BURGER KING

Internet - Affichage

Plaintes fondées

Avis publié le 10 mai 2023
BURGER KING – 913/23
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu deux plaignants et les représentants de la société Burger King, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. Les plaintes

Le Jury de déontologie publicitaire a été saisi, les 27 février, 1er et 14 mars 2023 de trois plaintes de particuliers, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire en faveur de la société Burger King, pour promouvoir la vaisselle réutilisable utilisée dans ses restaurants.

La communication en cause, diffusée par affichage et sur Internet, est composée de :

  • trois affiches (reprises sur le site Internet de la société) sur lesquelles les images montrent des personnes utilisant différents éléments de la vaisselle (un gobelet transparent, une assiette creuse ou un pot à glace), accompagnées respectivement des textes : « On a trouvé comment rendre nos boissons encore meilleures », « On a trouvé comment rendre nos salades encore meilleures » et « On a trouvé comment rendre nos glaces encore meilleures ».
  • une publication sur le réseau Linkedin de la société montrant la photographie d’une femme qui boit dans un gobelet de grande taille transparent, sur lequel est incrusté le texte : « Notre meilleur produit pour rendre nos produits meilleurs ». Le texte accompagnant le post est « Passer à la vaisselle réemployable, c’est pas une idée en carton. Alors oui, on va en faire des tonnes avec notre nouvelle vaisselle, mais surtout des tonnes en moins. Réemployable, elle permettra d’éviter 800 tonnes de déchets par an au total dans nos restaurants. »
  1. Les arguments échangés

Les plaignants estiment que, par cette publicité, Burger King s’approprie l’initiative d’une vaisselle réutilisable (notamment avec la phrase « nous avons trouvé comment (…) ») alors que la société se borne à respecter une obligation légale. En effet, l’emploi de vaisselle réutilisable est désormais obligatoire dans tous les restaurants de restauration rapide en vertu de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, « La vaisselle jetable est interdite dans les établissements de restauration rapide servant plus de 20 couverts simultanément, pour tout ce qui est consommé sur place : les repas sont désormais servis dans de la vaisselle réutilisable ».

En outre, le message transmis est : « mes boissons sont meilleures, elles protègent la planète, car j’utilise de la vaisselle réutilisable ». Les plaignants estiment que ce message méconnaît le principe de loyauté et, en particulier, les points 5.1 et 5.2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Lors de la séance, les deux plaignants entendus ont repris en substance les termes de leurs plaintes. Burger King prétend être à l’origine et en avance sur la réglementation, ce qui est inexact. D’autres acteurs de la restauration rapide respectent déjà leurs obligations. L’étude produite par la société, qui entend expliciter l’allégation « encore meilleur », repose sur des fondements méthodologiques très fragiles en raison de l’étroitesse de la base des personnes interrogées.

La société Burger King France a été informée, par courriels avec avis de réception du 9 mars et du 30 mars 2023, des plaintes dont copies lui ont été transmises et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle considère que ces plaintes ne sont pas justifiées.

Elle fait valoir que la communication dont il s’agit avait pour objectif premier d’informer les consommateurs sur l’arrivée, dans les restaurants Burger King, de la vaisselle réemployable. Il ne s’agissait certainement pas de présenter l’utilisation de vaisselle réemployable, en tant que telle, comme étant une idée de Burger King, mais d’informer les consommateurs sur le fait que la vaisselle réemployable, dont la mise en place était préparée depuis plusieurs années, était enfin déployée dans les restaurants Burger King.

A cet égard, si la Recommandation ARPP mentionnée ne permet pas d’attribuer à un opérateur « l’exclusivité de vertus » alors que celles des concurrents seraient analogues ou similaires, elle n’exclut pas la possibilité de mettre en lumière une avancée dont la plupart des concurrents ne peuvent se prévaloir.

Il n’est pas contestable en effet qu’à ce jour, un grand nombre d’acteurs du secteur de la restauration dont des concurrents de Burger King, n’ont pas encore mis en place la vaisselle réemployable dans leurs établissements, et seuls deux acteurs de la restauration sont au rendez-vous : McDonald’s et Burger King.

Cette communication visait par ailleurs à informer ses consommateurs sur le fait que le déploiement de cette nouvelle vaisselle avait nécessité d’importants travaux de recherche et développement afin de parvenir à la création d’une nouvelle gamme de vaisselle qui soit à la fois :

  • adaptée aux contraintes opérationnelles des restaurants, notamment au regard de la nécessité de laver et sécher cette nouvelle vaisselle, ainsi que d’obtenir sa restitution après les repas, étant précisé que cette mise en place a nécessité des investissements significatifs par chaque établissement, liés à la modification des cuisines, à l’installation de séchoirs à vaisselles adaptés à la restauration rapide, etc.,
  • adaptée aux spécificités des produits à contenir (produits gras, chauds, glacés…) et surtout de la règlementation relative à l’hygiène et la sécurité des denrées alimentaires,
  • et enfin, conforme aux attentes des consommateurs en termes de design, de praticité, ou encore de sensation lors de l’utilisation.

Sur ce dernier point, une étude auprès des consommateurs a identifié que 43 % d’entre eux trouvaient le goût des boissons meilleur. Cette recherche a nécessité le travail et la mobilisation de nombreuses équipes pendant plusieurs mois et c’est dans ce contexte que Burger King était fier d’annoncer avoir enfin « trouvé comment rendre » ses produits encore meilleurs, car consommés dans une toute nouvelle vaisselle offrant ainsi une nouvelle expérience client à ses consommateurs, qui ont pu depuis confirmer qu’ils appréciaient les nouveaux verres, coupelles et autres contenants aux couleurs vives et au logo Burger King.

Sur ce point, les différentes vaisselles réemployables ne se valent pas, comme en témoigne une étude dont il ressort que les consommateurs ayant pu comparer la vaisselle réemployable de Burger King et celle utilisée par McDonald’s, préfèrent la vaisselle de Burger King (jugée plus originale, plus pratique, et de meilleure qualité).

S’agissant des termes « encore meilleurs », la société regrette que certains aient pu y voir une appropriation par Burger King d’un avantage environnemental par ailleurs imposé à toute la restauration (rapide et « traditionnelle »). Il ne s’agissait en fait que d’une déclinaison de slogans précédents, que les clients connaissent bien.

Burger King utilise en effet depuis 2019 le thème « encore meilleur que nos meilleurs burgers », notamment à propos de l’un de ses burgers emblématiques, le Master. Les clients de Burger King n’ont donc pas pu se méprendre sur le sens à donner à « meilleur », alors même qu’aucune référence au développement durable n’était liée à ce terme sur les affiches.

En tout état de cause, Burger King n’a jamais entendu se « prévaloir à titre exclusif » de cette mise en place alors qu’elle est imposée par la règlementation.

Le public était largement informé de cette nouvelle obligation légale, laquelle a été à de multiples reprises relayée et commentée dans les médias. Il y était d’ailleurs fréquemment dénoncé un manque de mise en application, par les enseignes, de ces nouvelles règles, accusations auxquelles Burger King a entendu répondre dans le cadre de cette campagne.

Le geste est nouveau pour les clients Burger King qui ont parfois le réflexe de mettre la vaisselle à la poubelle. Or l’impact environnemental de la vaisselle réemployable n’est positif que si la vaisselle est effectivement réemployée, d’où la nécessité de faire œuvre d’information pour les restaurants vis-à-vis des clients.

Plus généralement, par cette campagne qui s’est terminée (comme initialement prévu) le 1er mars 2023, il s’agissait pour Burger King de participer à la prise de conscience sur l’importance de dépasser le « tout jetable » et d’aider le consommateur à s’approprier ces nouvelles façons de consommer, y compris dans les restaurants de type « fast-food » qu’il associe plutôt, par essence, à des éléments jetables et pratiques.

Enfin, la société Burger King tient à assurer de sa vigilance à l’égard des règles déontologiques dont le JDP assure le respect.

Lors de la séance, Burger King a exposé que ses intentions avaient été mal comprises. La société a rappelé le changement majeur que constituait la législation obligeant les restaurateurs à utiliser de la vaisselle réemployable, ce qui explique que beaucoup d’entre eux ne respectent pas leurs obligations. Le propos de la publicité critiquée est précisément de dire que Burger King a réussi et d’exprimer sa fierté. Burger King a réussi à changer de modèle, ce qui a nécessité des réflexions longues et papprofondies sur les caractéristiques de la vaisselle, les conditions de son stockage, le nettoyage…  La publicité met en avant la voie qu’a choisie Burger King pour respecter la réglementation, parmi les nombreuses voies possibles.

L’annonceur réfute l’idée que la campagne publicitaire comporterait une allégation d’exclusivité. A aucun moment il n’est dit que Burger King serait la seule enseigne à utiliser de la vaisselle réemployable.

Il n’est pas davantage allégué que c’est Burger King qui aurait eu l’idée de ce changement. L’expression « c’est pas une idée en carton » ne signifie pas que celle-ci émanerait de l’enseigne. Si des réflexions étaient en cours dès 2018 sur ce sujet, c’est bien parce que le législateur l’a exigé que cette évolution est intervenue.

Enfin, s’agissant de l’allégation « encore meilleures », l’annonceur indique avoir reçu des retours positifs sur l’expérience utilisateur, une proportion non négligeable des consommateurs estimant que l’utilisation de la vaisselle réemployable permet d’améliorer le goût et le confort de dégustation des plats et des boissons.

3. L’analyse du Jury

3.1. Sur les règles déontologiques applicables

Le Jury rappelle que, selon le 5° du point 11.1 de son règlement intérieur, la plainte doit être clairement motivée, c’est-à-dire indiquer de façon précise en quoi la publicité mise en cause soulèverait un problème déontologique. Toutefois, le plaignant n’est pas tenu, à peine d’irrecevabilité, d’invoquer formellement l’une des règles déontologiques mentionnées à l’article 2.2. Il appartient au Jury d’identifier, au vu de l’argumentation soulevée, les règles déontologiques applicables.

A cet égard, le Jury constate que deux plaintes mettent clairement en cause le respect de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP en ce qu’elle dispose, au titre de la « loyauté » (point 5), que :

« 5.1. La publicité ne doit pas attribuer à un produit ou à un annonceur l’exclusivité de vertus au regard du développement durable alors que celles des concurrents seraient analogues ou similaires ».

5.2 Un annonceur ne peut se prévaloir de certaines actions à titre exclusif alors que celles-ci seraient imposées à tous par la réglementation en vigueur.

Ce principe n’exclut pas que, dans un but pédagogique, une publicité puisse informer de l’existence d’une réglementation, afin d’en promouvoir la mise en œuvre ou d’inciter le public à y souscrire. »

En outre, l’argumentation des trois plaintes doit également être rattachée au principe général de loyauté de la publicité repris à l’article 4 du code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale, dit code ICC, selon lequel « La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ».

Il résulte de ces règles déontologiques que, sous réserve de la véracité de ses allégations, un annonceur peut communiquer sur l’existence d’une réglementation applicable à son activité, à ses produits ou à ses services, sur leur conformité à celle-ci, sur ses vertus, sur le rôle qu’il a pu jouer dans l’adoption de ces règles ou encore sur les conséquences de ces dernières pour les consommateurs. Il ne saurait, en revanche, prétendre être le seul à se livrer à des actions qui sont rendues obligatoires par la réglementation. Il ne peut pas davantage alléguer être à l’origine d’une action lorsqu’il s’est borné, en réalité, à la mettre en œuvre par obligation juridique.

3.2. Sur le respect de ces règles par la campagne publicitaire critiquée

Le Jury relève que la campagne publicitaire critiquée valorise la « nouvelle vaisselle réemployable » déployée et en cours de déploiement au sein des établissements de l’enseigne Burger King. Le post Linkedin indique à cet égard que « passer à la vaisselle réemployable, c’est pas une idée en carton ». Cette expression, qui précède des développements sur le fait que Burger King va en faire « des tonnes » sur cette nouvelle vaisselle, est spontanément comprise par le consommateur moyen comme une revendication par l’annonceur de la paternité de cette idée. Ce propos est confirmé par l’expression : « On a trouvé comment… » utilisée de façon récurrente dans les visuels. Par ailleurs, si les éléments mis en avant par Burger King tendent à confirmer que l’expérience gustative de certains consommateurs se trouve améliorée par les choix de matériaux, de formes et de procédés opérés par l’annonceur, ces caractéristiques, pas plus que les considérations esthétiques, ne sont à aucun moment mis en avant dans la campagne publicitaire. Ainsi, dans les trois affiches en cause, les produits commercialisés par Burger King sont présentés comme « meilleurs » grâce à cette nouvelle vaisselle mais cette supériorité alléguée n’est pas explicitée et ces produits eux-mêmes (boissons, glaces et salades) ne sont pas même représentés, les visuels mettant au contraire en valeur la vaisselle qui est l’objet central de la campagne, et le post insistant sur la contribution de la vaisselle réutilisable à l’effort de réduction des déchets liés à l’activité de ces restaurants. En outre, aucun des visuels et textes critiqués ne rappellent que l’emploi de cette vaisselle répond dans son principe à une exigence légale en vigueur.

Si, contrairement à ce que soutiennent deux des trois plaignants, cette campagne ne revendique aucune exclusivité dans l’utilisation de la vaisselle réemployable, elle tend en revanche à induire l’idée, dans l’esprit du consommateur, que Burger King a, d’initiative et sur une base volontaire, décidé de substituer de la vaisselle réutilisable à la vaisselle jetable jusque-là utilisée, à des fins essentiellement écologiques, alors même que, depuis le 1er janvier 2023, c’est la législation qui le lui impose et que l’annonceur a admis dans ses observations que ce sont ces nouvelles règles qui l’ont conduit à modifier la vaisselle utilisée. Or si cette évolution législative a fait l’objet de commentaires dans les médias, le niveau d’information du public en la matière est très variable et il ne peut être fait l’hypothèse que le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, sait que l’utilisation de ce type de vaisselle est une obligation légale.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette communication abuse dans cette mesure de la confiance des consommateurs et méconnaît l’exigence de loyauté reprise dans le code ICC.

Avis adopté le 7 avril 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.


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