CREDIT AGRICOLE ALPES PROVENCE – Internet – Plainte fondée

Avis publié le 5 décembre 2022
CREDIT AGRICOLE ALPES PROVENCE – 881/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de l’association plaignante Girls Inspired For Tomorrow et les représentants du Crédit Agricole Alpes Provence, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 30 septembre 2022, d’une plainte émanant de l’association plaignante Girls Inspired For Tomorrow (GIFT), tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur du Crédit Agricole Alpes Provence pour présenter une opération de ramassage de déchets dont il est partenaire.

La publicité en cause, diffusée sur les réseaux sociaux et sur le site Made in Marseille, utilise les textes :

  • « #CleanbyCAAP deuxième édition | Caisses locales, agences, collaborateurs, associations, partenaires, clients, prospects et collaborateurs…. 2600 participants mobilisés sur notre campus à Aix et dans 50 points de collecte pour l’opération de ramassage de déchets organisée par notre banque coopérative et associations partenaires, dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les Hautes Alpes, à l’occasion du #Worldcleanupday !» ;
  • « Grâce à cet embarquement collectif et citoyen, notre banque de proximité a donné à chacun la possibilité d’agir pour réduire la pollution de manière concrète près de chez soi / En 2021, 25 tonnes de déchets ont été ramassés! »
  • « MERCI A TOUS POUR VOTRE MOBILISATION»
  • Et «Coming soon… la vidéo reportage de Made in Marseille qui nous a accompagné sur les opérations organisées à Marseille !! ».

2. Les arguments échangés

L’association plaignante énonce que le Crédit Agricole Alpes Provence communique sur l’organisation de 50 collectes de déchets lors du « World cleanup day » alors que ces collectes ont été organisées par des associations locales.

Le Crédit Agricole s’accapare ainsi le travail d’organisations qui œuvrent de leur côté à la lutte contre la pollution, de manière volontaire, désintéressée, alors qu’il n’organise rien lui-même.

La plaignante conteste les chiffres avancés par la banque. Elle pointe le fait qu’à Salon-de-Provence, 22 participants étaient annoncés alors que deux seulement étaient présents. En outre, elle soutient qu’aucune communication n’a été faite auprès des clients de la banque ; du reste, ces derniers agissent en tant que citoyens et non comme clients du Crédit agricole. Elle met en doute la véracité des chiffres en ce qui concerne le poids des déchets collectés, la part des personnes liées au Crédit agricole ne pouvant être isolée du total, et reproche à l’annonceur d’avoir « arrondi » les chiffres de façon grossière et excessivement avantageuse.

L’association précise que les opérations de Salon-de-Provence, dePuyricard et de la plage des Corbières ont été organisées par des associations (respectivement : GIFT, Zorro déchet et 1 déchet par jour) et non par cette banque.

Au total, elle soutient que cette publicité est contraire aux règles déontologiques, notamment à la Recommandation « Développement durable » (points 2.1 à 2.4, 6.4 et 7.1.).

Lors de la séance, l’association a indiqué qu’elle avait organisé l’opération à Salons-de-Provence et que le Crédit agricole ne peut donc en aucun cas se prévaloir de la qualité d’organisateur de cette action. Elle a relevé que d’autres associations avaient réagi.

Le Crédit Agricole Alpes Provence a été informé, par courrier recommandé avec accusé de réception du 11 octobre 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Sa représentante fait valoir en premier lieu, que les griefs qui sont formulés par l’association Girls Inspired For Tomorrow concernent des communications publiées via les réseaux sociaux de la société, relatif à la participation de l’établissement bancaire à la collecte de déchets qui, par nature, ne revêt pas de dimension commerciale puisqu’il n’est fait la promotion d’aucun produit ni service. Or, les textes visés dans le courriel du Jury semblent encadrer la publicité et la communication en lien avec l’activité de l’entreprise et, notamment, celles à des fins commerciales afin de protéger le consommateur, ce qui diffère sensiblement du cas présent.

En second lieu, il convient également d’indiquer que l’association Girls Inspired For Tomorrow formule des reproches envers la Caisse Régionale sans en rapporter une quelconque preuve. En effet, l’ensemble des propos tenus par la Caisse Régionale dans les différentes communications publiées sur ses réseaux sociaux sont fondés sur des éléments véridiques et vérifiables.

En synthèse, la Caisse Régionale a débuté des actions de sensibilisation à la RSE auprès de ses administrateurs au printemps 2021, via des formations qui leur ont été proposées, dans le but de préparer la mobilisation générale de toutes les Caisses locales pour une première opération de ramassage des déchets qui s’est effectivement tenue le 18 septembre 2021 (Pièces 1, 2, 3, 4, 5, 6).

L’idée était de faire appel au réseau des Caisses Locales et de tous les administrateurs pour embarquer un maximum de clients, sociétaires, familles, prospects qui partagent les valeurs mutualistes du Crédit Agricole dans ce premier « Clean-up day ».

La Caisse Régionale a fourni des affiches personnalisables à chaque Caisse locale pour préparer cet évènement localement et communiqué au niveau régional sur l’évènement pour rassembler le plus de monde. L’organisation était à la main de chaque Caisse locale qui pouvait organiser elle-même cette action ou se rapprocher d’une association locale, nationale spécialisée. Chaque Caisse locale s’est vue expliquer comment organiser cette journée de nettoyage.

Ainsi, comme cela est indiqué sur le flyer de l’association du World Cleanup Day, celle-ci n’a pas les ressources humaines et logistiques lui permettant de fournir du matériel. La Caisse Régionale a donc proposé de fournir gants, trousses de secours et sacs recyclables pour l’ensemble des participants recensés par chaque Caisse locale qu’ils soient, salariés, administrateurs, clients, membres des associations partenaires…

Sur la base des chiffres déclarés par chacune des Caisses locales, l’ensemble des manifestations CleanUp Day du 18 septembre 2021 ont permis de ramasser 25 tonnes de déchets.

En 2022, dans le cadre de ses engagements sociétaux et environnementaux vis-à-vis du territoire, la Caisse Régionale a souhaité reconduire sa participation au World Cleanup Day 2022 qui a eu lieu le 17 septembre dernier. Une nouvelle campagne d’information a donc été relayée par la Caisse Régionale auprès de l’ensemble des Caisses locales en vue d’une participation massive à cet évènement.

L’objectif et les moyens mis en œuvre ont été les mêmes qu’en 2021 : mobiliser un maximum de personnes (clients, sociétaires, familles, prospects, associations partenaires…) pour débarrasser collectivement les déchets qui polluent l’environnement.

Les Caisses locales étaient une nouvelle fois libres d’organiser la collecte comme elles le souhaitaient, en organisant seules l’évènement ou en s’associant à des partenaires spécialisés de leur territoire (associations, mairies pompiers,…).

Chaque Caisse locale a indiqué le nombre de participants recensés qu’ils soient salariés, administrateurs, clients ou membres des associations partenaires pour que la Caisse Régionale puisse leur fournir, à tous, gants et trousse de secours. A titre d’exemple,

  • la Caisse locale de Marseille Centre a indiqué qu’elle s’associait à la Caisse locale Littoral Euromed et qu’elles se joindraient ensemble (environ 30/40 personnes) à l’opération sur le site de Corbière organisée par l’association #1dechetparjour;
  • la Caisse locale de l’Embrunais – Serre-Ponçon a précisé qu’ils seraient environ 220 participants au ramassage ;
  • la Caisse locale de Bollène a commandé 50 paires de gants, soit environ 50 participants ;
  • la Caisse locale d’Eyguières s’est associée à la Mairie et à plusieurs associations locales, la présidente de la Caisse locale étant coordinatrice de l’évènement. 50 participants ont été annoncés avec autant de gants commandés.

La Caisse Régionale avait dans un premier temps sous-estimé la participation massive à ces évènements de ramassage et donc l’ampleur des commandes de gants des Caisses locales, ce qui l’a conduite à effectuer plusieurs commandes successives de gants en juillet, aout, septembre.

La Caisse Régionale a également mis à la disposition des organisateurs une affiche personnalisable pour valoriser leur opération de ramassage. De nombreuses affiches ont été personnalisées au nom des Caisses locales et certaines ont même mis en avant le partenariat avec des associations en personnalisant l’affiche au nom de la Caisse locale et de l’association partenaire, et ce à la demande des associations elles-mêmes qui souhaitaient apparaître sur les affiches.

De manière globale, la Caisse Régionale a recensé pour cet évènement du 17 septembre 2022, 2630 participants sur les 50 points de collecte de déchets. L’annonceur fournit à cet égard un tableau recensant ces initiatives.

En conclusion, on ne peut que reconnaître le travail d’organisation mené par la Caisse Régionale Alpes Provence et chacune de ses Caisses locales pour participer à cette journée de ramassage des déchets.

Il en résulte donc que les griefs portés par l’association Girls Inspired For Tomorrow sont totalement infondés. En effet, la volonté de la Caisse Régionale n’a jamais été de « s’accaparer » le travail des associations partenaires, mais plutôt d’avancer ensemble, en collaboration, pour permettre des ramassages de déchets bien plus efficaces. C’est d’ailleurs cet esprit de partenariat qui ressort de plusieurs articles parus dans la presse au sujet de ces ramassages.

Lors de la séance, le Crédit agricole a précisé qu’il était une banque mutualiste, dont les valeurs sont les mêmes que celles des associations de défense de l’environnement comme la plaignante. Les clients sont des sociétaires, dont les représentants sont administrateurs. Les caisses locales sont l’équivalent d’associations. Elle indique avoir formé les administrateurs à la RSE. L’annonceur précise que l’organisation dont elle parle concerne non pas la création des évènements mais la coordination de la mobilisation des administrateurs et collaborateurs, ainsi que l’équipement en matériels et la communication, pour participer aux actions de ramassage lors de la journée nationale. Il conteste les chiffres avancés par l’association plaignante à qui il reproche de ne pas apporter de preuves au soutien de ses allégations.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit au point 2 (Véracité des actions) que : « 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ».

Le Jury rappelle en outre que le code ICC, dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, prévoit en son article 5 que : « La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur (…) ».

Le Jury observe que la plainte initialement introduite par l’association GIFT comporte une argumentation qui peut être rattachée à ces deux règles. Les autres règles (points 2.2. à 2.4 et points 6 et 7 de la Recommandation) ont été invoquées pour la première fois la veille de la séance, soit tardivement, de sorte qu’il n’y a pas lieu pour le Jury d’en tenir compte.

Le Jury relève que la communication en cause, diffusée en ligne, a pour but de valoriser l’implication du Crédit agricole Alpes Provence et de ses caisses locales dans des opérations de nettoyage de sites à l’occasion de la journée mondiale du nettoyage de notre planète (« World Cleanup day ») 2022, afin de promouvoir son image. Elle constitue ainsi une publicité relevant de la compétence du JDP. Dans la mesure où elle contient un argument écologique, la Recommandation « Développement durable » lui est applicable.

Par l’expression « l’opération de ramassage de déchets organisée par notre banque coopérative », cette publicité présente très clairement le Crédit agricole comme l’organisateur principal de la collecte sur le campus d’Aix et sur 50 autres points de collecte situés dans les trois départements cités, et non pas seulement comme l’un de ses participants. Les associations sont ainsi présentées comme des « partenaires » dans l’organisation. La banque se prévaut également d’avoir donné à « chacun » la possibilité d’agir et adresse un remerciement « à tous » pour leur mobilisation, renforçant ainsi l’impression qu’elle est l’initiatrice et la responsable de l’opération. En outre, le texte diffusé sur le média Made in Marseille évoque une opération réalisée « à l’initiative » du Crédit agricole.

Or il ressort du dossier et des échanges entre les parties pendant la séance que les opérations auxquelles des collaborateurs, administrateurs et clients du Crédit agricole se sont associés n’ont, pour nombre d’entre elles, pas été organisées par une entité de cette banque. L’association plaignante indique ainsi, sans que ce soit sérieusement contesté, que les opérations réalisées à Salon-de-Provence, sur la route de Puyricard au Pays d’Aix – Venelles ou sur la plage de Corbière à Marseille ont été organisées exclusivement par des associations de protection de l’environnement, les collaborateurs et administrateurs du Crédit agricole se bornant dans ce cas à prendre part aux actions de ramassage, à l’instar des autres volontaires.

Le Jury observe à cet égard que les opérations se rattachant au « World Cleanup Day » font en principe l’objet d’un enregistrement sur un site internet dédié (https://www.worldcleanupday.fr/). Ce site permet à tout un chacun d’organiser un « Cleanup » en trois étapes, en créant son évènement sur une carte, en choisissant le lieu de collecte, en prévenant la mairie, en communiquant afin de permettre à toute personne souhaitant y prêter son concours de le faire, et, le jour de l’évènement, en donnant les consignes aux volontaires. La carte interactive qui y est diffusée fait ainsi apparaître un très grand nombre d’opérations organisées dans les trois départements mentionnés dans la publicité par des particuliers, des associations et des collectivités publiques. Or comme l’indique l’annonceur, la plupart des opérations dont il revendique l’organisation n’ont pas donné lieu à une inscription sur ce site. Si, comme il le précise, cet enregistrement ne constitue pas une obligation, le Jury estime paradoxal d’inscrire expressément son action dans le cadre du « World Cleanup Day » sans pour autant officialiser l’organisation de ses opérations sur le site internet prévu à cet effet.

S’agissant des chiffres avancés dans la publicité litigieuse, le Crédit agricole Alpes Provence a fourni, à la demande du Jury, un tableau recensant les opérations de nettoyage auxquelles se réfère la publicité. Ce tableau indique le nombre de gants distribués, le nombre de kilogrammes de déchets collectés, le nombre de participants annoncés, ainsi que la date et le lieu de l’opération.

Le Jury constate tout d’abord une incohérence entre le nombre d’opérations recensées dans le tableau (41, en défalquant les 7 opérations reportées, et même 39 en retirant les deux opérations datées d’octobre, alors que la publicité litigieuse a été diffusée en septembre) et celles mises en avant dans la publicité (51). Il observe ensuite que le tableau produit fait état non pas du nombre de personnes ayant effectivement pris part aux opérations au nom du Crédit agricole, mais d’un nombre de participants annoncés de 2540, chiffre qui est lui-même inférieur à celui revendiqué dans la publicité (2600, voire « près de 3000 » dans la publication de Made in Marseille), sans que le tableau et les observations de l’annonceur permettent de comprendre et de justifier cet écart. Le Jury note en outre que, si la communication litigieuse du Crédit agricole se prévaut de la participation de clients de la banque parmi les 2600 participants mobilisés, il n’est pas démontré que ses caisses locales auraient mis en place une campagne d’enrôlement et de coordination permettant de considérer que leurs clients ont participé aux opérations de nettoyage en cette qualité et non en leur nom personnel, comme tout autre bénévole. Le Jury rappelle enfin que, si l’annonceur reproche à la plaignante de ne pas apporter de preuves à l’appui de son argumentation, c’est à lui qu’il appartient de justifier des allégations publicitaires critiquées.

Au total, il n’est pas établi par les éléments du dossier que les chiffres figurant dans la communication reflètent fidèlement la réalité.

Sans sous-estimer l’ampleur de l’implication du Crédit agricole Alpes Provence dans le « World Cleanup Day », le Jury estime en conséquence que la publicité critiquée, en ce qu’elle prétend que cette banque aurait, via ses caisses locales, organisé elle-même 51 opérations de ramassage dans le cadre de l’édition 2022 de cet évènement qui auraient mobilisé au moins 2600 personnes au nom de cette banque, contient des assertions qui sont de nature, par voie d’exagérations et d’ambiguïtés, à induire en erreur le public sur la réalité des actions de l’annonceur, et qu’elle méconnaît ainsi le principe général repris à l’article 5 du code ICC et le point 2.1. de la Recommandation « Développement durable ». Eu égard à la nature du manquement, le Jury assortira son avis d’un communiqué sur son site internet.

Avis adopté le 4 novembre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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