ENERCOOP – Internet – Plaintes partiellement fondées

Avis publié le 16 juin 2021
ENERCOOP – 733/21
Plaintes partiellement fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plaintes,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 3 et 11 mars 2021, de deux plaintes émanant de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Enercoop, pour promouvoir une offre d’électricité.

La publicité en cause, diffusée sur Internet, représente un visuel en deux parties. La partie gauche de l’image montre plusieurs fûts jaunes comportant le symbole de la radioactivité (trisecteur) disposés sur un champ. La partie droite représente deux éoliennes.

La publication comporte les textes : « Chez Enercoop, votre facture finance 100% d’électricité renouvelable et 0% d’électricité nucléaire. Vérifiez par vous-mêmes sur notre site », « Enercoop, électricité vraiment verte, locale et citoyenne » et « Renouvelable : 100% – Nucléaire : 0% ».

2. Les arguments échangés

Les plaignants considèrent que cette publicité méconnaît les règles déontologiques.

Concernant la phrase « Electricité vraiment verte locale et citoyenne », ils relèvent que les articles 1, 4, 5, 6 et D1 du code ICC et la Recommandation « Développement durable » prescrivent un traitement loyal et véridique des informations véhiculées par le message publicitaire.

Selon les plaignants, dans la première phrase de la publicité, l’annonceur affirme sans nuance (« 100% vert ») que l’électricité éolienne serait écologique. Or le JDP a condamné en 2020 la FEE pour des allégations similaires. En effet, les éoliennes ne sont pas sans générer des déchets qui ne sont pas encore entièrement recyclables, notamment leurs pales en matériaux composites. De même pour les éoliennes en mer, il est fait appel à des métaux rares et à des huiles de refroidissement. Ainsi, selon eux, Enercoop minimise l’impact des éoliennes sur l’environnement direct ainsi que sur la faune avicole : en effet, de nombreux oiseaux sont tués par les éoliennes.

Ils considèrent que le qualificatif de « verte » ne peut être utilisé pour les éoliennes.

De même, les plaignants considèrent que l’allégation « locale » ne peut être véridique et induit le consommateur en erreur sur les qualités de l’énergie électrique d’origine éolienne. En effet, les électrons produits ne restent pas « locaux », ils sont envoyés sur l’ensemble du réseau électrique français que ce soit celui d’Enedis ou celui de RTE.

Ils indiquent qu’en 2018, 90% de la consommation était issue du réseau de transport RTE et non du réseau local Enedis. A l’inverse, 26% de la production injectée sur le réseau de distribution Enedis était refoulée vers le RTE. Cette part de l’énergie refoulée croit avec le développement des ENR.

Pour eux, il est trompeur de faire croire que les éoliennes seraient une source locale d’électricité et le consommateur non averti est trompé par les termes employés.

Les plaignants relèvent encore que la photo de gauche avec les barils jaunes recouverts d’un logo « nucléaire », contrevient aux articles 1, 4, 5, 6, 11 et 12, ainsi que D1, du code ICC, et aux points 4 et 7 de la Recommandation « Développement durable ».

Par l’emploi fallacieux de bidons rouillés censés représenter des déchets nucléaires qui seraient abandonnés sans surveillance dans un champ, ils estiment qu’Enercoop oppose de manière déloyale et non nuancée une énergie, le nucléaire (pourtant très faiblement émettrice de CO2 à hauteur de 6g /kWh) à l’énergie d’origine éolienne, contraste renforcé par la présence de forêt en arrière-plan de la photo de l’éolienne. De surcroît, ces bidons de couleur jaune ne sont pas utilisés dans l’industrie nucléaire et une telle disposition sur un champ n’existe pas.

La photographie relève donc, selon eux, d’un simulacre visant à donner une image erronée de la gestion des déchets radioactifs. En effet, le livret de l’IRSN montre, en page 9, un visuel de la nature des colis de déchets, en page 10, l’entreposage des déchets de faible et moyenne activité vie courte, entreposés dans des cases en béton, elles même recouvertes d’une dalle une fois remplie, et en page 13 et 16, l’entreposage de déchets vitrifiés (Forte activité – vie longue) dans un local fermé à l’intérieur de puits.

Enfin, ils considèrent que la juxtaposition des deux photographies est un procédé déloyal et inéquitable tendant à induire le consommateur non averti en erreur : le nucléaire est représenté au travers de ses déchets et l’éolien au travers de l’outil de production.

Une comparaison objective aurait donc demandé de mettre une photo de centrale nucléaire à côté de l’éolienne ou les déchets des éoliennes mise au rebut à côté des déchets nucléaires.

En revanche la production éolienne, sur son cycle de vie, a un bilan carbone à peu près comparable à celui de l’énergie nucléaire.

Ils en déduisent qu’Enercoop, en violation du point 4 de la Recommandation, s’attribue des vertus de développement durable que l’énergie nucléaire possède aussi.

La société Enercoop a été informée, par courriel avec accusé de réception du 7 avril 2021, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle qu’il résulte du code de la Chambre de commerce internationale ICC « Publicité et marketing », dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, que :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing.

 Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération.

 Article 5 – Véracité

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…)

Article 6 – Justification 

Toute description, assertion ou illustration relative à un fait vérifiable dans une communication commerciale doit pouvoir être étayée. Les revendications, qui affirment ou impliquent qu’un niveau ou un type particulier de preuve existe, doivent présenter au moins le niveau de justification annoncé. Cette justification doit être disponible de telle sorte que la preuve puisse être apportée sans délai et sur simple demande aux organismes d’autorégulation responsables de la mise en œuvre du Code.

Article 11 – Comparaisons 

La communication commerciale contenant une comparaison doit être conçue de telle sorte que la comparaison ne soit pas de nature à induire en erreur le consommateur et elle doit respecter les principes de la concurrence loyale. Les éléments de comparaison doivent s’appuyer sur des faits objectivement vérifiables et qui doivent être choisis loyalement.

Article 12 – Dénigrement

La communication commerciale ne doit pas dénigrer une quelconque personne ou catégorie de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ou tenter de lui attirer le mépris ou le ridicule public. »

En outre, l’article D1, relatif à une présentation honnête et véridique, prévoit notamment que « La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas profiter abusivement de l’intérêt des consommateurs pour l’environnement ou exploiter leur éventuel manque de connaissance sur l’environnement.

La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation ou aucun traitement visuel de nature à induire en erreur les consommateurs de quelque manière que ce soit quant aux aspects ou aux avantages environnementaux de produits ou quant à des actions entreprises par le professionnel en faveur de l’environnement. »

Jury rappelle par ailleurs que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre des « impacts éco-citoyen » (point 1 ) :
    • « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, et a fortiori valoriser, des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique, etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles. Elle ne saurait suggérer ou cautionner des agissements manifestement inconséquents ou irresponsables.

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4):
    • « l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • au titre du « vocabulaire » (point7):
    • « les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;
    • lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition ;
    • dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ;
    • les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »

Le Jury relève, d’abord, que si la publicité litigieuse évoque une « électricité vraiment verte », cette mention est explicitée par l’information, destinée au public susceptible de choisir l’offre proposée par l’annonceur, selon laquelle « votre facture finance 100% d’électricité renouvelable et 0% d’électricité nucléaire ». Il s’en déduit que la qualification d’énergie « vraiment verte » doit être lue comme faisant référence à la seule source d’énergie, en l’espèce une source d’énergie renouvelable.

Cette lecture est confortée par l’absence de définition fixée par une norme, l’adjectif « vert » étant employé communément, notamment par le médiateur national de l’énergie, pour désigner l’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables. Ainsi formulée, l’expression « énergie verte » n’a pas pour objet de traduire une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur sur l’environnement au sens des articles D1 du code ICC ou 7 de la Recommandation « Développement durable » précitée.

Au demeurant, le Jury constate que la publicité renvoie clairement aux informations figurant sur le site internet de la coopérative Enercoop (« Vérifiez par vous-mêmes sur notre site »), lequel expose notamment que l’électricité est garantie 100% renouvelable et 0% d’origine nucléaire grâce à un approvisionnement direct auprès de plus de 300 producteurs partout en France. Les indications font état d’une production issue à 49% d’installations éoliennes, à 45 % de centrales hydroélectrique, à 5 % d’installations photovoltaïques et à 1 % de centrales biomasse. Il est également précisé que les producteurs utilisent exclusivement des sources renouvelables : l’eau, le vent, le soleil, la biomasse. Dans ces conditions, la qualification d’une électricité « vraiment verte » correspond à la réalité des sources d’énergie exploitées. Elle ne présente pas un caractère disproportionné au sens du point 3 de la Recommandation
« Développement durable » et n’induit pas le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ou sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable au sens des points 1 et 2 de la même Recommandation.

Il ressort en outre du site internet auquel il est renvoyé que les allégations « locale » et « citoyenne » renvoient à la production d’électricité sur des sites appartenant entièrement ou en partie à des collectivités ou à des particuliers réunis sous forme de collectifs. Enercoop est ainsi en contrat direct avec trois cents producteurs situés sur le territoire français, qui se sont engagés à respecter la charte « énergie partagée », laquelle prévoit notamment une gouvernance locale démocratique. Enercoop est elle-même constituée en coopératives. Le Jury considère que, dans ces conditions, les allégations ainsi explicitées ne méconnaissent pas les règles déontologiques précitées.

Il estime en revanche que les photographies accompagnant ces textes relèvent d’un procédé de dénigrement pouvant induire le consommateur non averti en erreur. La photographie de droite présente, en effet, deux éoliennes dans un paysage de bocage paisible, sous un ciel bleu, tandis que la photographie de gauche montre, sous un ciel d’orage, un champ où sont entreposés en pagaille des dizaines de grands fûts jaunes peints du symbole de la radioactivité (« trisecteur »), disque entouré de trois sixièmes de disque renvoyant clairement à l’idée que ces bidons contiendraient des déchets nucléaires. En comparaison avec l’image d’une source d’énergie éolienne, la représentation de l’énergie nucléaire par la seule mise en scène de déchets radioactifs abandonnés dans un champ, qui ne correspond à aucune réalité alors que le stockage souterrain de tels déchets obéit à des normes extrêmement strictes sous la supervision de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, ne respecte pas les principes de la concurrence loyale et conduit à dénigrer l’ensemble de l’activité de production d’énergie nucléaire au sens des articles 11 et 12 du code ICC précité.

Il résulte de ce qui précède que la plainte est partiellement fondée, au regard du principe de loyauté résultant des articles 4 et 11 du code ICC précité, ainsi que de la prohibition du dénigrement issu de l’article 12 du même code.

Avis adopté le 7 mai 2021 par M Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

Pour visualiser la publicité Enercoop, cliquez ici.