BONGARD

Presse - Internet

Plainte partiellement fondée après révision

Avis publié le 14 décembre 2023
BONGARD – 956/23
Plainte partiellement fondée après révision 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après en avoir débattu lors de la séance du 8 septembre 2023,
  • l’avis délibéré ayant été adressé à la société Bongard et à la société plaignante, laquelle a introduit une demande de révision,
  • la procédure de révision prévue à l’article 22 de ce règlement ayant été mise en œuvre,
  • après avoir invité les personnes concernées à faire valoir leurs observations et avoir entendu, lors de la seconde séance tenue par visioconférence le 8 décembre 2023, les conclusions de M. Grangé-Cabane, Réviseur de la déontologie publicitaire, ainsi que les représentants des sociétés Bongard et Tagliavini,
  • et, après en avoir débattu, dans les conditions prévues à l’article 22 du règlement intérieur,
  • rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 30 juin 2023, d’une plainte émanant de la société Tagliavini, fabricant de matériels de boulangerie, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités de la société Bongard, pour promouvoir son offre de four professionnel électrique de marque Orion Evo.

Les allégations publicitaires en cause, présentes sur les publicités diffusées dans la presse spécialisée et sur le site Internet de la société, sont : « Economies d’énergie avec Orion Evo… », « Nous travaillons à la réduction de l’empreinte environnementale de nos équipements… », « L’allié de vos économies d’énergie… », « Pour optimiser votre consommation énergétique… », ».

2. Les arguments échangés

La société Tagliavini, plaignante, considère que les publicités de la société Bongard constituent un manquement flagrant aux dispositions déontologiques contenues dans la Recommandation « Développement durable » (notamment aux articles 4.5 et 4.6) et dans la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » de l’ARPP.

La société plaignante relève que la société Bongard ne donne aucune référence concernant la méthodologie de réalisation de l’étude sur laquelle elle se fonde pour affirmer que son four à sole électrique Orion Evo permet de réaliser des économies d’énergie.

Les allégations environnementales de la société Bongard ne contribuent pas à une information transparente des consommateurs, étant donné qu’elle ne donne aucun élément sur la comparaison avec la performance moyenne des produits équivalents, ni même aucune information concernant la consommation horaire en Kw/h de son four.

Les données relatives à la consommation réelle du four Orion Evo de la société Bongard n’étant pas disponibles, la méthode la plus pertinente pour comparer la consommation électrique dudit four avec celle des fours concurrents consiste à diviser la puissance électrique installée (exprimée en Kw) par la surface de cuisson (exprimée en m2) de chaque four et de comparer les différents quotients obtenus.

Ainsi, à titre d’exemples non exhaustifs :

  • four à sole électrique BONGARD modèle ORlON EVO 602/4.160 : puissance électrique installée de 44,7 Kw pour une surface de cuisson de 7,90 m2 = 5.65 Kw/m2 (consommation horaire non précisée dans la fiche technique du fabriquant) ;
  • four à sole électrique PA VAILLER modèle OPALE Y24/C: puissance électrique installée de 52 KW pour une surface de cuisson de 9,50 m2 = 5.47 Kw/m2 (consommation horaire non précisée dans la fiche technique du fabriquant);
  • four à sole électrique FRINGAND modèle TOPELEC 90/120/4 puissance électrique installée de 22 Kw pour une surface de cuisson de 4,30 m2 = 5,11 Kw/m2 (consommation horaire non précisée dans la fiche technique du fabriquant);
  • four à sole électrique EUROFOURS modèle Pierre-ELEC 620/2/4-1800 puissance électrique installée de 41 Kw pour une surface de cuisson de 8,93 m2 = 4.59 Kw/m2 (consommation horaire non précisée dans la fiche technique du fabriquant);
  • four à sole électrique TAGLIAVINI modèle TONIK ET 124/C : puissance électrique installée de 24,48 Kw pour une surface de cuisson de 8,40 m2 = 2,91 Kw/m2 (consommation horaire : 14,69Kw/h).

Le four à sole électrique Orion Evo de la société Bongard figure donc en dernière position dans le classement. L’affirmation selon laquelle ce four permettrait de réaliser des économies d’énergie est tout à fait inexacte et, en tout état de cause, aurait dû être relativisée ou modérée.

La société Bongard a été informée, par courriel avec accusé de réception du 27 juillet 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société constate, à titre liminaire, l’absence de fondement de la plainte de la société Tagliavini, de sorte qu’il lui est pratiquement impossible d’y répondre et exercer les droits de la défense. En effet, aucune référence n’est faite ni au Code ICC ni aux Recommandations de l’ARPP.

La société Tagliavini évoque tout d’abord la transaction conclue entre la société Bongard et l’Autorité de la concurrence. Ce motif est sans lien avec les publicités. Quoi qu’il en soit, l’Autorité a estimé que la voie de la transaction était ouverte et a surtout motivé sa décision à l’encontre de la société Bongard, dans le cadre de pratiques reprochées au réseau indépendant de ses distributeurs.

Sur les arguments de fond, concernant le reproche selon lequel « La société Bongard joue sur les inquiétudes du public cible (professionnels de la boulangerie) concernant la hausse des coûts de l’énergie » :

  • la publicité Bongard (pièce annexe n° 5 de Tagliavini) est parue dans le magazine Le Monde des Boulangers pâtissiers n°152-1 daté de janvier 2023. Or le Jury n’est pas compétent pour statuer sur des publicités datant de plus de 2 mois. Au surplus : en page 30, il s’agit d’un article rédactionnel ; en page 46, il s’agit d’une publicité de la marque Bongard pour un batteur et un pétrin, ne comportant aucune mention liée aux économies d’énergie.
  • la pièce annexe n° 6 de Tagliavini n’est pas une publicité mais, semble-t-il, un extrait du site Internet de Bongard pour lequel le Jury n’est pas compétent, et qui consiste à inviter « nos clients boulangers-pâtissiers utilisateurs du four Orion Evo, à découvrir ou redécouvrir les fonctionnalités permettant de maîtriser et d’influer sur leur consommation d’énergie ».

Concernant la critique selon laquelle « Bongard ne donne aucune référence concernant la méthodologie de réalisation de l’étude sur laquelle elle se fonde pour affirmer que son four à sole électrique ORION EVO permet de réaliser des économies d’énergie » :

  • même réponse concernant la pièce annexe n° 6 de Tagliavini. Au surplus il n’est pas fait état de « réaliser des économies d’énergie » ;
  • pour la pièce annexe n° 7 de Tagliavini, cette publicité est parue dans le magazine La Tribune des Métiers daté mars-avril 2023. Or le Jury n’est pas compétent pour statuer sur des publicités datant de plus de 2 mois. Au surplus, les expressions « l’allié de vos économies d’énergie » ou « un pas de plus vers… » sont utilisées, ce qui n’est en aucun cas une promesse quantifiée.
  • L’objectif est toujours de rappeler les fonctionnalités du four Orion Evo que sont le démarrage différé, et la fonction « eco-saving » ;
  • la pièce annexe n° 8 de Tagliavini est un « guide d’utilisation », diffusé sur internet et envoyé par courrier personnalisé aux clients propriétaires d’un four Orion Evo et non une publicité. Par conséquent, à nouveau, le Jury n’est pas compétent.
  • La pièce annexe n° 9 de Tagliavini est une fiche technique du four Orion Evo qui date de 2020 et qui n’est plus utilisée et plus disponible pour les clients de la marque Bongard. Par conséquent, à nouveau, le Jury n’est pas compétent.

Concernant la critique selon laquelle « La société Bongard ne donne aucun élément sur la comparaison avec la performance moyenne des produits équivalents, ni la consommation horaire en kW/h de son four ORION EVO », la société Bongard considère qu’il n’y a aucune publicité comparative ou faisant suite à une étude ou enquête dans les prétendues publicités.

Enfin, concernant la mention « Energy Saving », la société Bongard rappelle qu’elle ne s’adresse pas à des consommateurs mais des professionnels, la loi Toubon n’étant pas applicable en l’espèce. Au surplus, la société Tagliavini utilise elle-même les termes de « Super Saver », « Smart Touch », « Smart Touch Manager » ou encore « Made in Italy » dans ses brochures commerciales.

Lors de la séance, la société Bongard a rappelé que les économies d’énergie étaient une préoccupation ancienne qui a connu un regain d’actualité avec la crise des prix de l’énergie. L’entreprise a souhaité rappeler aux boulangers les bons gestes pour moins consommer, alors que beaucoup d’entre eux allument leur four le matin et le laissent tourner ensuite. Outre ces bonnes pratiques, les fonctionnalités du four Orion Evo permettent d’éviter toute surconsommation. L’annonceur indique qu’il ne souhaite pas communiquer sur l’ampleur des économies d’énergie que permettent les fonctionnalités du four, parce qu’elles dépendent de très nombreux paramètres (hydratation, volume de pâte, injection de buée…).

La société est revenue sur le débat l’opposant à la société plaignante concernant une publicité de cette dernière qui se réfère, à tort selon elle, à la puissance surfacique. Or il s’agit seulement d’un indicateur de la vitesse de montée en température, et non de consommation énergétique.

3. L’avis provisoire du Jury

Dans son avis délibéré lors de sa séance du 8 septembre 2023, le Jury s’est estimé incompétent pour connaître de la fiche technique du four Orion Evo et de l’article publié dans la revue Le monde des boulangers et des pâtissiers, et a rejeté au fond le surplus de la plainte de la société Tagliavini.

4. La demande de révision et les conclusions du Réviseur de la déontologie publicitaire

La société Tagliavini, plaignante, a introduit une demande de révision le 19 septembre 2023. Le Réviseur de la déontologie publicitaire a rendu les conclusions suivantes, présentées lors de la séance du 8 décembre 2023 :

I) Instruction :

Le Jury de Déontologie Publicitaire (JDP) est saisi, le 30 juin 2023, d’une plainte émanant de la société Tagliavini, fabricant de matériels de boulangerie (ci-dessous “Tagliavini” ou “la plaignante”), afin de se prononcer sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicités de la société Bongard (ci-dessous “Bongard” ou “l’annonceur”), pour promouvoir l’offre de four professionnel électrique (de marque Orion Evo) de cette dernière.

Les allégations publicitaires en cause, mentionnées dans les publicités diffusées dans la presse spécialisée et sur le site Internet de Bongard, sont : “Économies d’énergie avec Orion Evo… “, “Nous travaillons à la réduction de l’empreinte environnementale de nos équipements… “, “L’allié de vos économies d’énergie… “, “Pour optimiser votre consommation énergétique… “.

Par un avis provisoire délibéré le 8 septembre, le Jury estime la plainte non fondée.

Dans les délais prévus par le Règlement intérieur du JDP, Tagliavini introduit, contre ce projet d’avis, une demande de Révision.

Cette demande est, le 25 septembre, transmise à Bongard, laquelle répond le 9 octobre.

Par suite, et conformément au Règlement, le Réviseur se rapproche alors du Président du Jury et procède avec lui à une analyse contradictoire des faits et arguments sur lesquels le JDP a fondé son avis.

Sur ces bases, le Réviseur, en application de l’article 22.2 du Règlement du JDP, demande au Jury de procéder à une seconde délibération sur l’affaire en cause et de revoir son avis provisoire dans le sens des conclusions ci-dessous.

II) Discussion :

Dans sa demande en Révision, Tagliavini :

  • soulève une question de procédure ;
  • invoque une critique sérieuse et légitime portant sur le fond de l’avis.

1) Mais au préalable, il convient d’examiner une question de compétence, soulevée par l’annonceur.

En effet Bongard, en réponse à la communication qui lui a été donnée de la demande en Révision de Tagliavini, estime que le JDP “aurait dû décliner sa compétence sur le fondement de l’article 2.1 de son Règlement intérieur”, lequel stipule, en son § 4, que les avis du Jury “concernent uniquement le contenu des messages publicitaires diffusés et ne portent, ni sur les produits (ou leur conditionnement) ou services concernés, ni sur la pratique, les objectifs ou les mérites des organismes ou personnes qui ont participé à leur élaboration, ni sur les modalités de la diffusion”.[les termes soulignés le sont par Bongard].

S’agissant d’une question de compétence, on observe d’abord qu’elle peut être invoquée à tout moment jusqu’à la rédaction de l’avis définitif du Jury, et même soulevée d’office par le Réviseur.

On observe ensuite que, s’agissant de sa propre compétence, le Jury, dans l’avis provisoire, fait le départ entre ceux des messages qu’il estime revêtus d’un caractère publicitaire et les autres, qu’il écarte de son champ d’analyses.

Mais il faut élargir cette question afin d’examiner si, par son avis en débat, le Jury s’est prononcé “uniquement sur le contenu des messages publicitaires diffusés” et non – comme le lui reproche l’annonceur – “sur les produits (ou leur conditionnement) concernés”.

De ce point de vue, la lecture des termes mêmes de l’avis montre clairement que, contrairement aux affirmations laconiques de Bongard, le JDP :

  • ne s’est pas prononcé exclusivement (ni même principalement) sur les produits en cause, ni sur leurs caractéristiques, ni sur leurs fonctionnalités pas plus que sur leurs avantages ou inconvénients ;
  • quand il est amené à aborder certains de ces éléments, ce n’est pas pour les examiner en soi, ni encore moins pour formuler des appréciations sur eux, mais seulement pour se prononcer sur leur conformité à la déontologie publicitaire. Il faut rappeler, à titre d’exemple, que si, dans un litige soumis au JDP, un plaignant allègue qu’une caractéristique attribuée par une publicité au produit promu ne correspond pas à la réalité et que par suite cette publicité méconnaît le principe de véracité, il appartient alors au Jury de se prononcer sur la réalité de cette caractéristique du produit ou de déterminer si ce produit comporte bien cette caractéristique ; en se prononçant ainsi, il ne s’agit pas pour le Jury de porter un “jugement” sur le produit, mais sur la publicité.

Au cas particulier de la présente affaire, le JDP est donc bien demeuré au cœur de la mission qui lui est impartie et n’est pas sorti des limites de ses compétences telles que fixées à l’article 2 du Règlement.

Aucune incompétence ne peut donc être retenue à l’encontre de l’avis contesté.

2) Procédure :

Le grief de procédure soulevé par Tagliavini est formulé comme suit.

“Bongard avait déclaré expressément qu’elle ne souhaitait pas présenter des observations orales lors de la séance du Jury, raison pour laquelle nous [Tagliavini] avions estimé qu’il n’était pas nécessaire que nous y participions.

Or, nous n’avons pas été informés que la société Bongard avait changé d’avis et avait finalement décidé de participer à ladite séance.

Dès lors nos droits de la défense n’ont pas été respectés et la procédure devant le Jury n’a pas été menée régulièrement”.

L’article 16 du Règlement du JDP prévoit que la “séance” au cours de laquelle le Jury examine une plainte est notamment ouverte au(x) plaignant(s) et à l’annonceur mis en cause.

Cette participation s’analyse en une faculté qui est offerte à chaque partie prenante au litige, mais elle ne crée ni droit ni obligation à l’égard des autres personnes concernées par l’affaire.

La décision prise par une partie prenante d’accepter ou non l’invitation du Jury à être présente (ou représentée) à la séance, est en dernier lieu de sa seule responsabilité, en ce qu’elle résulte du choix qu’elle estime devoir faire quant à sa manière de défendre ses intérêts.

Par suite, la décision de Tagliavini de ne pas être présente à la séance ayant relevé de sa seule responsabilité, la plaignante ne peut s’en prévaloir comme constitutive d’une atteinte aux droits de la défense.

En outre, et au surplus, le Jury ne peut être tenu d’avoir à informer chaque partie prenante de la participation (ou non) des autres parties à la séance, dès lors que le Jury n’est pas lui-même forcément informé du choix qui en définitive est fait par les protagonistes invités. Il n’est en outre pas rare qu’un plaignant ou un professionnel participe à la séance sans en avoir prévenu.

Le vice de procédure allégué par Tagliavini n’est donc pas établi.

3) Critique sérieuse et légitime de l’avis :

a) Au fond, Tagliavini soutient d’abord que la publicité en litige mentionne, à l’attention des acheteurs visés (les boulangers-pâtissiers), que le “four Orion Evo [de Bongard] a été conçu pour vous permettre d’optimiser votre consommation électrique. Il bénéficie de nos dernières recherches [mots soulignés par le plaignant] pour réduire les déperditions de chaleur”.

Par cette affirmation, la publicité Bongard enfreint, selon Tagliavini, le point 4.5 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP (“Tout message publicitaire reposant sur une étude scientifique doit en indiquer la source”) puisqu’elle omet d’indiquer la “source” de ces “recherches”.

Mais il ressort du contexte dans lequel apparaît l’allégation de Bongard sur ses “recherches” que celles-ci ne peuvent être confondues avec une “étude scientifique” au sens du point 4.5 de la Recommandation ; en effet ces “recherches” mentionnées dans la publicité doivent être considérées comme recouvrant les “efforts” ou les “initiatives” de l’annonceur “pour réduire les déperditions de chaleur”, sans prétendre à la précision qui caractérise une “étude scientifique”.

Contrairement aux affirmations de Tagliavini en Révision, c’est donc à juste titre que le Jury a estimé qu’il n’apparaît pas que les messages publicitaires critiqués reposeraient sur une étude scientifique”.

Ce grief tiré de la méconnaissance du point 4.5 de la Recommandation Développement durable n’est donc pas fondé.

b) Il l’est d’autant moins que, dans sa demande en Révision, Tagliavini n’hésite pas, de manière quelque peu contradictoire, à reprocher à l’annonceur d’enfreindre le principe de véracité, faute d’avoir “jamais effectué aucune recherche”.

Plus précisément, soutient Tagliavini, Bongard “a reconnu implicitement qu’elle n’avait jamais effectué aucune recherche, lorsqu’elle a déclaré au Jury [comme mentionné dans l’avis, en son avant-dernier §] que « le chiffrage de ces économies est rendu extrêmement difficile, sinon impossible » à effectuer”.

Mais il ressort du texte de l’avis sur ce point, ainsi que du contexte du dossier, que cette difficulté de chiffrer les économies d’énergie ainsi reconnue par Bongard ne signifie pas, et encore moins n’établit, que ce dernier n’ait rien fait – ainsi que Tagliavini le soutient, mais sans le justifier – pour “réduire les déperditions de chaleur” comme allégué dans la publicité en cause.

Ce grief, tiré de l’infraction au principe de véracité, ne peut donc être considéré comme fondé.

c) Le troisième grief de fond est tiré de la méconnaissance du point 4.6 de la Recommandation qui, au titre de la “clarté” qu’on doit attendre d’une publicité, prévoit que “tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée”.

Plus précisément, Tagliavini, en Révision, cite plusieurs arguments de la publicité en cause qui vantent la “maitrise” voire les “économies” d’énergie que permettrait le four Orion Evo de Bongard, sans pour autant être “précis” ni accompagnés de “précisions chiffrées” – comme le requiert le point 4.6 précité.

De fait, il ressort des pièces du dossier que :

  • le Guide Bongard de ce four est intitulé “Économies d’énergie”, titre qui figure sur sa couverture, et en grands caractères ;
  • le site Internet de Bongard mentionne les allégations suivantes (relevées et critiquées par Tagliavini) :

“Depuis une vingtaine d’années nous travaillons à la réduction de l’empreinte environnementale de nos équipements, afin de les rendre plus économes en énergie et proposer un niveau d’excellence inégalé dans la maîtrise et la précision de cuisson des produits.

“Cela passe à la fois par la présence de commandes électroniques intelligentes et de dispositifs permettant de réduire significativement les déperditions de chaleur sur notre four Orion Evo.

“Dans le contexte de hausse des prix de l’électricité́, nous invitons nos clients boulangers-pâtissiers utilisateurs du four Orion Evo, à découvrir ou redécouvrir les fonctionnalités permettant de maîtriser et d’influer sur leur consommation d’énergie.” [les termes soulignés ci-dessus le sont par le Réviseur].

De ces diverses citations, et de l’ensemble du dossier, il ressort que :

  • ces arguments tirés des économies d’énergie sont au cœur de la campagne critiquée ;
  • ils tiennent une place prépondérante dans la revendication publicitaire ;
  • ils constituent bien un “argument de réduction d’impact” (au sens du point 4.6 précité) ;
  • ils ne sont ni “précis”, ni accompagnés de “précisions chiffrées”.

Ainsi la campagne Bongard en cause est-elle largement fondée sur la maîtrise, et même sur la réduction, de la consommation d’énergie que le four Orion Evo est censé permettre à ses utilisateurs professionnels (boulangers-pâtissiers).

Certes l’avis en cause précise que “l’annonceur a en outre indiqué lors de la séance, sans être contredit par la société Tagliavini qui n’y a pas pris part, que le chiffrage de ces économies est rendu extrêmement difficile, sinon impossible, par le très grand nombre de paramètres influant sur la consommation énergétique du four”.

Mais cette extrême difficulté, voire cette impossibilité, que revendique l’annonceur dans le but de justifier qu’il ne précise ni ne chiffre ses arguments de réduction d’impact, ne peuvent être retenues pour dispenser Bongard de respecter les obligations de la Recommandation en cause ; confronté à ce qu’il affirme comme étant “extrêmement difficile, sinon impossible”, à justifier, l’annonceur devait dès lors faire état d’une plus grande mesure dans les allégations répétées auxquelles il recourt dans la publicité en débat. Par ce défaut de mesure dans ses affirmations, la publicité Bongard contrevient donc aux obligations posées au point 4.6 précité.

Pour les diverses raisons qui précèdent, et compte tenu, dans la publicité en cause, de l’importance qu’occupent ces arguments d’économies d’énergie et de l’insistance avec laquelle ils sont répétés, le Réviseur estime que Tagliavini est fondée à soutenir, en Révision, que cette publicité Bongard méconnait les dispositions du point 4.6 de la Recommandation Développement durable mentionnée ci-dessus ; par suite, l’avis en litige doit, au titre d’une seconde délibération du JDP, être réformé dans le sens des observations qui précèdent.

A l’occasion de la rédaction de son avis définitif, le Jury pourra préciser de quelle manière il convient d’appliquer les obligations du point 4.6.

De ce point de vue, il ne paraît certes pas possible d’exiger que, dans un message publicitaire, la moindre allusion à une ” réduction d’impact ou [à une] augmentation d’efficacité” doive être précisée ou a fortiori accompagnée de “précisions chiffrées” ; une obligation aussi systématique empêcherait tout annonceur de faire référence à ses efforts en ce domaine et par suite le découragerait d’améliorer ses comportements.

A l’inverse, il paraît conforme à l’esprit de la Recommandation que les obligations de clarté ou de véracité impliquées par le point 4.6 soient strictement respectées dès que, dans une publicité donnée, un tel “argument” (d’impact ou d’efficacité) serait, pour un consommateur moyen, soit source de confusion soit de nature à l’induire en erreur.

III) Conclusion :

Des analyses qui précèdent il résulte que :

  • la demande de Révision de la société Tagliavini est recevable ;
  • la critique sérieuse ou légitime (au sens de l’Article 22.1 du Règlement) invoquée contre l’Avis en litige doit être considérée comme fondée dans les limites exposées ci-dessus ;
  • la publicité Bongard en litige doit être considérée comme contraire au point 4.6 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP.

Par suite, il y a lieu de procéder à une seconde délibération de l’affaire en cause et de réformer l’Avis provisoire dans le sens des observations qui précèdent ».

5. Les observations présentées lors de la séance du 8 décembre 2023

Lors de la séance, la société Tagliavini a repris en substance son argumentation concernant le point 4.5. Elle estime que les « recherches » évoquées par Bongard doivent être assimilées à une « étude scientifique ». L’impact dans l’esprit du consommateur est le même. S’agissant du point 4.6, les publicités ne fournissent aucun élément permettant d’apprécier l’ampleur des gains permis par le four Orion Evo, alors que ceux-ci sont censés procéder de recherches. Le consommateur n’est même pas informé de la consommation électrique du four. Il s’agit d’un minimum. Dans une publicité pour un véhicule automobile, on exigerait à l’évidence des données sur la consommation.

La société Bongard considère que les « recherches » font référence à son service de R&D qui compte dix personnes. La réalité de ces recherches ne peut être remise en cause. Dans le secteur de la boulangerie, il n’existe pas de standards de mesure de la consommation énergétique des fours. De nombreux paramètres influent sur cette consommation. Elle ne peut pas fournir de précisions chiffrées de manière générale ou alors seulement sur un cas précis, ce qui n’aurait guère d’intérêt.

6. L’avis définitif du Jury

6.1. Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle que, selon le point 2.1. de son règlement intérieur, il lui appartient de se prononcer sur le respect des règles déontologiques par tout « message publicitaire », commercial ou non commercial, à l’exclusion de la propagande électorale et des documents de nature politique ou syndicale.

Le Jury constate que la plainte porte sur plusieurs communications.

La page mise en cause de la revue La tribune des métiers présente à l’évidence un caractère publicitaire. Il en va de même du « Guide Bongard » dont l’objet principal est de promouvoir la performance énergétique du four à sole électrique de modèle Orion Evo ainsi que des extraits du site internet qui introduisent ce guide, téléchargeable sur celui-ci.

En revanche, le Jury considère que la fiche technique de ce four critiquée par la société Tagliavini ne constitue pas une communication publicitaire dès lors que son objet principal est de porter à la connaissance des consommateurs, de façon objective, les caractéristiques techniques du produit. Le Jury est donc incompétent pour se prononcer sur cette dernière communication.

De même, le Jury ne peut se prononcer sur l’article qui figure dans la revue Le monde des boulangers et des pâtissiers, qui relève de l’activité éditoriale de ce périodique et ne constitue donc pas une publicité de la société Bongard.

Le Jury observe que cette incompétence partielle n’a d’ailleurs pas été contestée dans le cadre de la demande de révision.

S’agissant des communications pour lesquelles il est compétent, le Jury rappelle que sa mission consiste seulement à les confronter aux règles déontologiques invoquées. Contrairement à ce qu’indique Bongard dans le cadre de la demande de révision, le traitement de la présente plainte n’implique nullement de porter une appréciation sur ses produits et services.

6.2. Sur la recevabilité de la plainte

Le Jury constate que la publicité de la société Bongard publiée dans la revue La tribune des métiers est accessible librement sur le site internet de la revue. Sa diffusion étant toujours en cours, la plainte ne peut être regardée comme introduite plus de deux mois après cette diffusion, quelle que soit la date à laquelle celle-ci a commencé.

6.3. Sur les règles déontologiques applicables

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il n’est pas compétent pour apprécier la conformité des publicités critiquées aux dispositions législatives, telle que la « loi Toubon » invoquée par la société plaignante.

Le Jury observe ensuite que la Recommandation « Résultats d’étude de marché ou d’enquête » n’est applicable qu’aux publicités qui utilisent des « résultats d’étude de marché ou d’enquête, visant à mesurer un comportement, une attitude ou une opinion ». Tel n’est pas le cas des publicités mises en cause.

En outre, si l’article publié dans le magazine La tribune des métiers fait la promotion des performances énergétiques du four Orion Evo, il n’a recours qu’à un argument lié aux économies d’énergie, compris comme la maîtrise des charges liées aux consommations électriques des professionnels de la boulangerie. En l’absence d’argument écologique, la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP n’est pas applicable s’agissant de cette communication.

Elle l’est en revanche pour les extraits du site internet dans la mesure où l’annonceur y indique expressément que « Depuis une vingtaine d’années nous travaillons à la réduction de l’empreinte environnementale de nos équipements, afin de les rendre plus économes en énergie (…). Cela passe à la fois par la présence de commandes électroniques intelligentes et de dispositifs permettant de réduire significativement les déperditions de chaleur sur notre four Orion Evo ». Il en va de même du « guide » qui est accessible directement depuis la même page du site internet et dont une partie est d’ailleurs reproduite sur ce dernier.

Par ailleurs, la double critique selon laquelle, d’une part, ces publicités induisent en erreur le consommateur en l’absence de référence à la méthodologie de réalisation de l’étude sur laquelle elle se fonde et de comparaison avec la performance des produits équivalents, et, d’autre part, l’allégation selon laquelle le four Orion Evo permet de réaliser des économies d’énergie est inexacte ou aurait dû être relativisée dès lors que le modèle promu est moins performant que de nombreux autres commercialisés par des sociétés concurrentes, peut être rattachée aux principes de loyauté et de véracité repris aux articles 4 et 5 du code « Publicité et marketing » de la Chambre de commerce internationale (dit « code ICC »).

De même, le grief selon lequel les extraits critiqués du site internet joueraient sur les craintes des professionnels se rapporte au principe figurant à l’article 2 du même code, selon lequel la publicité doit, « sauf raison justifiable, proscrire toute exploitation du sentiment de peur ».

Le Jury considère à l’inverse que le principe qui figure à l’article 11 du même code, selon lequel la publicité contenant une comparaison doit être conçue de telle sorte que celle-ci ne soit pas de nature à induire en erreur le consommateur et doit respecter les principes de la concurrence loyale, n’est pas invocable en l’espèce dans la mesure où les publicités en cause n’entendent nullement comparer les performances du modèle promu avec celles de produits concurrents, mais mettre en valeur les économies d’énergie que permettent les fonctionnalités dont il est doté (démarrage différé, « Energy saving », « Intuitiv’2 »… ) en comparaison d’un four comparable mais qui en serait dépourvu.

6.4. Sur le respect des règles applicables

6.4.1 S’agissant du code ICC

Le Jury rappelle, en premier lieu, que les principes de loyauté et de véracité ne font pas obligation à un annonceur de préciser, dans une publicité, la méthodologie de réalisation d’une étude sur laquelle cette dernière serait fondée, ni de fournir au consommateur des éléments de comparaison avec des modèles concurrents. L’annonceur doit en revanche être en mesure de justifier de la véracité des chiffres qu’il utilise.

En deuxième lieu, dès lors que les publicités contestées ne prétendent pas comparer les performances énergétiques du four Orion Evo avec celles d’autres modèles, dont ceux commercialisés par la société Tagliavini, et qu’aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause la véracité de l’allégation selon laquelle les fonctionnalités de ce four permettent de réaliser des économies d’énergie, lesquelles ne sont d’ailleurs pas quantifiées, le Jury estime que ces principes ne sont pas méconnus.

En troisième et dernier lieu, en se bornant à faire état d’un « contexte de hausse des prix de l’électricité », le site internet litigieux ne saurait être regardé comme exploitant le sentiment de peur au sens du principe de responsabilité sociale.

6.4.2. S’agissant de la Recommandation « Développement durable »

Cette Recommandation énonce que :

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :
    • « 1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;
    • 2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;
    • 3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »
  • au titre de la « clarté du message » (point 4) :
    • « 4.5 Tout message publicitaire reposant sur une étude scientifique doit en indiquer la source ;
    • « 6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée ».

En premier lieu, le Jury estime que, pour les raisons mentionnées au point 6.4.1. du présent avis, le point 2 de la Recommandation « Développement durable » n’est pas méconnu.

En deuxième lieu, il n’apparaît pas que les messages publicitaires critiqués reposeraient sur une « étude scientifique » au sens du point 4.5 de la Recommandation « Développement durable », laquelle ne se confond pas avec les recherches et les tests qu’une entreprise peut conduire en son sein, dans le cadre de son activité de recherche et développement. Par suite, le grief tiré de la violation de ce point 4.5 ne peut être retenu.

En troisième lieu, le Jury constate que le document intitulé « Guides Bongard » se borne à faire état, de façon générale, d’économies d’énergie résultant à la fois de bons gestes et de certaines fonctionnalités du four Orion Evo, sans quantifier l’ampleur des gains susceptibles d’être attendus des uns et des autres (en alléguant par exemple des gains « importants » ou « significatifs »). Eu égard au caractère très générique des allégations critiquées, lesquelles, au surplus, ne se rapportent pas uniquement à l’utilisation des produits promus mais aussi aux bonnes pratiques que les professionnels sont encouragés à adopter, le Jury estime que ces publicités ne comportent pas d’argument de « réduction d’impact » ou « d’augmentation d’efficacité » au sens du point 4.6 de la Recommandation « Développement durable » qui exigerait des précisions chiffrées et l’indication d’une base de comparaison.

En quatrième et dernier lieu, en revanche, le Jury observe que, comme le souligne en révision la société Tagliavini, le site internet mis en cause indique que Bongard a développé des dispositifs permettant de « réduire significativement les déperditions de chaleur » sur son four Orion Evo. Dès l’instant que, par cette allégation, l’annonceur qualifie l’ampleur des gains de performances du produit lui-même (à travers l’adverbe « significativement »), celle-ci constitue un argument de « réduction d’impact » ou d’« augmentation d’efficacité » au sens du point 4.6 de la Recommandation, et elle doit en conséquence être quantifiée. Il lui appartenait ainsi d’apporter des précisions chiffrées sur la réduction de la déperdition de chaleur évoquée et d’indiquer la base de comparaison utilisée. En effet, ainsi que l’indique le Réviseur de la déontologie publicitaire, l’absence de ces précisions est de nature à induire en erreur le public sur l’importance de ces gains. En outre, comme le soulignent à juste titre les conclusions du Réviseur, la circonstance que le chiffrage de ces économies soit rendu difficile par le très grand nombre de paramètres influant sur la consommation énergétique du four ne peut dispenser Bongard de fournir certaines précisions sur ce point, dans le respect du secret des affaires, fût-ce sous la forme d’une illustration reposant sur des hypothèses représentatives des conditions normales d’utilisation du produit. Si le degré de précision exigé de l’annonceur dépend notamment du format de la publicité, le Jury note qu’il s’agit en l’espèce d’une communication publicitaire numérique, sur un site internet, ce qui est peu contraignant. Le Jury relève du reste que, lors de la séance du 8 décembre, la société Bongard a elle-même avancé un chiffre global concernant la réduction des déperditions de chaleurs.

Dans ces conditions, le Jury estime que la plainte est fondée sur ce dernier point et qu’elle doit être rejetée pour le surplus.

Avis adopté le 8 décembre 2023, en présence du Réviseur de la déontologie publicitaire, par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Boissier et Charlot, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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