BONNEVAL – Internet – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 3 août 2022
BONNEVAL – 841/22
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le plaignant et les conseils de la société Bonneval, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

  1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 29 mars 2022, d’une plainte, émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une vidéo publicitaire en faveur de la société Bonneval, pour promouvoir son offre d’eau en bouteille.

La publicité en cause, diffusée sur le compte du réseau social Instagram de Konbini, montre le directeur général de la société qui s’exprime face à la caméra.

Le texte prononcé est, en substance, le suivant : « L’eau en bouteille, et en particulier l’eau minérale naturelle, est la forme la plus saine de s’hydrater. Pourtant, elle est souvent décriée. Pourquoi ? Parce que parfois les consommateurs font l’amalgame entre le contenant et le contenu. Il y a beaucoup de matières plastiques, et il y a une matière plastique qui est beaucoup utilisée dans l’emballage aujourd’hui, qui s’appelle le PET, qui est une matière inerte. Le PET, aujourd’hui, peut être entièrement recyclé par les acteurs du recyclage. Mais pour que ce PET soit recyclé, il faut qu’il aille dans la poubelle jaune, et pas dans la poubelle noire. Si 100% du PET allait dans la poubelle jaune, on aurait 100% du PET qui va être réutilisé, pour faire ce qu’on appelle aujourd’hui du rPET, et former des bouteilles en PET recyclé. C’est ce que nous faisons nous chez Bonneval. 100 % de nos bouteilles sont en plastique recyclé, en rPET. L’eau minérale, de par sa minéralité, est l’eau la plus pure de toutes les eaux qu’on puisse consommer. Aujourd’hui, mon associé et moi pensons qu’il est fou que les consommateurs passent tellement de temps à regarder la qualité des aliments qu’ils mangent, alors que la plus grande quantité de molécules qu’ils ingèrent sont des molécules d’eau. La nature nous fait un cadeau, et nous, ce cadeau-là, on va l’amener aux consommateurs. On va permettre aux consommateurs, lorsqu’ils le peuvent, de consommer un produit bio et extrêmement naturel. Ne pas casser le cycle de la nature, c’est quelque chose qui était très important pour nous. On prend une partie de l’eau qui, de toute façon, retombe dans le ruisseau. Donc, on ne fait pas de forage. Mais à chaque étape du process, nous réfléchissons, nous réfléchirons à tous les moyens possibles, pour avoir l’impact sur l’environnement qui soit le plus faible possible. Tout notre emballage est recyclable. Donc je pense qu’en fait, la consommation de l’eau de Bonneval, c’est comme la consommation d’un nouveau téléphone, ou l’achat d’un jean ou d’une paire de chaussures, elle ne s’arrête pas le jour où on a porté les chaussures. Ces chaussures il faut les recycler, ces emballages il faut les recycler. Eh bien pour l’eau de Bonneval, c’est exactement la même chose. Et nous pensons que cette eau peut être consommée de façon consciente, à partir du moment où le consommateur recycle cet emballage et nous permet de continuer ce cercle vertueux. »

  1. La procédure

La société Bonneval a été informée, par courriel recommandé avec avis de réception du 5 avril 2022, de la plainte dont copie leur a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Sa représentante a fait valoir son impossibilité matérielle de produire des arguments détaillés dans les délais impartis et a sollicité un report. L’examen de cette affaire initialement prévu pour le 6 mai 2022 a été reporté à la séance du 3 juin 2022 à cette fin.

La société Konbini a également été informée de la plainte et de son examen par le Jury. Elle n’a pas présenté d’observations.

  1. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que cette publicité pose problème sur le fond et sur la forme.

En premier lieu, le caractère publicitaire de cette communication est escamoté.

Konbini présente cette vidéo sous le titre « Speech » comme s’il s’agissait d’une simple prise de parole à propos d’une question : « Peut-on consommer de l’eau en bouteille de façon responsable ? ». En vérité, c’est une question rhétorique, puisque seul le directeur général de Bonneval s’exprime dans cette vidéo. En outre, il n’y présente que les prétendus avantages de la consommation d’eau minérale en bouteille. C’est évidemment une auto-promotion, une pure publicité, dont le caractère commercial n’est pas très apparent.

De fait, seule une discrète mention « partenariat rémunéré » est faite dans le post, tandis que la vidéo affiche ce message ambigu : « Konbini et Bonneval présentent ». Or, cette présentation méconnaît les dispositions de l’ARPP en matière d’identification de la publicité digitale.

En deuxième lieu, l’annonceur se défausse de sa responsabilité de producteur de déchets plastiques. Il prétend que l’eau minérale en bouteille a mauvaise presse « parce que parfois les consommateurs font l’amalgame entre le contenant et le contenu ». Pourtant, Bonneval ne produit pas de l’eau, mais bien des bouteilles en plastique. Puis l’orateur persiste et signe en déclarant : « nous pensons que cette eau peut être consommée de façon consciente, à partir du moment où le consommateur recycle cet emballage et nous permet de continuer ce cercle vertueux. » C’est donc la faute des consommateurs français. Chez Bonneval, on n’a rien à se reprocher, pas même la promotion du plastique jetable.

En troisième lieu, l’annonceur idéalise la recyclabilité de son produit et le recyclage en général. Contrairement à ce que laisse entendre le directeur général, le PET ne peut être entièrement recyclé, et certainement pas à l’infini. En effet, il y a toujours une perte et une dégradation de matière dans le procédé de recyclage (il faut 4 bouteilles jetées pour obtenir 3 bouteilles recyclées, d’autant que le rPET trouve d’autres usages), ce qui nécessite l’incorporation de plastique vierge, produit à partir de pétrole et de gaz – ce sans parler des autres matériaux utilisés sur l’emballage, comme l’étiquette et sa colle, qui doivent être séparées du PET et sont ensuite incinérées ou enfouies.

Dans ces conditions, il est assez étonnant que le directeur général déclare : « Tout notre emballage est recyclable. »

Enfin, la comparaison qui est faite avec le recyclage des smartphones est pour le moins surprenante, dans la mesure où ces produits sont très difficiles à recycler.

Il y a donc une différence entre la réalité du recyclage en France et le « cercle vertueux » que dépeint la publicité.

En quatrième lieu, l’annonceur ment sur les propriétés chimiques du PET et du rPET. Le PET n’est pas une « matière inerte », comme il l’affirme. C’est un polymère plastique qui interagit chimiquement avec son milieu et d’autres molécules. À ce jour, aucune étude ne prouve que le PET d’une bouteille ne migre pas vers son contenu. Certains travaux scientifiques suggèrent même l’inverse, comme l’étude menée par Schymanski et al. en 2017, qui montre une plus grande présence de microparticules de PET dans l’eau contenue dans des bouteilles en PET, que dans celle contenue dans des emballages en verre ou en carton. En tout cas, il est certain que lorsque le PET est chauffé pour être transformé en bouteille ou pour être recyclé, l’oxygène ou l’eau présents dans l’air favorise les réactions chimiques et la création de nouveaux composés chimiques plus ou moins dangereux comme l’acétaldéhyde, décelé en 1996. Ce résidu de dégradation, classé comme possible cancérogène, migre dans l’eau et en modifie le goût, c’est pourquoi les embouteilleurs comme Bonneval sont censés laver la bouteille avant de la remplir.

En cinquième lieu, l’annonceur minimise l’impact environnemental de ses prélèvements d’eau

Les prélèvements de Bonneval empêchent un cycle de l’eau normal. Pourtant, son directeur général affirme : « Ne pas casser le cycle de la nature, c’est quelque chose qui était très important pour nous. On prend une partie de l’eau qui, de toute façon, retombe dans le ruisseau. ». L’activité de Bonneval n’a-t-elle donc aucun effet négatif sur le cycle de l’eau ? On peut en douter en lisant les perspectives de développement international de la marque.

Par ailleurs, même si le rPET possède des avantages par rapport au PET vierge lorsqu’on compare leur cycle de vie respectif, soulignons que le PET recyclé a un impact défavorable sur l’eutrophisation aquatique du fait des différentes étapes de lavage.

En sixième lieu, l’annonceur n’évoque pas du tout l’impact du transport. Seule cette phrase mielleuse suggère que les bouteilles d’eau sont transportées, comme par magie, jusqu’au supermarché : « La nature nous fait un cadeau, et nous, ce cadeau-là, on va l’amener aux consommateurs. » De plus, les émissions de Bonneval liées au transport risquent fort d’augmenter puisque l’entreprise prévoit de distribuer ses bouteilles d’eau « au-delà des frontières européennes d’ici 2022 ».

En septième lieu, l’annonceur dénigre l’eau du robinet. L’affirmation « L’eau en bouteille, et en particulier l’eau minérale naturelle, est la forme la plus saine de s’hydrater » est largement exagérée. En effet, selon une étude de l’OMS, la nourriture est de loin notre principale source de minéraux. Bonneval surreprésente donc ici l’impact sanitaire d’une consommation d’eau minérale face à la totalité des apports nutritifs journaliers issus d’un régime alimentaire équilibré. En outre, une étude récente a montré que l’eau en bouteille pouvait être plus contaminée en microplastiques que l’eau du robinet.

Enfin, 96 % de la population française bénéficie d’une eau du robinet saine, selon une étude de 2016 de l’association UFC-Que Choisir, réalisée sur la base des données du Ministère de la Santé. Le plaignant souligne que l’eau d’un réseau local coûterait en moyenne 65 fois moins cher que l’eau en bouteille et permet de limiter très largement l’impact environnemental global (jusqu’à 100 fois) de la consommation d’eau en bouteille.

Le plaignant précise enfin que la publicité critiquée est susceptible de relever des pratiques commerciales trompeuses visées à l’article L.121-2 du code de la consommation et de constituer à ce titre le délit prévu à l’article L132-2 du même code.

Lors de la séance, le plaignant a repris en substance les arguments de sa plainte. Il conteste en particulier l’allégation selon laquelle le plastique serait une matière inerte, qui n’est pas corroborée par une étude scientifique indépendante. Il ajoute qu’il n’est pas évident qu’il soit nécessaire de s’hydrater avec une eau minérale naturelle. Il maintient que le caractère publicitaire de la vidéo n’apparaît pas avec évidence.

La société Bonneval fait valoir, à titre liminaire, qu’elle est un acteur engagé dans la réduction de l’impact environnemental de ses produits ; son discours n’est pas une posture marketing mais traduit la réalité de ses actions.

La société exploite une source d’eau minérale naturelle jaillissant naturellement au cœur des Alpes Françaises sur la commune de Bourg Saint Maurice. Elle ne prélève qu’une fraction minimale de la source (- de 20 % des capacités). Le site d’embouteillage a été construit à 4 km de la source. Les bouteilles d’eau plate sont constituées à 100 % de matières recyclées (RPET). Le bouchon est lui aussi 100 % recyclable et l’étiquette est en matériaux bio-sourcés avec de l’encre 100 % biodégradable. Contrairement à la plupart des marques d’eau minérale, les bouteilles sont conditionnées dans un packaging en carton et non en film plastique.

Par ailleurs, la société Bonneval observe que la plainte ne cite que quelques extraits du message et s’étonne non seulement de la virulence et de la morgue des termes de la plainte mais aussi de la déconnexion totale de celle-ci avec la publicité dont il s’agit. Plus particulièrement, cette plainte est, en réalité, un document exclusivement à charge contre l’eau minérale naturelle en prenant comme règle intangible qu’il est préférable de consommer l’eau du robinet. Or, l’eau minérale naturelle répond à des besoins différents de l’eau du robinet, que ce soit pour des raisons de disponibilité ou au regard de ses caractéristiques. Il n’est tout simplement pas possible d’être raccordé partout à un robinet d’eau potable.

La société Bonneval rappelle que la qualité de l’eau du robinet est inégale sur tout le territoire français. L’eau en bouteille, qui est un produit autorisé à la vente, répond à des besoins différents. Notamment, elle est indispensable pour les nourrissons.

De plus, l’eau du robinet a ses propres caractéristiques. Elle doit être filtrée et traitée chimiquement. Elle requiert l’utilisation d’installations de collecte, de traitement, de stockage et d’acheminement extrêmement complexes, ce qui a nécessairement un impact sur l’environnement. Son acheminement, comme celui de tout produit, comporte des conséquences environnementales. En outre, les modalités de transport ne peuvent être considérées comme faisant partie des « caractéristiques essentielles du produit », au sens de la réglementation, qui imposeraient leur évocation.

Enfin, et pour aborder l’objet même de la plainte, il n’appartient pas au JDP de faire le procès de l’eau minérale naturelle et/ou de l’emballage plastique et du transport des marchandises mais tout simplement de vérifier si le message publicitaire incriminé répond bien aux recommandations de l’ARPP.

Contrairement à ce qui est prétendu dans la plainte, le caractère publicitaire du message est clairement identifié. Dans son discours, l’orateur se présente immédiatement comme « David, co-fondateur et directeur général de Bonneval », et fait d’ailleurs référence à plusieurs reprises à la marque Bonneval et à l’entreprise Bonneval. Le logo de la marque apparaît à plusieurs reprises dans le message suivi du ® ce qui alerte immédiatement l’internaute sur le fait que Bonneval est une marque déposée et donc sur le caractère publicitaire du message.

Et il est clairement indiqué qu’il s’agit d’une vidéo sponsorisée (la mention « partenariat rémunéré » étant dépourvue de toute ambiguïté). Sur le site internet konbini.com, la vidéo est accessible dans la rubrique « Partenaires » au même titre que LCL, LONGINES ou JOKER, ce qui, là encore, ne laisse pas de doute sur la nature publicitaire de la vidéo.

Le plaignant mentionne d’ailleurs à plusieurs reprises qu’il s’agit d’une publicité. Ainsi, il ne peut y avoir aucune ambiguïté, dans l’esprit de l’internaute, sur le fait qu’il s’agit bien d’une publicité.

Par ailleurs, le texte litigieux non seulement n’a pas du tout pour objet de minimiser les conséquences de la consommation d’eau minérale en bouteille plastique mais, bien au contraire, de rappeler au consommateur qu’il est impératif de recycler la bouteille en plastique. Ce rappel sensibilise incontestablement le consommateur sur la nécessité de recycler le contenant. Il n’y a donc aucune minimisation mais au contraire la volonté d’inciter le consommateur à préserver l’environnement. Bonneval ne se défausse en rien de sa responsabilité.

Le texte litigieux n’est absolument pas de nature à induire le public en erreur. Au contraire, il rappelle à titre liminaire que la bouteille en plastique est très controversée et que, pour en minimiser les impacts, on utilise le rPET. Il est rappelé à cet égard aux consommateurs qu’il est impératif de recycler l’emballage. Par ailleurs, le message distingue clairement le contenant du contenu.

En ce qui concerne le contenant de l’eau Bonneval, celui-ci est en rPET, ce qui n’est pas contesté. Contrairement à ce qui est affirmé dans la plainte, le PET se recycle ainsi qu’il en est justifié en annexes. Dans la vidéo, il n’est nullement prétendu que celui-ci se recycle indéfiniment.

S’agissant de l’affirmation du caractère inerte du PET, de très nombreuses marques d’eaux minérales en font état. La société HUSKY, spécialisée dans la fabrication d’emballages en plastique précise quant à elle que le PET est inerte. De plus, il résulte d’études scientifiques que le PET recyclé n’enrichit pas l’eau en composés inorganiques et qu’il ne cède pas ses composés de base en des quantités pouvant être dangereuses pour la santé.

L’annonceur est en mesure de justifier de la fabrication de l’embouteillage en rPET et des caractéristiques techniques du rPET. Ces éléments sont conformes au message. Et par ailleurs, sur le contenu et les modalités de prélèvement, les Eaux de Bonneval prélèvent uniquement un petit pourcentage de la quantité produite par la source. La société Bonneval tient à la disposition du Jury les documents en justifiant, ces documents étant confidentiels.

Le message, dès son introduction, insiste sur la polémique liée aux eaux commercialisées en bouteilles en plastique et sur le paradoxe entre le contenu et le contenant. Le message est particulièrement précis sur les propriétés du contenant, lesquelles sont en parfaite adéquation avec les justificatifs, notamment sur l’utilisation du rPET et le rPET lui-même.

Et pareillement, aucun passage du message n’est de nature à induire le consommateur en erreur sur les propriétés de l’eau minérale, là aussi, les justificatifs fournis sont cohérents et conformes avec le contenu de message.

Le message rappelle expressément la nécessité de maintenir un cercle vertueux, pour le recyclage des bouteilles plastiques, à l’identique de tous les autres produits de consommation. C’est d’ailleurs l’objet principal du message.

Au regard de la plainte, il ne peut pas être reproché à l’annonceur de ne pas avoir mentionné l’incidence du transport du lieu de production au lieu de distribution, ne pouvant s’agir des caractéristiques inhérentes au produit, cette évidence étant, par ailleurs, parfaitement connue du consommateur (« l’impact sur l’environnement qui soit le plus faible possible»).

Le message est explicite sur ses activités et à ce titre, sur la nature du contenu et du contenant. Il ne peut être contesté que l’eau minérale est le produit le plus sain pour s’hydrater contrairement par exemple aux sodas et à l’alcool. Le terme hydratation, contrairement à ce que laisse entendre la plainte, évoque nécessairement l’absorption de liquides et non d’aliments solides (hydra signifiant eau en grec). Aucune comparaison n’est effectuée par l’orateur avec l’eau potable. Il n’y a donc aucun dénigrement.

Enfin, la plainte dénature le message en lui faisant grief d’affirmer que la source principale des apports en minéraux proviendrait de l’eau et non pas des aliments. Le message est explicite sur le fait qu’il est commercialisé de l’eau en provenance d’une source artésienne, laquelle ne nécessite aucun forage. Par ailleurs, sur les caractéristiques de son emballage, lequel est fabriqué en rPET, le message insiste sur le fait que celui-ci doit impérativement être recyclé par le consommateur final, et ce pour maintenir un cercle vertueux.

Rien dans le texte n’est susceptible d’induire le public en erreur. Sont clairement indiquées la nature du contenu, son origine et ses propriétés, et ce en des termes dont la justesse est incontestable. Il en va de même du contenant, puisqu’il est fait état de la matière de l’emballage, à savoir l’usage exclusif de rPET.

Le message, c’est même son objet principal, rappelle à nouveau au consommateur qu’il est indispensable, pour continuer les actions de recyclage, de mettre les bouteilles usagées dans le bac jaune.

En conclusion, la société Bonneval soutient que le message publicitaire explique tout simplement les modalités de fabrication de la bouteille en plastique, en rPET, et attire expressément l’attention du consommateur sur le fait qu’il lui appartient, pour minimiser leur impact sur l’environnement, de recycler les bouteilles en lui rappelant la marche à suivre à cet effet. L’ensemble du message ne comporte aucune inexactitude.

Lors de la séance, la société a insisté sur le fait qu’elle n’entend pas comparer l’eau en bouteille et l’eau du robinet. L’eau du robinet n’est pas accessible partout et elle est de qualité inégale. Elle explique qu’une vidéo de cette nature, dont il est clair qu’elle est publicitaire, ne peut pas apporter toutes les explications détaillées que réclame le plaignant. Elle ajoute que le terme « inerte » n’est pas défini de façon univoque et n’a rien de trompeur, aucune étude scientifique n’étayant la thèse inverse. A ses yeux, la publicité critiquée fait surtout l’apologie du tri.

Elle estime que les derniers éléments présentés par le plaignant sont irrecevables car tardivement présentés.

  1. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il ne lui appartient pas d’apprécier la conformité d’une publicité aux lois et règlements, notamment aux articles du code de la consommation mentionnés dans la plainte, mais seulement aux règles déontologiques énumérées au point 2 de son règlement intérieur.

4.1. Sur le caractère publicitaire de la communication

Le Jury rappelle qu’en vertu du point 1 de la Recommandation « Identification de la publicité et des communications commerciales » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), qui reprend un principe général figurant également dans le code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (dit « code ICC »), la publicité « doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente et quel que soit le support de communication utilisé ». Il y est précisé que « Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message » et que « Tout annonceur, émetteur d’une campagne de communication publicitaire doit être aisément identifiable ».

Le Jury relève que la vidéo critiquée se présente sous la forme d’une intervention, face à la caméra, du directeur général de l’entreprise Bonneval, lequel fait d’emblée état de cette qualité en se présentant. Celui-ci valorise le caractère recyclable des bouteilles plastique (polyéthylène téréphlate ou « PET ») produit par la société et fait état des efforts de celle-ci pour réduire son impact environnemental Si les propos tenus, qui incitent les consommateurs à jeter les bouteilles dans la poubelle de recyclage (« poubelle jaune ») afin de pouvoir en fabriquer de nouvelles à l’aide du PET recyclé, ont notamment une visée pédagogique, ils ont manifestement pour objet, à titre principal, de promouvoir la vente de bouteilles d’eau de la société Bonneval, dont le logo apparaît par intermittence et à de multiples reprises sur le film. Cet objectif commercial est confirmé par la mention selon laquelle la vidéo s’inscrit dans un « partenariat rémunéré » entre le média Konbini et Bonneval. Par suite, et bien qu’elle ne le précise pas expressément, cette communication présente, sans équivoque, un caractère publicitaire en faveur de l’annonceur Bonneval. Elle ne méconnaît donc pas la règle déontologique précitée.

4.2. Sur la conformité du contenu de la publicité aux règles déontologiques

Le Jury rappelle que, selon un principe général repris dans le code ICC, la publicité doit être loyale et véridique, ne peut être trompeuse et ne doit contenir aucune affirmation qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur.

En outre, la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose que :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) : « La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :
    • 1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :
    • (…)
    • b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /
    • c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».
  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la proportionnalité (point 3) :
    • « 1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;
    • 2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion; »

Le Jury constate que la vidéo publicitaire litigieuse repose sur l’exposé initial d’un paradoxe selon lequel l’eau minérale en bouteille est « souvent décriée » alors qu’elle serait « la forme la plus saine de s’hydrater », que « par sa minéralité, [elle] est l’eau la plus pure de toutes les eaux qu’on puisse consommer » et qu’elle constitue un « produit bio et extrêmement naturel ». Ce paradoxe s’explique, selon l’orateur, par un « amalgame entre contenant et contenu » que font parfois les consommateurs, expression dont on comprend qu’elle désigne la réticence de ces derniers à acheter de l’eau en bouteille en raison des conséquences environnementales des déchets plastiques qu’elle génère. Le représentant de la société précise toutefois, à cet égard, que, parmi les plastiques utilisés, notamment par Bonneval, figure le PET, lequel constitue une « matière inerte » qui « peut être entièrement recyclé par les acteurs du recyclage » sous réserve, toutefois, que les bouteilles usagées soient jetées dans la poubelle jaune. Il avance ainsi que « Si 100 % du PET allait dans la poubelle jaune, on aurait 100 % du PET qui va être réutilisé, pour faire ce qu’on appelle aujourd’hui du rPET, et former des bouteilles en PET recyclé ». Comparant les bouteilles d’eau Bonneval, composées de rPET, à d’autres produits de consommation courante (téléphone et vêtements), la publicité invite explicitement les consommateurs à « consommer de façon consciente » en les recyclant, ainsi que l’emballage qui est intégralement recyclable, afin de « continuer ce cercle vertueux ». La vidéo fait également état des efforts actuels et futurs de la société pour « avoir l’impact sur l’environnement qui soit le plus faible possible » et de sa préoccupation de ne pas « casser le cycle de la nature » lorsqu’elle prélève l’eau de son milieu naturel.

Cette vidéo, qui n’occulte pas les critiques dont font l’objet les bouteilles d’eau en plastique, ne prétend pas que 100 % des bouteilles Bonneval seraient effectivement recyclées. Elle précise clairement que la condition sine qua non pour éviter la production de nouvelle matière plastique afin de fabriquer les bouteilles en PET est que les consommateurs les placent dans la poubelle destinée au recyclage une fois qu’ils en ont consommé le contenu. Ce faisant, et contrairement à ce que soutient le plaignant, l’entreprise ne se défausse pas de sa responsabilité sur les consommateurs, mais les sensibilise à l’importance d’un tri scrupuleux des déchets afin de maximiser la quantité de matières recyclées.

En outre, la vidéo litigieuse n’allègue pas que l’activité de Bonneval serait dépourvue d’incidence sur l’environnement, y compris au regard du risque d’eutrophisation des milieux aquatiques souligné par le plaignant, à savoir l’introduction dans l’eau de matières nutritives assimilables par les algues et qui leur permettent de proliférer. Elle admet au contraire l’absence d’innocuité de son activité, en faisant état des efforts qu’elle consent pour les réduire. Les règles déontologiques précédemment rappelées ne faisaient en outre pas obligation à l’annonceur de mentionner dans la vidéo les incidences sur l’environnement du transport des bouteilles d’eau jusqu’aux lieux de commercialisation. Enfin, les éléments soumis au Jury ne font pas ressortir qu’en prélevant moins de 20 % des capacités de la source d’eau minérale naturelle qu’elle exploite, la société « casserait le cycle de la nature », en contradiction avec les propos tenus dans la publicité.

Le Jury estime par conséquent que ces deux griefs ne sont pas fondés.

En revanche, en premier lieu, la vidéo critiquée allègue de façon générale que l’eau minérale naturelle serait « la forme la plus saine de s’hydrater » en raison notamment de sa minéralité et de son origine naturelle. Si la société indique avoir entendu, ce faisant, opposer l’eau minérale aux sodas et aux boissons alcoolisées, le consommateur moyen est, quant à lui, intuitivement porté à y voir une comparaison entre l’« eau en bouteille » et « l’eau du robinet ». En effet, la publicité a pour objet de répondre aux craintes des consommateurs d’eau quant aux incidences environnementales des bouteilles en plastique et, ainsi, de les inciter à ne pas se détourner de l’eau en bouteille au profit de l’eau du robinet. Du reste, les sodas sont eux-mêmes fréquemment vendus dans des conditionnements en plastique et se heurtent ainsi à la même contestation que celle que décrit la vidéo. Or l’assertion selon laquelle l’eau minérale naturelle serait plus saine que l’eau du robinet n’est pas démontrée de manière générale, alors, d’une part, que le plaignant indique, sans être contesté sur ce point, que certaines eaux minérales seraient moins bonnes pour la santé que certaines eaux du robinet, et, d’autre part, que la teneur en minéraux des premières peut ne pas convenir à certains organismes.

En deuxième lieu, la publicité en cause prétend que 100 % du PET composant les bouteilles est recyclable et que le recyclage du PET permettrait d’obtenir le même poids de la même matière, utilisable notamment pour la fabrication de nouvelles bouteilles en rPET. Or la société n’apporte pas la démonstration que, contrairement à ce que soutient le plaignant, le procédé de recyclage qu’elle utilise permettrait de garantir cette équivalence. Il ressort au demeurant d’éléments publiquement disponibles que les procédés classiques de recyclage mécanique, qui sont les plus couramment utilisés, se traduisent par une perte significative de matière, et que certains procédés innovants de recyclage chimique (notamment à base d’enzymes) permettent de la minimiser sans pour autant la supprimer. En outre, s’il n’est pas expressément indiqué que le PET se recyclerait à l’infini, aucune réserve n’est émise sur ce point, de sorte que le consommateur peut raisonnablement penser que le « cercle vertueux » évoqué à la fin de la vidéo se reproduirait perpétuellement. Une telle présentation est de nature à induire en erreur le public quant aux propriétés du produit promu.

En troisième et dernier lieu, il ressort de l’étude scientifique produite par l’annonceur que le taux de migration de substances indésirables dans l’eau contenue dans les bouteilles en plastique PET recyclé est très faible, et insusceptible de mettre en danger la santé de ceux qui la consomme. Pour autant, il n’est pas nul. En particulier, l’étude fait état d’une migration de zinc et d’antimoine, certes à des valeurs très inférieures aux limites réglementaires. Dans ces conditions, il ne peut être affirmé, sans méconnaître l’exigence de véracité qui s’impose à toute publicité, que le PET recyclé constituerait un matériau « inerte », notion qui renvoie, dans l’esprit du consommateur moyen, à l’absence totale d’interaction avec l’environnement donc, en l’occurrence, à l’absence totale de migration de substances depuis la bouteille vers l’eau qu’elle contient.

Il résulte de ce qui précède que, de l’avis du Jury, la publicité en cause n’est contraire aux règles déontologiques invoquées que sur ces trois derniers points.

Avis adopté le 1er juillet 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


Publicité Bonneval