Avis publié le 4 janvier 2021
CHROMEBOOK – 691/20
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu l’association Halte à l’Obsolescence programmée (HOP), plaignante, la société Google France et l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP), lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 12 octobre 2020, d’une plainte émanant de l’association Halte à l’Obsolescence programmée (HOP), tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société Google France, pour promouvoir son ordinateur portable Chromebook.
La publicité en cause, diffusée à la télévision, représente une succession de scènes dans lesquelles un personnage utilise un ordinateur portable qui disparaît pour laisser apparaître le modèle Chromebook : une étudiante s’installant de manière précipitée dans une salle de cours, un homme au comptoir d’un café, le Chromebook glissant sur le comptoir en faisant disparaître l’ancien ordinateur, ou encore un homme dans une salle de conférence dont la projection ne fonctionne pas.
Ces images sont accompagnées des textes : « Besoin d’un ordinateur qui démarre en quelques secondes sans vous mettre en retard ?», « Et que diriez-vous d’une batterie qui tient toute la journée ? Chaud devant ! c’est mieux non ? », « Et une sécurité déjà intégrée ça vous dit ? pour éviter d’en arriver là », « Si vous voulez tout ça, changez pour Chromebook ».
Le film se conclut par une présentation de trois modèles de la marque.
2. Les arguments échangés
– L’association plaignante estime que la publicité enfreint la déontologie publicitaire et rappelle l’existence des dispositions de l’article 11 de la directive 2006/66/EC du 6 septembre 2006 relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et abrogeant la directive 91/157/CEE, qui dispose que « Les États membres veillent à ce que les fabricants conçoivent les appareils de manière à ce que les piles et accumulateurs usagés puissent être aisément enlevés. » et de l’article 50 de la loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire qui dispose que « Toute publicité ou action de communication commerciale visant à promouvoir la mise au rebut de produits doit contenir une information incitant à la réutilisation ou au recyclage. / Est interdite toute publicité ou action de communication commerciale incitant à dégrader des produits en état normal de fonctionnement et à empêcher leur réemploi ou réutilisation. »
Selon l’association, la publicité visée encourage le gaspillage électronique, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, elle incite au renouvellement injustifié des produits en évoquant clairement la mise au rebut d’ordinateurs portables qui présentent des défauts ou ralentissements mais qui sont encore fonctionnels. Une batterie d’ordinateur affaiblie, par exemple, n’est pas un motif suffisant pour renouveler l’ordinateur entier : il s’agit d’un composant qui s’use naturellement, et qui doit donc pouvoir être remplacé facilement, comme le confirme la directive 2006/66/EC. Un ordinateur lent ou rencontrant un problème de sécurité peut par ailleurs, dans la grande majorité des cas, être simplement nettoyé ou réparé.
Ainsi, cette publicité fait le jeu de l’obsolescence culturelle (dite également « psychologique »), et s’inscrit dans une stratégie publicitaire incitant à surconsommer en remplaçant des objets pourtant fonctionnels ou réparables. Inciter à renouveler prématurément un ordinateur revient à banaliser un comportement contraire à l’économie circulaire et à normaliser le gaspillage des ressources naturelles. Cette stratégie est d’autant plus regrettable que l’impact environnemental de la fabrication des ordinateurs portables est important.
Enfin, cette publicité ne contient aucun message sur le réemploi, la réparation ou même le recyclage de son appareil actuel. En incitant lourdement à gaspiller les appareils électroniques sans autres alternatives, cette entreprise encourage une logique de surconsommation et montre qu’elle ne respecte pas le tournant de la durabilité et de l’économie circulaire que l’ARPP et les pouvoirs publics recommandent.
L’association demande le retrait immédiat de cette publicité.
– La société Google France a été informée, par courriel avec accusé de réception du 3 novembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle indique que cette publicité a fait l’objet d’une diffusion du 17 août au 30 septembre 2020. Elle a reçu un avis favorable de l’ARPP, sans réserve, dans le cadre de son contrôle en amont des publicités destinées à une diffusion télévisée.
Elle fait valoir en premier lieu que la publicité « Changez pour Chromebook » présente au public les avantages du système d’exploitation Chrome OS de Google, dont le fonctionnement diffère de celui des ordinateurs Mac ou Windows. Le slogan « Changez pour Chromebook » invite à adopter ce système dont sont équipés les différents types d’ordinateurs de la gamme Chromebook commercialisée par plusieurs constructeurs (Acer, Asus, Lenovo, etc.).
La publicité n’incite pas à remplacer un ordinateur ancien ou défectueux, mais à adopter la solution performante Chromebook, pour répondre aux besoins définis de certains utilisateurs, soucieux d’adopter une solution rapide au démarrage, moins énergivore et plus sécuritaire. Ces caractéristiques techniques de la solution Chromebook sont justifiées et vérifiables.
De surcroît, contrairement à ce qu’indique la plainte, la publicité n’encourage pas à « jeter », « mettre au rebut » ou encore se « débarrasser » d’un ordinateur ou une tablette, ce dont il n’est pas question dans le spot. Il s’agit d’une interprétation de HOP qui dénature le message publicitaire diffusé. Celui-ci est axé sur la satisfaction des besoins de l’utilisateur (rapidité, économie d’énergie, sécurité), qui ne sont pas remplis par la solution préexistante. A aucun moment il n’est question de « se débarrasser » d’un matériel en état de fonctionner de manière satisfaisante. Les solutions présentées comme moins performantes dans cette publicité ne sont pas « jetées » comme le soutient la plaignante. Elles sont simplement écartées pour présenter une solution qui répond aux besoins des utilisateurs.
Au regard de ce qui précède, il ne saurait être prétendu que le fait d’inciter à l’achat d’un produit, pour ses qualités spécifiques, en remplacement d’un produit présent sur le marché, serait en soi contraire à la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et aucun manquement à celle-ci n’est caractérisé.
Compte tenu du format de 30 secondes de la publicité destinée à présenter les solutions Chrome OS en termes de rapidité, d’économie d’énergie et de sécurité, il n’est pas envisageable de présenter des solutions de recyclages pour les appareils défectueux, sans lien avec le message. La Recommandation ne prévoit d’ailleurs pas la nécessité de faire référence au recyclage que dans la mesure où la publicité incite au gaspillage ou à la mise au rebut, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La société considère que le message publicitaire ne minimise en rien les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement. Les consommateurs n’interprèteront pas la communication de Google comme une incitation à jeter ou gâcher un matériel informatique encore fonctionnel, mais simplement comme une solution susceptible de répondre à un besoin identifié auquel ne permet pas de répondre un appareil préexistant.
Cette analyse est corroborée par l’avis favorable et sans réserve de l’ARPP du 4 août 2020.
La société ajoute qu’il n’appartient pas au Jury de se prononcer sur la conformité de la publicité litigieuse avec la directive 2006/66 EC du 6 septembre 2006 et les dispositions invoquées de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, qui ne sont du reste pas encore entrées en vigueur, pas plus que sur les choix stratégiques ou le comportement de l’annonceur.
La société Google France souligne enfin que l’association HOP instrumentalise sur son site internet sa saisine du Jury en affirmant sans réserve que Google enfreint la déontologie publicitaire, avant même qu’il soit statué sur sa plainte.
– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique avoir été interrogée très en amont, dès le mois de décembre 2019, par son adhérent, l’agence de communication AKQA. Dans le cadre de sa mission d’accompagnement, l’ARPP a ainsi examiné différents projets de films étrangers à adapter pour une diffusion en télévision en France.
A noter qu’à cette date, la campagne a été examinée au regard de la Recommandation « Développement durable » dans son ancienne version. Pour mémoire, la Recommandation actualisée a été publiée en avril 2020 pour une entrée en application en août. Les spots définitifs ont fait l’objet d’avis de diffusion favorables dans leurs premières versions, dès le mois de mai 2020.
L’ARPP rappelle que, de manière générale, l’interprofession accorde une attention toute particulière aux messages publicitaires contenant des visuels ou allégations en lien avec l’environnement.
Si les notions de « gaspillage » ou de « mise au rebus » ont été introduites récemment dans le texte déontologique, il n’en demeure pas moins que l’ARPP a très tôt pris en compte, dans ses conseils, le respect des préconisations publiques et de sensibilité de la société à la question de la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire.
En l’espèce, il a été relevé que les différents films visaient à présenter plusieurs propriétés spécifiques du modèle Chromebook de Google, à savoir la rapidité de démarrage, l’autonomie de la batterie, la sécurité grâce à un antivirus intégré et sauvegarde de données automatique.
L’agence a assuré que ces propriétés étaient bien justifiées.
L’ARPP a relevé également que des personnages, dont les besoins correspondent aux capacités du Chromebook, sont mis en scène dans les situations nécessitant ce type d’équipement (travail nomade, exposé chiffré, étudiant…). Les textes utilisés viennent appuyer la démonstration.
Si la substitution entre l’ordinateur que le personnage utilise et le Chromebook se fait effectivement par un effet visuel de disparition/apparition, rien dans la mise en scène ne suggère que l’ordinateur qui est remplacé sera jeté. Il n’y a pas, en cela, incitation à se débarrasser d’un équipement et donc pas d’incitation à adopter un comportement contraire au respect de l’environnement.
Dès lors, l’ARPP a considéré que ces messages étaient conformes aux règles déontologiques en vigueur et les a validés sans réserve.
3. L’analyse du Jury
3.1 Sur la compétence du Jury
Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il résulte des termes mêmes de l’article 3 de son règlement intérieur qu’il se prononce exclusivement sur la conformité ou la non-conformité des messages publicitaires contestés avec les Recommandations de l’ARPP, les principes généraux contenus dans le code ICC sur la publicité et les communications commerciales, ainsi que les engagements publiés pris par l’interprofession à l’égard des pouvoirs publics en ce qui concerne le contenu de la publicité et dont l’ARPP est cosignataire.
Si l’article 1er du code ICC prévoit que la communication commerciale doit se conformer aux lois, le Jury considère de manière constante que ce rappel ne constitue pas une règle déontologique autonome qui lui permettrait de confronter les publicités mises en cause devant lui avec l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires applicables. C’est seulement lorsque et en tant qu’une telle disposition est reprise dans une Recommandation de l’ARPP qu’il examine la conformité de la publicité à celle-ci. Cette interprétation n’ayant jamais été remise en cause par le conseil d’administration de l’ARPP, qui définit le champ de compétence du Jury à travers son règlement intérieur, il ne lui appartient pas de la faire évoluer.
Le Jury précise toutefois qu’il tient compte, dans l’application des règles déontologiques, du corpus législatif et réglementaire existant, et qu’il s’efforce, dans la mesure du possible, de les interpréter en cohérence avec le cadre juridique en vigueur.
Il résulte de ce qui précède que l’association plaignante ne peut utilement se plaindre devant le Jury de la méconnaissance d’une directive européenne ni des dispositions de l’article L. 541-15-9 du code de l’environnement résultant de l’article 50 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dont l’article 130 prévoit d’ailleurs qu’elles n’entreront en vigueur que le 1er janvier 2021.
3.2 Sur les règles applicables
La troisième version de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP a fait l’objet d’un communiqué de presse de l’Autorité en date du 29 avril 2020, qui fait état d’une entrée en vigueur de ce texte le 1er août 2020, conformément au point 5.6 de son règlement intérieur. Il ressort de ce point 5.6 qu’« un délai d’entrée en vigueur (dont la durée est fixée par le Conseil d’Administration) est toujours prévu afin de permettre aux professionnels de se mettre en conformité. Il ne peut, sauf circonstances exceptionnelles présentées au Conseil d’Administration, excéder trois mois » et que « Pendant la période intermédiaire courant entre la validation par le Conseil d’Administration et l’échéance d’entrée en vigueur, les services opérationnels de l’ARPP appliquent ces nouvelles règles pour les conseils portant sur des campagnes susceptibles d’être diffusées après la date d’entrée en vigueur ».
Il résulte clairement de ces éléments que toute publicité diffusée à compter du 1er août 2020 et qui entre dans le champ d’application de cette Recommandation, dans sa nouvelle version, doit respecter cette dernière, alors même qu’elle aurait été conçue antérieurement voire diffusée à l’identique lors d’une précédente campagne antérieurement à cette date.
Il suit de là que, quand bien même les services de l’ARPP ont examiné la publicité litigieuse au regard de la deuxième version de la Recommandation, eu égard à la date de sa conception, il appartient au Jury de faire application de la troisième version dès lors que la publicité litigieuse a été diffusée postérieurement au 1er août 2020.
Selon le point 1 « Impacts éco-citoyens » de cette Recommandation, dans sa version applicable :
« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité.
Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
a/ La publicité doit bannir toute évocation ou représentation de comportement contraire à la protection de l’environnement et à la préservation des ressources naturelles (gaspillage ou dégradation des ressources naturelles, endommagement de la biodiversité, pollution de l’air, de l’eau ou des sols, changement climatique, etc.), sauf dans le cas où il s’agit de le dénoncer.
b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs ou contraires aux principes de l’économie circulaire. A ce titre, elle ne doit pas inciter au gaspillage par la mise au rebut d’un produit ou sa dégradation alors que celui-ci fonctionne encore et/ou qu’il demeure consommable, sans tenir compte – lorsque cela est possible – de sa durabilité, de sa réutilisation, de sa seconde vie ou de son recyclage.
c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement.
d/ La publicité doit proscrire toute représentation ou évocation de comportement contraire au recyclage des produits ou à leur méthode spécifique de traitement. »
3.3 Sur le bien-fondé de la plainte
Le b/ du point 1.1. de la Recommandation « Développement durable » prohibe les publicités qui inciteraient, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessifs. Il appartient au Jury d’apprécier au cas par cas si la publicité litigieuse, dont l’objet même est d’inciter le consommateur à acheter le produit promu, l’encourage, au-delà, à « surconsommer », notamment en faisant l’acquisition de produits qui ne correspondraient pas à ses besoins ou en remplaçant ceux qu’ils possèdent pour des motifs futiles ou manifestement insusceptibles de justifier légitimement un tel remplacement compte tenu des conséquences environnementales de cette démarche, ou encore pour remédier à des problèmes que le consommateur aurait lui-même créés, notamment en dégradant volontairement le produit ou en s’abstenant de l’entretenir. En revanche, cette disposition ne saurait interdire par principe à une publicité d’inciter le détenteur d’un appareil à faire l’acquisition d’un matériel plus performant répondant mieux à ses besoins, quand bien même l’ancien appareil ne serait-il pas impropre à tout usage.
Le Jury constate qu’en l’espèce, la publicité encourage le consommateur à remplacer son ancien ordinateur parce qu’il serait devenu trop lent, parce que son autonomie ne répondrait plus à ses besoins ou parce qu’il dysfonctionnerait en raison de problèmes de sécurité, par un ordinateur Chromebook qui s’allume très rapidement, dont la batterie permet une autonomie maximale de 12 heures (sous réserve des facteurs de variation mentionnés dans la publicité) et qui comprend une « sécurité intégrée ». Il est vrai que le premier personnage mis en scène est une étudiante qui rejoint sa place alors que le cours est déjà commencé et qui apprécie de compenser son retard grâce à un démarrage rapide de son nouvel ordinateur ; la nécessité du remplacement semble ainsi procéder de sa propre légèreté. Toutefois, il estime que cette saynète n’est qu’une illustration exagérée d’un propos général consistant à valoriser les performances du Chromebook en termes de temps de démarrage, qui est un paramètre de choix notoirement important en matière d’informatique, bien au-delà de la situation dépeinte dans la publicité. Il en va de même de la deuxième saynète, dans laquelle le déchargement de la batterie n’est pas nécessairement imputable à l’imprévoyance de l’utilisateur de l’ordinateur mais peut résulter de son obsolescence, alors que la baisse de performance rapide des batteries d’ordinateur en dépit d’une utilisation normale constitue un problème répandu et, d’ailleurs, particulièrement regrettable sur le plan environnemental. Dans ces conditions, le Jury considère que cette publicité, qui met en relation l’acte d’achat du produit avec les besoins du consommateur, n’incite pas à des modes de consommation excessifs.
Toutefois, le Jury constate que l’annonceur a fait le choix d’axer sa communication sur le remplacement de l’ancien équipement, dénigré en raison de ses performances limitées – lesquelles sont parfois mises en scène de manière exagérée (le nombre d’« erreurs détectées » dans la troisième saynète apparaît en particulier irréaliste), afin de mieux mettre en exergue les qualités du Chromebook. Un tel parti, qui n’est pas interdit par principe, requiert la plus grande vigilance dans la présentation du devenir du matériel remplacé dans la mesure où, d’une part, la publicité ne doit pas inciter au gaspillage par la mise au rebut d’un produit ou sa dégradation alors que celui-ci fonctionne encore et/ou qu’il demeure consommable, et tenir compte autant que possible des possibilités de réutilisation, de seconde vie ou de recyclage (b/ du point 1.1.) et où, d’autre part, elle doit éviter de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement (c/) et proscrire toute évocation de comportement contraire au recyclage des produits (d/).
Le Jury note en outre que la Recommandation exige de la publicité qu’elle s’inscrive « dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné ». Or la question de la réutilisation, de la seconde vie, du recyclage et du traitement des produits électroniques présente une acuité particulière, dont témoigne notamment l’adoption de la loi du 10 février 2020.
Le Jury constate que la publicité litigieuse ne comporte aucune précision sur le devenir des ordinateurs remplacés, dont le premier semble encore état de marche et dont les deux autres semblent pouvoir l’être moyennant, respectivement, le remplacement de la batterie et une réinstallation de logiciels. Plus encore, ces équipements sont purement et simplement « escamotés » dans les trois saynètes : le premier disparaît presque par magie sous un pupitre tournant ; le deuxième est percuté par le Chromebook et éjecté au bout du bar où l’utilisateur est assis et n’apparaît plus sur le plan suivant, comme s’il était simplement tombé par terre ; enfin, le dernier se trouve sur le pupitre délaissé, lequel s’enfonce dans la scène comme s’il était promis à l’enterrement ou à l’incinération. Si le caractère irréaliste des saynètes, à tout le moins des deux premières, qui résulte des effets visuels choisis, introduit une distance quant au sort réservé aux équipements remplacés, le Jury considère que cette présentation donne le sentiment que ce sort ne présente aucune importance ou que ces derniers pourraient être mis au rebut, au sens courant comme comptable du terme – c’est-à-dire qu’ils ont vocation à disparaître purement et simplement du « bilan » du consommateur, comme s’ils n’avaient jamais existé, et non recyclés. Elle est donc de nature à inciter indirectement à une telle mise au rebut, sans prise en compte des possibilités de valorisation alternatives. En outre, en occultant la question sensible du recyclage, de l’élimination ou du traitement des composants des ordinateurs, elle tend aussi à minimiser les conséquences environnementales de leur remplacement, qui sont pourtant significatives.
Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause, en ce qu’elle comporte les saynètes litigieuses, méconnaît les dispositions des points b/ (2nde phrase), c/ et d/ du point 1.1. de la Recommandation « Développement durable ». Il précise que cette position ne revient pas à exiger l’apposition de la mention prévue à l’article 50 de la loi du 10 février 2020, ce qu’il ne saurait compétemment faire pour les raisons indiquées au point 3.1 du présent avis : le choix des modalités permettant de respecter les dispositions déontologiques rappelées ci-dessus, qu’il s’agisse des choix scénaristiques, de la mise en scène, de la conception des visuels, des propos tenus par des personnages ou encore de mentions écrites, appartient en tout état de cause à l’annonceur.
Le Jury rappelle enfin qu’il n’a pas reçu compétence pour exiger le retrait immédiat d’une publicité, comme le demande l’association plaignante.
Avis adopté le 4 décembre 2020 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, présidant la séance, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.
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