BOURJOIS

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Plainte partiellement fondée

Avis publié le 7 décembre 2023
BOURJOIS – 964 / 23
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 septembre 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité de la société Coty France pour promouvoir son offre de produits cosmétiques de marque Bourgeois.

L’affiche publicitaire en cause montre plusieurs produits de la gamme Bourgeois Healthy Mix disposés sur un tas d’oranges, sur fond bleu.

Le texte accompagnant cette image est, en accroche, en gros caractères « Nouvelle gamme Healthy Mix Clean », traduit, au bas de la publicité par « *propre ». A proximité de l’accroche, figure un pictogramme vert dans lequel est inscrite la mention « Clean & vegan** » surmonté de 2 feuilles, elle-même traduite par « ** propre et végane ».

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que cette publicité contrevient à plusieurs points de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

Sur la véracité des actions (point 2) : aucune explication permettant de comprendre en quoi la composition des produits promus seraient « plus propres » que d’autres produits similaires. La publicité est donc trompeuse.

Sur la proportionnalité des messages (point 3) et le vocabulaire (point 7) : l’allégation « clean » (utilisée à deux reprises) est globalisante et devrait être relativisée.

Sur les signes, labels et logos (point 6) : le pictogramme circulaire vert avec les feuilles pourrait être confondu avec un label officiel comme Cosmébio. Il laisse croire que le produit et son emballage n’ont aucun impact sur l’environnement, ce qui n’est pas le cas.

La société Coty France a été informée, par courriel du 11 septembre 2023 ainsi que par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 septembre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury.

La société fait valoir en premier lieu qu’en l’absence de définition légale de l’allégation
« clean » (traduite par « propre », conformément aux dispositions de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon »), la mention « clean » telle qu’utilisée dans le cadre de la campagne correspond aux critères établis par la marque Bourjois, critères figurant sur la page internet https://bourjois.fr/pages/bourjois-clean, permettant ainsi d’avoir connaissance du fait que « clean » tel qu’utilisé pour qualifier les produits « Healthy Mix Clean » signifie notamment qu’ils sont formulés :

  • avec le minimum d’ingrédients, pour un résultat maquillage satisfaisant et performant ;
  • en écartant des substances controversées (telles que les phtalates, le phénoxyéthanol et les parabènes) ;
  • en privilégiant des ingrédients d’origine naturelle (tels que des extraits de fruits, par exemple melon, pomme et abricot, du beurre de karité, de l’huile de noix de coco, de la farine d’avoine).

Toutes les formules des produits de la gamme Healthy Mix Clean présentés dans le cadre de la campagne sont conformes à cette définition, et ils contiennent notamment un pourcentage élevé d’ingrédients d’origine naturelle :

  • 85% pour les fonds de teint,
  • 90% pour les baumes à lèvres,
  • 99% pour les mascaras,
  • 93% pour les poudres,
  • 88% pour les bases de teint,
  • 70% pour les vernis.

Par ailleurs, la société indique n’avoir à aucun moment insinué que ses produits seraient « plus propres » que ceux de ses concurrents ; la campagne ne comporte aucun élément de nature comparative, contrairement à ce que laisse entendre la plainte.

En deuxième lieu, la plainte prétend que l’utilisation du pictogramme circulaire vert, qui est constitué de deux feuilles végétales stylisées blanches sur fond vert, pourrait être confondu avec « un label officiel comme Cosmébio ». Le logo du label Cosmébio ne contient aucune feuille. Il n’existe donc aucun risque de confusion.

Les produits concernés sont composés en majorité d’ingrédients d’origine naturelle comme indiqué précédemment ; ainsi, le choix d’un logo composé de feuilles végétales est commun, comme en attestent les exemples fournis. Il n’est pas lié à l’impact environnemental du produit et à son emballage.

En outre, les produits concernés ont également fait l’objet d’un film publicitaire, qui a été soumis à la validation de l’ARPP.

Néanmoins, la campagne a été préparée et commandée en amont de cette procédure de validation, et notamment de l’avis du 18 août 2023. Pour des raisons liées aux délais d’impression et aux engagements antérieurs pris avec ses supports, la société n’a pas pu adapter la publicité par affichage. Elle n’exclut pas d’adapter la campagne afin d’offrir encore davantage de clarté au consommateur, sous réserve d’un délai suffisant.

La société Coty France assure qu’elle accorde une importance et un soin particuliers au respect des règles de publicité.

La société JC Decaux France, qui a affiché la publicité en cause, fait valoir qu’elle est particulièrement sensible au respect des règles déontologiques relatives à la diffusion de publicités ou campagnes susceptibles d’interpeller le public.

A ce titre la campagne visée avait fait l’objet d’une analyse de sa part en amont de sa diffusion. L’afficheur s’était notamment assuré de la traduction des termes anglophones dans une taille de mention suffisamment lisible. Il avait également eu confirmation du fait que l’expression « Healthy mix » était une marque déposée de l’annonceur et que son emploi sous cette forme était donc autorisé.

Concernant les explications de produits dont la composition serait plus propre, il est à noter un renvoi sur le site internet qui permet de retrouver des informations à ce sujet et de plus amples développements à propos de cette gamme de produits.

Concernant l’usage du pictogramme « clean et vegan », celui se différencie du label
« Cosmébio » en de nombreux points :

  • la couleur est différente entre le vert sapin du label et le bleu vert du pictogramme
  • la forme ovale du label et la forme strictement ronde du pictogramme
  • l’utilisation exclusive de mots dans le label et la reproduction d’un dessin dans le pictogramme
  • aucun mot n’est en commun entre le label et le pictogramme.

Ces différents points permettent, selon la société JC Decaux France, d’exclure une confusion entre le label et le pictogramme.

Elle estime que cette campagne ne contrevient donc pas à la Recommandation
« Développement Durable » de l’ARPP et aux règles déontologiques du Groupe JCDecaux pour la diffusion de publicité et demande au Jury d’émettre un avis non favorable à la plainte.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
      • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
      • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »
  • Au titre de la clarté du message (point 4) : « 1. L’annonceur doit indiquer dans la publicité en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées».
  • Au titre des signes, labels, logos, symboles, autodéclarations (point 6) :
    • « 1 Les signes ou symboles ne peuvent être utilisés que si leur origine est clairement indiquée et s’il n’existe aucun risque de confusion quant à leur signification.
    • Les précisions sur cette signification pourront être apportées aux conditions définies par l’article 4-3 de ce texte.
    • Ces signes ne doivent pas être utilisés de manière à suggérer sans fondement une approbation officielle ou une certification par un tiers.
    • La publicité ne doit pas attribuer aux signes, logos ou symboles une valeur supérieure à leur portée effective.
    • Le recours à des logos d’associations, fondations ou tout autre organisme ne doit pas créer de lien abusif entre le partenariat engagé et les propriétés du produit ou de l’action présenté. »
  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :
    • « 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /
    • 7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à”.».

Le Jury relève que la publicité en cause fait la promotion de produits cosmétiques en recourant, en écho au nom de la gamme (« Healthy mix clean ») à l’allégation « clean and vegan » traduite par « propre et végane » et appuyée par un logo représentant deux feuilles blanches sur fond vert.

Le Jury estime en premier lieu que, contrairement à ce qu’indique la plainte, il n’existe aucun risque de confusion entre le logo utilisé et le logo Cosmébio, dont les caractéristiques sont très différentes. Il n’appartient pas au Jury, en outre, de rechercher si ce logo pourrait évoquer d’autres certifications non mentionnées par le plaignant.

En deuxième lieu, il ressort des explications de l’annonceur et de la page de son site internet dédié au terme « clean » que ce dernier renvoie à titre principal à la composition majoritairement naturelle des produits, à laquelle les deux feuilles du logo font écho, à la réduction du nombre d’ingrédients et à l’exclusion de certaines « substances controversées ». Il s’agit donc de valoriser l’innocuité sanitaire ou, à tout le moins, le moindre impact négatif du maquillage sur la peau, et non de prétendre que la fabrication, la distribution et la consommation de ces produits auraient une incidence environnementale réduite.

Toutefois, le Jury estime que le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif, est susceptible d’être induit en erreur par cette présentation, comme le montre d’ailleurs la plainte dont il a été saisi. En effet, le terme « clean » (propre) associé au logo évoque spontanément une forme d’innocuité environnementale. S’il est loisible à l’annonceur de lui conférer une autre portée, il doit veiller à lever toute ambiguïté dans l’esprit du public en l’explicitant dans la publicité ou en renvoyant à un contenu permettant d’identifier l’acception qu’il a entendu retenir. Or la publicité litigieuse se contente de renvoyer le consommateur qui souhaite commander les produits à la page d’entrée du site Bourjois (www.bourjois.fr). Le Jury observe en outre que même la page consacrée à la gamme « Healthy mix clean » dont se prévaut la société Coty France, et à laquelle la publicité aurait pu renvoyer, n’est pas dépourvue d’ambiguïté puisque, outre les informations relatives à la composition des cosmétiques, elle précise que « Bourjois supprime le plastique de ses étuis et s’engage vers une beauté plus responsable », ce qui renvoie clairement à l’incidence environnementale des produits et à l’idée de « propreté écologique ».

Dans ces conditions, le Jury considère que, par le manque de clarté du message, cette publicité est de nature à induire en erreur le consommateur. Elle méconnaît donc les points 2, 4 et 7 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP. Il n’y a pas lieu, en conséquence, de se prononcer sur le respect de l’exigence de proportionnalité. Le Jury prend note de l’intention de l’annonceur de clarifier ses communications à cet égard.

Avis adopté le 10 novembre 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.


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