CAMIF – Courrier électronique – Plainte fondée

Avis publié le 21 février 2022
CAMIF – 809/22
Plainte fondée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de la société CAMIF, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 28 novembre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société coopérative CAMIF pour promouvoir la collection de produits de literie de marque Epeda.

La publicité en cause, diffusée par courrier électronique, présente un matelas et un sommier de marque Epeda, mis en scène dans un décor de chambre à coucher.

En en-tête, apparaît la mention « L’aménagement local et durable de la maison » accompagné d’un pictogramme en forme de feuille.

Le texte situé en-dessous de l’image est « Epeda, … Une collection de matelas éco-responsable et zéro traitement. Engagée en faveur de l’économie circulaire, cette collection est composée en grande partie de matériaux recyclés issus de la valorisation de déchets tels que des jeans usagés ou des bouteilles plastiques récupérées. », « Chaque étape de fabrication du matelas a été pensée dans un souci de préservation de l’environnement tout en prenant soin de votre confort et de votre santé », « L’excellence d’une fabrication responsable », « Ce matelas associe des matériaux recyclés à des matériaux naturels comme le chanvre et le lin » …

La publicité utilise également un pictogramme présentant trois flèches formant un cercle, en-dessous duquel est inscrit « Matériaux recyclés ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que, si la démarche concernant les produits en cause dans la newsletter est louable, plusieurs éléments textuels et visuels induisent le consommateur en erreur sur la réalité des qualités environnementales du matelas.

Les allégations « Une collection de matelas éco-responsables et zéro traitement » et « L’excellence d’une fabrication responsable » ne respectent pas le point 3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP sur la proportionnalité des messages. Elles auraient dû être nuancées.

L’affirmation « Ce matelas associe des matériaux recyclés à des matériaux naturels comme le chanvre et le lin » est inexacte. Par exemple, comme cela est précisé en dessous, dans une illustration, le tissu face hiver est fabriqué à partir de polyester « dont 68% est issu de recyclage de bouteilles plastiques ». Ce tissu comporte donc 32% de polyester conventionnel, ce qui n’apparait pas dans la mention précédente. Cela est contraire au point 2 de la Recommandation sur la véracité des propos.

Le pictogramme « Matériaux recyclés » avec les 3 flèches, sans préciser le % de matériaux effectivement recyclés est une utilisation imprécise du logo « recyclage » (boucle de Moebius) qui laisse acroire que la totalité des matériaux composant le matelas sont issus de matières recyclées, ce qui n’est pas le cas. C’est ici le point 6 de la Recommandation qui n’est pas respecté.

Enfin, le slogan placé en tête de la newsletter « L’aménagement local et durable de la maison » pose question : l’utilisation sans nuance du vocable « durable » et renforcé par un pictogramme en forme de feuille est disproportionné et contraire aux points 3 (proportionnalité) et 8 (présentation visuelle) de la Recommandation.

La société coopérative CAMIF a été informée, par courriel avec accusé de réception du 20 décembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société CAMIF fait valoir qu’elle est une entreprise certifiée B-Corp, pionnière des sociétés à mission et sélectionne rigoureusement les fournisseurs, dont Epeda, sur la base de cahiers des charges précis et en prenant en compte leurs engagements en termes de politique RSE.

Elle relève que l’allégation « l’excellence d’une fabrication responsable » aurait pu être nuancée, mais cette formulation reflète ici le discours officiel et le positionnement de la marque, qui célèbre plus de 90 ans de savoir-faire. Elle note qu’une prochaine communication pourra nécessiter plus de mesure pour refléter cette recherche d’excellence, sans présenter cette dernière comme définitivement acquise.

Sur l’allégation « Ce matelas associe des matériaux recyclés à des matériaux naturels » elle considère que cette allégation est vraie, même si elle aurait pu être précisée par la composition exhaustive du matelas. Toutefois une newsletter ne peut en aucun cas reprendre tous les éléments techniques d’une fiche produit.

Pour prouver sa bonne foi, la CAMIF relève :

  • l’utilisation du mot « dont » qui induit qu’il y a d’autres matières dans la composition.
  • l’insertion dans cette newsletter d’un visuel en coupe du matelas, précisant la composition complète dès la fiche produit.
  • le renvoi vers la fiche produit avec toutes les informations techniques précisément détaillées.

S’agissant du pictogramme « Matériaux recyclés » avec les 3 flèches, sans préciser le % de matériaux effectivement recyclés, le logo mentionné est un logo interne à CAMIF et répondant à sa charte graphique. Il a pour vocation de mettre en lumière la notion d’économie circulaire générée par le recyclage (d’où les flèches en boucle). Le détail des pourcentages de matériaux recyclés est indiqué en fiche produit.

Actuellement, l’industrie de la literie a la capacité d’indiquer le pourcentage de matériaux recyclés dans chaque composant mais est en incapacité d’indiquer le pourcentage global sur le produit fini, dans le cas de multiples matériaux recyclés. Il n’existe pas de mode de calcul permettant de le définir.

S’agissant du slogan placé en tête de la newsletter la CAMIF relève qu’elle justifie l’aspect « local » en renonçant à tout produit fabriqué hors zone UE et 77 % du chiffre d’affaires est réalisé avec des produits fabriqués en France.

Sur l’aspect « durable » elle considère que le Guide Pratique des Allégations Environnementales édité par le Ministère de l’Economie et des Finances, et à sa définition du mot « durable » qui qualifie aussi bien la qualité de produits conçus pour durer plus longtemps que les standards du marché, que les engagements à agir concrètement pour la préservation de l’environnement, le progrès social et le développement économique.

Tous ses engagements sont par ailleurs détaillés sur le site https://www.camif.fr/lesbelleshistoires/

Lors de la séance du 14 janvier 2022, les représentantes de la CAMIF ont précisé que dans toutes les pages du site internet concernant les matelas, des « fiches produits » donnaient le détail des compositions et que ce site était en cours de refonte, de sorte que dans les prochaines semaines des précisions seront apportées notamment sur le sens précis des logos critiqués dans la plainte.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

(…)

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable;
    • les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • l’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; »
  • au titre de la proportionnalité ( point 3):
    • « le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4):
    • « l’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;
    • lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois» de l’ARPP ; »
  • au titre des « Signes, labels, logos, symboles, auto déclarations » (point 6)
    • « Les signes ou symboles ne peuvent être utilisés que si leur origine est clairement indiquée et s’il n’existe aucun risque de confusion quant à leur signification.
    • La publicité ne doit pas attribuer aux signes, logos ou symboles une valeur supérieure à leur portée effective ;
  •  Au titre du vocabulaire (point 7) :
    • Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».
  • au titre de la « Présentation visuelle ou sonore » (point 8)
    • « Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur ;»

Le Jury, qui ne remet en cause ni les engagements de la CAMIF, notamment en termes de politique RSE, ni sa bonne foi lorsqu’elle reconnaît un enthousiasme peut-être excessif lors de la rédaction des slogans, relève en premier lieu que les expressions « l’excellence d’une fabrication responsable » et « Une collection de matelas éco-responsable », à défaut d’être relativisées, apparaissent disproportionnées eu égard à l’impact écologique de la fabrication de produits tels que les matelas, aux nuisances environnementales qui en résultent et à l’absence de précisions quant au recyclage éventuel. La publicité méconnaît donc à ce titre les points 3, 4 et 7 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury estime, en deuxième lieu, que, dans l’intitulé du message « L’aménagement local et durable de la maison », le sens du mot « durable » est renforcé par la présence d’un pictogramme en forme de feuille qui, dans ce contexte, illustre l’évocation de la nature et induit en erreur sur les propriétés environnementales du produit et les actions de l’annonceur. Une telle présentation est contraire aux points 3, 7 et 8 de la Recommandation précitée.

Le Jury relève, en troisième lieu, que la mention selon laquelle « ce matelas associe des matériaux recyclés à des matériaux naturels » pourrait correspondre à la réalité d’une « association » non exclusive de matériaux. Il constate toutefois que la proximité d’un logo de présentant trois flèches en cercle (boucle de Moebius) assorti de l’inscription « matériaux recyclés » laisse penser que le matelas est, dans son intégralité, composé de matières recyclées, ce qui, malgré l’existence, à proximité, d’un dessin en coupe des composants détaillés, est susceptible d’induire en erreur le consommateur sur la nature des produits composant le matelas et méconnaît les points 2, 6 et 8 de la Recommandation précitée.

En conséquence de ce qui précède, le Jury, tout en prenant acte de l’engagement de la société à communiquer conformément aux Recommandations de l’ARPP, est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 14 janvier 2022 par Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, remplaçant le président empêché, et Mme Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, et Lucas-Boursier.

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