Avis publié le 6 février 2023
EMILIE DUCHÊNE – 895/22
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 26 octobre 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publication émanant de l’influenceuse Emilie Duchêne.
La publication en cause, diffusée sur le compte Instagram de l’influenceuse, montre un buste de femme vêtue d’un jean et d’un cardigan. En bas à droite de l’image, apparaît la mention « Mon préf @sezane ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant considère que la « story » de l’influenceuse ne fait pas mention d’un partenariat rémunéré et qu’il y a donc clairement un manque de transparence vis-à-vis du consommateur.
– Emilie Duchêne, interrogée en amont sur l’existence d’une collaboration commerciale entre elle et la marque Sezane, explique que la marque lui donne une valeur d’achat chaque mois pour la dépenser sur leur site avec des pièces de son choix pour ensuite les poster sur les réseaux et y insérer le lien que la marque lui a donné.
Elle indique être rémunérée à la commission, la marque lui offrant les pièces et la rémunérant sur la base du chiffre d’affaires recueilli pour ces ventes.
– La société Sezane a également été informée, par courriel avec avis de réception du 7 décembre 2022 que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.
Elle n’a pas présenté d’observations.
3. L’analyse du Jury
3.1. Sur les règles applicables aux communications des influenceurs et la compétence du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Communication publicitaire numérique » de l’ARPP encadre la communication des influenceurs dans sa fiche pratique n° 3, qui distingue deux hypothèses.
D’une part, une communication réalisée par un influenceur présente un caractère publicitaire lorsque les critères suivants sont réunis de manière cumulative :
- le contenu est réalisé dans le cadre d’engagements réciproques ; la prise de parole de l’influenceur faisant l’objet d’un paiement ou de toute autre contrepartie telle que, par exemple, la remise de produits ou de services à son bénéfice ;
- l’annonceur ou ses représentants exercent une validation du contenu avant sa publication ;
- le contenu de la prise de parole de l’influenceur vise à la promotion du produit ou du service (discours promotionnel, présentation verbale ou visuelle à visée promotionnelle…).
Dans ce cas, l’ensemble des dispositions déontologiques de l’ARPP s’appliquent à une telle communication publicitaire, qui doit faire apparaître l’existence de la collaboration commerciale entre l’influenceur et l’annonceur. Le Jury est compétent pour vérifier, à la demande d’un plaignant, la conformité de cette publicité aux règles déontologiques en vigueur.
D’autre part, lorsque tout ou partie des trois critères énumérés précédemment ne sont pas remplis, la communication n’est pas une publicité mais l’existence d’une collaboration commerciale entre l’influenceur et un annonceur pour la publication d’un contenu doit néanmoins être portée à la connaissance du public par l’influenceur (point 1. du A). A moins que cette identification soit manifeste, la Recommandation prévoit d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme telle, de manière que ce caractère apparaisse instantanément. Cette identification peut se faire par tout moyen (dans le discours, dans le texte accompagnant le contenu, au moyen d’une mention dans la vidéo…) dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu.
Il résulte de l’article 2 de son règlement intérieur que, par exception au principe selon lequel le Jury n’est compétent que pour connaître des messages publicitaires, il est également compétent pour « examiner l’identification des communications des influenceurs lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une collaboration commerciale avec un annonceur pour la publication d’un contenu, qu’elles présentent ou non un caractère publicitaire au sens de la fiche pratique n° 3 de la Recommandation « Communication Publicitaire Numérique » de l’ARPP ». En revanche, il ne lui appartient pas de confronter une communication d’influenceur qui ne revêt pas de caractère publicitaire aux autres règles déontologiques mentionnées à l’article 2 de son règlement intérieur.
3.2. Sur la communication visée par la plainte
Le Jury déduit des observations présentées par Mme Duchêne, influenceuse, que celle-ci entretient une collaboration commerciale avec la marque Sezane dont elle valorise les produits. Le dossier ne fait pas ressortir en revanche que cette société aurait préalablement validé la communication critiquée, qui ne peut, en conséquence, être qualifiée de publicité.
Le Jury observe que cette collaboration commerciale n’est ni manifeste, ni explicitée par la communication critiquée. Par suite, le Jury est d’avis que cette communication méconnaît le point 1. du A) de la fiche pratique n° 3 de la Recommandation « Communication publicitaire numérique » de l’ARPP.
Avis adopté le 6 janvier 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.