CARRE BLANC

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Plainte fondée

Avis publié le 2 janvier 2024
CARRE BLANC – 978 / 23
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société Carré Blanc, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 23 octobre 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Carré blanc pour promouvoir son offre de linge de maison.

L’affiche publicitaire en cause, diffusée en vitrine d’un magasin de l’enseigne, montre l’image en noir et blanc de deux femmes et d’une enfant, souriantes.

Le texte accompagnant cette image est, en très gros caractères, les formules « -30% » et « Durablement engagé », et en petits caractères les lettres permettant de lire la phrase « Jusqu’à – 30% sur notre sélection de produits engagés ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que les allégations « produits engagés » et « durablement engagé » ne sont ni relativisées ni justifiées sur le visuel.

Le public n’a aucun moyen de comprendre en quoi les produits proposés seraient plus responsables que les autres produits de la marque ou que les produits de marques concurrentes. Ceci est contraire aux points 2 (véracité), 3 (proportionnalité) et 7 (vocabulaire) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

La société Carré blanc a été informée, par courriel avec accusé de réception du 8 novembre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société fait valoir que « Durablement engagé » fait référence aux différents engagements que Carré Blanc porte depuis plusieurs années et qu’elle partage avec ses clients afin de les sensibiliser et de les engager à ses côtés.

Elle transmet l’historique des principales actions menées par Carré Blanc et qui ont fait l’objet de mises en avant en octobre 2023 dans le cadre de l’opération « Durablement Engagé ».

– Depuis 2019, Carré Blanc s’engage à proposer des collections en coton organique certifiées GOTS à ses clients. La société est ainsi passée de 15% à 21% de références en coton organique aujourd’hui, cette certification GOTS garantissant la fibre biologique, l’absence de pesticides et d’OGM, une régulation de l’irrigation en eau, des conditions de travail décentes pour les travailleurs récoltant la fibre de coton. La certification GOTS fait par ailleurs partie des certifications retenues par l’éco organisme Re Fashion dans le cadre des éco modulations.

– La société indique avoir initié sa démarche de traçabilité dès 2019 et propose aujourd’hui une traçabilité absolue en 5 étapes sur 100% de son offre active. Il s’agit d’une démarche de transparence sincère et motivée puisque nous l’avons initiée avant la mise en place de la Loi AGEC.

– La société s’est engagée dans la collecte de Linge de maison en boutique en 2009. La collecte Box en partenariat avec l’association le Relais date de 2017 et a permis de récolter à ce jour 97 395 kg de Linge usagé. Plus récemment, la société a mis en place un partenariat avec Redonner avec l’objectif d’inciter ses clients à recycler leur linge de maison en récompensant leur engagement par le biais de bons de réduction.

– L’annonceur indique également qu’il soutient depuis octobre 2022 l’association Octobre Rose en leur reversant une partie des bénéfices d’un produit. Cette année, la société a fait le choix de proposer les carrés démaquillants de la gamme NATURELLE en coton organique certifiés GOTS. A ce titre, 5.000 euros seront reversés à l’association avant fin décembre 2023.

La société relève qu’elle a utilisé plusieurs supports de communication pour mettre en avant l’opération « Durablement Engagée », dont elle donne plusieurs exemples.

La société Carré blanc admet que les visuels en vitrine auraient dû être plus explicites et mentionner clairement le caractère BIO des produits concernés par l’opération. C’est d’ailleurs, ce qu’elle a toujours fait dans le cadre de ses opérations historiques. Un document intitulé « Historique Vitrines Responsables Carré Blanc » consolide les guides merchandising permettant la mise en place des opérations Bio en boutique. La société explique avoir toujours mentionné le caractère Bio ou Recyclé des produits concernés par ces opérations.

L’annonceur, qui précise ne pas chercher à se soustraire à ses responsabilités, admet qu’il s’agit d’un oubli, lié un contexte humain spécifique puisque l’équipe marketing a été renouvelée au cours des derniers mois.

L’annonceur relève encore que l’opération « Durablement Engagé », dont le « brief » vitrine était clairement la mise en avant des collections en coton organique certifiés GOTS, aurait dû s’inscrire dans la lignée des communications historiques de la marque. Il s’agit d’un manque de vigilance à la relecture de cette opération dont l’astérisque aurait dû être plus précise en mentionnant clairement les catégories de produits BIO.

La société affirme prendre en compte les alertes liées à l’association et à la portée des mots « Durablement » et « Engagé », lesquelles ont été partagées, ainsi que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, avec l’ensemble de l’équipe communication afin de sensibiliser les collaborateurs à l’importance des mots retenus.

La société Carré Blanc envisage en parallèle un accompagnement externe afin d’encadrer ses communications responsables et assurer qu’elles reflètent avec justesse l’engagement sincère de la marque.

Lors de la séance devant le Jury, les représentantes de la société ont repris l’ensemble de cette argumentation et réitéré leur volonté de se conformer aux Recommandations de l’ARPP, notamment sur le vocabulaire lié à leur engagement en faveur du développement durable.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre des « signes, labels, logos, symboles, auto-déclarations » (point 6) : « 6.1 Les signes ou symboles ne peuvent être utilisés que si leur origine est clairement indiquée et s’il n’existe aucun risque de confusion quant à leur signification ».
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”».

Le Jury relève que l’affiche publicitaire en cause mentionne en très gros caractères, les formules « -30 % » et « Durablement engagé », et en petits caractères les lettres permettant de lire la phrase « Jusqu’à – 30 % sur notre sélection de produits engagés ».

L’expression « durablement engagé », associée à la notion de « produits engagés », n’est pas explicitée et comporte ainsi une ambiguïté quant à sa signification. Elle pourrait se comprendre comme une référence aux efforts consentis dans la durée par l’annonceur sur le prix de ses produits. Toutefois, la société Carré Blanc indique elle-même qu’elle a entendu valoriser, par cette double allégation, ses engagements en matière de développement durable et, en particulier, l’utilisation de coton issu de l’agriculture biologique.

Si les exigences de véracité et de proportionnalité ne font pas obstacle par principe à ce qu’un annonceur se présente comme « durablement engagé » dans une démarche de RSE, lorsque les actions qu’il mène pour concilier son activité avec les objectifs du développement durable le justifient par leur ampleur et leur impact, il ne saurait associer ce qualificatif aux produits qu’il commercialise eux-mêmes, eu égard à l’impact écologique de leur fabrication et aux nuisances environnementales qui résultent de l’ensemble de leur cycle de vie.

Telle qu’elle est formulée, la publicité critiquée est en conséquence de nature à induire le public en erreur sur les propriétés et les incidences environnementales des produits qu’elle promeut.

Par suite, le Jury, qui n’entend pas minimiser les efforts consentis par l’annonceur pour limiter l’impact écologique de ses produits et prend acte des engagements de la société CARRE BLANC pour assurer le meilleur respect des Recommandations de l’ARRP, est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points 2.1, 2.3, 3.2, 7.1 et 7.3 de la Recommandation « Développement durable ».

Avis adopté le 8 décembre 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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