ECOV

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Plainte partiellement fondée / Demande de révision rejetée

Avis publié 27 novembre 2023
ECOV – 961/23
Plainte partiellement fondée
Demande de révision rejetée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Ecov, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,
  • l’avis délibéré ayant été adressé à la société Ecov, annonceur, laquelle a introduit une demande de révision rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de déontologie publicitaire a été saisi, le 17 juillet 2023, d’une plainte émanant de la Fédération Nationale des Usagers des Transports (FNAUT), tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Ecov, pour promouvoir son offre de services de covoiturage.

Les allégations publicitaires en cause, diffusées sur le site Internet de la société sont les suivantes :

  • En premier lieu, au regard des zones desservies, la société Ecov indique : « je désenclave les communes mal desservies », « Ecov est un opérateur de mobilité en zones peu denses », « dans ces territoires, la voiture individuelle représente souvent le seul moyen de se déplacer pour les trajets du quotidien » , « nous concentrons notre action sur les territoires périurbains et ruraux où les transports en commun n’existent pas ou ne proposent pas un service en adéquation avec les besoins».
  • En second lieu, le site Internet présente les services de covoiturage d’Ecov comme complémentaires des transports en commun : « le covoiturage doit s’intégrer aux systèmes d’information multimodale : lorsqu’un passager fera une recherche de trajet, seront affichées les différentes combinaisons possibles tram/bus/vélo/marche», « Appropriée sur les territoires périurbains, ruraux ou de montagne, le covoiturage doit être déployé sur sa zone de pertinence, en complément avec d’autres modes de transport collectif », « le covoiturage est intégré à une politique de mobilité cohérente : complémentaire plutôt que concurrent avec les transports en commun, en ciblant prioritairement le report de la voiture individuelle ».
  • En troisième lieu le site compare l’offre à celle des transports en commun : « des lignes de covoiturage qui permettent de covoiturer comme on prend le bus », « covoiturer est aussi simple que de prendre le bus », « la voiture est un transport collectif », « aussi simple que de prendre un bus », « les lignes de covoiturage à haut niveau de service proposent un service « qualité tramway ».

Enfin, deux allégations de la page d’accueil sont signalées :

  • « je crée du report modal » (Accueil page 6).
  • « 80% des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane » (Accueil page 9)

2. Les arguments échangés

La Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports, plaignante, énonce qu’elle est une association de consommateurs agréée par l’Etat, spécialisée dans la défense et la représentation des usagers des transports. L’article 2 de ses statuts, relatif à son objet, prévoit qu’elle poursuit trois objectifs : « représenter et défendre les usagers et consommateurs, promouvoir les transports collectifs et protéger l’environnement ». Son second alinéa précise que son action vise notamment à « lutter contre le réchauffement et les changements climatiques ».

Sa plainte du 17 juillet 2023 expose les arguments qu’elle a d’ores et déjà échangés avec la société Ecov.

Le 8 février 2023, la FNAUT a demandé à la société Ecov, par courrier recommandé avec avis de réception, de retirer toute allégation environnementale de son site Internet de promotion du covoiturage domicile-travail. Elle relève que la société n’a pas jugé utile de répondre ni de modifier ou supprimer ces allégations.

Les allégations issues de son site Internet dans sa version du 12 juillet 2023 utilisent à maintes reprises l’argument environnemental ou écologique, notamment celui de la réduction de l’empreinte carbone, prétendent limiter leur offre aux zones rurales et péri-urbaines peu denses et complémentaires des transports en commun sans les concurrencer et violent ainsi plusieurs points de la Recommandation « Développement durable » de 1’ARPP.

Concernant le point 2.1 de la Recommandation :

La publicité induit le public en erreur en matière de développement durable puisqu’elle affirme haut et fort que le service est déployé dans les zones où les transports en commun sont inexistants ou peu performants, c’est-à-dire en complémentarité des transports en commun, alors qu’en réalité, il est principalement développé en concurrence directe avec des services ferroviaires, risquant de conduire à un report modal des services ferroviaires vers le transport routier.

La FNAUT s’appuie sur de précédents avis du JDP, dont l’avis SCARA n°903/23 du 3 mars 2023.

Elle relève diverses allégations non justifiées présentant les services d’Ecov comme présents en zones peu denses, notamment rurales, en l’absence de transport en commun : « je désenclave les communes mal desservies », « Ecov est un « opérateur de mobilité en zones peu denses », « dans ces territoires, la voiture individuelle représente souvent le seul moyen de se déplacer pour les trajets du quotidien » , « nous concentrons notre action sur les territoires périurbains et ruraux où les transports en commun n’existent pas ou ne proposent pas un service en adéquation avec les besoins».

Selon la plaignante, ces allégations sont de nature à induire en erreur, puisque la réalité des principaux services d’Ecov est qu’ils se situent en zones urbaines et péri-urbaines denses : la première gare de covoiturage est expérimentée par Ecov dans le centre-ville de Lyon, la principale ligne de covoiturage d’Ecov concerne la relation Lyon – Bourgoin-Jallieu.

D’autres allégations non justifiées présentent les services de covoiturage d’Ecov comme complémentaires des transports en commun : « le covoiturage doit s’intégrer aux systèmes d’information multimodale : lorsqu’un passager fera une recherche de trajet, seront affichées les différentes combinaisons possibles tram/bus/vélo/marche», « Appropriée sur les territoires périurbains, ruraux ou de montagne, le covoiturage doit être déployé sur sa zone de pertinence, en complément avec d’autres modes de transport collectif », « le covoiturage est intégré à une politique de mobilité cohérente : complémentaire plutôt que concurrent avec les transports en commun, en ciblant prioritairement le report de la voiture individuelle ».

Ces allégations sont de nature à induire en erreur, puisque la réalité des principaux services d’Ecov est qu’ils concurrencent frontalement les transports en commun, en particulier le train.

En creux, par diverses formules figurant sur son site Internet, il apparaît qu’Ecov vise le même marché que les transports en commun auxquels ils peuvent avoir vocation à se substituer : « des lignes de covoiturage qui permettent de covoiturer comme on prend le bus», « covoiturer est aussi simple que de prendre le bus », « la voiture est un transport collectif », « aussi simple que de prendre un bus », « les lignes de covoiturage à haut niveau de service proposent un service « qualité tramway».

Selon la FNAUT, la ligne phare de la société est Bourgoin-Jallieu – Lyon, l’une des relations ferroviaires de province les mieux desservies avec 64 allers-retours quotidiens en train. Cette ligne est constamment citée en référence par Ecov : « ce modèle a déjà fait ses preuves, par ex. entre Bourgoin-Jallieu et Lyon où sont recensés 2500 trajets par mois » (Le Monde 14 décembre 2022 p.1 7 PJ8), puis 3000 dès juin 2023 (Le Progrès 11juin 2023). Le Président d’Ecov Thomas Matagne met encore en avant cette seule ligne à deux reprises dans le quotidien 20 minutes du 5 janvier 2022. Un autre article de ce même journal est intitulé
« Comment Lane est devenu le réseau phare du covoiturage entre domicile et travail de Bourgoin-Jallieu à Lyon ». Cette ligne est également mise en avant dans le quotidien Le Parisien-Aujourd’hui du 13 décembre 2022 (p. 10) et surtout par Le Progrès du 11 juin 2023 (PJ 9) qui titre : « le succès fou de la ligne de covoiturage Lyon-Bourgoin ».

La ligne Lane ne fonctionne pas 24h sur 24, ni 7 jours sur 7. Elle est seulement ouverte durant les flux domicile-travail. Il n’est possible de covoiturer que du lundi au vendredi de 6h30 à 9h en direction de Lyon et de 16h à 19h dans le sens inverse, soit exactement les créneaux les mieux desservis par le train.

De nombreux témoignages cités dans la presse évoquent le transfert modal du train vers la route à cause du covoiturage Ecov: « ça m’offre une alternative à la ligne de bus apprécie Jean-Michel, 50 ans» (20 minutes 5 janvier 2022),  « cet isérois pourrait aussi économiser 90 euros d’abonnement de bus par mois» (20 minutes 5 janvier 2022), « je risque de privilégier de plus en plus souvent ce système par rapport au bus» (20 minutes 5 janvier 2022), « c’est tellement fiable que j’ai arrêté mon abonnement TER, Cathy 43 ans a fait de même» (Le Progrès 11 juin 2023).

Par contre, dans ces articles de presse, on ne trouve aucun témoignage indiquant l’abandon d’un trajet en autosolisme au profit d’un trajet en covoiturage. En Normandie, deux lignes de covoiturage sont développées par Ecov : Rouen-Oissel-Val-de Reuil et Sotteville-Oissel-Val-de-Reuil sont situées sur le même axe ferroviaire avec 16 allers-retours par jour, les 4 villes citées disposant d’une gare bien desservie.

Enfin, une allégation particulièrement ambiguë doit être relevée : « je crée du report modal » (Accueil p.6). C’est au mieux faux, si l’origine des covoitureurs est déjà la route, le maintien sur la route n’est pas un transfert modal, mais c’est au pire vrai, puisqu’il y a un important transfert modal du rail vers la route.

D’ailleurs, l’affirmation selon laquelle « 80 % des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane » (Accueil p.9), qui n’est pas justifiée, signifie que 20 % d’entre eux proviennent des transports en commun ou n’auraient pas voyagé en l’absence de covoiturage. Le service d’Ecov génère donc un trafic routier supplémentaire.

Concernant le point 2-3 de la Recommandation « Développement durable » :

1/ les allégations relevées plus haut qualifiant Ecov d’opérateur de covoiturage en zones peu denses, notamment rural, ne sont aucunement justifiées, alors qu’il apparaît au contraire que ses principaux services s’opèrent en zones péri-urbaines denses.

2/ Les allégations relevées plus haut prétendant qu’Ecov opère en l’absence de transports en commun adéquats ou en l’absence de transport en commun et ne concurrence pas mais complète les transports en commun, ne sont aucunement justifiées, alors qu’il apparaît au contraire que ses principaux services concurrencent frontalement les transports en commun et particulièrement le train.

3/ « 80% des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane » : cette affirmation, outre qu’elle est imprécise (on ne sait s’il s’agit des passagers, des conducteurs ou des deux) n’est nullement justifiée.

4/ L’affirmation selon laquelle augmenter le taux d’occupation des véhicules est une des clés de la transition écologique n’est nullement justifiée, alors même que l’augmentation du taux d’occupation des véhicules n’a un effet écologique bénéfique qu’à la seule condition qu’elle résulte d’un transfert de l’autosolisme et non pas, comme c’est fréquemment le cas, du train. Et ce alors même qu’Ecov admet implicitement qu’il génère un trafic routier supplémentaire en affirmant que seulement « 80% des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane » (Accueil p.9), donc que 20% des trajets correspondent à des trajets routiers supplémentaires qui n’auraient pas eu lieu en l’absence de covoiturage Ecov.

Selon la fédération plaignante, l’affirmation selon laquelle les services de covoiturage d’Ecov aboutissent à diminuer le nombre de véhicules en circulation et donc les émissions de CO2 n’est nullement justifiée, alors même qu’Ecov admet implicitement que son service génère du trafic routier supplémentaire.

La société Ecov a été informée, par courriel avec avis de réception du 31 juillet 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée. Elle conteste la plainte.

Son représentant relève que la société a été créée en 2014 pour développer des solutions de transition écologique en matière de transport, par des lignes de covoiturage pour le compte des collectivités locales (Autorités organisatrices de la mobilité ou « AOM ») qui, dans le cadre de marchés publics ou de délégations de services publics, décident de l’ouverture de lignes de covoiturage qu’Ecov est amenée à opérer.

Dans ce cadre, Ecov fournit une solution globale aux collectivités : études préalables, qui visent à co-construire des lignes de covoiturage complémentaires de l’offre existante de mobilité, déploiement d’infrastructures physiques et de la solution numérique, exploitation des lignes, y compris pilotage des incitations financières, assistance téléphonique aux usagers, reporting, animation et communication.

Il souligne que les actionnaires d’Ecov comprennent des acteurs tels que la Caisse des Dépôts et Consignation / Banque des Territoires, ADEME investissement, MAIF Impact, France Active Investissement et BNP Paribas. Ses partenaires financiers incluent également le ministère de la transition écologique, les certificats d’économies d’énergie et le réseau Greentech innovation.

Il indique que la société a obtenu un agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS) par l’Etat. Cet agrément est justifié, notamment, par l’objet social de l’entreprise, qui porte explicitement sur la réalisation de la transition écologique.

Il cite l’article 2 de ses statuts : « La raison d’être de la Société est de faire de la voiture un transport collectif, et plus largement d’inventer de nouvelles mobilités pour faire respirer les territoires. Cette raison d’être se traduit par le développement et la mise en œuvre opérationnelle de solutions de mobilité accessible à tous, dédiées aux territoires péri-urbains et ruraux, pour permettre à chacun de se déplacer avec un impact environnemental radicalement diminué. En particulier, la société a pour raison d’être de développer l’économie de la sobriété appliquée au secteur de la mobilité. »

Ecov a également acté en 2023 de lancer la démarche d’obtention du statut de société à mission au sens de l’article L. 210-10 du code de commerce, comme le prévoit l’article 3 de ses statuts : « les objectifs sociaux et environnementaux que la Société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité, au sens du 2° de l’article L. 210-10 du Code de commerce sont les suivants (la « Mission ») :

  • contribuer au développement du covoiturage en ce qu’il concourt au développement durable et à la transition énergétique, à la préservation et au développement du lien social, à la lutte contre la précarité énergétique et contre l’exclusion, ainsi qu’au renforcement de la cohésion territoriale et à la lutte contre les inégalités sociales et économiques,
  • articuler le mode de transport « covoiturage » avec l’ensemble des autres modes, afin d’offrir aux citoyens d’un territoire les moyens de se déplacer sans être dépendants d’un usage individuel de la voiture, et
  • structurer les politiques publiques globales et cohérentes qui permettent l’évolution des modes d’usages et l’optimisation globale de l’usage des actifs (routes, véhicules) ».

Dans ce cadre, une Assemblée de mission est également en cours de constitution, qui associera des collectivités, des usagers et des experts indépendants, pour s’assurer du respect de la mission énoncée ci-dessus.

Il considère que la FNAUT constitue un interlocuteur particulièrement pertinent pour Ecov et s’étonne de la plainte alors que plusieurs échanges étaient intervenus :

  • Le 28 octobre 2022, Thomas Matagne, fondateur et président d’Ecov, a pris contact proactivement avec Bruno Gazeau, président de la FNAUT, pour échanger sur l’intérêt et les limites du covoiturage. La FNAUT n’a pas répondu à cette proposition.
  • Le 8 février 2023, la FNAUT a adressé à Ecov un courrier demandant le retrait de « toute allégation environnementale » du site internet d’Ecov et la communication des éléments exigés à l’article L. 229-68 du code de l’environnement en présence d’allégations de neutralité carbone. Ecov était toutefois surpris par le fait que cette lettre mentionnait cette disposition, alors qu’aucune prétention de « neutralité carbone » ne figure sur le site d’Ecov et qu’aucune des « allégations » d’Ecov relevées par la FNAUT n’y fait référence.
  • Le 31 mai 2023, Thomas Matagne a échangé avec Bruno Gazeau en marge du Conseil national de la refondation, dédié aux transports. Lors de cet échange, Bruno Gazeau a indiqué ne pas être au courant de la lettre du 8 février et a proposé un échange avec le vice-président de la FNAUT en charge du covoiturage, Alain Richner.
  • Le 12 juin 2023, un rendez-vous s’est tenu avec Alain Richner lors duquel Ecov (Thomas Matagne, président, et Harald Conde Piquer, vice-président en charge de l’impact et de la gouvernance) a pu expliquer sa démarche et son approche. L’entretien s’est bien déroulé, et à aucun moment Alain Richner n’a demandé de réponse formelle au courrier du 8 février, ni indiqué l’intention de la FNAUT de formaliser une plainte devant le JDP. A cette occasion, Ecov a également rappelé son souhait de voir des études d’impact portées par les pouvoirs publics, et a présenté les objectifs de mesure d’impact interne pour les mois à venir : lancement d’une nouvelle enquête sur l’ensemble des réseaux, en associant des tiers (universités, société civile).

Ecov a proposé à la FNAUT de la tenir informée du sujet pour contribuer à cette démarche, notamment sur le volet de la complémentarité avec les transports collectifs traditionnels.

  • Le 15 juin 2023, en marge des Journées AGIR, salon professionnel organisé par l’association AGIR, créée à l’initiative d’élus locaux en charge des transports et de la mobilité, Christophe Lejeune, directeur commercial d’Ecov, a échangé avec Bruno Gazeau. Celui-ci a indiqué avoir compris l’intérêt de l’approche d’Ecov en matière de complément aux transports collectifs, notamment par rapport à d’autres formes de covoiturage, et à même encouragé Ecov à prendre contact avec les entités régionales de la FNAUT.

L’ensemble des éléments explique pourquoi Ecov n’a pas répondu formellement au courrier du 8 février, pensant que la discussion était établie avec la FNAUT.

La société Ecov précise que les informations disponibles sur son site internet s’adressent essentiellement aux collectivités, plutôt qu’aux consommateurs.

En outre, les messages visés par la plainte ne sont parfois pas des allégations propres à Ecov mais des invitations faites aux collectivités. Par exemple, les phrases « je désenclave des communes mal desservies » ou « je crée du report modal » visées par la plainte de la FNAUT sont des invitations aux collectivités qui souhaitent désenclaver des communes mal desservies ou créer du report modal et n’apparaissent que si l’internaute clique sur « Je suis une collectivité ».

Sur le fond, la plainte de la FNAUT soutient que certaines informations du site internet d’Ecov violeraient les points 2.1 et 2.3 de la recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Au contraire, Ecov fait valoir que les messages visés par la plainte sont conformes au point 2.1 de la Recommandation « Développement durable » et n’induisent pas le public en erreur.

La FNAUT affirme à tort que le site internet d’Ecov induit le public en erreur en présentant ses services « comme présents en zones peu denses ». La FNAUT affirme que la « réalité » des principaux services d’Ecov ne correspondrait pas à la description de l’activité d’Ecov sur son site internet et que « [d]iverses allégations non justifiées présentent les services d’Ecov comme présents en zones peu denses, notamment rurales ».

Le site internet d’Ecov est parfaitement transparent sur la « réalité » de ses services et Ecov intervient sur de nombreuses lignes de covoiturage en dehors des centres-villes, y compris dans des zones rurales.

Les accusations de la FNAUT, qui suggèrent que les messages diffusés sur le site d’Ecov « prétendent limiter leur offre aux zones rurales et péri-urbaines peu denses », procèdent d’une lecture partielle et sélective des services proposés par Ecov tels qu’ils sont décrits sur son site internet. Ainsi qu’il ressort clairement des pages « A propos » et « Nos solutions » du site internet d’Ecov, l’activité d’Ecov se structure selon deux types de services de covoiturage, répondant chacun à des besoins spécifiques aux territoires :

  • D’une part, le covoiturage « spontané » permet d’offrir une solution de mobilité dans « les zones rurales et peu denses » ;
  • D’autre part, Ecov propose une solution de covoiturage « à haut niveau de service » (« CoHNS »), qui vise à « réduire le nombre de voitures en circulation sur les grands axes routiers » qui permettent « d’accéder aux métropoles et aux zones d’emploi » et sont quotidiennement « empruntés massivement », le plus souvent par des conducteurs « seuls à bord d’un véhicule comptant cinq sièges ».

La société relève que son ambition est résumée sur les pages « A propos » et « Nos solutions » de son site, présentant l’entreprise : « Opérateur de mobilité au service des collectivités, Ecov vise à révolutionner le système routier en s’attaquant à l’autosolisme tout en offrant une solution de mobilité satisfaisante aux habitants des zones peu denses. Son cœur de métier est de déployer et d’opérer des lignes de covoiturage dans les territoires ruraux et périurbains, sans réservation et avec des arrêts physiques déployés sur des axes structurants. », « Notre objectif : faire de la voiture un transport collectif hors des centres-villes. »

Elle indique que ces messages sont dénués de toute ambigüité et apparaissent immédiatement après les extraits visés par la plainte, qui occulte un pan entier de la présentation des services proposés par Ecov sur son site internet.

Elle estime que la FNAUT se trompe également lorsqu’elle croit décrire la « réalité » des principaux services d’Ecov, dès lors que les lignes déployées le sont bien hors des centres-villes, dans des zones péri-urbaines et rurales. Il convient à cet égard de souligner qu’en matière de mobilité, l’enjeu n’est pas la densité à un endroit donné, mais la densité des liaisons entre plusieurs territoires qui peuvent eux-mêmes avoir des densités différentes. Or, Ecov intervient hors des centres-villes – qui sont équipés de transports collectifs efficaces et fréquents – sur les liaisons de territoires pour lesquelles la part modale de la voiture individuelle est élevée. Cette activité peut donc recouvrir des zones « très rurales » jusqu’à des zones « péri-urbaines ».

Elle considère que la FNAUT assimile tout territoire équipé d’une gare ou d’un arrêt de bus à un territoire « dense » qui ne devrait jamais – par principe – être équipé de services de covoiturage. Ecov opère 59 lignes de covoiturage, dont la grande majorité en zones peu denses et rurales très peu ou pas du tout desservies par les transports en commun, notamment dans le cadre de ses services de covoiturage spontané. C’est le cas par exemple pour les lignes « Covoit’ici » de la Plaine de l’Ain et de la Vallée du Kayserberg, des lignes « Hé!Léman » dans la Vallée de l’Arve, des lignes « Picholines » dans le Cœur d’Hérault, de la ligne « onConvoit’ » en Cœur de Savoie, des lignes « Covoit’Go » dans le Pays du Sundgau et de la ligne Boulay-Bouzonville. La liste des projets d’Ecov est disponible sur le site internet d’Ecov.

La société Ecov précise que la liaison Lyon – Bourgoin-Jailleu sur laquelle s’attarde la plainte est une initiative du « Grand Lyon et de la Communauté d’Agglomération Porte d’Isère en vue de proposer une solution de report modal efficace aux actifs empruntant l’A43 ». Elle considère que la plainte de la FNAUT n’en présente qu’une description partielle, incomplète et biaisée.

Elle indique que l’expérimentation de la gare de covoiturage en centre-ville de Lyon depuis 2021 a la particularité d’être le seul dispositif de « covoiturage spontané » desservant une métropole. Il s’agit du projet le moins structurant d’Ecov, qui s’est contenté de fournir le mobilier au Grand Lyon, en avertissant au passage la collectivité de l’inadéquation du dispositif avec les objectifs et les liaisons visées (de fait, le service est très peu utilisé). L’objectif du Grand Lyon était de promouvoir une pratique proche du stop sur des liaisons jugées mal desservies par les transports en commun. L’emplacement de la gare est une décision de la métropole du Grand Lyon qui s’inscrit dans le cadre de sa politique publique plus globale de système de transports intermodal. Les documents joints en annexe montrant les boîtiers munis de boutons poussoirs permettant de sélectionner une destination, et l’usage remonté par les panneaux vers les communes desservies, qui, à l’exception de Paris (qu’Ecov a recommandé de ne pas faire figurer dans les destinations), sont bien toutes des communes périurbaines autour de Lyon.

Enfin, la société signale que les reproches avancés par la FNAUT ne tiennent manifestement pas compte du modèle économique d’Ecov et du fait que la « réalité » des services d’Ecov est dictée par les collectivités locales, comme expliqué ci-dessus.

Il résulte de ce qui précède que le site internet d’Ecov n’induit pas le public en erreur en présentant ses services comme présents en zones peu denses et est conforme au point 2.1 de la Recommandation « Développement durable ».

La société Ecov relève également que la FNAUT commet de nombreuses erreurs lorsqu’elle prétend que la communication serait trompeuse sur la présentation du covoiturage comme complémentaires des transports en commun.

Selon elle, aucun message offensif à l’encontre du train n’est visible sur le site internet d’Ecov et, d’évidence, la communication d’Ecov ne présente aucune similarité avec des précédents. Par exemple la formule « comme on prend le bus » ne signifie pas « à la place de prendre le bus ». La comparaison avec le bus ou le tramway vise à rassurer les potentiels usagers d’Ecov sur la qualité des solutions de covoiturage qu’elle propose.

A l’inverse, dans sa communication, Ecov reconnaît et promeut sans ambigüité la complémentarité, plutôt que la concurrence, de ses services avec les transports en commun, dont le train. Par exemple, le site internet indique : « Pour mener à bien notre mission, nous concentrons notre action sur les territoires périurbains et ruraux où les transports en commun n’existent pas ou ne proposent pas un service en adéquation avec les besoins des citoyens. C’est dans ces territoires que le covoiturage trouve son domaine de pertinence. »

Loin de décourager l’usage des transports collectifs, l’un des objectifs des collectivités qui déploient des lignes de covoiturage est d’y amener de nouveaux usagers.

La société Ecov rappelle qu’elle se bat justement pour que le covoiturage constitue un élément de la chaîne multimodale, sous contrôle public. Concrètement, Ecov ne déploie aucune ligne de sa propre initiative, avec par exemple l’objectif de concurrencer un transport collectif existant. Ecov déploie des lignes décidées par la puissance publique. Il revient à celle-ci de décider de la structuration du système multimodal, faisant intervenir des lignes de trains, des lignes de bus et, en complément, des lignes de covoiturage.

Elle relève que deux cas de figure existent pour déterminer l’emplacement d’une ligne de covoiturage :

  1. La collectivité a décidé sans Ecov de l’emplacement de la ligne et des arrêts de covoiturage. Ecov se contente alors de fournir le mobilier et certains services associés (maintenance, reporting…). C’est par exemple le cas de l’équipement de la Gare de covoiturage Quai Gailleton, à Lyon, précitée. Comme mentionné, il arrive à Ecov de déconseiller certains dispositifs, mais Ecov est soumis aux décisions publiques.
  2. Ecov réalise pour la collectivité une étude préalable visant à concevoir au mieux les lignes de covoiturage et services associés. Lors de la phase d’études, la méthodologie vise notamment à vérifier la complémentarité avec les autres modes de transports, et notamment les transports collectifs. L’étude permet notamment d’objectiver les effets de complémentarité et/ou de concurrence).

Selon Ecov, la FNAUT tend à faire croire que le train et les lignes de covoiturage sont en concurrence directe simplement parce qu’elles parcourent le même axe, alors qu’il convient d’analyser la mobilité au regard de la part modale de la voiture individuelle pour chaque liaison par « origine-destination » (« OD »), c’est-à-dire en fonction de ses points précis d’origine et de destination. En effet, bien que ces lignes de covoiturage desservent en partie le même axe que le train, elles ne couvrent pas les mêmes OD et ne visent pas le même public.

La part modale élevée de la voiture s’explique par le fait que le train et les autres transports en commun ne sont pas compétitifs du point de vue de l’usager (temps de parcours, cf. infra).  Ce sont bien ces OD, avec une part modale de la voiture individuelle élevée, que Lane vise à desservir, afin de réduire le niveau d’autosolisme. L’aire de chalandise des arrêts Lane sur Lyon et St Priest, c’est-à-dire les destinations finales accessibles aux usagers, ne sont pas les mêmes – et sont complémentaires – de celle du TER.

D’autre part, la société Ecov soutient que la coexistence des deux services sur un même axe, mais sur des liaisons principales différentes, permet de renforcer l’alternative à la voiture individuelle. Dans certains cas, le transfert de passagers du rail vers le covoiturage correspond à un usage positif pour la transition. En effet, tout système peut connaître des défaillances, y compris le train. Les usagers du train sur les lignes mentionnées par la FNAUT font souvent face à des annulations et retards, ce qui peut les conduire à reprendre leur voiture individuelle en l’absence d’alternative. L’existence d’une solution alternative bis, utilisable en situation dégradée de l’offre ferroviaire, les maintient toutefois dans l’alternative à la voiture individuelle.

  • Sur les articles de presse cités par la plainte, elle relève que les témoignages isolés (ou leur absence) ne peuvent avoir une quelconque signification pour apprécier quantitativement la réalité des effets sur le trafic routier des lignes de covoiturage opérées par Ecov. La société cite d’autres exemples de témoignages publiés ;
  • Sur le message « je crée du report modal » , il s’agit, selon Ecov, d’une invitation faite aux collectivités territoriales d’adopter ses solutions en fonction des objectifs visés. En outre, dans ce contexte, le « report modal » s’entend logiquement comme le transfert de l’autosolisme au covoiturage (c’est-à-dire de conducteur à passager), tel qu’il est précisé à diverses reprises sur le site d’Ecov. Il y est par exemple indiqué que ses solutions sont pensées « pour permettre un report de l’autosolisme et un parcours multimodal (liaison avec des transports collectifs) ».
  • Sur le chiffre de 80% de report des autosolistes, il provient d’une étude d’impact interne réalisée en 2022 par l’administration d’un questionnaire aux usagers de 9 réseaux opérés par Ecov. Elle visait à justifier, notamment, des économies d’énergies et de l’impact carbone obtenu par le déploiement des lignes de covoiturage.

Faute d’action publique, Ecov indique avoir été proactive sur le sujet, en menant régulièrement des études de sa propre initiative. Dans le contexte d’absence d’initiative sectorielle sous égide publique, pour des raisons de risque concurrentiel évident, ces études ne sont pas rendues publiques. Pour autant, certaines enquêtes font l’objet de contre-regards pour étayer leur valeur. L’enquête plus particulière concernée a été menée dans le cadre du programme de Certificat d’économie d’énergie (« CEE ») « LiCov », porté par Ecov et piloté par la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (« DGITM ») et la Direction générale de l’énergie et du climat (« DGEC »), rattachées au ministère de la transition écologique, ainsi que l’ADEME et l’appui du CEREMA. Le programme LiCov, qui visait à accélérer les expérimentations de lignes de covoiturage en France, a également été audité par un tiers indépendant, le cabinet Ginger Burgeap. Ecov a récolté 499 réponses ce qui constitue un échantillon statistiquement fiable et élevé en proportion du public visé – la méthodologie de l’étude a été validée par le bureau d’étude Ginger BURGEAP, qui a audité le programme LiCov.

Elle affirme que les résultats de cette étude montrent incontestablement que les usagers des lignes opérées par Ecov proviennent en grande majorité (79 %) de l’autosolisme. Le chiffre de 80 % est obtenu en retirant la catégorie, non pertinente méthodologiquement des personnes ayant répondu « Je ne faisais pas ce trajet car je n’en avais pas le besoin à l’époque (autre activité, lieu de vie, de travail) » (2,3 % des répondants).

La société Ecov considère que la FNAUT ne peut simplement présumer que si 80 % des usagers étaient précédemment autosolistes, alors « 20 % d’entre eux proviennent des transports en commun ou n’auraient pas voyagé en l’absence de covoiturage ». L’étude d’impact montre à cet égard que seulement 11 % des usagers ont déclaré qu’ils utilisaient auparavant principalement les transports collectifs ou le vélo ou ne faisaient pas le trajet, quand plus de 9 % pratiquait déjà le covoiturage de manière informelle ou via une autre plateforme. Par ailleurs, selon Ecov, si 80 % des usagers étaient précédemment autosolistes, la baisse de trafic routier induite par ces usagers qui pratiquent désormais le covoiturage compense largement l’éventuelle circulation générée par les autres personnes.

Ecov déplore ainsi que la FNAUT se concentre de manière superficielle sur les risques de concurrence plutôt que de soutenir l’émergence d’une multimodalité performante hors des centres-villes, de déterminer les conditions de son succès et de son intérêt. Il résulte de ce qui précède qu’Ecov opère bien de manière complémentaire avec les transports en commun et n’induit nullement le public en erreur en matière de développement durable, conformément au point 2.1 de la Recommandation « Développement Durable ».

Selon elle, les chiffres sont justifiés au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables conformément au point 2.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et les messages visés par la plainte sont conformes aux points 2.1 et 2.3 de cette Recommandation.

  • Sur la justification des allégations qualifiant Ecov d’opérateur de covoiturage en zones peu denses, notamment rural, Ecov précise que le site internet affiche une carte interactive récapitulant l’ensemble de ses services et donne le nom de chacune des lignes opérées par Ecov, renvoyant la plupart du temps aux sites internet dédiés, ce qui permet aux utilisateurs de croiser les informations fournies par Ecov avec des sources externes et notamment de prendre connaissance du tracé exact des lignes concernées, des collectivités impliquées et des modalités d’utilisation des services.

Le fait de présenter Ecov comme un opérateur de covoiturage en zones peu denses, notamment rurales, est donc, selon la société, étayé de façon répétée et facilement vérifiable en consultant les sites de chacune des lignes auxquels renvoie le site internet d’Ecov.

  • Sur la justification du fait qu’Ecov opère en l’absence de transports en commun adéquats ou en l’absence de transport en commun, Ecov souligne à cet égard que les informations relatives à son objet social, ses actionnaires, son modèle économique et la réalité du terrain démontrent que ses services de covoiturage sont complémentaires des transports en commun.

Selon elle, il est faux d’affirmer, comme le fait la FNAUT, que « les principaux services d’Ecov concurrencent frontalement les transports en commun », dès lors que, comme déjà détaillé, de nombreuses informations mises à disposition sur le site internet d’Ecov démontrent l’importance donnée à l’intégration de ses lignes de covoiturage dans les systèmes de mobilité intermodale mis en place par les pouvoirs publics, qu’une part non négligeable des financement d’Ecov provient d’entités publiques et privées œuvrant pour les objectifs de développement durable et que l’activité d’Ecov lui a valu un agrément ESUS.

La société Ecov rappelle les principaux éléments du plan d’action du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) qui liste le covoiturage parmi les solutions prévues pour atteindre l’objectif national de réduction des émissions des GES pour 2030, et soutient que le report modal de la voiture vers les transports en commun et le taux de remplissage des véhicules sont deux leviers majeurs de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). L’augmentation du taux de remplissage correspond à 11 % de la réduction des émissions de GES liées à la mobilité ; le CGDD et France Stratégie estiment que l’augmentation du taux d’occupation par covoiturage et le développement des transports collectifs représente 57 % de l’effort de sobriété indispensable (-22 MtCO2/an, sur les -38 MtCO2/an pour tous les leviers de sobriété); RTE estime que le covoiturage doit représenter le deuxième levier de sobriété (9,8 TWh/an), après l’optimisation des surfaces par habitant (11,9 TWh/an) ; le gouvernement a annoncé le lancement du plan « Covoiturage du quotidien », permettant notamment le financement des lignes de covoiturage et fixant un objectif de 3 millions de trajets quotidiens, en citant le Ministre délégué aux Transports, Clément Beaune.

Elle cite également d’autres études insistant sur la nécessité d’agir sur le taux d’occupation des véhicules, parmi lesquelles, l’étude réalisée en 2021 par le cabinet Carbone 4, qui identifie le taux d’occupation des véhicules comme l’un de 11 leviers clés pour atteindre les objectifs de réductions des émissions à 2030, conformément à la SNBC.

La société Ecov considère donc qu’elle peut affirmer que les services qu’elle propose permettent de réduire le nombre de voitures en circulation, comme en témoigne par ailleurs la confiance des multiples collectivités locales ayant choisi d’y recourir et la reconnaissance de son travail par les autorités, et qu’elle est également fondée à suggérer que la conséquence de cette baisse de trafic routier est une baisse des émissions de GES.

Elle estime que ses affirmations (« moins de voitures », « moins d’émissions de CO2 ») sont formulées en des termes relatifs, dénués d’exagération et tout à fait raisonnables quant à la réalité de l’impact des solutions de covoiturage, de sorte qu’elles sont aisément justifiables dès lors qu’elles sont fondées sur des éléments objectifs, fiables et véridiques.

Par conséquent, les messages insistant sur le rôle clé de l’augmentation du taux d’occupation du véhicule et les effets positifs générés par les services d’Ecov, visibles sur le site internet sont justifiés, conformément au point 2.3 de la recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Selon la société Ecov, il ressort de ce qui précède que les messages du site internet d’Ecov visés par la plainte de la FNAUT ne méconnaissent aucune des dispositions de cette Recommandation et que la plainte de la FNAUT est totalement infondée.

Lors de la séance, le représentant de la société Ecov relève qu’il est particulièrement sensible au sujet évoqué et s’attache à répondre au mieux aux questions qu’elle pose.

Il rappelle que la société s’adresse en effet principalement aux collectivités territoriales et que ce message visait bien les professionnels. Ainsi le bouton « je crée du report modal » est-il destiné à ces collectivités.

Il reprend les éléments développés par écrit, notamment au sujet des chiffres qui résultent d’une étude non publique et indique comprendre les difficultés méthodologiques que cela peut poser.

Il considère que l’insuffisance des flux de transports en communs tels que les bus est un des critère de l’utilisation d’un véhicule par une personne seule. L’objectif était donc de convaincre ces personnes de lâcher la voiture en faisant la promotion d’un meilleur flux, comme le ferait un très bon bus. Il relève que les scenarii les meilleurs ont toujours besoins d’un taux de remplissage maximum des véhicules utilisés et qu’il ne s’agissait pas de concurrencer le bus.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle que, selon le point 2.1. de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion de la propagande électorale et des documents de nature politique ou syndicale.

Constitue un message publicitaire tout contenu porté à la connaissance du public par une personne publique ou privée ou pour son compte, et qui a pour objet principal d’assurer la promotion d’une marque que celle-ci exploite, d’un produit ou d’un service qu’elle propose, de cette personne elle-même, notamment son image de marque auprès du public, ou d’une personne qui lui est liée, ou encore d’une action qu’elle mène ou d’une cause qu’elle défend. Le caractère promotionnel de l’objet de la communication s’apprécie sur la base d’un faisceau d’indices incluant principalement son contenu propre, en particulier le caractère éventuellement valorisant, laudatif, incitatif, emphatique, percutant et/ou ramassé du message, la mise en scène ou la mise en forme et les éléments visuels utilisés, qui peuvent contribuer à conférer à la communication une forme publicitaire, ainsi que les modalités et le contexte de sa diffusion. Le message publicitaire peut présenter un caractère commercial et constituer, le cas échéant, une « communication commerciale » au sens du préambule du code de communications « ICC Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale, ou ne revêtir aucun caractère commercial.

Le Jury relève que les allégations publicitaires en cause, diffusées sur le site Internet de la société Ecov sont les suivantes :

En premier lieu, au regard des zones desservies, la société Ecov indique : « je désenclave les communes mal desservies », « Ecov est un opérateur de mobilité en zones peu denses », « dans ces territoires, la voiture individuelle représente souvent le seul moyen de se déplacer pour les trajets du quotidien » , « nous concentrons notre action sur les territoires périurbains et ruraux où les transports en commun n’existent pas ou ne proposent pas un service en adéquation avec les besoins».

En second lieu, le site Internet présente les services de covoiturage d’Ecov comme complémentaires des transports en commun : « le covoiturage doit s’intégrer aux systèmes d’information multimodale : lorsqu’un passager fera une recherche de trajet, seront affichées les différentes combinaisons possibles tram/bus/vélo/marche», « Appropriée sur les territoires périurbains, ruraux ou de montagne, le covoiturage doit être déployé sur sa zone de pertinence, en complément avec d’autres modes de transport collectif », « le covoiturage est intégré à une politique de mobilité cohérente : complémentaire plutôt que concurrent avec les transports en commun, en ciblant prioritairement le report de la voiture individuelle ».

En troisième lieu le site compare l’offre à celle des transports en commun : « des lignes de covoiturage qui permettent de covoiturer comme on prend le bus », « covoiturer est aussi simple que de prendre le bus », « la voiture est un transport collectif », « aussi simple que de prendre un bus », « les lignes de covoiturage à haut niveau de service proposent un service « qualité tramway ».

Enfin, deux allégations de la page d’accueil sont signalées :

  • « je crée du report modal » (Accueil page 6).
  • « 80% des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane » (Accueil page 9)

En l’espèce, le Jury constate que l’objectif des allégations en cause est de promouvoir l’image de l’entreprise auprès du grand public. La circonstance que l’activité de la société Ecov soit essentiellement tournée vers les collectivités territoriales, davantage concernées par les contrats avec cette société que le consommateur final pratiquant le covoiturage est à cet égard sans incidence sur la nature publicitaire des allégations.

Dans ces conditions, le Jury estime que cette communication présente le caractère d’un message publicitaire relevant de son champ de compétence.

3.2. Sur les règles déontologiques applicables

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • 1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
    • (…)
    • b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /
    • c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».
  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) : « 6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée».
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

D’autre part, la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP dispose :

  • En son préambule que :

« La publicité qui utilise des résultats d’étude de marché ou d’enquête, visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes. (…)

  • En son point 2. IDENTIFICATION :

« Doivent être précisés dans la publicité : / le nom de l’organisme ayant effectué l’étude ou l’enquête, / la date de réalisation, elle peut être complétée par la taille de l’échantillon ».

  • En son point 4 que :

« (…) Aucune présentation de résultats chiffrés ne doit laisser supposer que le résultat énoncé concerne une zone géographique ou un échantillon autre que ceux qui ont été l’objet de l’enquête ou étude ».

Le Jury constate que la publicité mise en cause, vise à promouvoir une offre de services de covoiturage en recourant à de multiples arguments écologiques.

Si le covoiturage présente indéniablement un intérêt du point de vue de la limitation des émissions de CO2 et, d’ailleurs, de la congestion urbaine, en comparaison à l’utilisation d’une voiture particulière par personne (« autosolisme »), le Jury estime que cette modalité de transport en voiture peut également se substituer, pour ses utilisateurs, au recours aux transports en commun qu’ils empruntaient antérieurement ou qu’ils auraient empruntés en l’absence de covoiturage, lorsqu’il en existe, ou à d’autres modes de déplacement moins polluants que la voiture, et contribue ainsi à « solvabiliser » un déplacement en voiture qui aurait été évité. En toute hypothèse, il ne peut être allégué que le covoiturage serait dépourvu d’incidence sur l’environnement, qu’il constituerait la solution à privilégier pour lutter contre le dérèglement climatique ni même que, de manière générale, il constituerait une solution plus pertinente sur le plan environnemental que les autres moyens de transport. En revanche, la Recommandation « Développement durable » ne fait pas obstacle à ce qu’il soit allégué que le covoiturage est préférable à l’autosolisme, conformément aux principes communément admis du développement durable, ni à ce que les avantages environnementaux du covoiturage soient mis en avant sur un plan global.

En premier lieu, si l’allégation « 80 % des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane » est explicitée à l’occasion de la réponse à la présente plainte, aucune des informations ne figurait à cet égard sur le site Internet, ni dans le texte, ni sous la forme de renvoi. En particulier, le choix de retirer une catégorie « non pertinente méthodologiquement des personnes ayant répondu « Je ne faisais pas ce trajet car je n’en avais pas le besoin à l’époque (autre activité, lieu de vie, de travail) » (2,3% des répondants) » pour obtenir le chiffre de 80 % à partir de résultats qui « montrent incontestablement que les usagers des lignes opérées par Ecov proviennent en grande majorité (79%) de l’autosolisme » n’est pas explicitée. Quelle que soit la pertinence d’une telle étude, dont il est indiqué au Jury qu’elle a été menée dans le cadre du programme de Certificat d’économie d’énergie « LiCov », et a « récolté 499 réponses ce qui constitue un échantillon statistiquement fiable et élevé en proportion du public visé », l’absence de transparence reprochée à la publicité en litige concerne plusieurs éléments de méthodologie mentionnés au titre des arguments échangés tant par écrit qu’oralement lors de la séance du Jury et ne permet pas de considérer que l’allégation est conforme aux dispositions de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP précitées. Le Jury constate que l’annonceur n’a pas modifié son site internet pour préciser l’origine des données utilisées après les échanges avec la FNAUT en février 2023.

En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation « je crée du report modal », il s’agit manifestement d’un message s’adressant aux collectivités territoriales qui, en cliquant sur le bouton dédié, peuvent accéder aux options proposées par la société Ecov. Ce mode de communication fonctionnelle, qui n’a pas pour objet de rendre compte de l’intégralité de l’activité de la société, n’est contraire à aucune disposition déontologique.

En troisième lieu, le Jury relève que des formules utilisent en effet des métaphores en lien avec les transports en commun : « des lignes de covoiturage qui permettent de covoiturer comme on prend le bus », « covoiturer est aussi simple que de prendre le bus », « la voiture est un transport collectif », « aussi simple que de prendre un bus », « les lignes de covoiturage à haut niveau de service proposent un service « qualité tramway ». S’il est regrettable que ces formules aient pu faire naître un doute dans l’esprit du lecteur, le Jury estime que la lecture de l’intégralité du texte de la page internet permet de constater qu’il ne s’agit pas de proposer au consommateur de remplacer le choix du bus ou du tramway par celui du covoiturage, d’autant moins que la société indique elle-même sur son site que le service est « complémentaire plutôt que concurrent avec les transports en commun, en ciblant prioritairement le report de la voiture individuelle » et que « lorsqu’un passager fera une recherche de trajet, seront affichées les différentes combinaisons possibles tram/bus/vélo/marche ». Le Jury considère en conséquence que les formules ne sont pas de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur.

En quatrième lieu, le Jury estime que l’évocation d’une action particulière sur les zones peu denses, notamment par la citation d’articles de presse ciblés sur les actions dans de telles zones, ou encore les explications sur la recherche de trajet, affichant « les différentes combinaisons possibles tram/bus/vélo/marche », ne se heurtent à aucune disposition de la Recommandation.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît partiellement les dispositions Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP précitées, et que la plainte n’est pas fondée pour le surplus.

Avis adopté le 8 septembre 2023 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, en remplacement du président, empêché, Mme Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello et Lucas-Boursier.


La société Ecov, à laquelle l’avis du JDP a été communiqué le 18 septembre 2023, a adressé, le 2 octobre suivant, une demande de révision sur le fondement de l’article 22 du Règlement intérieur du Jury. Celle-ci a été rejetée par la décision du Réviseur de la déontologie publicitaire ci-dessous, annexée au présent avis, laquelle a été communiquée aux parties le 27 novembre 2023.  

DECISION DU REVISEUR DE LA DEONTOLOGIE PUBLICITAIRE

I) Instruction :

Le Jury de déontologie publicitaire (JDP) est saisi, le 17 juillet 2023, d’une plainte émanant de la Fédération Nationale des Usagers des Transports (FNAUT) (ci-après désignée comme “Fnaut” ou “la plaignante”), pour qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Ecov (ci-après “Ecov” ou “la société” ou “l’annonceur”), pour promouvoir l’offre de services de covoiturage de cette dernière.

Les allégations publicitaires en cause, diffusées sur le site Internet d’Ecov sont les suivantes :

  • en premier lieu, au regard des zones desservies, Ecov indique : « je désenclave les communes mal desservies » ; « Ecov est un opérateur de mobilité en zones peu denses » ; « dans ces territoires, la voiture individuelle représente souvent le seul moyen de se déplacer pour les trajets du quotidien » ; « nous concentrons notre action sur les territoires périurbains et ruraux où les transports en commun n’existent pas ou ne proposent pas un service en adéquation avec les besoins ».
  • en second lieu, le site Internet présente les services de covoiturage d’Ecov comme complémentaires des transports en commun : « le covoiturage doit s’intégrer aux systèmes d’information multimodale : lorsqu’un passager fera une recherche de trajet, seront affichées les différentes combinaisons possibles tram/bus/vélo/marche » ; « Appropriée sur les territoires périurbains, ruraux ou de montagne, le covoiturage doit être déployé sur sa zone de pertinence, en complément avec d’autres modes de transport collectif » ; « le covoiturage est intégré à une politique de mobilité cohérente : complémentaire plutôt que concurrent avec les transports en commun, en ciblant prioritairement le report de la voiture individuelle ».
  • en troisième lieu, le site compare l’offre à celle des transports en commun : « des lignes de covoiturage qui permettent de covoiturer comme on prend le bus » ;« covoiturer est aussi simple que de prendre le bus » ;, « la voiture est un transport collectif » ; « aussi simple que de prendre un bus » ; « les lignes de covoiturage à haut niveau de service proposent un service « qualité tramway ».

Enfin, deux allégations de la page d’accueil sont signalées :

  • « je crée du report modal » (Accueil page 6) ;
  • « 80% des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane » (Accueil page 9).

Après échange des arguments des parties prenantes, et à l’issue d’une séance à laquelle ont participé des représentants de l’annonceur, le Jury, le 8 septembre 2023, délibère l’avis provisoire qui fait l’objet de la présente Révision. Par cet avis, le Jury estime que la publicité en cause méconnaît partiellement les dispositions de la Recommandation Résultats d’étude de marché ou d’enquête de l’ARPP, et que la plainte Fnaut n’est pas fondée pour le surplus.

Par courrier électronique du 2 octobre, soit dans les délais requis, Ecov introduit une demande de Révision de cet avis.

Cette demande est transmise pour observations à la Fnaut, laquelle ne produit aucune réponse.

Par suite, et conformément au Règlement, le Réviseur se rapproche alors de la Vice-Présidente du Jury, sous la présidence de laquelle a été adopté l’avis provisoire, et procède avec elle à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé cet avis.

Sur ces bases, le Réviseur est dès lors en mesure d’apporter les réponses suivantes à la demande de Révision d’Ecov.

II) Discussion :

Les griefs allégués dans la Révision demandée par Ecov portent à la fois sur :

  • des atteintes au chapitre III du règlement du JDP dans la procédure conduite devant le Jury ;
  • une critique sérieuse et légitime de l’avis, relative à l’application ou à l’interprétation d’une règle déontologique, et portant sur le sens de l’avis (fondé ou non) et/ou sur la nature des griefs retenus ou écartés par le Jury.

Ecov se réjouit que le Jury ait rejeté l’ensemble des accusations portées par la Fnaut dans sa plainte, mais lui fait grief d’avoir, pour déclarer que la plainte Fnaut est “partiellement fondée”, “soulevé d’office une méconnaissance partielle des dispositions de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête ».

1) Plus précisément, l’annonceur se prévaut d’une violation de l’article 11.1 5° du Règlement intérieur du Jury, lequel dispose :

“5° la plainte doit être clairement motivée, c’est-à-dire indiquer de façon précise en quoi la publicité mise en cause soulèverait un problème déontologique. Toutefois, le plaignant n’est pas tenu, à peine d’irrecevabilité, d’invoquer formellement l’une des règles déontologiques mentionnées à l’article 2.2. Il appartient au Jury d’identifier, au vu de l’argumentation soulevée, les règles déontologiques applicables”.

Ce grief concerne l’alinéa de l’avis où le Jury traite de l’étude sur laquelle s’appuie Ecov pour affirmer que “80 % des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane”.

A ce stade, il convient de rappeler que, dans le présent dossier, la plainte Fnaut contre la publicité en litige porte largement sur le point de savoir si les services de covoiturage Ecov sont utilisés principalement par des conducteurs jusqu’alors “autosolistes” (ceux qui sont seuls au volant de leur voiture particulière) ou par d’anciens utilisateurs de transports en commun ou de vélos. Ecov soutient la première hypothèse, la Fnaut la seconde.

Dans leur controverse, Ecov et Fnaut s’opposent notamment sur cette étude de l’annonceur permettant à ce dernier d’affirmer que “80 % des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane”.

Pour trancher cette querelle, le Jury a estimé, dans son avis provisoire, que cette étude menée par Ecov souffre, dans l’utilisation qui en est faite dans la publicité en débat, d’une “absence de transparence” qui “ne permet pas de considérer que l’allégation [relative aux 80 % des trajets] est conforme aux dispositions de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP.”

Ce faisant, le Jury a-t-il – comme l’annonceur lui en fait grief en Révision – outrepassé ses pouvoirs en soulevant d’office cette non-conformité à la Recommandation précitée ?

Il est exact, comme le soutient l’annonceur en Révision, que, dans la plainte de la Fnaut, cette allégation d’Ecov n’est pas critiquée au regard de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP, laquelle n’est pas explicitement citée par le plaignant.

Mais dans sa plainte, la Fnaut – en se plaçant sur le terrain de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP – estime cette allégation non-conforme à la déontologie publicitaire, en ce qu’elle est, selon ses dires, à la fois “imprécise” et “nullement justifiée”.

Les pièces du dossier Ecov établissent les éléments suivants, au regard de l’article 11.1 5° du Règlement :

  • certes la plaignante n’a pas “invoqué formellement” la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » ;
  • mais elle n’y était pas tenue à peine d’irrecevabilité ;
  • il suffisait que sa plainte soit “clairement motivée”, c’est-à-dire qu’elle indique “de façon précise en quoi la publicité mise en cause soulèverait un problème déontologique” ;
  • c’est “au vu de l’argumentation soulevée” par la plaignante qu’il appartenait alors au Jury “d’identifier les règles déontologiques applicables”.

Au cas particulier, la plainte Fnaut – en invoquant le caractère à la fois “imprécis” et “nullement justifié” de l’allégation Ecov selon laquelle “80 % des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane” – est “clairement motivée”, car elle indique “de façon précise en quoi la publicité mise en cause soulèverait un problème déontologique”.

Pour se prononcer sur cette critique de la publicité, c’est donc à juste titre que le Jury, constatant que cette allégation contestée s’appuie sur une étude diligentée par l’annonceur, a estimé devoir d’abord vérifier si une publicité reposant sur telle étude respectait bien les obligations de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête ».

Cette vérification est d’autant plus nécessaire qu’on connaît l’influence que peut avoir, pour un consommateur moyen, une allégation appuyée sur ce qui est présenté comme une “étude” ; par suite une absence de transparence dans la réalisation ou l’utilisation d’une étude est un facteur d’opacité qui est de nature à induire en erreur le public touché ou visé ; d’où les exigences toutes particulières de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête ».

Il en résulte que le Jury, en se prononçant sur cette allégation au regard de cette Recommandation n’a nullement soulevé d’office un quelconque grief, ni “élargi le champ de la plainte” (comme l’en accuse la demande de Révision) ; il s’est borné à “identifier, au vu de l’argumentation soulevée, les règles déontologiques applicables”, c’est à dire à rechercher quelles dispositions de la déontologie publicitaire s’appliquent le mieux au litige dont il est saisi. Le JDP, au cas particulier, n’a donc pas méconnu les règles posées à l’article 11.1 5° du Règlement.

2) A l’appui de la même critique – selon laquelle le Jury aurait soulevé d’office une question ne figurant pas dans la plainte initiale – Ecov soutient ensuite que la notion de “transparence” (dont le défaut est reproché, par l’avis provisoire, à la publicité en cause) “n’était nullement visée par la plainte de la Fnaut”.

S’il est vrai que le vocable “transparence” ne figure pas explicitement dans la plainte Fnaut, il est non moins vrai que cette plainte, comme il a été dit plus haut, reproche à l’allégation “80 % des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane” d’être à la fois “imprécise” et “nullement justifiée”.

Sur cette question, le Réviseur n’a pas de peine à considérer qu’une imprécision (c’est à dire un défaut de précision) est, dans les circonstances de l’espèce, une notion très proche d’un manque de transparence.

Contrairement à ce que soutient en Révision Ecov, il n’est donc pas possible de reprocher au Jury de s’être “saisi d’office d’une question qui n’était nullement visée par la plainte de la Fnaut”.

Ce reproche est d’autant moins fondé que, ainsi qu’en atteste la rédaction de l’avis (voir §2. Les arguments échangés), Ecov a eu toutes facilités pour expliquer et justifier devant le Jury l’origine et la conception de “l’étude” qui étaye son allégation sur les 80 % de trajets.

N’est par suite pas fondé le manquement à la procédure invoqué par l’annonceur, et tiré de ce que l’avis provisoire est notamment fondé sur un défaut de transparence au regard de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » qui n’aurait pas été expressément mentionné lors de l’examen devant le Jury.

Ajoutons au surplus que l’annonceur ne répond pas au grief de la Fnaut sur l’imprécision portant sur les “usagers” du covoiturage qui ont répondu à l’étude Ecov (sont-ce des conducteurs, des passagers, ou les deux ?)

3) dans sa demande de Révision, Ecov s’étonne et se plaint de ce que le Jury, pour déclarer non conforme à la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » l’allégation sur les 80 % de trajets, s’est fondé sur un très faible écart entre le chiffre réellement produit par l’étude (79 %) et le chiffre mentionné dans la publicité (80 %).

Pour sévère qu’elle puisse paraître, la prise en compte d’un écart aussi minime s’explique. Il convient en effet de rappeler la différence réelle qui existe, en publicité, entre une allégation fondée sur un argument et une allégation fondée sur un chiffre : alors qu’un argument peut n’être que globalement vrai (même s’il n’est pas totalement vrai), un chiffre, lui, est soit exact soit inexact. En effet, compte tenu de la puissance qu’exerce une affirmation chiffrée sur la perception des consommateurs, la déontologie publicitaire ne peut, en matière de chiffres, se contenter d’une approximation, fût-elle faible : elle exige l’exactitude absolue.

Dans ce contexte, le Jury n’a donc pas outrepassé ses pouvoirs en estimant, dans les circonstances de l’espèce, que “l’absence de transparence” relevée, et non contestée, “ne permet pas de considérer que l’allégation est conforme aux dispositions de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP”.

Le Réviseur observe toutefois que la rédaction de l’avis gagnerait à préciser que “l’absence de transparence” reprochée à la publicité en litige “concerne plusieurs éléments de méthodologie mentionnés au titre des arguments échangés tant par écrit qu’oralement lors de la séance du Jury”. C’est en ce sens que le Réviseur, au titre des “modifications rédactionnelles” prévues à l’article 22.2 du Règlement du JDP, demande au Jury, dans son avis définitif, d’adjoindre la formulation qui précède.

4) Par une autre critique de l’avis provisoire, voisine des précédentes, Ecov soutient qu’elle “n’a pas été en position de se défendre et de contester en temps utile l’applicabilité́ de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » au cas présent, ni même le bien-fondé́ de l’application qu’en fait le JDP”.

Ce grief se fonde – comme on l’a vu plus haut – sur la double critique que, d’une part la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » “a été mentionnée pour la première fois dans l’avis”, que d’autre part “la plainte [de la Fnaut] ne se référait nullement à un manque de transparence sur l’origine du chiffre de 80%”.

Ces deux points sont incontestables. Tout comme est incontestable le fait que les arguments et réponses d’Ecov sur la transparence au regard de la Recommandation précitée ont pu être développés par l’annonceur à loisir dans son mémoire en Révision, lequel a été communiqué au plaignant. Par suite, il y a bien eu, au cours de l’instruction de ce litige, en premier examen et en Révision, échanges entre les parties prenantes de tous les arguments invoqués.

Ecov n’est donc pas fondé à soutenir que la procédure devant le Jury puis le Réviseur aurait manqué aux exigences du contradictoire.

5) Par ailleurs Ecov met en cause le libellé du courriel par lequel le Jury lui a transmis, pour observations en réponse, la plainte initiale de la Fnaut.

Certes ce courriel faisait “en particulier” référence à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, mais celle-ci n’était évoquée que parmi les diverses “dispositions déontologiques en vigueur”.

Certes encore ce courriel – comme l’indique l’annonceur en Révision – invitait Ecov “à mettre l’accent sur la « véracité »,  de l’allégation” selon laquelle “80 % des trajets sont effectués par d’anciens autosolistes sur Lane” ; mais comme on l’a vu plus haut, d’une part la transparence est un des facteurs de la véracité ; d’autre part et en tout état de cause, le débat contradictoire sur la transparence, à défaut d’avoir pu être vidé lors du premier examen devant le Jury, a ensuite été purgé par les échanges parfaitement contradictoires qui se sont déroulés en Révision.

Le défaut de procédure allégué par l’annonceur n’est donc pas établi.

6) Enfin l’annonceur estime “erronée” la formulation suivante figurant dans l’avis : Le Jury constate que l’annonceur n’a pas modifié son site internet pour préciser l’origine des données utilisées après les échanges avec la FNAUT en février 2023″.

Mais cette constatation, dans le texte de l’avis contesté, figure après l’appréciation par laquelle le Jury estime que “l’absence de transparence ne permet pas de considérer que l’allégation est conforme aux dispositions de la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP précitées”.

N’ayant donc pas servi de fondement au manquement à la déontologie retenu par le JDP, cette constatation est en quelque sorte surabondante ; elle est par suite inopérante à justifier la Révision de l’avis provisoire. En tout état de cause, il n’est pas contesté que la modification de son site internet par l’annonceur est postérieure à la date à laquelle la plainte initiale a été déposée ; cette modification est donc sans influence sur le sens de l’avis du Jury.

III) Conclusion :

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de la société Ecov est recevable et à ce titre sera mentionnée dans la rédaction finale de l’Avis du Jury ;
  • ni les défauts de procédure allégués, ni la critique sérieuse ou légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée contre l’Avis en litige ne peuvent être considérés comme fondés.

Par suite, il n’y a pas lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause.

Il n’y a pas lieu non plus de réformer l’Avis contesté, sauf :

  • pour y mentionner la demande de Révision comme indiqué ci-dessus,
  • pour procéder à la modification rédactionnelle mentionnée ci-dessus pour préciser le “défaut de transparence” relevé par le Jury,
  • pour y adjoindre en annexe la présente réponse.

Dès lors et pour conclure, l’Avis en cause ainsi complété (mentionnant en outre le recours en Révision et la présente réponse) deviendra définitif et il sera publié – accompagné de la présente décision, laquelle constitue la réponse du Réviseur de la Déontologie Publicitaire à la demande d’Ecov.

Alain GRANGE-CABANE
Réviseur de la déontologie publicitaire


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