ETIK NOUNOU – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 5 décembre 2022
ETIK NOUNOU – 879/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 7 juillet 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Etik Nounou, pour promouvoir son offre de garde d’enfants.

La publicité en cause, diffusée en affichage, montre une femme et une petite fille en train de jouer à un jeu de construction.

Le texte accompagnant cette image est : « Choisissez la garde d’enfants socialement responsable – etiknounou.fr ».

2. La procédure

 La société Etik Nounou a, dans un premier temps, été contactée par le Secrétariat du JDP, par courrier du 26 juillet 2022, pour recueillir des précisions et justifications concernant l’allégation « socialement responsable ».

Elle a ensuite été informée, par courriel avec avis de réception du 10 octobre 2022, de ce que la plainte, dont copie lui a été transmise, serait examinée lors d’une séance du Jury.

3. Les arguments échangés

Le plaignant considère que cette publicité, par le recours à l’allégation « socialement responsable » est de nature à induire en erreur le public.

Il rappelle en effet que l’Achat Socialement Responsable (ASR) est une démarche consistant à recourir, pour la fourniture de biens ou de services, aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS). Or les entreprises de l’ESS, toujours selon cette définition, sont des structures du type :

  • organisations de l’insertion par l’activité économique (IAE) ;
  • structures du secteur adapté et protégé, rassemblant les entreprises et établissements qui emploient des personnes en situation de handicap ;
  • acteurs du commerce équitable ;
  • entreprises implantées en « Quartiers Politique de la Ville » et orientées « Diversité ».

Force est de constater que rien n’indique ni sur l’affichage ni sur le site internet, que l’offre commerciale s’inscrit dans une de ces catégories.

La société Etik Nounou a indiqué par courrier en date du 5 septembre 2022 qu’elle est une entreprise clairement à vocation sociale et pleinement engagée dans une démarche RSE. Elle a à cet égard engagé des démarches pour être une « entreprise à mission », ce qu’elle serait désormais. Elle fait valoir qu’elle met à disposition de ses 400 collaborateurs un ensemble d’avantages sociaux tels que des protections hygiéniques, des fruits et légumes bio, une assistante sociale, et qu’elle finance plus de 60 CAP « Petite enfance » par an, soit en alternance, soit par le CAP à distance que la société finance.

4. L’analyse du Jury

La Recommandation « Développement durable » de l’ARPP énonce que le développement durable consiste à concilier un pilier environnemental, un pilier économique et un pilier social/sociétal, ce dernier renvoyant aux conditions de travail des collaborateurs, politiques d’information, de formation, de rémunération, sous-traitance, existence et qualité des relations avec la société civile, santé publique… Selon son préambule, cette Recommandation a vocation à s’appliquer à toutes publicités utilisant une présentation d’éléments non compatibles avec les objectifs du développement durable, même sans y faire référence, un argument faisant référence au développement durable, un argument écologique, en renvoyant ou non au concept du développement durable ou un argument social, sociétal ou économique présenté comme lié au développement durable.

Il en résulte qu’une publicité qui se borne à utiliser un argument social ou sociétal, comme l’allégation « socialement responsable » attachée à l’entreprise ou au produit qu’elle propose, ne doit respecter cette Recommandation, à cet égard, que si elle présente cet argument comme lié au développement durable ou si les éléments de la publicité ne sont pas compatibles avec les objectifs du développement durable.

Le Jury constate que tel n’est pas le cas en l’espèce. La publicité critiquée se borne en effet à revendiquer l’appellation de garde d’enfants « socialement responsable », sans faire référence au développement durable. Si cette allégation renvoie notamment à sa politique sociale et aux conditions de travail de ses collaborateurs, aucun lien n’est expressément fait avec le pilier social ou sociétal du développement durable. La publicité elle-même ne présente pas d’éléments qui seraient incompatibles avec les objectifs du développement durable. Dans ces conditions, cette Recommandation, que d’ailleurs le plaignant n’évoque pas, n’est pas applicable.

En outre, le Jury constate que la publicité n’utilise pas la notion d’« achat socialement responsable », mais uniquement l’expression « socialement responsable ». Or il ne résulte d’aucune norme que cette dernière expression devrait être réservée à des prestations réalisées par ou avec l’aide d’entreprises de l’économie sociale et solidaire.

En revanche, le Jury constate que cette allégation est étayée, dans les observations de l’annonceur et sur son site internet, par des « avantages sociaux » dont la consistance est toutefois définie de façon imprécise, dont certains correspondent en réalité à des droits des salariés, comme l’accès aux dispositifs du 1 % logement ou à une couverture complémentaire santé, et d’autres à des avantages en nature dont la générosité ne peut être appréciée qu’en regard du niveau de la rémunération par ailleurs versée aux salariés de l’entreprise. Le Jury observe que ces avantages ne sont d’ailleurs pas formellement repris dans la réponse à la question figurant sur le site internet « Pourquoi la garde d’enfants socialement responsable ? ».

Cette réponse est la suivante : « Depuis de nombreuses années, moi (en tant que gérant) et mon équipe constatons la montée très importante de la précarité auprès d’une partie de la population. Des problèmes concrets auxquels nous pouvions apporter une réponse si tant soit peu que nous arrêtions d’avoir pour unique indicateur la rentabilité…. Evidemment nous devons créer de la richesse pour créer du social mais quel immense bonheur de pouvoir faire de son entreprise un acteur social de la cité, utile pour tous et toutes au quotidien. / La notion de responsable est très importante, nous sommes toutes et tous responsables les uns des autres, les fonctionnements individualistes ont montré leurs limites dans notre système économique, nous devons faire attention aux uns et aux autres, PRENDRE SOIN des autres est une des valeurs essentielles d’ETIK NOUNOU. / « Le 21ème siècle sera spirituel ou pas » nous disait Malraux, nous y sommes… L’avenir de l’humanité se fera sur des valeurs éthiques, sociales et environnementales. ».

Le Jury constate que le caractère très général du propos reproduit ne permet pas de comprendre en quoi cette entreprise, à la différence des concurrents dont elle entend se démarquer par la formule « la garde d’enfants socialement responsable », présenterait spécifiquement la qualité revendiquée. En outre, si l’annonceur indique, dans le message qu’il a envoyé au Jury à la suite de la transmission de la plainte, qu’il a la qualité de société à mission au sens de l’article L. 210-10 du code de commerce, le dossier ne fait pas ressortir que tel était effectivement le cas à la date de diffusion de la campagne publicitaire critiquée. Son site internet n’en fait du reste pas état à ce jour, ni même d’une démarche en ce sens.

Dans ces conditions, le Jury, qui regrette que l’annonceur n’ait pas présenté d’observations lors de la séance afin de l’éclairer sur ses actions, considère que l’allégation « la garde d’enfants socialement responsable » ne repose pas sur des justifications suffisantes pour être revendiquée et qu’elle ainsi susceptible d’induire en erreur le public, en méconnaissance du principe général repris à l’article 5 du code Publicité et marketing de la chambre de commerce internationale (dit « code ICC »).

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît cette dernière règle.

Avis adopté le 4 novembre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicité Etik Nounou