DELIVEROO – Internet – Plainte fondée 

Avis publié le 26 juillet 2021
DELIVEROO – 744/21
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 1er avril 2021, d’une plainte émanant d’un particulier tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Deliveroo en faveur de son offre de livraison de pizzas.

La publicité en cause, diffusée par courrier électronique, se présente sous la forme d’un reçu de commande classique portant l’intitulé « Deliveroo a reçu votre commande » suivi du détail d’une commande, avec son numéro, portant sur 38 pizzas Acciuga (anchois) et 50 sauces piquantes spéciales anchois, le tout pour un montant de 466,40 €. En bas de ce message figure la mention : « Une dernière information qui pourrait s’avérer importante : les anchois de ces pizzas sont en fait… des petits farceurs ! Souriez, le poisson d’avril a encore frappé ! », suivi d’un émoticône « poisson ».

Ce courriel est suivi d’un second mentionnant que le premier envoi correspondait à un poisson d’avril destiné à faire la promotion de la semaine de la pizza, avec le texte « La vraie bonne nouvelle ? C’est la semaine de la Pizza chez Deliveroo et ça, ce n’est pas une blague ! Alors avec ou sans anchois, commandez dès maintenant les meilleures pizzas de votre quartier grâce à notre sélection préparée avec amour : jusqu’à -50 % sur votre
commande !*
 ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que la visualisation d’un montant de 466 euros occasionne un sentiment de panique susceptible de conduire certaines personnes à faire opposition sur leur carte bancaire. Il estime en conséquence qu’une telle publicité méconnaît les règles déontologiques.

La société Deliveroo a été informée, par courriel avec accusé de réception du 5 mai 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle n’a pas présenté d’observations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que le code de la Chambre de commerce internationale « Publicité et marketing », dit code ICC, dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, prévoit que :

« Article 1 – Principes élémentaires

Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique.

Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales.

Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing. ».

« Article 2 – Responsabilité sociale

La communication commerciale, sauf raison justifiable, doit proscrire toute exploitation des sentiments de peur, de malchance ou de souffrance. »

« Article 4 – Loyauté

La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »

«  Article 7 – Identification et Transparence

Les communications commerciales doivent être clairement identifiables en tant que telles, quelle que soit leur forme et quel que soit le support utilisé. (…) / La finalité commerciale de la communication doit être apparente et la communication ne doit pas occulter sa finalité commerciale réelle. (….) ».

Le Jury relève que la publicité litigieuse consiste en un courrier électronique, diffusé le 1er avril 2021, présentant en apparence toutes les caractéristiques d’un reçu de commande du service Deliveroo. Il fait ainsi mention d’un numéro de commande, des produits commandés (pizzas et sauces) avec leur composition et leur prix ou l’indication de leur gratuité, un montant réaliste de frais de service et de pourboire et un total de 466,40 €. Il est précisé « Petit bonus pour récompenser votre fidélité : nous vous offrons 50 sauces piquantes spéciales anchois ainsi que vos frais de livraison » et « le temps que vous lisiez ce mail, votre commande sera en cours de livraison. Nous vous souhaitons d’avance un excellent appétit ». Ce message semble avoir été adressé à un grand nombre de clients de l’entreprise, indépendamment de toute commande passée.

Si le nombre de pizzas commandés (38) et de sauces piquantes spéciales anchois offertes (50) apparaissent exceptionnellement élevés, une telle commande n’est nullement impossible dans la réalité. Elle peut, par exemple, être le fait d’une entreprise ou d’un groupe à l’occasion d’un évènement collectif. En outre, si la mention finale : « Une dernière information qui pourrait s’avérer importante : les anchois de ces pizzas sont en fait… des petits farceurs ! Souriez, le poisson d’avril a encore frappé ! », suivi d’un émoticône « poisson », donne à penser que l’ensemble du message, diffusé un 1er avril, est en réalité une plaisanterie, ce texte peu explicite peut aussi être compris comme un simple parallèle humoristique entre les anchois figurant sur les pizzas et le « poisson d’avril ». Enfin, le second message signalant que le premier est effectivement un « poisson d’avril » peut ne pas être reçu ou consulté immédiatement par son destinataire et ne saurait en tout état de cause conduire à une analyse globale. Il y a lieu d’apprécier si le premier message est, par lui-même, conforme aux règles déontologiques.

Le Jury considère, en premier lieu, que le contenu de ce message ne permet pas d’identifier clairement son caractère publicitaire en raison de sa très forte similitude avec un reçu de commande Deliveroo, en méconnaissance des principes généraux figurant à l’article 7 du code ICC et précisés à l’article C1 du même code à propos du marketing direct et numérique.

En second lieu, il estime que la réception du premier message, tout particulièrement par une personne en situation de précarité financière, est de nature à susciter sans raison valable un sentiment d’anxiété et à induire en erreur le destinataire quant à l’éventuelle utilisation abusive de son compte par un tiers, notamment à la suite d’un piratage informatique, d’autant que ses coordonnées bancaires sont pré-renseignées dans l’application. Elle peut ainsi entraîner, sous l’effet de la panique, des réactions comportant des coûts pour l’utilisateur, comme former opposition auprès de sa banque. Cette publicité ne respecte donc pas les exigences de responsabilité sociale et de loyauté qui découlent des articles 1er, 2 et 4 du même code.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité litigieuse méconnaît les dispositions précitées du code ICC.

Avis adopté le 4 juin 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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