / plaintes fondées
Demande de révision rejetée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte, dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article 18 du règlement intérieur du Jury,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers (FNAM), lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • après en avoir débattu,
  • l’avis délibéré ayant été adressé aux plaignants ainsi qu’à la FNAM, laquelle a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 janvier 2022, de douze plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, diffusée sur le réseau social LinkedIn, en faveur de la Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers (FNAM), pour promouvoir les infrastructures aéroportuaires.

La publicité en cause montre trois images juxtaposées représentant, pour l’une, un avion décollant au-dessus d’un paysage de campagne avec arbres et animaux présentés de manière statique, et, pour les deux autres, un train sur des rails de chemin de fer ou un camion circulant sur une autoroute, traversant des espaces naturels desquels s’échappent des animaux tels qu’un renard ou un lièvre.

Le texte accompagnant ces visuels est « Focus #Aviationdurable #Biodiversité », « Les aéroports sont constitués à plus de 70% de prairies et d’espaces naturels abritant une importante biodiversité », « Les infrastructures aéroportuaires sont peu invasives », « Les infrastructures du transport aérien requièrent une emprise au sol relativement réduite : plus de 70 % des espaces aéronautiques sont constitués de prairies et de surfaces aquatiques, permettant de préserver la biodiversité environnante (…) », « Ces espaces (…) offrant de bonnes conditions pour le développement et la reproduction des espèces. L’association Aéro Biodiversité évalue et valorise cette biodiversité aéroportuaire ». Il est en outre précisé que « La construction de la LGV Bordeaux-Toulouse conduira à artificialiser 5000 hectares d’espaces (…) impactant de nombreuses zones humides et milieux naturels riches. A titre de comparaison, seule une petite partie des 1500 ha de l’aéroport d’Orly sont bétonnés ».

2. La procédure

La Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers (FNAM), a été informée, par courriel avec accusé de réception du 31 janvier 2022, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure d’urgence prévue à l’article 18 du règlement intérieur du Jury.

3. Les arguments échangés

 Les plaignants considèrent, selon le cas, que cette publicité :

  • constitue du « greenwashing » et est trompeuse quant à l’impact environnemental réel de l’aviation sur le climat, la biodiversité et les autres éléments de l’environnement que l’artificialisation des sols, notamment en ce qu’elle occulte l’empreinte carbone du secteur de l’aviation, et en ce qu’elle comporte l’allégation « Aviationdurable » ;
  • n’est pas véridique car les espaces aéroportuaires n’offrent pas de bonnes conditions de vie pour les espèces ;
  • dénigre le transport ferroviaire ;
  • comporte des élément naturels (feuilles, arbres, animaux…) qui donnent à penser que l’aviation aurait des vertus écologiques.

La FNAM explique qu’elle est une fédération qui rassemble différents groupements professionnels liés aux activités de transport aérien. Elle est chargée de représenter les intérêts collectifs de ces activités sur les questions économiques, sociales, environnementales, techniques et réglementaires.

La publication (le « post ») sur la page FNAM du réseau social LinkedIn ne consistait pas à faire l’éloge d’un bien, d’une marque ou d’un produit en particulier mais de rendre intelligible des données, factuelles, connues, approuvées et validées par un comité scientifique auquel appartiennent des personnalités issues de différents organismes d’État.

De plus ces données sont à considérer uniquement à titre informatif et ne sont pas susceptibles d’induire une quelconque incitation. Par suite, la communication critiquée ne constitue pas une publicité. Ce post a été publié de façon dite « organique », soit gratuite, et n’a pas été
« boosté » ou sponsorisé à la suite d’une action payante.

De plus, l’infographie et les textes du post mis en cause dans le cadre de la saisine ne sont pas une création ou une rédaction interne à la FNAM mais ils sont issus d’autres supports de communication – dont ici un blog aérien – existants et publiés. Ils sont issus de travaux scientifiques (#AviationDurable sur les réseaux sociaux) réalisés au sein de l’association Aéro Biodiversité par un comité scientifique. Cette association et son comité scientifique rassemblent des représentants issus d’organismes scientifiques et industriels tel que le CNRS, le Muséum National d’Histoire Naturelle, la DGAC, Air-France, mais aussi du Ministère de la Transition Écologique.

Enfin dans un cadre plus global, la FNAM ajoute que le secteur de l’aérien, et en particulier les instances françaises, ont engagé depuis plusieurs années de lourds efforts afin de réduire drastiquement les émissions qui seraient nocives pour l’environnement.

La FNAM estime que le grief de « greenwashing » et le manque de transparence dénoncés dans les plaintes n’est pas fondé.

En effet, dans le post Linkedin, il est mentionné explicitement les références scientifiques (en l’occurrence les publications de l’association AéroBiodiversité). De plus, le ministère de la transition écologique a avalisé et repris dans ses documents et lignes de route internes ces différentes informations.

En ce qui concerne la comparaison des modes de transports, l’objectif était simplement de faire connaître l’impact de la création de nouvelles lignes, qui est différent selon que les nouvelles rames empruntent des tracés existants ou à construire. Dans le cadre des réductions des émissions, différents accords ont été mis en place entre les compagnies aériennes et la SNCF afin de réaliser un mode de transport multimodal plus respectueux de l’environnement.

Concernant le modèle de société et l’incompatibilité avec un développement durable, il n’appartient pas à quelques organisations non gouvernementales de désigner seules les futurs modèles pertinents de société. Bien que cela puisse paraître contre-intuitif grâce à la recherche et au développement de solutions innovantes, le secteur de l’aérien pourrait un jour devenir vertueux pour l’environnement. La décroissance telle que préconisée dans certaines plaintes ne saurait faire émerger de solutions durables pour une société plus ouverte. La trajectoire de décarbonation ambitieuse dans laquelle s’engage le secteur aérien a été élaborée conjointement avec le Gouvernement français, la Commission européenne et d’autres acteurs techniques et environnementaux. Elle a fait l’objet d’une concertation approfondie.

En l’absence de dossiers scientifiques solides produits par les auteurs de cette saisie, il n’y a pas de fondement à remettre en cause cette stratégie.

En conclusion, la FNAM constate par cette procédure que le transport aérien, pourtant pro-actif sur le plan environnemental (investissements massifs dans la recherche, développement de technologies plus vertueuses, renouvellement des flottes d’avions, optimisation de ses trajectoires et procédures d’exploitation), est malgré tout toujours sous le feu de propos ostentatoires et peu documentés. Elle le déplore et souhaite continuer son travail d’information et de relais des travaux scientifiques. La FNAM est profondément convaincue que les solutions de neutralité environnementale seront trouvées dans le consensus scientifique et qu’il est pour cela nécessaire de transmettre les informations scientifiques à jour et les plus précises possibles.

Lors de la séance, la FNAM a confirmé qu’elle considérait cette communication informative comme dépourvue de caractère publicitaire et que l’infographie utilisée n’émanait pas d’elle. Elle a souligné qu’elle n’entendait pas opposer le transport aérien au transport ferroviaire mais fournir des éléments factuels de comparaison sur la surface des infrastructures nécessaires à l’un et à l’autre. Elle a rappelé que la FNAM travaillait étroitement avec les pouvoirs publics sur des stratégies de développement durable nécessitant de lourds investissements de ses adhérents et fait état d’une surestimation de l’impact du transport aérien sur le changement climatique. S’agissant de l’état de la biodiversité dans les enceintes aéroportuaires, elle renvoie au site d’Aérobiodiversité.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’il est compétent pour se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques de tout message publicitaire diffusé en ligne par un annonceur basé en France. Constitue une publicité toute communication publique ayant pour objet de promouvoir un produit, un service, une personne ou une catégorie de personnes, une politique publique ou les intérêts qu’une entité s’est donnée pour objet de défendre.

Le Jury relève que la communication critiquée, émanant de la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM) qui défend les intérêts des professionnels du secteur, entend faire la promotion des infrastructures aéroportuaires du point de vue de leur impact sur les milieux naturels et la biodiversité, en comparaison des transports ferroviaires et routiers qui requièrent une emprise au sol plus importante et ayant un plus fort impact sur les habitats naturels, la mobilité et les conditions de vie de la faune sauvage. En raison de son contenu et de sa présentation, elle ne constitue pas un message à caractère purement informatif, mais un message publicitaire en faveur des aéroports et du transport aérien.

Le Jury est donc compétent pour connaître des plaintes dont il est saisi.

3.2. Sur la recevabilité des plaintes

Le Jury constate que l’une des plaintes dont il a été saisi ne comporte aucune argumentation, même succincte. Une telle plainte ne peut qu’être rejetée comme irrecevable.

3.3. Sur la conformité aux règles déontologiques

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • 1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
    • (…)
    • b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /
    • c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».
  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; /
    • 3.3. En particulier : (…) / b/ Le message publicitaire ne saurait suggérer indûment une absence totale d’impact négatif »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) :
    • « 1. l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • 2. Si l’argument publicitaire n’est valable que dans un contexte particulier, ce dernier doit être présenté clairement ;
    • 3. lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».
  • au titre de la présentation visuelle et sonore (point 8) :
    • « 1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.
    • 3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur».

En outre, il résulte des principes généraux repris à l’article 11 du code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (code ICC) que la communication publicitaire contenant une comparaison doit être conçue de manière à ne pas induire en erreur le public et à respecter les principes de la concurrence loyale, les éléments de comparaison devant s’appuyer sur des faits objectivement vérifiables et qui doivent être choisis loyalement.

Le Jury constate que le texte de la communication critiquée entend valoriser la part importante – plus de 70 % – d’espaces naturels (prairies, surfaces aquatiques…) que comportent les sites aéroportuaires, à la différence des infrastructures ferroviaires et routières qui entraînent l’artificialisation de surfaces nettement plus importantes, « impactant de nombreuses zones humides et milieux naturels riches ». Les aéroports constitueraient ainsi un environnement plus propice au développement de la biodiversité.

En premier lieu, le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » ne fait pas obligation à un annonceur de présenter l’ensemble des incidences environnementales de ses activités. Ainsi, les règles déontologiques précitées n’interdisent pas par principe qu’une publicité se borne à comparer l’impact respectif de deux solutions de mobilité au regard d’un unique critère environnemental, comme l’incidence sur la biodiversité de l’occupation des sols par des infrastructures de transport, sans dénigrer la solution concurrente. Pour autant, la proportionnalité, la clarté et la loyauté du message doivent s’apprécier au regard de la teneur de la ou des allégations écologiques et de la « promesse » en matière de développement durable qu’il comporte.

Le Jury observe à cet égard que la publicité critiquée comporte, accolées, les notions générales « #Aviationdurable » et « #Biodiversité ». Or l’impact de l’activité aérienne sur la biodiversité est loin de se limiter à l’emprise des infrastructures de transport. Celle-ci est en effet fortement impactée par le dérèglement climatique auquel contribuent de façon non négligeable les émissions de CO2 liées au transport aérien, en l’état des technologies utilisées. Cette incidence indirecte, qui n’est pas nécessairement appréhendée de façon spontanée par le grand public, est occultée par la communication critiquée, alors même qu’elle se rapporte à la biodiversité et au développement durable appliqué à l’aviation dont elle se prévaut.

En deuxième lieu, le Jury relève que les plaintes ne remettent en cause ni la véracité de l’allégation selon laquelle les sites aéroportuaires abritent une « importante biodiversité » – il ressort à cet égard du site internet et des rapports publiés par l’association Aéro Biodiversité, auxquels renvoie le post litigieux, qu’y ont été recensées plus de 3000 espèces végétales et animales, dont 255 espèces d’oiseaux et 24 espèces de chauve-souris – ni l’importance des prairies aéroportuaires dans la trame verte et l’existence d’une biodiversité plus riche que ce à quoi le grand public pourrait s’attendre. Toutefois, si les mêmes sources font état de l’organisation d’actions de suivi et d’évaluation de la biodiversité aéroportuaire, de campagnes d’information et d’éducation, ainsi que de la promotion de pratiques et techniques tenant compte de l’enjeu de développement de la faune et de la flore, en particulier en ce qui concerne le fauchage et la tonte, la protection des carnivores régulateurs de rongeurs et la diminution de l’utilisation de produits phytosanitaires, le Jury estime qu’ils ne justifient pas l’allégation globale selon laquelle ces sites, « protégés », offriraient « de bonnes conditions pour le développement et la reproduction des espèces », sans la moindre distinction ni relativisation. En outre, cette allégation n’est nullement explicitée ou étayée, alors que la notion de « bonnes conditions » est particulièrement vague.

En troisième et dernier lieu, le Jury constate que le visuel met en parallèle un aéroport de petite taille entouré d’arbres dans lequel plusieurs animaux (dont un renard et des lapins) gambadent ou observent paisiblement un avion décoller, et une ligne de TGV et une autoroute où circulent respectivement un train et un camion, qui font fuir un renard et un lapin. Or d’une part, cette présentation, relative aux nuisances provoquées par l’utilisation des infrastructures, au moment du passage des véhicules, est en décalage avec le texte, qui porte sur l’impact de la construction des infrastructures de transport aérien et ferroviaire sur les milieux naturels, en termes d’artificialisation des sols, et est susceptible d’introduire une confusion. D’autre part, ce dessin donne le sentiment, excessif, que les animaux ne seraient en rien effarouchés par les activités humaines se déroulant sur les plateformes aéroportuaires, notamment le décollage et l’atterrissage des avions, à la différence des trains et des véhicules automobiles.

Le Jury estime en conséquence que cette communication ne procède pas à une comparaison loyale de l’incidence globale des différents modes de transport sur la biodiversité et est de nature à induire en erreur le public sur la réalité de l’impact du secteur de l’aviation sur la faune sauvage, en laissant accroire que ce dernier contribuerait globalement à la préservation de la biodiversité et au développement durable, à la différence du transport ferroviaire ou du transport routier.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité critiquée, telle qu’elle est conçue, méconnaît dans cette mesure la Recommandation précitée.

Avis adopté le 4 février 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Boissier, Charlot et Lenain ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

Alexandre LALLET

Président du JDP

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La Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers (FNAM), à laquelle l’avis du JDP a été communiqué le 8 février 2022, a adressé, le 10 février suivant, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 22 février 2022.

DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

1) Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 janvier 2022, de douze plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une communication, diffusée sur le réseau social LinkedIn, en faveur de la Fédération Nationale de l’Aviation et de ses Métiers (FNAM), pour promouvoir les infrastructures aéroportuaires.

La communication en cause montre notamment trois images juxtaposées représentant, pour l’une, un avion décollant au-dessus d’un paysage de campagne avec arbres et animaux présentés de manière statique, et, pour les deux autres, un train sur des rails de chemin de fer ou un camion circulant sur une autoroute, traversant des espaces naturels desquels s’échappent des animaux tels qu’un renard ou un lièvre.

Le texte accompagnant ces visuels est « Focus #Aviationdurable #Biodiversité », « Les aéroports sont constitués à plus de 70% de prairies et d’espaces naturels abritant une importante biodiversité », « Les infrastructures aéroportuaires sont peu invasives », « Les infrastructures du transport aérien requièrent une emprise au sol relativement réduite : plus de 70 % des espaces aéronautiques sont constitués de prairies et de surfaces aquatiques, permettant de préserver la biodiversité environnante (…) », « Ces espaces (…) offrant de bonnes conditions pour le développement et la reproduction des espèces. L’association Aéro Biodiversité évalue et valorise cette biodiversité aéroportuaire ». Il est en outre précisé que « La construction de la LGV Bordeaux-Toulouse conduira à artificialiser 5000 hectares d’espaces (…) impactant de nombreuses zones humides et milieux naturels riches. A titre de comparaison, seule une petite partie des 1500 ha de l’aéroport d’Orly sont bétonnés ».

Par un avis délibéré le 4 février, le JDP, après avoir confirmé que ce document de la FNAM constitue bien une publicité en faveur des aéroports et du transport aérien, et statuant selon la procédure d’urgence prévue à l’article 18 du règlement du Jury, a estimé que ce message méconnait la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

Par un recours sommaire introduit le 10 février 2022, soit dans les délais prévus pour la procédure d’urgence, complété par un mémoire postérieur, la FNAM a déposé une demande de Révision de cet avis.

Cette demande est fondée sur une critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury (Article 22.1 du Règlement intérieur du JDP).

Conformément au Règlement du JDP, le Réviseur de la déontologie publicitaire s’est rapproché du Président de la séance du Jury qui a délibéré l’avis dont la révision est demandée et il a procédé avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

Le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision ainsi qu’aux moyens et griefs suivants qui sont invoqués à l’appui de ce recours.

2) Par son premier moyen de Révision, la FNAM critique le Jury pour avoir considéré que le message qui fait l’objet du présent litige présente un caractère publicitaire.

Sur ce point, l’avis contesté fournit tout d’abord une définition précise et rigoureuse de ce qui constitue une “publicité” – définition que la Fédération ne conteste pas.

D’autre part, le JDP, contrairement aux affirmations de la FNAM, n’a aucunement entendu limiter la nécessaire liberté d’expression dont doit disposer un syndicat professionnel dans la défense des intérêts de ses adhérents – encore moins instaurer une quelconque “censure”.

En effet, dans les arguments non publics qu’il utilise pour défendre ses mandants, un syndicat professionnel reste bien sûr totalement libre de son expression (sauf à en répondre devant les tribunaux), et son discours n’est nullement justifiable d’un recours devant le JDP ; si en revanche ce syndicat diffuse les mêmes arguments sous forme de “communication publique”, notamment pour défendre la cause de ses adhérents, son message revêt alors un caractère publicitaire et doit donc respecter la déontologie en vigueur telle qu’appliquée par le JDP.

De ce qui précède il résulte que c’est à bon droit que l’avis en litige a considéré que le Jury était compétent pour connaître des plaintes dont il était saisi à l’encontre du message FNAM.

3) En deuxième lieu, la Fédération entend préciser “que les hashtags [mots-dièse] mentionnés dans un post ne sont pas destinés à émettre un message mais seulement à caractériser le thème évoqué dans le post auquel il se réfère. Le rapprochement des 2 hashtags [mots-dièse] entre eux n’a aucune signification induite particulière. C’est le fonctionnement conventionnel des réseaux sociaux”.

La lecture de l’avis contesté montre que le JDP n’a tiré aucune conclusion de la seule utilisation des deux mots-dièse figurant dans la publicité ni de leur “rapprochement” dans le texte ; c’est au contraire de manière beaucoup plus approfondie qu’il a analysé le caractère durable du mode de transport aérien et son incidence sur la biodiversité tels qu’ils sont évoqués dans la publicité en cause.

Par suite et contrairement à ce qu’évoque la demande de Révision :

  • les mots-dièse font, au cas d’espèce, partie du message publicitaire dans lesquels ils sont insérés ;
  • le Jury ne s’est pas seulement fondé sur ces mots-dièse pour analyser le contenu de la publicité.

4) S’agissant, en troisième lieu, des “bonnes conditions pour le développement et la reproduction des espèces” mentionnées par l’avis contesté, le JDP a d’abord analysé avec force détails et nuances les actions et informations relatives à cette question, pour conclure que ces éléments ne justifient pas l’allégation globale selon laquelle ces sites, « protégés », offriraient « de bonnes conditions pour le développement et la reproduction des espèces », sans la moindre distinction ni relativisation. En outre, cette allégation n’est nullement explicitée ou étayée, alors que la notion de « bonnes conditions » est particulièrement vague”.

Pour toute contestation de cette analyse approfondie des faits de la cause à laquelle a procédé le Jury, l’annonceur se borne, en Révision, à soutenir laconiquement qu’il faut “replacer” son expression “dans le contexte de la communication” et la “comprendre de manière relative” – sans autre précision.

Sa demande ne peut dès lors être retenue.

5) En quatrième lieu, les visuels (images) du message “posté” par la FNAM sur LinkedIn (visuels que l’annonceur qualifie “d’infographie”) font référence aux conséquences comparées de trois modes de transport (aérien, ferroviaire, routier) au regard des plus ou moins grandes nuisances qu’ils peuvent respectivement causer à certains animaux (renards ou lapins).

S’agissant de ces images, la demande de Révision ne conteste pas réellement que :

  • cette manière de caractériser les atteintes portées au confort ou au bien-être des animaux est sans réel rapport avec l’artificialisation des sols (laquelle fait l’objet principal, sinon exclusif, du message) ; il en résulte donc – comme l’a relevé l’avis contesté – un risque de confusion dans l’esprit des consommateurs, contraire à l’objectif de clarté posé par la Recommandation Développement durable de l’ARPP ;
  • sur le fond, cette comparaison entre les trois modes de transport pêche par excès, en ce qu’elle donne le sentiment que les animaux ne seraient en rien effarouchés par les activités humaines se déroulant sur les plateformes aéroportuaires, notamment le décollage et l’atterrissage des avions, à la différence des trains et des véhicules automobiles” (ainsi que l’avis l’a relevé avec précision) ; cet excès est donc contraire aux exigences de proportionnalité et de loyauté que requiert la déontologie publicitaire, au titre notamment des diverses règles précisément rappelées dans le texte de l’avis (Recommandation précitée et Code ICC).

6) En cinquième lieu, la demande de Révision rappelle, en les résumant sommairement, les principes déontologiques que l’avis contesté explicite avec précision, selon lesquels :

  • les règles de la Recommandation Développement durable de l’ARPP “n’interdisent pas par principe qu’une publicité se borne à comparer l’impact respectif de deux solutions de mobilité au regard d’un unique critère environnemental, comme l’incidence sur la biodiversité de l’occupation des sols par des infrastructures de transport, sans dénigrer la solution concurrente” ;
  • pour autant, “la proportionnalité, la clarté et la loyauté du message publicitaire doivent s’apprécier au regard de la teneur de la ou des allégations écologiques et de la « promesse » en matière de développement durable qu’il comporte”.

Or la demande de Révision ne soutient pas, et encore moins n’établit, que l’avis du Jury aurait fait une interprétation ou une application erronée des principes rappelés ci-dessus.

7) Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de la FNAM est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • la critique sérieuse et légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée contre l’Avis en litige ne peut être considérée comme fondée.

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.

Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’Avis contesté, sauf :

  • pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus,
  • pour y adjoindre en annexe la présente réponse.

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause ainsi complété (pour mentionner le recours en Révision et la présente réponse) deviendra définitif, sera communiqué aux parties et sera publié – accompagné de la présente décision, laquelle constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande de la FNAM.

Je vous prie de croire, Monsieur, aux assurances de mes tout meilleurs sentiments.

Alain GRANGE-CABANE
Maître des Requêtes au Conseil d’État
Réviseur de la Déontologie Publicitaire