FLIXBUS – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 29 octobre 2021
FLIXBUS – 776/21
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le représentant de la société Flixbus,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 juillet 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée sur le site Internet de la société Flixbus, pour promouvoir son offre de transport par autocar.

La vidéo publicitaire en cause montre, dans sa première partie, plusieurs personnages voyageant avec un bus de la marque. Des exemples de destinations sont présentés à l’écran. La deuxième partie de la vidéo montre un bus qui quitte un univers urbain et roule sur une route au bord de laquelle surgissent des arbres.

Le texte accompagnant ces images est : « Prêts à créer de nouveaux souvenirs ? Grâce à Flixbus et ses tarifs attractifs, il n’a jamais été aussi facile de voyager en France et en Europe. Evadez-vous ! Réservez votre billet en ligne ou dans nos points de vente et partez à l’aventure ! …. ».

Les textes mis en cause sur le site Internet de la société Flixbus sont : « C’est économique et bon pour l’environnement. Avec FlixBus, il est facile d’économiser : les prix défiant toute concurrence de nos billets soulagent votre porte-monnaie tandis que le confort de nos bus épargne vos nerfs. De plus, voyager en bus longue distance est le mode de transport le plus respectueux de l’environnement, avec un bilan CO2 exemplaire. « Roulez vert » est notre devise ! »

2. Les arguments échangés

Le plaignant relève que les arbres semblent pousser de part et d’autre de la route comme si le passage du bus avait un effet positif sur l’environnement.

Il considère que cette publicité contrevient à plusieurs points de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, en particulier :

  • point 2 – véracité des actions : les dernières images induisent le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur et sur les propriétés de ses services. De plus l’argument visuel devrait être justifié, ce qui n’est pas le cas.
  • point 4 – clarté du message : la publicité ne permet pas de comprendre en quoi le service de bus promu favoriserait la croissance des arbres. S’il s’agit de faire référence à un programme de reforestation, ce dernier ne pourrait consister à planter des arbres au bord des routes ;
  • point 8 – présentation visuelle : les éléments visuels utilisés (les arbres qui poussent) pourraient être perçus comme une garantie d’innocuité et ne sont pas justifiés ;
  • point 1- gestes écoresponsables : ce spot valorise le fait de se déplacer de façon inconsidérée partout en France et en Europe alors que les voyages en bus ne sont pas sans impact sur l’environnement.

Le plaignant ajoute que, sur le site web de l’annonceur dont l’URL apparaît en fin de spot, il est écrit « C’est économique et bon pour l’environnement. Avec FlixBus, il est facile d’économiser : les prix défiant toute concurrence de nos billets soulagent votre porte-monnaie tandis que le confort de nos bus épargne vos nerfs. De plus, voyager en bus longue distance est le mode de transport le plus respectueux de l’environnement, avec un bilan CO2 exemplaire. « Roulez vert » est notre devise ! ».

Le plaignant s’interroge sur l’existence d’une base scientifique permettant à la marque de fonder les allégations générales « le mode de transport le plus écologique » et « bilan CO2 exemplaire ».

La société Flixbus a été informée, par courriel avec accusé de réception du 9 septembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir qu’elle tente au quotidien de proposer à ses clients un mode de transport à la fois économique et écologique, ce qu’elle a souhaité mettre en avant dans sa publicité.

Conformément au message véhiculé par la dernière campagne de la FNTV (Fédération Nationales des Transporteurs de Voyageurs), dont FlixBus est adhérent, lancée en septembre 2021, l’autocar est un moyen de transport durable et responsable. Toute la profession engage des efforts considérables pour proposer un mode de transport respectueux de l’environnement.

L’autocar est souvent le mode de transport qui rejette le moins de CO2 par passager. Cette affirmation peut être prouvée à l’aide de deux études :

  • Les données ATMOSFAIR 2021 montrent que sur 2 trajets (Berlin/Amsterdam et Munich/Paris), FlixBus est le mode de transport qui rejette le moins de CO2 en comparaison du train, de la voiture et de l’avion.
  • l’Agence fédérale allemande pour l’environnement démontre qu’un autocar dont le taux occupation est de 60% est le mode de transport le moins émetteur de CO2 par passager.

FlixBus mène en outre des actions supplémentaires à celles déjà réalisées par la profession. Le principe directeur « Eviter-Réduire-Compenser » dicte l’ambition climatique d’une neutralité carbone à 100% d’ici 2030 de la marque. Afin d’y parvenir, elle met en place et développe notamment les actions suivantes :

  • une flotte d’autocars qui ont en moyenne 2 ans, dont la motorisation est essentiellement « Euro 6 », c’est à dire la norme Européenne la plus drastique en termes d’émissions et de rejets.
  • Depuis le 12 avril 2018 avec le lancement de la 1ère ligne de car longue-distance au monde 100% électrique entre Amiens et Paris, Flixbus propose le mode de transport collectif le plus écologique du marché, en disposant d’une technologie propre. Cette offre a démontré qu’il était possible de concilier accessibilité et écologie à grande échelle puisque la nouvelle ligne régulière avait pour prix de départ 6,99€ pour relier Amiens à Paris.
  • Depuis février 2020, un car équipé de panneaux solaires installés sur le toit relie Dortmund à Londres (via Eindhoven, Anvers, Bruges et Calais), réduisant de 7% les émissions de CO₂ en moyenne au cours de ses premières semaines de service.
  • De nombreux autres projets visant à réduire autant que possible nos émissions de CO2 ont été lancées, à l’instar des nouvelles lignes qui roulent au biogaz ou au Colza. FlixBus travaille par ailleurs étroitement avec les constructeurs pour trouver des solutions de transport encore plus écologiques.

Flixbus offre également la possibilité à tous ses passagers de compenser les émissions de CO₂ par le biais de programmes labélisés Gold Standard par l’ONU. Lors de sa réservation en ligne, il est proposé au client de cocher la case “compensation CO₂” après avoir choisi son trajet. Les émissions de CO₂ du trajet sont ensuite calculées en fonction de la distance. Le montant calculé est alors automatiquement ajouté au prix du billet. 75% de la contribution financière est ensuite utilisée pour compenser entièrement les émissions associées au trajet, en finançant des poêles à faible consommation dans les régions rurales du Rwanda. Les 25 % restants sont versés au “Future of Mobility Fund”, créé conjointement par FlixBus afin de promouvoir la mobilité durable et la décarbonation dans les villes et les communautés où nous opérons.

L’ensemble de ces données et éléments ont pour objet de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables. Ainsi la mention « Roulez vert » questionnée par le plaignant n’est ni fictive ni mensongère. Elle s’appuie sur des données scientifiques et sur une politique engagée et responsable de FlixBus.

En tant que société de transport, la publicité promeut effectivement les déplacements. Cependant, le mode de déplacement de Flixbus étant le plus protecteur de l’environnement et plus accessible économiquement, il correspond parfaitement à la définition du développement durable.

S’agissant de l’argument visuel, la société souligne qu’il n’est pas disproportionné s’agissant d’un moyen de transport plus respectueux de l’environnement. Il ne s’agit en rien d’une garantie d’innocuité mais de sensibiliser le plus grand monde au mode de transport avec l’emprunte carbone la plus faible et de faire écho à la politique de compensation des émissions de CO2 qu’elle conduit.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  •  En son point 1, relatif aux impacts écocitoyens, que :

 « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

(…) c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement. »

  • En son point 2, relatif à la véracité des actions, que :

« 2.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. /

2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées. /

2.3 L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité. /

2.4 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. »

  • En son point 3, relatif à la proportionnalité du message, que :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. ».

  • En son point 4, relatif à la clarté du message :

 « 4.1 L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;

4.3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP ; »

  • En son point 7, relatif au vocabulaire:

 « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;

7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition ;

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ;

7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »

  • En son point 8, relatif à la présentation visuelle ou sonore, que :

« 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient.

8.2 Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée.

8.3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur.

8.4 Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal, …) est à exclure ».

Le Jury relève que la plainte met en cause à la fois le site internet de l’annonceur et une vidéo publicitaire qui y renvoie. Cette campagne publicitaire entend promouvoir le caractère à la fois économique et écologique du voyage en car opéré par Flixbus.

Le site internet indique ainsi que le service proposé par cette société est « bon pour l’environnement », que « voyager en bus longue distance est le mode de transport le plus respectueux de l’environnement, avec un bilan CO2 exemplaire. « Roulez vert » est notre devise ! ».

Si le voyage en car opéré par la société apparaît plus faiblement émetteur de CO2 que la plupart des autres modes de transport à trajet équivalent et pour un taux d’occupation correspondant au taux moyen affiché par Flixbus, et si les moyens de locomotion les plus respectueux de l’environnement, comme le vélo, ne peuvent se substituer au car pour les voyages « longue distance » seuls évoqués sur le site internet, il n’en demeure pas moins que ce moyen de locomotion reste une source substantielle d’émission de dioxyde de carbone. Il ne saurait donc être qualifié de « bon pour l’environnement », avec un « bilan CO2 exemplaire » et comme un moyen de « rouler vert », sans la moindre relativisation. Une telle présentation méconnaît les règles déontologiques mentionnées ci-dessus, en particulier le c/ du point 1 et le point 7 de la Recommandation « Développement durable ».

Ces allégations trouvent par ailleurs un écho dans la séquence finale de la vidéo mise en cause, dans laquelle des arbres jaillissent sur le bord de la route empruntée par le car Flixbus, au moment de son passage. Si l’apparition de ces arbres pourrait, en écho à une autre séquence représentant des aras fictifs volant à côté du car, évoquer l’évasion et « l’aventure » par ailleurs mentionnée par la voix off, c’est-à-dire le fait de rejoindre une destination exotique ou champêtre dotée d’une végétation luxuriante, le Jury relève que l’annonceur lui-même conçoit cette séquence comme une référence directe aux efforts qu’il fournit pour réduire l’impact environnemental de ses activités. Le Jury estime qu’un tel message ne justifie pas une croissance végétale soudaine qui paraît directement liée au car, donc au service dont il est fait la promotion, comme si son utilisation par les clients contribuait directement et immédiatement à la reforestation ou à la régénération végétale de la planète. Cette publicité présente ainsi un caractère disproportionné au regard de la réalité des actions de l’annonceur et des incidences environnementales de ses activités, en méconnaissance des points 3 et 8 de la Recommandation précitée.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause contrevient aux règles précitées.

Avis adopté le 8 octobre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Boissier, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

Publicité Flixbus