DIRECTE SANTE – Internet – Plainte fondée 

Avis publié le 8 mars 2021
DIRECTE SANTE – 709/21
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 12 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 15 novembre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire de la société Editions VivaSanté SA pour promouvoir son livre intitulé « Urgence 5G ».

Les publicités, diffusées sur Internet, comportent les allégations : « Dangers de la 5G après 55 ans – 5 mesures urgentes sont à prendre pour limiter la nocivité de votre téléphone »,
« Campagne de prévention nationale – Urgence 5G : des chercheurs français dévoilent 9 astuces pratiques pour vous mettre à l’abri des ondes…
. ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que cette publicité est mensongère en ce qu’elle se réfère à des avis pseudo-scientifiques et s’adresse essentiellement aux plus de 55 ans.

La société Editions VivaSanté SA a été informée, par courriel avec accusé de réception du 5 janvier 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 12 du règlement intérieur du Jury.

Elle fait valoir que la plainte est irrecevable dès lors qu’il n’est pas démontré que les contenus critiqués auraient été effectivement diffusés sur le territoire français au cours des deux mois précédant la plainte. En outre, elle estime que deux des trois captures d’écran en cause relèvent du contenu éditorial du site internet directe-santé.com et ne constituent donc pas des publicités.

La société estime en outre que la plainte n’est pas fondée. L’allégation « Dangers de la 5G après 55 ans » renvoie à un document d’étude sur la 5G désireux de présenter le débat scientifique autour de son déploiement. Des éléments factuels et documentés confirment la loyauté de son approche et la véracité de ses propos :

  • 2005 : l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît que l’électrosensibilité attribuée par les sujets eux-mêmes à une exposition à des champs ou ondes électromagnétiques est
    « caractérisée par divers symptômes non spécifiques qui diffèrent d’un individu à l’autre » mais qui « ont une réalité certaine et peuvent être de gravité très variable ».
  • 2007 : publication du rapport du BioInitiative Working Group qui, complété en 2012 et 2014, a analysé un total de plus de 3.000 travaux scientifiques indépendants sur les effets des ondes. Ses conclusions sont sans appel : l’exposition aux ondes électromagnétiques est responsable d’une augmentation significative des risques de cancer, de perturbation du sommeil, des effets génotoxiques et de la cataracte.
  • 2011 : Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence spécialisée de l’OMS, a fait un classement des agents cancérogènes, probablement cancérogènes, peut-être cancérogènes, inclassables, et non cancérogènes. Dans ce classement, les ondes électromagnétiques sont classées comme « peut-être cancérogènes ».
  • 2011 : Le Conseil de l’Europe adopte la résolution 1815 sur « le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement » dans laquelle il recommande notamment de prendre les mesures raisonnables pour réduire l’exposition aux champs électromagnétiques des personnes sensibles et de revoir les fondements scientifiques des normes actuelles d’exposition aux champs électromagnétiques.
  • 2013 : L’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments, de l’environnement et du travail (ANSES) publie les résultats de l’évaluation des risques liés à l’exposition aux radiofréquences sur la base d’une revue de la littérature scientifique internationale. Cette actualisation pointe différents effets biologiques et reconnaît que certaines publications évoquent une possible augmentation du risque de tumeur cérébrale. Compte tenu de ces éléments, l’ANSES recommande de limiter les expositions de la population aux radiofréquences, notamment des populations les plus vulnérables.
  • 2015 : la justice française reconnaît pour la première fois l’existence d’un handicap grave dû à l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques.
  • 2015 : Emfscientist.org qui réunit à date 254 scientifiques de 44 pays soumet, pour la première fois, aux Nations Unies un appel sur les champs électromagnétiques.
  • 2016 : l’étude officielle américaine du National Toxicology Program montre un accroissement statistiquement significatif de cancer du cerveau et du cœur chez des animaux exposés à des niveaux de champs électromagnétiques bien inférieurs aux valeurs limitées préconisées par la Commission Internationale de Protection contre les Champs Electromagnétiques (ICNIFP) en vigueur dans la plupart des pays.
  • 2017 : dans un texte intitulé « EU 5G Appeal », 180 scientifiques et médecins de 37 pays demandent, pour la première fois, un moratoire sur le déploiement de la 5G. L’EU 5G y affirme que les dangers de l’exposition aux champs électromagnétiques de radiofréquences
    « sont déjà démontrés » et assure s’appuyer « sur un grand nombre d’études publiées dans des revues scientifiques ». A date, l’« EU 5G Appeal » a été signé par 414 scientifiques et médecins de 40 pays.

L’annonceur estime que l’ensemble de ces documents et études confirme bien l’existence, à des dates précises, de dangers avérés ou potentiels résultant de l’exposition aux ondes électromagnétiques qui, de fait, augmentera considérablement avec la 5G comme le confirme le rapport d’étape basé sur des mesures réalisées sur des sites pilotes utilisant la 5G de l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

Selon lui, l’annonce « Dangers de la 5G » est donc loyale et avérée. Ne l’est pas moins le fait de viser les plus de 55 ans dès lors que :

  • les plus de 55 ans sont les premiers concernés par la baisse du système immunitaire, les rendant plus vulnérables à tout type d’agression extérieure ;
  • les ondes électromagnétiques et la sensibilité électromagnétique sont facteurs de stress ;
  • des travaux récents sur les plus de 50 ans ont montré qu’un stress chronique non pris en charge pouvait affecter l’hippocampe, siège de la mémoire et des émotions, et provoquer des effets particulièrement désastreux sur le cerveau ;
  • une équipe de neurologues de l’Université du Texas à San Antonio, a notamment analysé le niveau de cortisol, l’hormone du stress, chez plus de 2000 patients adultes (50 ans en moyenne). Les scientifiques ont découvert une perte de mémoire et un rétrécissement du cerveau plus importants chez les participants au niveau de cortisol le plus élevé ;
  • le rapport Zmirou de 2001 recommandait que des bâtiments sensibles comme les hôpitaux, les crèches et les écoles ne soient pas situés à moins de 100 mètres d’une antenne relais ;
  • de la même façon l’ANSES préconise la mise en place du principe ALARA (« As Low As Reasonnably Achievable ») qui consiste à ce que la puissance des antennes soient réduites à la plus basse fréquence possible et « de réduire l’exposition des enfants (éteindre les appareils la nuit…), des femmes enceintes, des personnes âgées, des épileptiques ».

Il en conclut que les personnes âgées de plus de 55 ans constituent indubitablement une sous-population plus sensible aux risques sanitaires et dangers avérés ou potentiels liés à la démultiplication des ondes électromagnétiques induites par la mise en place de la 5G.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur la recevabilité de la plainte

Il résulte des éléments fournis par le plaignant et de l’instruction effectuée par le secrétariat du Jury que la campagne litigieuse était accessible aux internautes français à la date d’introduction de la plainte. Il y est d’ailleurs fait expressément référence à la mise en service de la 5G en France.

En outre, la circonstance qu’une communication figure sur un site internet n’exclut nullement qu’elle revête un caractère publicitaire. En l’occurrence, les extraits critiqués du site internet directe-santé.com visent sans ambiguïté à promouvoir l’ouvrage « Urgences 5G » édité par l’annonceur. Cette dimension promotionnelle est renforcée par les formulations retenues et la présentation générale du contenu.

Il suit de là que la plainte dont le Jury est saisi est recevable, contrairement à ce que soutient l’annonceur.

3.2. Sur la conformité des publicités litigieuses aux règles déontologiques

 Le Jury rappelle que les dispositions déontologiques du code de la Chambre de commerce internationale sur la publicité et les communications commerciales, dit code ICC, prévoient que:

« Article 2 – Responsabilité sociale

(…) La communication commerciale, sauf raison justifiable, doit proscrire toute exploitation des sentiments de peur (…) »

« Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

« Article 5 – Véracité

La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. / La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur, notamment, mais pas exclusivement, en ce qui concerne : des caractéristiques du produit qui sont essentielles, ou en d’autres termes, de nature à influencer le choix du consommateur, telles que la nature, la composition, la méthode et la date de fabrication, le domaine d’utilisation, l’efficacité et les performances, la quantité, l’origine commerciale ou géographique, ou l’impact sur l’environnement (…) ».

Il résulte de l’article 3 du règlement intérieur du Jury que ce dernier est compétent pour apprécier la conformité des publicités, commerciales ou non, à ces principes généraux.

Le Jury relève que la campagne publicitaire en cause vise à promouvoir l’ouvrage « Urgences 5G » édité par l’annonceur, qui contient une série de recommandations pratiques destinées à protéger les personnes de plus de 55 ans contre les ondes électromagnétiques émises par les antennes 5G en cours de déploiement.

Il ressort du rapport conjoint du conseil général de l’environnement et du développement durable, de l’inspection générale des affaires sociales, de l’inspection générale des finances et du conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies de septembre 2020, intitulé « Déploiement de la 5G en France et dans le monde : aspects techniques et sanitaires », qui intègre notamment les travaux scientifiques mentionnés par la société, que « Au vu du grand nombre d’études publiées depuis les années 1950, en France et dans le monde, sur les effets des radiofréquences sur la santé, il n’existe pas, selon le consensus des agences sanitaires nationales et internationales, d’effets néfastes avérés à court terme, c’est-à-dire d’effets thermiques délétères sur les tissus, en dessous des valeurs limites d’exposition recommandées par l’ICNIRP, ni dans le grand public, ni chez les travailleurs. / Les éventuels effets de long terme, cancérogènes ou non, difficiles à mettre en évidence, sont à ce stade, pour l’essentiel, non avérés selon les mêmes agences nationales et internationales. Des débats persistent toutefois, notamment pour ces effets de long terme, au sein de la communauté scientifique. Il n’a pas été mis en évidence d’effets avérés chez les enfants sans que l’on puisse exclure la possibilité d’effets cognitifs. Par ailleurs, il n’a pas été démontré de lien de causalité entre ondes électromagnétiques et hypersensibilité électromagnétique des personnes. / Les autorités sanitaires et de contrôle concluent également de manière concordante à une absence d’effets sanitaires spécifiques de la 5G en dessous des valeurs limites d’exposition. ».

Le rapport précise que l’exposition des différents publics aux ondes électromagnétiques demeure, sauf exceptions, très en-deçà des valeurs limites d’émission admises, et devrait rester modérée dans la première phase du déploiement de la 5G.

Le Jury en déduit qu’il n’est pas démontré scientifiquement que ces ondes électromagnétiques auraient, dans des conditions normales d’émission et d’exposition, des effets nocifs sur la santé humaine, spécialement sur les personnes de plus de 55 ans. Si on ne peut écarter que ces ondes puissent, à long terme, et au moins dans certaines configurations et pour certaines personnes, présenter des risques sanitaires, une telle situation d’incertitude scientifique appelle, de la part des responsables de publicités relatives au déploiement de la 5G, une vigilance et une retenue particulières dans les allégations sanitaires utilisées, rappelant l’absence de démonstration scientifique de la pertinence de ces risques et présentant les produits et solutions proposés comme relevant d’une logique de précaution (contre des risques hypothétiques ou suspectées), et non de prévention (contre des risques avérés).

En l’espèce, le Jury relève que la campagne publicitaire assimile le déploiement de la 5G à celle d’un « four à micro-ondes géant » dans lequel chacun devra plonger sa tête dans quelques mois. Elle insiste tout particulièrement sur les « dangers de la 5G après 55 ans », justifiant de prendre des « mesures urgentes » pour limiter la nocivité des téléphones mobiles dans le cadre d’une « campagne de prévention nationale », tout en indiquant allusivement que la 5G sera déployée « sans que nous ayons aucune idée de ce qui [va] se passer pour notre santé ».

Le Jury considère qu’une telle présentation exploite, sans raison justifiable, le sentiment de peur des consommateurs, ainsi que leur manque de connaissance, sans faire clairement apparaître les facteurs pertinents susceptibles d’influencer leur décision et, en particulier, les incertitudes scientifiques entourant la nocivité alléguée des ondes électromagnétiques émises par les antennes 5G. En outre, cette communication est de nature à induire en erreur ses destinataires quant à la réalité des risques sanitaires qu’ils courent, en raison des omissions, ambiguïtés et exagérations qu’elle comporte.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les principes généraux rappelés aux points 2, 4 et 5 du code ICC.

Avis adopté le 5 février 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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