BUD – Affichage – Plainte fondée

Avis publié le 8 février 2021
BUD – 696/20
Plainte fondée

 Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations
  • après avoir entendu la société Anheuser Busch lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 12 octobre 2020, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire, diffusée en affichage digital, pour la marque d’alcool Bud de la société Anheuser Busch.

L’affichage publicitaire en cause montre plusieurs images qui se succèdent, sous forme de diaporama, présentant une vue de la Tour Eiffel, puis une bouteille et un verre de bière.

Ces images sont accompagnées des textes présents en gros caractères « Bud. King of beers », « On ne nait pas King, on le devient » et au bas de l’image « Marque de la société Anheuser-Busch créée en 1876, Bud, Reine des bières, est devenue la bière d’origine américaine la plus vendue dans le monde », « Bud est distribué dans la région de Paris ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant estime que la couleur rouge type néon et la vue de Paris et de la tour Eiffel, nous plongent dans le monde de la nuit et des fêtes parisiennes.

Le slogan impactant « On ne nait pas King, on le devient » ne respecte pas la règlementation sur la publicité pour de l’alcool et la Recommandation « Alcool » de l’ARPP. Ce slogan laisse penser que la consommation de Bud permet de devenir un « King », c’est-à-dire un roi, avec la puissance, la force et le pouvoir attachés à cette fonction. Ce message est notamment de nature à inciter les plus jeunes à consommer cette bière pour devenir roi ou reine de la soirée.

La société Anheuser Busch a été informée, par courriel recommandé avec avis de réception du 4 novembre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle indique que les visuels critiqués sont extraits d’un diaporama de cinq visuels. Les éléments relevés ne respectent pas la chronologie du déroulé du diaporama, déformant ainsi le sens d’un message publicitaire exprimé sans ambiguïté, à savoir :

  1. La bière Bud a été créée en 1876 aux Etats-Unis
  2. Elle est aujourd’hui leader mondial sur le marché des bières d’origine américaine
  3. Et désormais disponible dans les points de vente de Paris et sa région

Ce message, qui se limite strictement aux contenus publicitaires autorisés par la loi Evin, à savoir l’origine, l’histoire et la disponibilité du produit, est exprimé au moyen de ce diaporama, par les éléments suivants :

  • les deux slogans (« Bud, king of beers » et « On ne naît pas king, on le devient ») sont explicités par une mention très visible faisant état de ce que Bud est devenue la bière d’origine américaine la plus vendue dans le monde et peut donc se prévaloir du titre de « reine des bières ». Les slogans se rapportent donc sans aucune ambigüité au produit et non au consommateur comme l’interprète le plaignant de façon très subjective. La société précise que le slogan « king of beers » est le slogan historique de la marque aux Etats-Unis, qu’il s’agit d’une marque déposée en France et qu’il se réfère à l’origine et à l’histoire du produit.
  • l’arrière-plan représente la Tour Eiffel, sans aucun lien, direct ou indirect, avec « le monde de la nuit et des fêtes parisiennes », comme le prétend le plaignant. La sobriété de la photo, prise en journée, contredit cette allégation. Ce visuel vise à informer le consommateur de la disponibilité du produit à Paris, comme le souligne la mention selon laquelle « Bud est distribué dans la région de Paris ». Ce message est cohérent, s’agissant d’une campagne d’affichage locale.
  • les signes distinctifs de la marque Bud (nœud papillon, couleur rouge…), qui correspondent à une marque déposée, sont sans rapport avec « le monde de la nuit et des fêtes parisiennes » évoqué par la plainte.
  • la représentation d’un verre rempli de Bud, présente sur deux visuels : la couleur dorée est celle du produit. L’effet sur la mousse rappelle la couronne attribuée au produit leader mondial et thème de la campagne.

En conclusion, l’annonceur fait valoir que l’ensemble des éléments figurant sur ces cinq visuels s’inscrivent dans les contenus autorisés par la loi Evin : l’origine, l’histoire, la position commerciale, les signes distinctifs de la marque, le packaging et la disponibilité du produit.

L’examen objectif des éléments composant les différents visuels ne révèle aucun message, direct ou indirect, incitant à la consommation excessive du produit, encore moins à l’adresse des jeunes.

La société précise que cette campagne a été validée par AB INBEV mais aussi par les services juridiques des Régies publicitaires.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Alcool » de l’ARPP dispose, au point 1 « Principes généraux », que :

« 1.3. Aucune communication commerciale ne doit suggérer que les boissons alcoolisées sont dotées de propriétés thérapeutiques, ont un effet stimulant, sédatif, anticonflictuel, ni vouloir démontrer qu’elles peuvent améliorer les performances physiques, psychiques ou intellectuelles.

1.4. Aucune communication commerciale ne doit présenter la consommation de boissons alcoolisées comme une aide pour surmonter des problèmes individuels ou collectifs ni illustrer ou mentionner des succès obtenus grâce à la consommation de boissons alcoolisées.

1.5. Aucune communication commerciale ne doit vouloir démontrer que la consommation de boissons alcoolisées contribue à la réussite sentimentale, sportive, sexuelle, constitue un signe de maturité, un attribut de la virilité, ou est indispensable à la réussite sociale ».

Le point 3 de la même Recommandation reprend et explicite la liste limitative des mentions qui peuvent figurer sur les publicités en faveur des boissons alcoolisées en vertu de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique. Ces mentions ne peuvent concerner que l’indication du degré volumique d’alcool, l’origine, la dénomination, la composition du produit, le nom et l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires, le mode d’élaboration, les modalités de vente, le mode de consommation du produit, les terroirs de production, les distinctions obtenues, les appellations d’origine et indications géographiques, ainsi que des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Dans un avis publié le 20 mars 2020 (n° 633/20), le Jury a estimé que, si le slogan « King of beers », traduit en français comme l’exige la réglementation, n’est pas contraire à la Recommandation « Alcool », dès lors qu’il se réfère uniquement à la bière promue et non au consommateur de celle-ci, il n’en va pas de même du slogan « Be a King », qui présente le buveur de bière comme un « roi ».

S’agissant, en premier lieu, du slogan « King of beers », le Jury a réexaminé la question à la lumière des observations formulées devant lui. A cet égard, la société fait état de ce qu’il s’agit du slogan historique de Bud aux Etats-Unis et de ce qu’il a fait l’objet d’un dépôt au titre du code de la propriété intellectuelle.

Il est vrai que, selon le point 3.1.4 de la Recommandation « Alcool » de l’ARPP, la « dénomination », mention autorisée par celle-ci, inclut la « marque » et que le code de la propriété intellectuelle inclut les slogans dans les marques. Toutefois le Jury relève que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’enregistrement d’une marque à l’Institut national de la propriété industrielle n’autorise pas par lui-même son utilisation publicitaire pour promouvoir une boisson alcoolisée et un slogan ne constitue pas en soi une indication de la dénomination du produit (arrêt de la chambre criminelle du 31 mai 1995, n° 94-82.989, Bull. n° 201, à propos du slogan « 3 siècles d’amour de la bière »). A cette aune, la notion de « marque » utilisée par la Recommandation « Alcool » ne doit pas s’interpréter comme permettant d’utiliser tout élément déposé au titre du droit des marques, mais doit être circonscrite à la dénomination commerciale de l’entreprise et du produit, ainsi qu’à ses signes distinctifs. L’interprétation inverse permettrait à toute entreprise commercialisant des boissons alcoolisées d’utiliser tout slogan, même directement contraire à la Recommandation, au seul motif qu’il a été enregistré et est, le cas échéant, protégé au titre du droit de la propriété intellectuelle. Une telle interprétation ne serait, du reste, pas cohérente avec la règle, qui figure au point 3.2. de la Recommandation, selon laquelle le conditionnement du produit lui-même ne peut être reproduit que si son contenu entre dans la liste des mentions limitativement autorisées.

Il y a donc lieu d’examiner si ce slogan est susceptible de se rattacher à l’une de ces mentions. A cet égard, la société a fait valoir que celui-ci faisait référence au positionnement commercial de la marque BUD, première bière américaine vendue dans le monde. Toutefois, le Jury constate que le point 3.1. de la Recommandation n’autorise pas l’annonceur à se prévaloir, dans une publicité en faveur de boissons alcoolisées, de sa part de marché ou de sa position de marché, notamment celle de leader. En particulier, une telle information ne concerne pas les « modalités de vente » que la Recommandation circonscrit aux « aspects techniques de la vente (conditionnement, emballage, lots, etc.) » et aux « différentes formes licites de promotion ».

La société a également mis en avant le lien entre ce slogan, d’une part, et l’origine et l’histoire du produit, d’autre part. Il ressort du point 3.1.3. de la Recommandation « Alcool » que l’origine peut être historique et que « le lien avec le produit doit être fondé ». La seule circonstance que BUD soit devenue la bière américaine la plus vendue dans le monde ne se rapporte pas aux conditions dans lesquelles le produit a été créé ni à son ancienneté, mais à son positionnement commercial, lequel revêt nécessairement un caractère conjoncturel. Au demeurant, à supposer qu’on admette que ce positionnement fasse partie de l’histoire du produit, l’indication de l’origine doit revêtir un caractère objectif et informatif : tel n’était pas le cas, par exemple, du slogan « 3 siècles d’amour de la bière », quand bien même faisait-il référence à l’ancienneté du produit (arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation cité ci-dessus). Le slogan « King of beers » ne présente pas davantage un tel caractère, quand bien même sa signification est-elle explicitée par un renvoi.

En deuxième lieu, en cohérence avec l’avis du 20 mars 2020, le Jury estime que l’allégation « On ne naît pas King, on le devient » n’est pas admissible. Il laisse en effet clairement entendre que la consommation de la bière Bud permettrait de devenir un roi. Il suggère ainsi que la consommation de cette boisson peut améliorer les performances, être une aide pour surmonter des problèmes, contribuer à la réussite sentimentale, sportive ou sexuelle voire constitue un attribut de la virilité. L’argument selon lequel ce slogan se réfèrerait au titre de « reine des bières » que l’annonceur s’auto-décerne compte tenu de son positionnement commercial ne peut être retenu dans la mesure où, d’une part, il ne s’agit pas de l’interprétation la plus intuitive du slogan, en dépit du renvoi auquel il est procédé, et où, d’autre part, la traduction anglaise de ce titre devrait être « Queen » et non « King ». En tout état de cause, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la position de marché n’est pas au nombre des mentions autorisées.

En troisième et dernier lieu, le Jury estime que la représentation de la Tour Eiffel sur l’un des visuels ne relève d’aucune des mentions limitativement énumérés au point 3 de la Recommandation, notamment pas le nom et l’adresse des dépositaires. Il rappelle ainsi que la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que le décor d’affiches publicitaires associant une boisson alcoolisée à des établissements de nuit où celle-ci était proposée renvoyait une image de séduction allant au-delà de la stricte indication des noms et dépositaires de la boisson (arrêt du 29 novembre 2005, n° 05-80701). La seule circonstance que la bière Bud soit disponible à la vente en région parisienne n’autorise pas à reproduire, dans une publicité en faveur de ce produit, le monument le plus emblématique de Paris, qui accentue d’ailleurs la référence au « King » que son consommateur pourrait devenir. Le Jury estime en revanche que ces visuels et, notamment, la simple photographie de la Tour Eiffel depuis la rue, en noir et blanc et de jour, ne se réfèrent pas au monde de la nuit et des fêtes parisiennes comme l’indique la plainte.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que les affiches en cause méconnaissent la Recommandation « Alcool » de l’ARPP.

Avis adopté le 8 janvier 2021 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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