CAMIF – Courriel publicitaire – Plainte fondée

Avis publié le 1er juillet 2022
CAMIF – 847/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 18 avril 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Camif, pour promouvoir son offre de matelas, de marque Simmons.

La publicité en cause, diffusée par courriel publicitaire, utilise le texte : « Millésime, le matelas vertueux par Simmons – Un matelas à la fois durable et confortable grâce aux matières végétales et recyclées qui le composent… ».

En en-tête de la newsletter est indiqué : « L’aménagement local et durable de la maison » et en pied de page : « Pourquoi acheter chez Camif ? Choisir la fabrication locale. Être acteur du changement. Agir pour la planète ».

Le contenu de la newsletter, présente les caractéristiques environnementales du matelas Millésime : « Le matelas vertueux », « Dans une démarche écoresponsable, Simmons utilise des matières nobles et végétales, respectueuses de l’environnement ainsi que des matières recyclées. Fabriqué en France, l’ensemble Millésime 2022 est à la fois confortable et résistant au temps. », « Au cœur du produit. Rien n’est laissé au hasard, l’ensemble Millésime 2022 est fabriqué à partir de matières de choix recyclées et recyclables. Ses ressorts ensachés, en acier recyclé, sont la garantie d’un couchage robuste et durable. Son garnissage, en grande partie recyclé est un pas de plus dans l’économie circulaire. Composé également de fibre de lin, il offre un couchage respirant et respectueux de l’environnement pour une vraie sensation de bien-être tout au long de la nuit. »

2. Les arguments échangés

Le plaignant considère que la marque Camif affirme à plusieurs reprises son engagement. Sans remettre en cause la démarche de Simmons, qui présente de nombreux atouts et qui mérite d’être portée à la connaissance des consommateurs, plusieurs éléments de vocabulaire utilisés font directement référence aux enjeux de développement durable et ne respectent pas la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Les allégations « matelas vertueux », « matières […] respectueuses de l’environnement », « un matelas […] durable […] grâce aux matières végétales et recyclées qui le composent », « il offre un couchage […] respectueux de l’environnement » sont globalisantes et devraient être nuancées : plus vertueux, plus respectueux, plus durable…

De surcroît, comme cela a été indiqué par le JDP dans son avis du 21 février 2022 (CAMIF 809/22), dans l’allégation « L’aménagement local et durable de la maison », le sens du mot
« durable » est renforcé par la présence d’un pictogramme en forme de feuille qui, dans ce contexte, illustre l’évocation de la nature et induit en erreur sur les propriétés environnementales du produit et les actions de l’annonceur.

Une telle présentation est contraire aux points 3, 7 et 8 de la Recommandation.

L’allégation « Agir pour la planète » accompagnée du pictogramme en forme de feuille induit également le public en erreur.

La société Camif a été informée, par courriel avec avis de réception du 6 mai 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société Camif fait valoir que :

– Sur l’allégation « matelas vertueux », elle se réfère strictement à la définition du mot « vertueux » du dictionnaire Robert : « littéraire (choses) Qui a le caractère de la vertu. Action, conduite vertueuse. »

Ainsi en utilisant l’adjectif vertueux elle n’affirme pas que le matelas Millésime a atteint le maximum de ce qui est faisable pour l’environnement mais bien qu’il s’inscrit dans cet idéal de conduite vertueuse par toutes les actions qui sont mises en place autour de sa création. Ces actions sont d’ailleurs précisées dès la newsletter : utilisation de composants recyclés, recyclabilité du matelas, utilisation de ressources naturelles et partenariat avec Ecotree à qui est reversée la somme de 13€ pour tout achat d’un ensemble.

Elle considère que le vocabulaire est nuancé dès lors qu’est employée la formule « démarche écoresponsable », qui s’inscrit donc dans une conduite vertueuse mais n’affirme rien du résultat final.

– Concernant le point relatif à la véracité contenu dans la Recommandation de l’ARPP, toutes les actions de la société sont facilement vérifiables, la composition du matelas et de l’ensemble Millésime Simmons étant clairement détaillés sur la newsletter comme sur la fiche produit. La donation auprès d’Ecotree est facilement vérifiable auprès d’Ecotree et Adova (groupe propriétaire de la marque Simmons).

– Concernant le point relatif à la proportionnalité, la publicité relate les faits de composition du produit, notamment la part du recyclé et des matières naturelles, de manière factuelle. Ces éléments peuvent être vérifiés par simple demande auprès du fabricant. Comme le relève la plainte, le terme « matelas vertueux » est employé au regard de sa définition littéraire « conduite vertueuse » (il est également à noter que le dictionnaire de la langue française utilise également la définition « qui est inspiré par la vertu »). Ce terme est là pour souligner la volonté, la démarche de Simmons et non pour s’engager sur un résultat concret.

Comme ne le relève en revanche pas la plainte, les propos sont nuancés en utilisant l’expression « un pas de plus dans l’économie circulaire ». Cette mention vise bien à préciser que Simmons est engagé dans la démarche mais n’affirme rien du résultat final.

Il est également mentionné en préambule la « démarche écoresponsable » qui est là encore le fruit d’une volonté de nuance des propos.

La notion de durable ne s’apprécie pas qu’au sens de l’environnement mais bien également à la durabilité « ses ressorts ensachés en acier recyclé sont la garantie d’un couchage robuste et durable ». Dans le cas présent la notion de durable est directement associée au terme robuste. Il est donc bien fait état ici de la construction du matelas, de sa durée dans le temps et non de « développement durable » et d’environnement.

La plainte mentionne également l’extrait suivant « un matelas […] durable […] grâce aux matières végétales et recyclées qui le composent » qui est celui du petit aperçu de la newsletter qui n’apparaît que dans l’objet du mail, ici le terme « durable » est employé en référence à la durabilité, notion reprise dans la newsletter.

La société Camif affirme avoir pris la mesure de l’avis du JDP concernant la plainte 809/212 qui visait la communication sur le fabricant Epeda. La rédaction de cette newsletter portant cette fois-ci sur Simmons s’est faite en tenant compte de cet avis et des nécessités de nuancer la communication. Pour cette newsletter l’annonceur a donc eu à cœur d’utiliser des termes « un pas de plus », « une démarche » afin d’être en conformité avec la recommandation de l’ARPP.

Si le mot durable n’a pas été employé pour décrire un impact environnemental mais bien une durabilité du produit, l’utilisation du mot « vertueux » s’est faite sans volonté d’induire en erreur.

Concernant l’aspect « durable », la communication se réfère ici au Guide Pratique des Allégations Environnementales édité par le Ministère de l’Economie et des Finances, et à sa définition du mot « durable » : ce dernier qualifie aussi bien la qualité des produits, conçus pour durer plus longtemps que les standards du marché, que les engagements à agir concrètement pour la préservation de l’environnement, le progrès social et le développement économique.

Tous les engagements de la société sont par ailleurs détaillés sur le site : https://www.camif.fr/lesbelleshistoires/

La société Camif souligne que la saisine du Jury a attiré son attention sur des points potentiellement sensibles et lui permet d’être dans une démarche d’amélioration continue sur l’information apportée à ses consommateurs.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, prévoit que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ; / 2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ; / 2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité (…) »

  • au titre de la proportionnalité du message (point 3) :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. (…) ».

  • au titre de la clarté du message (point 4) :

« 4.1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ; (…) / 4.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP (…) »

  • au titre du vocabulaire (point 7) :

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

7.2 Lorsque les termes et expressions utilisés font l’objet d’une définition fixée par une norme, ils doivent être employés dans un sens qui correspond à cette définition.

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.

7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur.

7.5 Le vocabulaire technique, scientifique, ou juridique, peut être utilisé s’il est approprié et compréhensible pour les personnes auxquelles s’adresse le message publicitaire.

  • au titre de la « Présentation visuelle ou sonore » (point 8) :

« Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur ; »

Le Jury, qui renvoie sur ce point à l’avis publié le 21 février 2022 (CAMIF – 809/22), considère en premier lieu que les expressions « matières […] respectueuses de l’environnement », « un matelas […] durable […] grâce aux matières végétales et recyclées qui le composent » et « il offre un couchage […] respectueux de l’environnement » à défaut d’être relativisées, sont disproportionnées eu égard à l’impact écologique de la fabrication de produits tels que les matelas, aux nuisances environnementales qui en résultent et à l’absence de précisions quant au recyclage éventuel. La publicité méconnaît donc à ce titre les points 3, 4 et 7 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury relève, en deuxième lieu, que le sens qu’entend donner l’annonceur à la formulation  « matelas vertueux », sur le fondement de la définition du dictionnaire (« qui a le caractère de la vertu »), le conduit à préciser l’expression (en indiquant qu’il s’agit d’un « idéal de conduite vertueuse par toutes les actions qui sont mises en place autour de [la] création [du matelas] ») pour la relativiser, ce qui, précisément, fait défaut dans les mentions de la publicité. Le Jury en déduit que cette allégation « matelas vertueux », qui comporte à l’évidence une dimension environnementale dans le contexte de cette publicité, n’est pas davantage conforme aux dispositions précitées.

Le Jury estime, en troisième lieu, et comme il l’avait déjà signalé dans le précédent avis, que le sens du mot « durable » figurant dans le bandeau en tête du message « L’aménagement local et durable de la maison » ne peut qu’être interprété en lien avec le pictogramme en forme de feuille qui, dans ce contexte, illustre l’évocation de la nature et induit en erreur sur les propriétés environnementales du produit et les actions de l’annonceur. Une telle allégation, de même que celle qui, plus loin dans le texte de la publicité, mentionne l’expression « Agir pour la planète » accompagnée d’un pictogramme en forme de feuille, est donc contraire aux points 3, 7 et 8 de la Recommandation précitée.

En conséquence de ce qui précède, le Jury, qui regrette vivement que l’annonceur n’ait pas tiré l’ensemble des conséquences de son précédent avis, est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points précités de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 3 juin 2022 par M. Lallet, Président, Mmes Lenain et Boissier, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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