CALZEDONIA – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 8 novembre 2021
CALZEDONIA – 781/21
Plainte fondée 

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 1er septembre 2021, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sur la vitrine d’un point de vente, par la société Calzedonia, pour promouvoir sa collection de sous-vêtements « Eco ».

La publicité en cause montre, à l’intérieur de la silhouette d’une bouteille, une femme assise sur une plage, en culotte et soutien-gorge.

Le texte accompagnant cette image, en accroche, est « Collection Eco – Prenons soin de notre planète ». Sur le bouchon de la bouteille, figure un symbole constitué de trois flèches en forme de cœur.

Au bas de la bouteille, le texte indique « Ne les gaspillons pas, portons-les ! ». A côté de la bouteille : « Fibre fabriquée à partir de bouteilles en plastique recyclées ».

Sur la droite de la publicité, trois symboles sont dessinés : des gouttes d’eau, associées à la mention « Séchage rapide », une plume associée à la mention « Toucher doux » et deux flèches dirigées en sens inverse avec la mention « Confortable ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant estime que cette publicité ne respecte pas la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, en particulier ses points 6 et 7. D’une part, le pictogramme en forme de cœur reprend les flèches similaires au symbole universel du recyclage (ruban de Möbius) alors que le produit n’est pas recyclable dans la filière classique de recyclage des emballages plastiques. D’autre part, le slogan « Prenons soin de notre planète » donne l’impression qu’acheter un tel vêtement est un geste protecteur de l’environnement. Même s’il est fabriqué à partir de fibres recyclées, il reste un produit industriel qui nécessite de l’énergie, des transports… L’acheter ne constitue donc pas un éco-geste.

La société Calzedonia a été informée, par courriel avec accusé de réception du 13 septembre 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Le Groupe Calzedonia (dont Calzedonia Spa fait partie) fait valoir qu’il exerce ses activités depuis 1986, principalement dans le secteur de l’habillement et qu’il agit selon un code d’éthique rigoureux qui s’inspire des meilleures pratiques et des principales normes, directives et réglementations nationales et internationales existantes en matière de responsabilité sociale et de gouvernance d’entreprise, de droits de l’homme et d’environnement (tels que la Charte internationale des droits de l’homme des Nations unies, la Charte des droits de l’Union européenne, les Conventions fondamentales et la Déclaration de l’organisation internationale du travail – OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, les dix principes du Pacte mondial des Nations unies et les principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales édictés par l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE).

En particulier, en ce qui concerne l’environnement, le Groupe Calzedonia a depuis longtemps défini les aspects suivants comme étant prioritaires :

  • utilisation efficace des ressources et lutte contre les changements climatiques,
  • gestion responsable des emballages et des déchets,
  • respect de l’environnement dans les points de vente et les usines,
  • achat et consommation responsables des matériaux.

Toutes les marques du groupe (y compris la marque « Calzedonia » mentionnée dans le message publicitaire faisant l’objet de la contestation) ont entamé un processus de mise à jour de leurs lignes directrices en matière de durabilité, afin de créer des produits présentant un impact environnemental le plus réduit possible : ces lignes directrices portent aussi bien sur le problème de la transparence et de la traçabilité que sur celui de la composition des vêtements produits.

Le Groupe Calzedonia fait également partie du Fashion Poct, une coalition créée en 2019 dans le but de regrouper les grandes entreprises de la mode et du textile, ayant pour objectif commun de réduire l’impact négatif du secteur sur l’environnement, en identifiant trois macro-domaines de référence vers lesquels les efforts doivent être orientés : l’arrêt du réchauffement climatique, le rétablissement de la biodiversité et la protection des océans.

Le Groupe Calzedonia s’est donc engagé depuis un certain temps dans une voie vertueuse qui vise à atteindre rapidement une gestion susceptible d’engendrer également, entre autres, une meilleure qualité de l’environnement :

  • il continue d’augmenter le nombre de pays dans lesquels il acquiert de l’énergie renouvelable,
  • il a décidé de nouveaux investissements structurels pour la production d’électricité renouvelable,
  • il continue de sensibiliser les membres du personnel en vue d’une limitation de la production de déchets,
  • il continue de réduire l’utilisation des emballages (en particulier plastiques),
  • il augmente le recours à des matières premières à faible impact environnemental,
  • il réalise des projets avec le WWF et Marevivo pour nettoyer les mers des déchets plastiques.

C’est dans le cadre de ce parcours que se situe l’idée de l’éco-collection dont fait partie le modèle « Indonesia » qui fait l’objet de l’annonce figurant dans l’affiche contestée.

En ce qui concerne la stratégie de marketing et de communication, l’idée de base du Groupe Calzedonia est qu’un client bien informé est en mesure d’interagir avec la marque de manière plus simple, plus transparente et plus fréquente, en ayant recours à tous les points de contact. C’est pour cette raison que la communication avec les clients est toujours en ligne avec les valeurs de l’entreprise et que la promotion des produits se fait de manière responsable, sur la base de règles objectives.

L’annonceur estime que le message publicitaire contesté est conforme aux lignes directrices exposées ci-dessus et, surtout, qu’il ne viole pas la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et, en particulier, les articles 7.1 et 6.1 de celle-ci.

À l’appui de ses allégations, il joint et renvoie au communiqué de presse concernant la collection « Calzedonia mars 2021 », y compris la partie relative à « l’Éco-collection » dont fait partie le bikini « Indonesia ». Le communiqué a été diffusé en anglais et traduit en français pour la France.

En ce qui concerne l’article 7.1, le lexique utilisé dans le post n’induit pas le public en erreur et est utilisé dans le sens correspondant à sa signification normale et courante.

Selon l’annonceur, le plaignant n’a pas correctement compris le message, qui ne se référait pas seulement au comportement du client acheteur, mais aussi et surtout à l’action de l’annonceur. En effet, le message publicitaire contient également des informations claires : « Fibre fabriquée à partir de bouteilles en plastique recyclées ».

Calzedonia soutient avoir, par cela, clairement signalé au consommateur que, pour produire le bikini faisant l’objet de l’annonce publicitaire, au lieu d’utiliser un nouveau fil de plastique, elle a également utilisé du plastique déjà produit et a donc libéré moins de matière plastique sur la planète, en réutilisant ce qui avait déjà été produit et en lui donnant une nouvelle vie.

Cette argumentation est confirmée par les directives de l’Union européenne, qui a adopté, en 2015, un plan d’action visant à encourager la transition de l’Europe vers une économie circulaire, dans laquelle les déchets ne sont pas simplement éliminés mais envoyés au recyclage, en vue de devenir une matière première permettant une nouvelle production.

La tentative de Calzedonia, par le biais de l’utilisation de fibres textiles produites par le recyclage de plastique, vise à améliorer l’impact environnemental du produit annoncé par l’utilisation de matériaux, de composants ou de processus de production plus durables.

Le slogan « prenons soin de notre planète » devient également une invitation à être respectueux de la planète, en faisant notamment référence au recyclage des bouteilles en plastique, qui est à la base de la production du bikini annoncé, sans toutefois suggérer que c’est uniquement en achetant ce vêtement que l’on prend soin de la planète.

La phrase n’est pas, en effet, « achetons le bikini et prenons soin de notre planète » : le message ne contient aucune incitation explicite à acheter le bikini en raison de son innocuité pour l’environnement, qui n’a fait l’objet d’aucune affirmation. Cela n’enlève rien au fait que, de la même manière que l’on a recours à des fibres plastiques recyclées, l’achat de ce produit représente également, de fait, un « éco-geste ».

Cet appel général à faire preuve de responsabilité est également accompagné d’une autre annonce figurant au bas de l’affiche : « Ne les gaspillons pas, portons-les », faisant clairement référence aux bouteilles, puisque le fil du tissu extérieur et de la doublure intérieure du maillot de bain est, de fait, issu de bouteilles recyclées.

En ce qui concerne l’article 6.1, le bikini faisant l’objet de l’annonce publicitaire n’est pas recyclable, et de fait, cela n’a pas du tout été annoncé, ni dans l’affiche contestée, ni nulle part ailleurs.

Il considère que le bikini n’est jamais présenté comme étant recyclable et Calzedonia n’a pris aucun engagement à cet égard. Aucune marque ne peut prendre d’engagement pour ce qui est des actions des consommateurs en ce qui concerne la « fin de vie » des produits, car les entreprises ne sont pas en mesure d’en décider.

Le dessin du « cœur » renvoie, tout d’abord, au slogan « prenons soin de notre planète » et, par conséquent, à l’engagement et à l’invitation à aimer notre planète. Malgré le jeu graphique des fléchettes, le cœur est complètement différent du symbole universel du recyclage et aucun consommateur ne pourrait confondre un « cœur » avec un « triangle ».

Le jeu graphique des fléchettes figurant dans le cœur fait référence de manière très large et générale au concept du recyclage, bien que certainement pas par référence au produit fini annoncé, mais plutôt par référence à la matière plastique utilisée pour le produire, qui est en grande partie une matière recyclée. De fait, le cœur a été placé près de la définition « fibre fabriquée à partir de bouteilles en plastique recyclées ».

L’utilisation de flèches pour réaliser le cœur est un exemple légitime de créativité publicitaire : il s’agit d’un sympathique jeu graphique pour souligner une certaine
« circularité » des matériaux utilisés, qui avaient d’abord une fonction (les bouteilles) et qui, après avoir été recyclés, en assument une autre. Ce visuel permet de souligner également l’importance d’une gestion responsable des déchets. En effet, si les bouteilles en plastique sont éliminées correctement (et donc, après avoir été utilisées, sont jetées correctement dans la collecte sélective des déchets), elles peuvent ensuite être recyclées avec profit.

L’utilisation de flèches pour réaliser le cœur est un jeu simple, amusant et original visant à faciliter la compréhension des consommateurs et à les aider à faire un choix éclairé, sans jamais les tromper sur les caractéristiques du produit spécifique annoncé et vu sur l’affiche.

Avec l’affiche contestée, le consommateur moyen peut, en effet, comprendre clairement – et ceci, avant même d’acheter éventuellement le produit – par quelle action concrète (à savoir l’utilisation de fibres textiles fabriquées à partir de bouteilles en plastique recyclées) Calzedonia a produit le bikini faisant l’objet de la publicité en vue de contribuer à réduire l’impact de sa production sur l’environnement, sans qu’il lui soit suggéré une absence totale d’impact négatif (ce qui ne peut jamais être le cas dans la production industrielle), et même pas que, de manière générale, l’action menée à bien par Calzedonia a pour but et pour effet de protéger l’environnement contre les menaces extérieures. Tel est le rôle des associations de protection de l’environnement, et non de Calzedonia.

La société demande donc au JDP de considérer la plainte comme non fondée et de considérer sa publicité comme conforme aux normes professionnelles en vigueur et notamment à la Recommandation « Développement durable ».

Au cas où le slogan ou tout élément de la publicité serait jugé insatisfaisant, Calzedonia espère que le JDP ne relèvera aucun type d’infraction, mais fournira des recommandations en vue d’une amélioration, en s’engageant d’ores et déjà à les prendre en considération, et en garantissant dès à présent qu’elle mettra en œuvre tous les moyens nécessaires pour que ses futures campagnes publicitaires soient conformes aux recommandations de I’ARPP.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  •  En son point 2, relatif à la véracité des actions, que :

« 2.1 La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. /

2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées. /

(…) 2.3 L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments objectifs, fiables, véridiques et vérifiables au moment de la publicité. /

2.4 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. »

  • En son point 3, relatif à la proportionnalité du message, que :

« 3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles. (…) /

3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion. ».

  • En son point 4, relatif à la clarté du message :

« 4.1 L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées ;

4.3 Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP ; »

  • En son point 6, relatif aux Signes, labels, logos, symboles et auto-déclarations :

« 6.1 Les signes ou symboles ne peuvent être utilisés que si leur origine est clairement indiquée et s’il n’existe aucun risque de confusion quant à leur signification.

Les précisions sur cette signification pourront être apportées aux conditions définies par l’article 4-3 de ce texte.

6.2 Ces signes ne doivent pas être utilisés de manière à suggérer sans fondement une approbation officielle ou une certification par un tiers.

6.3 La publicité ne doit pas attribuer aux signes, logos ou symboles une valeur supérieure à leur portée effective.

6.4 Le recours à des logos d’associations, fondations ou tout autre organisme ne doit pas créer de lien abusif entre le partenariat engagé et les propriétés du produit ou de l’action présenté. »

  • En son point 7, relatif au vocabulaire :

 « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ;

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ;

7.4 Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur. »

Le Jury observe que la publicité présente en accroche le texte « Prenons soin de notre planète » sous le nom de la collection « Eco » promue. Une telle allégation est de nature à donner le sentiment que la consommation de produits de cette collection, qui est l’objet de cette communication commerciale, aurait par elle-même pour objet et pour effet de protéger l’environnement contre des menaces extérieures, à l’instar de celle d’associations de défense de l’environnement. Or la production et la distribution des maillots de bain et bikinis promus a nécessairement un impact négatif sur l’environnement.

Le Jury relève ensuite que le slogan « Ne les gaspillons pas, portons-les », sous le visuel représentant une femme en maillot de bain, n’est accompagné d’aucune précision quant à la proportion des fibres utilisées qui proviendraient de bouteilles en plastique recyclées. Ainsi qu’il ressort des observations de l’annonceur, ses produits ne sont pas intégralement confectionnés avec cette matière. Cette présentation méconnaît l’exigence de clarté du message posée par l’article 4 de la Recommandation « Développement durable ».

Le Jury constate enfin que le logo composé de trois flèches, à l’instar du symbole universel du recyclage, mais, à la différence de celui-ci, dessiné en forme de cœur, est directement inspiré de ce dernier. A supposer que le public ne soit pas induit en erreur par cette analogie, il n’en reste pas moins qu’il associe intuitivement le symbole utilisé au recyclage en raison de sa circularité et de l’évocation directe qu’il comporte à l’économie circulaire. Or si les maillots de bain et bikinis produits par Calzedonia sont pour partie fabriqués à l’aide de fibres plastiques recyclées, ces produits ne sont pas pour autant recyclables, comme l’indique l’annonceur.

Il résulte de tout ce qui précède que la publicité est, compte tenu de l’ensemble des éléments ainsi relevés, de nature à induire le public en erreur quant aux propriétés des produits et aux actions de l’annonceur en matière de développement durable. Elle méconnaît ainsi les points 2, 3 et 7 de la Recommandation précitée, ainsi que son point 4.

Avis adopté le 8 octobre 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, et Mme Boissier, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.

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