Avis JDP n° 551/18 – AUTOMOBILE – Plainte fondée

Avis publié le 8 janvier 2019
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de l’agence de communication et de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 6 novembre 2018, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur Internet, en faveur d’un constructeur automobile, pour promouvoir un modèle de véhicule.

L’extrait de la vidéo mis en cause par le plaignant montre une femme assise à un bureau, face à deux hommes, en situation d’être interrogée. Elle est vêtue d’un chemisier bleu qui présente des auréoles de transpiration sous les aisselles. Son visage, crispé, est couvert de sueur.

Le texte, prononcé par une voix hors-champ, accompagnant cette scène est : « … Louise passe un entretien pour le job de ses rêves. Si elle transpire la consommation hebdomadaire en eau d’une famille de 12, ce n’est pas à cause du stress mais parce qu’elle a pris les transports urbains aux heures de pointe … ».

2. Les arguments échangés

– Le plaignant soutient que le fait de stigmatiser les transports en commun, présentés comme un obstacle à la réussite d’un entretien d’embauche en ce qu’ils sont responsables de la transpiration de la candidate, relève d’un discours criminel contre l’environnement.

Il ajoute que ce passage s’insère dans une publicité qui tend à montrer que l’absence de véhicule est un frein à tout ce que pourraient entreprendre des jeunes, ce qui, en soi, est également dommage dans le cadre de la transition écologique.

– La société annonceur ainsi que l’agence de communication, en charge de la réalisation de cette publicité, ont, par courrier recommandé avec avis de réception du 12 novembre 2018, été informées de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

– La société annonceur n’a pas présenté d’observations.

– L’agence de communication explique que le but initial était d’évoquer les difficultés rencontrées, en règle générale, par la jeune femme durant son trajet pour se rendre à son entretien.

L’agence n’avait, en aucun cas, l’intention de dénigrer un mode de déplacement, lequel s’intègre totalement dans les principes d’une transition écologique responsable. Le non-respect des règles d’autorégulation établies au sein de la Recommandation « Développement durable » est tout à fait involontaire.

La société ajoute que, dès réception de la plainte, les diffusions digitales ont été interrompues et des démarches aux fins de modification du film entreprises afin de rendre ce dernier conforme aux recommandations et conseils de l’ARPP. Différentes options de rectification du texte prononcé par le narrateur dans le cadre de la scène en question ont été proposées et ce, afin de changer l’explication donnée sur l’état de forte transpiration de la jeune femme. Le 19 novembre 2018, toutes ces options ont été soumises pour conseil à l’ARPP, qui les a déclarées conformes. L’agence précise que le film, dans sa version définitive, sera transmis à l’ARPP avant toute nouvelle diffusion sur Internet.

– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique qu’un projet de publicité lui a été soumis, pour conseil préalable, par son adhérent, l’agence de communication.

Parmi les observations qui ont été formulées, l’ARPP a relevé un point de non-conformité aux dispositions de la Recommandation « Développement durable ».

Plus précisément, le texte déontologique dispose dans son point 9.2 relatif aux « Impacts éco-citoyens » que « La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable ».

Dans le contexte actuel particulièrement sensible sur la question du respect de l’environnement, la publicité ne doit pas véhiculer, en effet, des situations qui iraient à l’encontre des préconisations des pouvoirs publics et des gestes éco-citoyens adoptés par tous, destinés à limiter les impacts négatifs sur l’environnement.

Plus précisément, l’ARPP déconseille, de manière générale, toute critique ou présentation péjorative de l’utilisation des transports en commun.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP prévoit dans son point 9 « Impacts éco-citoyens » que :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant compte notamment de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.

9.2. La publicité ne doit pas discréditer les principes et objectifs, non plus que les conseils ou solutions, communément admis en matière de développement durable. La publicité ne saurait détourner de leur finalité les messages de protection de l’environnement, ni les mesures prises dans ce domaine. »

Le Jury relève que la publicité en cause montre une femme assise à un bureau, face à deux hommes, en situation d’être interrogée. Elle est vêtue d’un chemisier bleu qui présente des auréoles de transpiration sous les aisselles. Son visage, crispé, est couvert de sueur.

Le texte, prononcé par une voix hors-champ, accompagnant cette scène est : « … Louise passe un entretien pour le job de ses rêves. Si elle transpire la consommation hebdomadaire en eau d’une famille de 12, ce n’est pas à cause du stress mais parce qu’elle a pris les transports urbains aux heures de pointe … ».

Le Jury constate que la mise en scène renforcée par le texte de la vidéo présentent les transports en commun comme un obstacle à la réussite d’un entretien d’embauche, en ce qu’ils sont responsables de la transpiration excessive de la candidate.

La publicité constitue, à cet égard, une critique du comportement citoyen de la candidate ayant choisi des transports collectifs, et, par suite, dénigre les modes de transports en commun, ce qui jette un discrédit sur les solutions communément admises en matière de développement durable.

Le Jury en déduit que cette publicité est de nature à contrevenir au point 9.2, précité, de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Il prend acte, toutefois, de ce que cette version de la publicité a été modifiée.

Avis adopté le 7 décembre 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Drecq et Lenain, MM. Acker, Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.