Avis publié le 8 mars 2021
BUTAGAZ – 706/21
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu les représentants de la société Butagaz lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 13 décembre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Butagaz ayant pour objet de promouvoir son offre de bouteilles de gaz domestique.
La publicité en cause, diffusée par affichage sur le lieu de vente, représente un petit garçon et la mascotte de la marque, un ourson bleu, derrière la planète Terre sur laquelle ils posent, respectivement, leurs mains et leurs pattes.
Cette image est accompagnée du texte : « 1 bouteille achetée = 1 geste pour la planète – Ma bouteille est 100% compensée carbone… ».
2. Les arguments échangés
– Le plaignant relève que, sur le site web auquel renvoie la publicité, on trouve essentiellement des informations sur Butagaz, fournisseur d’électricité et de gaz. Un bandeau sur les bouteilles de gaz n’apparait qu’en bas de page et il n’est pas fait mention de cette compensation carbone. Il faut cliquer une première fois pour arriver sur la rubrique
« bouteilles de gaz » et une seconde fois, encore en bas de page, pour arriver à la page dédiée à l’explication sur la compensation carbone des bouteilles (https://www.butagaz.fr/bouteilles-de-gaz/compensation-carbone). On retrouve sur cette page le slogan et le visuel mis en cause.
Selon le plaignant, le slogan est disproportionné au regard de l’ensemble des impacts environnementaux du produit. Le programme de compensation carbone mis en place et promu à travers cette publicité ne doit pas faire oublier les enjeux de réduction des émissions et tous les autres impacts nécessairement générés par la conception, la distribution, l’usage et la fin de vie des produits commercialisés. En outre, l’illustration de la Terre et de la pousse d’arbre peuvent induire en erreur les consommateurs sur le réel impact et les qualités environnementales des produits ainsi que sur les engagements de l’annonceur en matière de développement durable.
Ces visuels publicitaires ne respectent donc pas les points 3 (proportionnalité des messages) et 8 (présentation visuelle) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
– La société Butagaz a été informée, par courriel avec accusé de réception du 5 janvier 2021, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Son représentant fait valoir que l’affiche a pour objet de présenter le programme de compensation carbone mis en place par le groupe Butagaz depuis l’été 2020. A travers ce programme, Butagaz a décidé d’aller au-delà de ses obligations légales et réglementaires, en agissant concrètement pour la planète, notamment par le financement de projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.
Contrairement à ce qui est avancé dans la plainte, c’est bien l’intégralité du cycle de vie de la bouteille qui est réellement compensé, et pas seulement son usage par le client : extraction, transformation du gaz, livraison, fabrication des bouteilles, entretien, combustion du gaz… Toutes les étapes ont été additionnées afin d’en déduire l’impact carbone total, et de le compenser entièrement.
La société considère que le message est parfaitement clair, puisqu’il est indiqué qu’en achetant une bouteille de Butagaz, le consommateur fait un geste pour la planète grâce à la compensation carbone. Il est en outre invité à se rendre sur le site Internet pour accéder à une information complète sur ce programme. La page https://www.butagaz.fr/bouteilles-degaz/compensation-carbone, aisément accessible depuis un moteur de recherche, y détaille les caractéristiques du programme, notamment avec l’aide de schémas.
L’annonceur indique qu’il est actuellement engagé sur trois projets : la protection de la forêt au Zimbabwe, en luttant contre la déforestation intensive ; l’accès à l’énergie renouvelable en Inde, en substitution du charbon, très émetteur de carbone ; l’installation de solutions alternatives de cuisson au Burkina Faso.
Il précise que la DGCCRF l’a interrogé sur son programme de compensation carbone et qu’aucune procédure n’a été engagée à son encontre à la suite de la réponse qu’elle a fournie à l’administration concernant notamment les garanties apportées par le système des certificats, labelisés par des organismes internationaux.
La société ajoute qu’elle est le premier fournisseur ayant choisi de compenser l’intégralité de l’impact carbone de ses bouteilles de gaz à destination des particuliers. D’autres fournisseurs de GPL ont désormais suivi. Ce n’est d’ailleurs pas seulement la bouteille qui est concernée par la compensation, puisque celle-ci vise également les émissions liées à la fourniture de gaz en citerne, ainsi que de gaz naturel.
Plus largement, la société précise qu’elle mène une politique RSE active et transparente. Elle appelle régulièrement ses clients à consommer moins et consommer mieux, notamment, par exemple, grâce à l’isolation des combles qu’elle propose. Elle a entrepris de très nombreuses actions pour accélérer très concrètement la transition énergétique au sein du groupe. A titre d’exemple, la bouteille de gaz Viseo comporte déjà au moins 20% de biobutane : le consommateur dispose ainsi de la garantie qu’au moins 20% de biobutane ont été injectés dans le réseau de distribution de gaz de Butagaz. Issu de ressources renouvelables, ce biobutane émet par ailleurs moins de CO2 que le butane « classique ». Du biopropane est également proposé dans l’offre de gaz en citerne. Un nouveau système d’incitation au recyclage des bouteilles de gaz vient également d’être lancé afin de favoriser la réparation et l’entretien, plutôt que le remplacement. Butagaz est par ailleurs engagé dans l’installation de panneaux photovoltaïques et d’autoconsommation, aussi bien chez les particuliers que les professionnels. La société soutient ainsi concrètement le développement des énergies renouvelables. La fourniture de granulés de bois, démarrée en 2017, est un autre exemple d’énergie 100% renouvelable grâce à des granulés issus de la sciure produite lors de la fabrication des bois de production et au bilan carbone très faible. L’offre « Sérénissime » assure quant à elle le financement, les travaux d’installation d’un poêle à granulés et la livraison de granulés Butagaz. Le « pack Facilipass » permet de remplacer son ancien système de chauffage par un système plus performant et moins énergivore : pompe à chaleur, chaudière à très haute performance énergétique. Une mensualité packagée, incluant notamment le dispositif MaPrimeRénov’, permet d’encourager les foyers à mener des travaux de rénovation thermique à frais réduits. Un service de retrait de cuve fioul offre la possibilité de profiter de l’expertise de professionnels certifiés pour neutraliser et retirer une cuve fioul, un combustible peu économique et polluant, afin de faciliter le passage à un mode de chauffage plus respectueux de l’environnement.
En interne, l’entreprise a aussi largement engagé son virage énergétique, notamment en passant tous les sites de l’entreprise à la fourniture d’électricité verte, en diminuant la consommation d’eau ou en commençant à livrer les clients avec des camions roulant au gaz naturel.
Butagaz souhaite enfin aider d’autres personnes à activer leur propre transition énergétique, en commençant par les plus précaires. Une fondation d’entreprise en cours de création vise ainsi à aider les ménages en situation de précarité à rénover leur logement pour ne plus subir le phénomène des passoires énergétiques.
Chacune de ces actions contribue à limiter les émissions de carbone.
La société considère que la publicité en cause reflète avec justesse et proportionnalité la réalité des engagements de l’entreprise et de ses collaborateurs, qui a été récompensée en 2020 par la médaille d’argent Ecovadis, organisme indépendant qui situe Butagaz parmi les 3% des entreprises les plus performantes en matière de Responsabilité Sociétale et Environnementale (RSE) dans sa catégorie.
Au total, la société estime que cette publicité reflète de manière juste et transparente l’action réelle de Butagaz dans le domaine, et respecte ainsi en tous points la recommandation Développement durable de l’ARPP.
3. L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :
– En son point 1 (Impacts éco-citoyens) que « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social à un moment donné et du contexte de diffusion de la publicité » et qu’elle doit « éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de produits susceptibles d’affecter l’environnement ».
– En son point 3, relatif à la proportionnalité du message, que :
3.1 Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs transmissibles.
La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit.
3.2 Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion.
– En son point 8, relatif à la présentation visuelle, que :
« 8.1 Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient. /
8.2 Ils ne doivent pas pouvoir être perçus comme une garantie d’innocuité si cette dernière ne peut être justifiée. /
8.3 Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur. ».
Le Jury relève que la publicité en cause qualifie l’achat d’une bouteille de gaz Butagaz de « geste pour la planète », au motif que cette bouteille est « 100 % compensée carbone ».
Sans nullement remettre en cause l’ambition du programme de compensation carbone de l’annonceur ni les nombreux efforts qu’il consent en matière de responsabilité sociale et environnementale, qui se traduisent par les multiples actions qu’il décrit, le Jury estime que la seule circonstance que l’achat d’un produit ayant un impact environnemental négatif donnerait lieu à une compensation carbone intégrale n’autorise pas à le qualifier de « geste pour la planète ».
Une telle expression évoque en effet chez le consommateur des comportements qui concourent activement à la protection de l’environnement, comme l’utilisation raisonnable de l’énergie ou de l’eau ou la réduction des déchets qu’il produit. Le seul fait qu’un produit soit moins polluant qu’un autre ou que son achat donnerait lieu à une compensation de son empreinte écologique n’autorise pas l’entreprise qui le commercialise à l’assimiler à un « geste pour la planète ».
En outre, cette allégation est renforcée par le visuel représentant un petit garçon aux côtés de l’ourson bleu, mascotte de Butagaz, les mains et les pattes posés sur le globe terrestre d’où sort une jeune pousse, dans un geste manifestement protecteur. Cette présentation donne à penser à l’observateur moyen que c’est l’achat d’une bouteille de gaz qui permet de favoriser la croissance des végétaux et de protéger la planète, alors qu’il s’agit en réalité de contrebalancer l’impact environnemental négatif de cet achat par des actions de compensation. Le Jury considère que cette présentation est de nature à induire en erreur le consommateur sur le principe même de la compensation carbone, indépendamment des caractéristiques du programme mené par la société Butagaz, laquelle rappelle à juste titre dans ses observations que la réduction de la consommation est le meilleur moyen de préserver efficacement l’environnement.
Au total, le Jury considère que cette publicité suggère une absence totale d’impact négatif sur l’environnement de son produit et qu’elle présente ainsi un caractère disproportionné au regard de l’impact écologique de la consommation des bouteilles de gaz vendues, en dépit de l’augmentation de la part des biogaz dont l’annonceur fait état.
Il résulte de ce qui précède que le Jury est d’avis que cette publicité méconnaît les points 1, 3 et 8 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
Avis adopté le 5 février 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Lacan, Leers, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.