Avis JDP n°490/18 – FOURNITURE D’ENERGIE – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 05 février 2018
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu les représentants de l’association plaignante Réseau « Sortir du nucléaire », de la société annonceur et de l’agence de communication,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 30 octobre 2017, d’une plainte de l’association Réseau « Sortir du nucléaire », tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée par la société annonceur en faveur de son « mix énergétique ».

Cette campagne se présente en deux parties comportant d’une part, quatre visuels diffusés dans la presse écrite et d’autre part, un film publicitaire télévisé intitulé « The Race ».

Les visuels presse présentent, sur fond coloré, respectivement, un autobus, un téléphone portable, une tasse à café et une manette de jeu vidéo, tous stylisés, accompagné d’un texte qui vante l’électricité fournie par l’annonceur comme provenant principalement d’un « Mix énergétique à 97% sans émission de CO2*, nucléaire, énergies renouvelables, thermique ». L’astérisque renvoie vers un texte indiquant : « En 2016, le mix énergétique … était composé à 87% de nucléaire, 10% d’énergies renouvelables, 2% de gaz et 1% de charbon. Il est à 97% sans émission de CO2 (émissions hors cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles en France). Indicateurs de performance financière et extra-financière 2016. »

Le spot publicitaire télévisé montre, dans sa première partie, des personnages de jeu vidéo chevauchant des dragons, qui survolent des paysages ainsi que différentes sources de production électrique : panneaux solaires, barrage hydraulique, centrale nucléaire, éoliennes, centrale thermique. Dans la deuxième partie du film, deux enfants en train de jouer à un jeu vidéo avec leur père s’écrient « Oh non » alors que la mère interrompt leur partie.

Un texte défile au bas de l’écran précisant : « Emissions directes, hors du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financières 2016 – périmètre … ». Le film se conclut par le texte « Notre électricité bas carbone alimente vos émotions », « Une électricité à 97% sans CO2* », avec en dessous les mots « Nucléaire », « Hydraulique », « Eolien », « Solaire », « Thermique », complété de l’adresse du site Internet de l’annonceur et du message « L’énergie est notre avenir, économisons-la ! ».

2. Les arguments échangés

L’association plaignante Réseau « Sortir du nucléaire » expose que l’annonceur, principal producteur et fournisseur d’électricité en France et dans le monde, souhaite renvoyer au public une image d’une entreprise éco-responsable, agissant en faveur de l’environnement par une production électrique qu’elle qualifie, régulièrement dans sa communication, de bas carbone, voire de « décarbonée », comme le montre notamment la présentation de ses ambitions sur son site Internet : « Leader mondial des énergies bas carbone (…) » ; « apporte des solutions compétitives qui concilient développement économique et préservation du climat » ; « (…) Electricien responsable et performant, champion de la croissance bas carbone … 88% de production sans CO2* ».

L’association souligne tout d’abord que la campagne publicitaire « Notre mix alimente vos émotions » a été lancée le 17 septembre 2017 et pourrait durer jusqu’en juin 2018 et qu’elle est diffusée partout : sur le site Internet et les réseaux sociaux, à la télévision, sur les écrans publicitaires des aéroports, métro, etc., et dans la presse écrite. Elle s’articule principalement autour d’une vidéo de 45 secondes intitulée « The Race », en partie d’animation, que l’association présente ainsi : sur une musique entraînante (« Mon truc en plumes » de Zizi Jeanmaire), nous assistons à une course de monstres guidés par des personnages dignes d’ Harry Potter, se déroulant au sein des paysages naturels français et survolant les diverses sources de production électrique exploitées par l’annonceur – panneaux solaires, barrage hydraulique, centrale thermique, éoliennes ; la course est interrompue brutalement, alors que les participants s’apprêtaient à survoler une centrale nucléaire, interruption marquée de telle sorte que l’on comprend qu’il s’agit d’un écran qui s’éteint. Nous sortons alors des images de synthèse et nous retrouvons projetés dans la réalité, au sein d’une chambre d’adolescent, face à un père de famille et ses deux enfants criant « Oh non » suite à la coupure impromptue de leur jeu vidéo par la mère de famille qui, prise électrique à la main, leur dit « Et si ! Et puis cette fois-ci on y va, hein ». En parallèle, un texte défile en-dessous de l’image, en petits caractères à la suite d’un astérisque : « Emissions directes, hors du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financières 2016 – périmètre ;;; ». La vidéo se termine sur l’image du père de famille et de ses deux enfants, déçus, avec d’abord le texte suivant au centre de l’écran : « Notre électricité bas carbone alimente vos émotions », puis « Une électricité à 97% sans CO2* » avec en dessous les mots « Nucléaire », « Hydraulique », « Eolien », « Solaire », « Thermique ». Apparaît enfin un écran blanc avec le logo au centre et, en bas, en petites écritures, l’adresse du site Internet à gauche et le slogan « L’énergie est notre avenir, économisons-la ! » à droite.

L’association souligne que cette publicité a pour vocation de s’adresser au grand public et d’être intergénérationnelle, pour présenter l’énergie produite par l’annonceur comme bas carbone, voire décarbonée, avec 97% de la production électrique de l’annonceur en France qui serait sans émission de CO2, et de mettre en avant la nécessité d’un mix énergétique « vertueux » alliant énergies renouvelables, nucléaire et fossile pour alimenter nos besoins en énergie quotidiens.

L’association indique tout d’abord que la communication attaquée a un caractère publicitaire, puisqu’elle fait la promotion des activités de la société en mettant en avant sa contribution à un monde bas carbone grâce à son mix énergétique « vertueux » qui permet d’alimenter nos besoins en énergie quotidiens tout en étant à « 97% sans émission de CO2 » et plaçant sur un même plan nucléaire, renouvelables et fossile. Elle correspond, selon l’association, à la définition de publicité ou de communication commerciale donnée par le code consolidé de la Chambre de Commerce et d’Industrie, d’autant que la jurisprudence retient une définition très large de la publicité qu’elle entend comme tout message à destination du public, quelle que soit sa finalité et quel que soit son auteur. Elle cite, à l’appui de son analyse, des extraits de plusieurs avis du Jury de Déontologie Publicitaire : l’avis n° 352/14 publié le 31 décembre 2014 « Sites Internet de vente », l’avis n° 373/15 publié le 22 juillet 2015 et l’avis n° 365/15 publié le 11 mars 2015 . Et l’association souligne qu’en l’espèce, la vidéo « The Race » est un message à destination du public, qui ne se borne pas à présenter objectivement des informations relatives aux activités de l’annonceur. La pédagogie utilisée, les couleurs, le message sont autant d’indices témoignant de la volonté de l’annonceur de mettre en valeur son action et d’influencer ainsi le comportement des consommateurs.

L’association indique ensuite que sa plainte à l’encontre de la vidéo « The Race » est recevable, la diffusion de cette vidéo ayant commencé le 17 septembre 2017 et étant toujours en cours.

Elle ajoute qu’elle a qualité à agir, étant une association de protection de l’environnement dotée de la personnalité morale, exerçant son activité sur l’ensemble du territoire national, agréée au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement par arrêté ministériel du 14 septembre 2005, renouvelé par arrêté du 28 janvier 2014. L’association « Sortir du nucléaire » a notamment pour objet de « lutter contre les pollutions et les risques pour l’environnement et la santé que représentent l’industrie nucléaire et les activités et projets d’aménagement qui y sont liés (création ou extension d’installations nucléaires de base, construction de lignes à haute tension, programmes de recherche et de développement, etc.) ; informer le public et susciter la participation des citoyens à cette lutte ; faire œuvre d’éducation populaire, et notamment contribuer à la gestion équilibrée et durable des ressources énergétiques par une éducation à l’environnement (utilisation rationnelle de l’énergie, information sur les énergies renouvelables…) ». Cette association a donc toute légitimité pour dénoncer les messages à caractère publicitaire créant la confusion et le doute dans l’esprit du public, et contrevenant ainsi aux efforts d’information et d’éducation populaire qu’elle fournit.

S’agissant de la publicité en cause, l’association estime que la promotion des activités de l’annonceur ne doit pas se faire sur la base d’arguments environnementaux exagérés risquant de créer la confusion dans l’esprit des utilisateurs du réseau électrique.

Elle souligne que, par quatre fois en 2015 et 2016, les communications publicitaires de l’annonceur ont été déclarées par le JDP non conformes à des dispositions de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP :

– Internet / Avis n° 373/15 publié le 22 juillet 2015, plainte des associations Réseau « Sortir du nucléaire », Stop Fessenheim, Stop Transports – Halte au nucléaire, CSFR et Alsace Nature ;

– Internet & Presse / Avis n° 379/15 publié le 14 octobre 2015, plainte de l’association France Nature Environnement ;

– Internet / Avis n° 386/15 publié le 5 janvier 2016, plainte de l’association Réseau « Sortir du nucléaire » ;

– Presse / Avis n° 420/16 publié le 18 octobre 2016, plainte des associations France Nature Environnement et Réseau « Sortir du nucléaire » .

L’association plaignante aurait espéré que ces différents avis aient sensibilisé l’annonceur à une communication plus responsable autour de ses activités. Pourtant, cette dernière campagne publicitaire fait, selon elle, une nouvelle fois fi des règles déontologiques de l’ARPP, qui a édité plusieurs recommandations comprenant des règles déontologiques destinées à encadrer la publicité et à éviter, notamment, le recours abusif à l’argument environnemental.

En premier lieu, elle estime que la publicité en cause méconnaît les points 1/1 et 9/1 c) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP selon lesquels « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable » et « la publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement ».

Elle fait valoir que, tout d’abord, la vidéo « The Race » place sur un même plan nucléaire, éolien, solaire, hydraulique et thermique par le survol de ces différents moyens de production par les participants de la course et par les mots « Nucléaire », « Hydraulique », « Eolien », « Solaire », « Thermique », présents en dessous de la formulation « Une électricité à 97% sans CO2 » à la fin de la vidéo. Or, trois seulement de ces moyens de production constituent des énergies renouvelables (hydraulique, éolien, solaire). De plus, aucun élément de la vidéo ne permet d’expliciter la répartition en pourcentages de ces moyens de production qui semblent tous mis à un même niveau, alors que le soi-disant « mix » énergétique de l’annonceur était composé en 2016 à 87% de nucléaire selon ses propres chiffres. L’association en conclut que par cette vidéo, l’annonceur induit le public en erreur sur la réalité de ses actions en lui faisant croire que son électricité provient de différents moyens de production, et notamment des énergies renouvelables, alors que celle-ci est en grande majorité d’origine nucléaire – le nucléaire qui, loin de travailler main dans la main avec les renouvelables, capte une bonne partie des subventions allouées à la recherche dans le domaine de l’énergie et les empêche ainsi de se développer.

L’association estime qu’en outre, les formulations « Notre électricité bas carbone alimente vos émotions » et « Une électricité à 97% sans CO2 » renferment une ambiguïté que l’astérisque « Emissions directes, hors du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financières 2016 – périmètre » ne permet pas de lever (et d’autant moins lorsqu’elle défile à toute vitesse, en très petits caractères à la fin de la vidéo), ainsi qu’aucun autre élément du visuel. Ces formulations peuvent en effet, selon elle, être interprétées par le public comme signifiant que la quasi totalité de l’électricité produite par l’annonceur n’implique aucune (ou presque) émission de dioxyde de carbone. Or l’association souligne que la production d’énergie, quelle qu’elle soit, implique nécessairement de tels dégagements gazeux, que le contenu en CO2 du nucléaire a d’ailleurs fait l’objet d’une méta-étude, qui débouche sur un chiffre médian de 66g de CO2 par KWh, alors qu’avec ces allusions à une production électrique décarbonée (ou presque), l’annonceur se pose en championne de la lutte contre le changement climatique, quand bien même sa production se composait en 2016 à 87% de nucléaire, lequel, selon une étude du cabinet WISE Paris, n’apporte qu’une contribution médiocre à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et bloque, en raison des importants investissements qu’il requiert, le développement des économies d’énergie et des énergies renouvelables.

Elle ajoute que, compte tenu de la sensibilité de la problématique, le JDP avait d’ailleurs estimé, dans son avis n° 373/15 que « la publicité en faveur de l’énergie nucléaire doit veiller à lever toute ambiguïté quant à ses incidences environnementales. Si elle peut mettre en valeur qu’une centrale nucléaire n’émet pas directement de CO2 ou que, sur la totalité du cycle de production, ces émissions sont inférieures pour l’énergie nucléaire, comparée aux centrales thermiques, en l’état des études disponibles, elle ne saurait suggérer que ces émissions seraient nulles ».

L’association en déduit que dans ces conditions, la publicité en cause est susceptible d’induire le public en erreur sur la réalité écologique des actions de l’annonceur, en méconnaissance des points 1/1 et 9/1 c) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

En deuxième lieu, l’association estime en deuxième lieu que la publicité en cause méconnaît le point 2/2 de la Recommandation « Développement durable », aux termes duquel « le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ».

Elle rappelle que la vidéo « The Race » place sur un même plan nucléaire, éolien, solaire, hydraulique et thermique par le survol de ces différents moyens de production par les participants de la course et par les mots « Nucléaire », « Hydraulique », « Eolien », « Solaire », « Thermique », présents en dessous de la formulation « Une électricité à 97% sans CO2 » à la fin de la vidéo, qu’aucun élément de la vidéo ne permet d’expliciter la répartition en pourcentages de ces moyens de production qui semblent tous mis à un même niveau, alors que le soi-disant « mix » énergétique de l’annonceur était composé en 2016 à 87% de nucléaire selon ses propres chiffres.

Elle en déduit que le message de l’annonceur n’est pas proportionné à l’ampleur de ses actions en matière de développement durable, en méconnaissance du point 2/2 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP, puisque celui-ci semble dire que son électricité provient de différents moyens de production, et notamment des énergies renouvelables, alors que celle-ci est en grande majorité d’origine nucléaire – nucléaire qui, bien loin de travailler main dans la main avec les renouvelables, capte une bonne partie des subventions allouées à la recherche dans le domaine de l’énergie et les empêche ainsi de se développer.

En troisième lieu, l’association indique que cette publicité méconnaît le point 3/3 de la même Recommandation « Développement durable », selon lequel « lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP ».

Elle rappelle à nouveau que la vidéo « The Race » place sur un même plan nucléaire, éolien, solaire, hydraulique et thermique par le survol de ces différents moyens de production par les participants de la course et les mots « Nucléaire », « Hydraulique », « Eolien », « Solaire », « Thermique » présents sous de la formulation « Une électricité à 97% sans CO2 » en fin de vidéo, qu’aucun élément de la vidéo ne permet d’expliciter la répartition en pourcentages de ces moyens de production qui semblent tous mis à un même niveau, alors que le soi-disant « mix  énergétique » de l’annonceur était composé en 2016 à 87% de nucléaire selon ses propres chiffres – ce qui pourrait donner lieu à un texte explicatif défilant au cours de la vidéo.

Elle cite l’avis n° 385/15 du JDP, dans lequel il été observé « que le pourcentage de 98 % est totalement dépourvu d’explication ou de renvoi qui permettrait au public auquel ce slogan s’adresse de comprendre à quoi se réfère cette donnée et ce qu’elle contient. En effet, s’il a, par la suite été complété par un astérisque renvoyant à la précision « Emissions directes Hors analyse du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles / indicateurs de performance financière et extra-financière, », tel n’était pas le cas dans la publicité au jour de la plainte. Dans ces conditions, le Jury estime que le slogan en cause peut être de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions mise en œuvre par la société ….et revendiquées par elle et qu’il n’est pas conforme aux dispositions 1.1 et 3.3 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP ».

Elle souligne que, concernant la formulation « Une électricité à 97% sans CO2 », un astérisque défilant à toute vitesse et en très petits caractères à la fin de la vidéo précise « Emissions directes, hors du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financières 2016 – périmètre » – astérisque que l’on retrouve désormais sur l’ensemble des communications de l’annonceur mettant en avant l’absence d’émission de CO2, de sorte à expliciter ce que recouvre ce « sans CO2 » avancé. Mais encore faut-il être en mesure de comprendre le vocabulaire et les termes utilisés qui semblent s’adresser à un public d’experts, et non au grand public qui était pourtant celui auprès duquel il aurait fallu expliciter cette formulation.

L’association estime que cette absence de clarté est d’autant plus prégnante dans le cadre de la vidéo « The Race » car le texte défile à toute vitesse et en très petits caractères à la fin de la vidéo, le rendant d’autant moins lisible. Ainsi, la tentative par l’annonceur d’explicitation de ses 97% d’électricité sans CO2 n’étant ni claire, ni lisible, la publicité en cause est donc contraire au point 3/3 de la Recommandation « Développement durable ».

En quatrième lieu, l’association indique que la publicité en cause méconnaît les points 6/1, 6/3 et 6/4 de la Recommandation « Développement durable », qui prévoient respectivement que « les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable » (6/1), que « dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex.: écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable…), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” » (6/3) et que « les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur » (6/4).

Elle rappelle que la vidéo « The Race » place sur un même plan nucléaire, éolien, solaire, hydraulique et thermique par le survol de ces différents moyens de production par les participants de la course et par les mots « Nucléaire », « Hydraulique », « Eolien », « Solaire », « Thermique » présents en dessous de la formulation « Une électricité à 97% sans CO2 » en fin de vidéo, et qu’aucun élément de la vidéo ne permet d’expliciter la répartition en pourcentages de ces moyens de production qui semblent tous mis au même niveau.

Elle souligne que pourtant, la production d’électricité dans les centrales thermiques est fortement émettrice de CO2 et que la production d’énergie quelle qu’elle soit implique nécessairement de tels dégagements gazeux, y compris concernant le nucléaire. Elle en déduit que les termes et les différents éléments utilisés dans la publicité peuvent induire le public en erreur sur, d’une part, la production de CO2 notamment par les centrales thermiques et d’autre part, sur les actions de l’annonceur en matière d’énergies renouvelables alors que le soi-disant « mix » énergétique de l’annonceur était composé en 2016 à 87% de nucléaire selon ses propres chiffres.

En outre, au vu du point 6/3, la formulation « sans CO2 » devrait selon elle être relativisée, l’astérisque « Emissions directes, hors du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financières 2016 – périmètre » défilant à toute vitesse et en très petits caractères à la fin de la vidéo ne permettant pas au public de saisir de quoi il retourne.

Par ailleurs, l’expression « sans CO2 » traduit, selon elle, indument une absence d’impact négatif en ce qui concerne notamment les centrales thermiques, mais plus globalement concernant les activités de l’annonceur, contrairement à ce que recommande le point 6/4. Dans ces conditions, l’association pense que la publicité en cause méconnaît les points 6/1, 6/3 et 6/4 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

La société annonceur fait valoir, en premier lieu, que la campagne de communication qu’elle a entreprise depuis le mois de septembre 2017 est entièrement dédiée au “mix énergétique”, terme qui est repris comme accroche principale sur tous les visuels de la campagne. Il en constitue à la fois le sujet et le titre. Elle explique que le mix énergétique s’entend de la diversité des sources de production et résulte d’une combinaison d’énergies, étant rappelé que l’électricité ne se stocke pas et qu’il faut donc en permanence adapter la production d’électricité à la quantité qui est consommée, équilibre rendu possible grâce à cette combinaison d’énergies. Le mix énergétique est au cœur de sa stratégie et est donc au cœur de sa communication. Elle ajoute qu’en associant l’énergie nucléaire et les énergies renouvelables, le mix énergétique lui permet en conséquence d’affirmer qu’il est à 97% sans émission de CO2 et que, sur chacun des visuels concernés, on retrouve ainsi, de manière particulièrement explicite ses différentes composantes : nucléaire, énergies renouvelables, et thermique.

La société indique que chacun des visuels concernés fait état de la part respective de chaque moyen de production dans la composition du mix énergétique, en les citant de manière décroissante, dont le nucléaire à 87%, les énergies renouvelables à 10%, le gaz à 2% et le charbon à 1% ; qu’à l’identique, pour les supports audiovisuels, les différents modes de production sont présentés avec pour seul fil conducteur, le mix énergétique, sans mise en avant – et pour cause – d’un mode de production par rapport à un autre ; qu’au surplus les publicités incriminées font précisément mention du site dédié au mix énergétique que le public est invité à consulter et sur lequel il peut se procurer toute information complémentaire de son choix.

Elle estime que par conséquent, il n’est aucunement démontré en quoi cette communication, dans son  principe comme dans son contenu, pourrait être critiquée, sauf mauvaise foi. Or précisément l’association plaignante n’a pas craint de déclarer que « …induit le public en erreur sur la réalité de ses actions, en lui faisant croire que son électricité provient de différents moyens de production, et notamment des énergies renouvelables, alors que celle-ci est en grande majorité d’origine nucléaire ».

Par ailleurs, la société souligne qu’il n’est pas contestable que l’électricité qu’elle produit provient de différents moyens de production ; que parmi ces différents moyens figure l’énergie renouvelable, étant rappelé que celle-ci ne constitue en aucun cas le thème de la publicité incriminée, laquelle est dédiée au mix énergétique ; et enfin que dans le cadre de cette communication dédiée au mix énergétique il ne s’agit pas de  présenter l’un après l’autre chacun des moyens de production, dont le nucléaire, mais bien la combinaison de l’ensemble desdits moyens. Sauf à considérer qu’il serait interdit à l’annonceur de communiquer sur ce thème – à quel titre, pour quel motif, et en application de quel texte? – la publicité incriminée s’entend bien d’une publicité sur le mix énergétique, qui correspond à la réalité de ses différents modes de production.

La société en déduit que cette publicité est conforme aux dispositions de la recommandation Développement Durable.

En deuxième lieu, s’agissant de la conformité de la formule incriminée « Une électricité à 97% sans CO2 », la société indique tout d’abord que cette formule n’est pas nouvelle et que le Jury s’est déjà prononcé, à l’occasion de campagnes de communication antérieures, sur une formule strictement similaire libellé dans les termes suivants « 98% de notre électricité produite en France est sans CO2 ».

Elle indique que la véracité de cette affirmation, aujourd’hui comme hier, est d’autant moins contestable qu’il s’agit simplement de la présentation d’un constat factuel. Au demeurant elle n’est pas contestée, puisque l’association plaignante met en effet en cause, non la véracité de cette mention, mais le fait que l’annonceur ne rappelle pas la part de la production d’électricité nucléaire dans l’obtention de ce taux de 97%. L’annonceur souligne que cet argument est d’autant plus curieux que l’association a soutenu l’inverse dans des plaintes antérieures, en contestant cette formule au motif que l’annonceur s’en servirait pour « mettre en avant sa production d’électricité nucléaire en la présentant comme étant sans émission de CO2 »… (Avis du 11 décembre 2015 du JDP n° 386/15), or elle reproche aujourd’hui au contraire à l’annonceur de ne pas faire état, isolément, de sa production d’électricité nucléaire. La société ajoute qu’en toute hypothèse cette assertion est fausse puisque précisément la part de chacune des énergies concernées dans la composition du mix énergétique est rappelée, dont le nucléaire.

Elle cite par ailleurs des avis antérieurs rendus par le Jury. Ainsi, s’agissant d’un constat factuel, le Jury a déjà eu l’occasion de rappeler qu’il n’est pas utile de faire référence à des études ou travaux scientifiques pour l’étayer – la société renvoie ainsi à l’avis n° 373/15 du 3 juillet 2015 et elle estime qu’il en est a fortiori de même s’agissant du message incriminé.

Elle cite en outre l’avis du Jury du 2 octobre 2015 n°379/15, à propos du même grief tenant à l’absence de références à l’électricité d’origine nucléaire, selon lequel ce grief n’était en l’espèce pas fondé « dans la mesure où d’une part le Jury constate qu’il n’est pas contesté par les associations plaignantes que la production d’électricité au sein d’une centrale nucléaire n’est pas directement émettrice de CO2 et ou, d’autre part, ainsi qu’il a déjà été précisé dans de précédents avis, les règles déontologiques n’imposent pas à l’annonceur de présenter dans chaque publicité l’ensemble de ses activités ». Enfin, comme elle souligne que le Jury a rappelé qu’« il est donc admissible pour une publicité relative à cette famille de produit (dioxyde de carbone) de mettre en avant l’absence d’émission de ce gaz, pour autant que cette affirmation est véridique » (Avis n° 373/15).

La société ajoute qu’au surplus la formule en cause s’accompagne précisément de la mention qui a été elle-même recommandée par le Jury. Ainsi, les publicités renvoient chacune à la mention selon laquelle le taux de 97% ci-dessus s’entend des « émissions hors cycles de vie des moyens de production et des combustibles en France ». Elle rappelle que cette mention a été systématiquement reprise par l’annonceur sur tous ses supports de publicité, précisément après l’avis rendu par le jury le 11 décembre 2015 (avis n° 386/15) et qu’on ne saurait donc lui reprocher des mentions qui ont déjà été appréciées comme conformes à la recommandation Développement Durable. Il est ajouté, lors de la séance, qu’il est de plus renvoyé à un site dédié.

En troisième lieu, la société indique qu’au demeurant la campagne de publicité incriminée a été déclarée conforme par l’ARPP qui, saisie par l’agence des projets de publicité, a instruit ce dossier, dont elle a examiné avec attention chacun des éléments. Elle se réfère ainsi à plusieurs courriers de l’ARPP :

– un courrier du 5 septembre 2017 confirmant à l’agence que les projets sont « conformes aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur », après plusieurs échanges depuis le mois de février 2017 entre l’ARPP et l’agence, et qui ont permis à cette dernière de procéder à certaines modifications en considération des observations de l’Autorité ;

– un courrier du 28 février 2017 indiquant que la formule reprenant le taux de 97% d’électricité produite sans CO2 pouvait être utilement accompagnée de la mention complémentaire qui figure aujourd’hui sur chacun des supports – sur ce point I’ARPP écrit en effet qu’ « une mention similaire à celle utilisée sur vos communications précédentes serait acceptable: émission directe, hors analyse du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles en France », or c’est précisément la mention qui est reprise dans chacune des publicités ;

– un courrier du 11 juillet 2017 par lequel l’ARPP a demandé que la durée d’exposition, dans les films publicitaires, de la surimpression relative à l’électricité bas carbone soit augmentée, ce qui a été fait ;

– un courrier du 4 septembre suivant dans lequel l’ARPP indiquait à propos de la mention du site Internet dédié au mix énergétique: « Nous avons bien noté les modifications apportées à la lisibilité de la mention, celle-ci est désormais satisfaisante… »

Lors de la séance, il est de plus ajouté que l’annonceur soumet systématiquement à l’ARPP en conseil préalable toutes ses publicités, y compris en « print » même s’il n’y a aucune obligation de cet ordre pour les publicités non destinées à une diffusion télévisuelle.

L’agence de communication explique que la vidéo publicitaire attaquée met en scène une course fictive entre plusieurs personnages imaginaires chevauchant des dragons, course qui amène les participants à traverser plusieurs paysages au sein desquels sont représentés différentes sources de production d’énergie, à savoir des panneaux solaires, un barrage hydraulique, une centrale thermique et un parc éolien. Elle explique qu’à travers cette publicité, l’annonceur a souhaité informer loyalement le consommateur de certains des efforts qu’elle consacre pour limiter de manière significative les impacts négatifs sur l’environnement de sa production d’énergie électrique, une énergie consommée par tous les consommateurs et dont l’importance dans leur vie quotidienne n’est pas à démontrer.

L’agence indique que, pour ce faire, le film publicitaire est signé de l’accroche « Notre électricité bas carbone alimente vos émotions » suivi de l’accroche « Une électricité à 97% sans CO2 » sous laquelle sont placés les différentes sources d’énergie représentées au sein du film, à savoir « Nucléaire, Hydraulique, Eolien, Solaire, Thermique », accroches qui sont clairement précisées et justifiées par la mention défilante « Emissions directes hors cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financière 2016— Périmètre … ». L’adresse du site internet  sur laquelle se trouvent toutes les informations relatives au mix énergétique complète également ces justifications. On trouve enfin la mention légale à apposer sur toute communication publicitaire consacrée à l’énergie ou visant à sa consommation « L’énergie est notre avenir, économisons là ».

L’agence rappelle également qu’elle a eu des échanges avec l’ARPP en amont de la diffusion du film, qu’elle a obtenu la validation de cette dernière, en particulier au regard des modifications et mentions intégrées au film, ainsi que sur la vitesse de défilement de la mention à laquelle renvoie l’astérisque, qui a été ralentie. Ces échanges illustrent selon elle la démarche de l’annonceur et sa volonté de tirer les leçons de précédentes décisions du Jury qui sont visées par le plaignant et dont cette dernière tente de tirer argument dans sa plainte, à l’encontre du film « the Race ». Les représentants de l’agence ajoutent, lors de la séance, qu’alors que l’agence a suivi les conseils préalables de l’ARPP et utilisé une mention déjà validée par le Jury, elle se trouve potentiellement dans une situation délicate et peu sécurisante. Il est ajouté que certains projets ne sont jamais sortis dès lors qu’ils avaient fait l’objet d’un avis négatif de l’ARPP.

Par ailleurs, l’agence indique l’intérêt de se référer, selon elle, au principe rappelé par le Jury dans une décision rendue par ses soins en 2011 et qui portait sur l’application des principes de la recommandation Développement Durable (décision JDP n° 96/11), dans laquelle il précisait « qu’il n’est nulle part fait obligation à l’annonceur ou à l’agence de présenter dans chaque publicité l’ensemble de ses activités ou l’ensemble des aspects d’un produit. L’essentiel est de pouvoir justifier de la véracité des arguments ou des images que l’on met en avant dans un message déterminé ou de ne pas donner une image tellement déformée de la réalité qu’elle en devient mensongère ». Selon elle, le film « the Race » respecte parfaitement ces principes.

Elle développe tout d’abord, s’agissant de la violation invoquée des points 1/1 et 9/1 de la Recommandation « Développement durable », les éléments suivants.

D’une part, s’agissant du reproche d’avoir mis sur un même plan le nucléaire et les énergies renouvelables, elle souligne que le film a pour objet de présenter l’offre de produits et de services de l’annonceur qui comprend effectivement à la fois du nucléaire, mais également des énergies renouvelables, et qu’il ne saurait dès lors être reproché à l’annonceur d’avoir inclus chacune de ces sources d’énergie dans son film publicitaire, ni de les avoir listées sur un même plan à la fin du film. Ce film, durant lequel les personnages survolent à tour de rôle différents sites de production d’électricité, présente ainsi chacune de ces sources de façon distincte et l’annonceur n’allègue à aucun moment que l’énergie nucléaire serait une énergie renouvelable.

D’ailleurs, ces différents sites de productions sont, selon elle, objectivement et équitablement représentés lors de la course, et il ne saurait être allégué que cette représentation pourrait induire le consommateur en erreur dans la mesure où l’énergie produite par l’annonceur et proposée dans le mix énergétique provient effectivement de ces différentes sources.

Elle souligne qu’à cet égard, le JDP a déjà eu l’occasion de considérer que « la seule circonstance que les activités de l’annonceur dans le domaine des énergies renouvelables sont aujourd’hui beaucoup moins importantes que celles déployées dans le nucléaire, ne saurait être retenue comme justifiant, en l’espèce, dès lors que ces activités sont réelles et en développement, la constatation d’un manquement aux règles déontologiques ci-dessus » (Avis n° 96/11 précité). Dans cette autre affaire, la même association « Réseau Sortir du Nucléaire » reprochait ainsi à un film publicitaire d’avoir placé une centrale nucléaire, des éoliennes en site off-shore et une installation solaire thermique sur le même plan. Cette décision semble à l’agence parfaitement transposable en l’espèce : par son film, l’annonceur présente les différentes énergies produites par ses soins, que ce soit le nucléaire, mais également les énergies renouvelables, ce qui ne saurait lui être reproché.

D’autre part, sur l’absence de précision sur la part du nucléaire dans la production de l’annonceur (87%), l’agence estime que deux remarques s’imposent :

– tout d’abord, l’annonceur n’est pas tenu de fournir cette information pour assurer la conformité du film aux règles dégagées par l’ARPP et la seule question qui se pose est celle de la loyauté du film vis-à-vis des consommateurs. En l’occurrence, l’annonceur a fait le choix de communiquer sur les énergies « bas carbone » qu’elle produit et qui incluent tant le nucléaire que les énergies renouvelables ;

– ensuite, l’annonceur fournit indirectement cette information par un renvoi à la page internet qu’elle consacre au mix énergétique, renvoi, selon elle, conforme aux dispositions de l’article 3.4 de la recommandation Développement Durable qui permet à l’annonceur « dans les cas où cette explication est trop longue pour pouvoir être insérée dans la publicité, l’information essentielle doit y figurer, accompagnée d’un renvoi à tout moyen de communication permettant au public de prendre connaissance des autres informations ».

Or tel est précisément le cas en l’espèce, grâce au renvoi opéré vers le site internet  et sa page consacrée à la description de son mix énergétique qui précise la part du nucléaire dans son activité. Cette information peut rapidement être trouvée, ce qui est d’ailleurs illustré par sa reprise par l’association dans sa plainte.

Ensuite, sur la violation invoquée des points 3/3 de la Recommandation « Développement durable », l’agence rappelle :

– que l’ARPP a explicitement validé la mention de renvoi dans son avis du 24 avril 2017 comme suit : « une mention similaire à celle utilisée sur vos communications précédentes serait acceptable : « émissions directes, hors analyse du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles en France (…) », les échanges antérieurs à cette validation illustrant bien la démarche positive de l’annonceur pour se conformer aux règles déontologiques, ayant ainsi porté sur la durée d’exposition de la mention défilante et sur l’inclusion d’une référence à la page internet dédiée qui contient l’ensemble des informations sur la proportion de nucléaire dans la production de l’annonceur notamment ;

– que, de plus, le Jury a lui aussi expressément validé la mention « L’électricité … repose sur un mix associant production nucléaire et énergies renouvelables. Ainsi notre électricité en France est à 98% sans émission de carbone ni de gaz à effet de serre » explicitée par un renvoi précisant qu’il s’agit « d’émissions directes, hors analyse du cycle de vie, des moyens de production des combustibles en France » dans un avis 420/16 rendu le 18 octobre 2016.

Enfin, sur la violation invoquée des points 6/1, 6/3 et 6/4 de la recommandation développement durable, l’agence souligne que, si l’association reprend l’ensemble des autres reproches formulés plus haut, y ajoutant l’utilisation de l’ensemble « sans CO2 » qui serait trompeur en ce qu’il induit une absence totale d’impact négatif, cette formulation est directement tempérée et expliquée par la mention défilante précisant qu’il s’agit « d’émissions directes, hors analyse du cycle de vie (ACV) des moyens de production des combustibles en France », qui a été validée à la fois par l’ARPP mais également pas le Jury de Déontologie Publicitaire dans une précédente décision 420/16 du 18 octobre 2016. Ce même avis avait encore considéré qu’il ne pouvait être reproché à l’annonceur de ne pas évoquer les autres nuisances susceptibles de résulter de la production d’énergies nucléaires ou renouvelables, dès lors que la publicité en cause traitait exclusivement de la question de l’émission de dioxyde de carbone. Elle estime que cet avis illustre une fois encore la démarche de l’annonceur de se conformer aux principes dégagés par la recommandation Développement Durable, par les conseils de l’ARPP dans le cadre de l’élaboration de ses campagnes et encore par les précédentes décisions du Jury.

L’agence en déduit que, manifestement, le film publicitaire « The Race » est donc dépourvu de caractère trompeur et disproportionné dans la mesure où l’annonceur a souhaité informer de façon claire et pédagogique le consommateur par le biais d’une mention informative et via son site Internet.

Par ailleurs, à la lecture de cette plainte, l’agence comprend que l’annonceur ne peut en aucun cas communiquer d’une quelconque façon sur ses activités ou ses efforts dans un domaine particulier sans évoquer les aspects négatifs malheureusement liés à la production d’électricité et connus de tous, un raisonnement qui excède indéniablement les exigences légales en la matière et porte atteinte à la liberté de commerce de l’annonceur.

La régie publicitaire font valoir que la conception et la réalisation de cette publicité sont le seul fait de l’annonceur, l’annonceur, et qu’elles n’y ont pris aucune part.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) indique qu’elle a été interrogée en amont de la diffusion de cette campagne par l’agence de communication, son adhérent.

Qu’il s’agisse des annonces presse mises en cause ou du film télévisé, elle s’est principalement attachée à ce que ces projets soient conformes aux dispositions contenues dans sa Recommandation « Développement durable ».

Il a ainsi été rappelé en particulier, dès les premiers conseils rendus, en février 2017, le nécessaire respect du principe selon lequel les allégations doivent être proportionnées aux réelles actions de l’annonceur en matière de développement durable. Les allégations de type « électricité bas carbone », « électricité à 97% sans CO2 », doivent en effet, au égard des exigences de la Recommandation, être à la fois justifiées mais également explicitées. L’ARPP a ainsi alerté l’agence sur les précisions à apporter dans le message publicitaire, notamment par le recours à un renvoi vers la page dédiée du site internet de l’annonceur comportant toutes informations sur les émissions de CO2 et plus généralement les actions de l’annonceur.

Par ailleurs, elle a engagé l’agence à veiller au respect de la Recommandation ARPP « Mentions et renvois » concernant les conditions de bonne lisibilité de ces informations et en particulier la durée d’exposition des mentions écrites utilisées sur le film télévisé.

Ces aménagements ayant été effectués, l’ARPP a examiné le spot télévisé pour avis avant diffusion sur les chaines, comme toute publicité destinée à être diffusée en télévision.  Compte tenu des modifications apportées, celui-ci lui est donc apparu acceptable au regard des principes déontologiques en vigueur et a pu être validé sans réserve.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose notamment que :

« 1.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable. »

« 2.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ».

« 3.3. Lorsqu’une explicitation est nécessaire, celle-ci doit être claire, lisible ou audible et, donc, répondre aux exigences de la Recommandation Mentions et renvois de l’ARPP. »

« 6.1. Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable ».

« 6.3. Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».

« 6.4. Les termes, expressions ou préfixes utilisés ne doivent pas traduire indûment une absence d’impact négatif du produit ou de l’activité de l’annonceur ».

« 9.1. (…) c) La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement ».

Le Jury relève que la publicité de la société en faveur du « mix énergétique » sur lequel repose la production d’électricité qu’elle fournit se présente en deux parties comportant d’une part, quatre visuels diffusés dans la presse écrite et d’autre part, un film publicitaire intitulé « The Race ».

Les visuels « presse » présentent, sur fond coloré, respectivement, un autobus, un téléphone portable, une tasse à café et une manette de jeu vidéo, tous stylisés, accompagné d’un texte qui vante l’électricité fournie par l’annonceur comme provenant principalement d’un « Mix énergétique à 97% sans émission de CO2*, nucléaire, énergies renouvelables, thermique ». L’astérisque renvoie vers un texte indiquant : « En 2016, le mix énergétique … était composé à 87% de nucléaire, 10% d’énergies renouvelables, 2% de gaz et 1% de charbon. Il est à 97% sans émission de CO2 (émissions hors cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles en France). Indicateurs de performance financière et extra-financière 2016. »

La vidéo montre, dans sa première partie, des personnages de jeu vidéo chevauchant des dragons, qui survolent des paysages ainsi que différentes sources de production électrique : panneaux solaires, barrage hydraulique, centrale nucléaire, éoliennes, centrale thermique. Cette course virtuelle s’arrête d’un seul coup pour céder la place, dans la deuxième partie du film, à une saynète familiale montrant deux enfants et leur père interrompus dans leur partie de jeu vidéo, et s’écriant « Oh non ! » alors que la mère de famille débranche leur console. Un texte défile au bas de l’écran précisant : « Emissions directes, hors du cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financières 2016 – périmètre … ». Le film se conclut par le texte « Notre électricité bas carbone alimente vos émotions », « Une électricité à 97% sans CO2* », avec en dessous les mots « Nucléaire », « Hydraulique », « Eolien », « Solaire », « Thermique », complété de l’adresse du site Internet  et du message « L’énergie est notre avenir, économisons-la ! ».

Sur le périmètre de la plainte :

A la lecture de la plainte, le Jury estime que celle-ci porte uniquement sur le film publicitaire « The Race » et non sur les visuels presse, qui ne sont pas visés par les arguments de l’association plaignante.

Sur le respect des principes déontologiques :

  1. A titre liminaire, le Jury relève que l’annonceur et l’agence soulignent que le film publicitaire a été soumis à l’avis préalable de l’ARPP et a donné lieu à plusieurs échanges qui ont conduit à plusieurs modifications avant l’avis favorable de l’ARPP donné le 5 septembre 2017, et estiment par conséquent qu’une remise en cause par le Jury du résultat de ces échanges porterait atteinte à la sécurité juridique que cet avis préalable avant toute diffusion télévisuelle aurait précisément pour objet d’assurer. Au cours de la procédure de l’avis préalable, les services de l’ARPP s’attachent, en dialogue avec les annonceurs et leurs agences, à ce que les projets de messages publicitaires télévisés soient conformes aux Recommandations déontologiques. Cela étant, il résulte des dispositions du règlement intérieur du Jury de Déontologie publicitaire adopté par le conseil d’administration de l’ARPP, notamment de ses articles 1, 2, 3 et 4, que l’avis que rend l’ARPP en ce cas ne saurait lier l’appréciation à laquelle le Jury, instance associée au dispositif de régulation professionnelle de la publicité et composée de personnalités indépendantes et impartiales, doit se livrer lorsqu’il est saisi d’une plainte.
  2. La plainte reproche tout d’abord au message publicitaire concerné de mettre sur le même plan, par différentes techniques, les différentes sources d’énergie composant le « mix énergétique » de l’annonceur, et notamment les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire alors que cette dernière en alimente 87%, sans qu’aucun élément de la vidéo n’explicite la répartition en pourcentages de ces différents moyens de production, ce qui induirait le public en erreur sur la réalité écologique des actions de l’annonceur et ne serait pas proportionné à l’ampleur des actions de cette société en matière de développement durable, en méconnaissance des points 1.1, 2.2 et 9.1 c) de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury relève que ce film publicitaire de 45 secondes, dont l’objet est de promouvoir la combinaison d’énergies à partir de laquelle l’annonceur élabore son offre, s’ouvre par le survol de personnages chevauchant des dragons, de paysages et de différentes sources de production d’électricité (solaire, hydro-électricité, nucléaire, éolien, thermique), qui vont donner l’occasion de mises en situation inspirées de l’univers des jeux vidéos, essentiellement lors du survol d’un barrage hydro-électrique et d’éoliennes. Il observe que sont ainsi distinctement représentées, dans un temps très court, les 5 sources différentes d’électricité composant le « mix énergétique » promu, y compris une centrale nucléaire qui apparaît pendant quelques secondes. Par ailleurs, l’écran final du film renvoie au site dédié de l’annonceur, où les différentes sources d’électricité sont décrites et où figure en bas de page la répartition en pourcentage de ces énergies dans le « mix énergétique » de l’annonceur. Dans ces conditions, le Jury estime que la circonstance que les activités de l’annonceur dans le domaine des énergies renouvelables sont aujourd’hui beaucoup moins importantes que celles déployées dans le nucléaire, alors que celui-ci apparaît nettement moins longtemps à l’écran, ne méconnaît pas, en l’espèce, les règles déontologiques invoquées.

  1. L’association plaignante estime par ailleurs que la mention « Une électricité à 97% sans CO2» pose deux types de problèmes.

En premier lieu, l’expression « sans CO2 » traduit, selon elle, indument une absence d’impact négatif en ce qui concerne, notamment, les centrales thermiques et plus globalement les activités de l’annonceur, en méconnaissance du point 6.4 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury observe toutefois que la mention complète indique « Une électricité à 97% sans CO2 », et non une absence totale d’impact négatif, et que cette mention n’apparaît donc pas contraire au point 6.4 de la recommandation « Développement durable ».

En second lieu, l’association plaignante souligne que cette expression est ambiguë dès lors qu’elle laisse entendre que la quasi-totalité de l’électricité produite par l’annonceur ne dégage  presqu’aucune émission de dioxyde de carbone alors que toute production d’énergie, y compris nucléaire, provoque des dégagements gazeux – ambiguïté que l’astérisque accolée à cette mention ne permet pas de lever dès lors qu’elle renvoie vers un texte « Emissions directes, hors cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financière 2016 – … » dont les termes semblent s’adresser à un public d’experts et non au grand public pourtant visé, et qui défile à toute vitesse et en très petits caractères à la fin de la vidéo. Elle estime que la publicité méconnaît, ce faisant, les points 1.1, 9.1 c, 3.3, 6.1 et 6.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Le Jury rappelle qu’en application de la Recommandation « Mentions et renvois » de l’ARPP, et notamment de son point 2.1 relatif à la publicité télévisée et cinéma, « Pour les mentions qui apparaissent en surimpression de manière fixe à l’écran ou au sein d’un texte défilant (…), la durée d’exposition ou la vitesse de déroulement du texte doit permettre au consommateur de lire l’intégralité des informations sans attendre une nouvelle diffusion du message publicitaire (…) ».

Le Jury relève tout d’abord que les deux mentions combinées « Une électricité à 97% sans CO2 » et « Emissions directes, hors cycle de vie (ACV) des moyens de production et des combustibles. Indicateurs de performance financière et extra-financière 2016 – périmètre … » ne sont pas des formulations globales au sens du point 6.3 de la Recommandation « Développement durable ».

Il souligne que ces mentions n’impliquent pas que les activités de l’annonceur ne produiraient aucune émission de CO2, mais qu’elles en produisent peu directement – ce que la mention à laquelle renvoie l’astérisque expose de manière suffisamment explicite au regard des dispositions de la Recommandation « Développement durable ». Le Jury estime par conséquent que le contenu de ces mentions ne méconnaît pas, par lui-même, les points 1.1, 9.1 c et 6.1 de cette Recommandation.

Le Jury estime cependant que la seconde mention – qui apparaît au bas de l’écran avant même  l’affichage de l’astérisque qui y renvoie, accolée à la première mention – défile à une vitesse qui rend la lecture de cette seconde mention malaisée, compte tenu de la relative technicité des termes employés. Par conséquent, le Jury est d’avis que, dans cette mesure, le film publicitaire en cause méconnaît le point 3.3 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Avis adopté le 12 janvier 2018 par Mme Lieber, Présidente, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mme Drecq, M. Benhaïm, Depincé, Lacan et Lucas-Boursier.