Décision publiée le 24.04.2009
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu successivement les représentants de l’annonceur et de la société à laquelle appartiennent les supports de diffusion en cause,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 10 mars 2009, d’une plainte émanant de l’association Réseau « Sortir du nucléaire », portant sur la non-conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publication effectuée en faveur d’un fournisseur d’énergie, par deux magazines d’actualité jeunesse.
Cette publication se présente sous la forme d’un poster titré « La centrale nucléaire » sur lequel figure le dessin d’une centrale nucléaire en coupe et qui décrit sommairement les différentes installations composant une centrale nucléaire. Autour du dessin figurent plusieurs encarts explicatifs portant, notamment, sur la production, l’utilisation, la justification de l’énergie atomique.
2.Les arguments des parties
L’association plaignante soutient que cet encart publicitaire ne respecte pas les règles de déontologie relatives à l’identification de la publicité car il présente les logos des magazines et la mention « En collaboration avec X » de façon à laisser croire que les magazines sont co-auteurs du contenu du poster. Le message véhiculé étant unilatéralement favorable au nucléaire, la publicité apparaît, selon elle, déguisée sous forme de contenu rédactionnel et elle est en conséquence de nature à induire en erreur le jeune public lecteur de ces revues.
L’annonceur fait valoir que si le poster en cause ne comporte pas les mentions «PUBLICITE» ou «COMMUNIQUE» recommandées par l’ARPP, ce qu’elle regrette, il a néanmoins été traité de façon à ce que cela soit compris par le lectorat. Elle fait observer que figurent sur ce document la mention légale obligatoire pour les publicités dans le domaine de l’énergie « L’énergie est notre avenir économisons-la ! », le logo de l’annonceur de manière visible et apparente et la mention “en collaboration avec X”.
Elle ajoute que le document ne figurait pas dans les journaux eux-mêmes, mais était joint à ceux-ci sous film plastique, qu’il se présente avec une charte graphique propre et qu’il est imprimé sur un papier différent de celui des journaux.
La société soutient que l’ensemble de ces éléments permettent d’identifier immédiatement le caractère publicitaire du poster et sa différenciation avec le contenu rédactionnel des revues.
S’agissant du caractère trompeur invoqué par l’association plaignante, l’annonceur oppose que les informations figurant sur le document ont été écrites par une équipe de rédacteurs de l’éditeur afin d’être adaptées au degré de compréhension des lecteurs des deux revues et qu’elle a seulement révisé et amendé les textes, agissant ainsi « en collaboration », comme il est clairement mentionné sur le document et sur les revues.
Elle fait valoir que la plainte porte atteinte, de manière illégitime, à sa liberté d’expression et précise que l’objectif poursuivi par la réalisation, l’impression et la diffusion de ce poster était d’expliquer à un public jeune le fonctionnement d’une centrale nucléaire.
La société éditrice des deux magazines d’actualité jeunesse confirme le caractère publicitaire du poster.
Aux éléments déjà développés par l’annonceur et rappelés ci-dessus, elle ajoute qu’elle a développé la pratique d’apposer la marque du journal sur le produit offert pour signifier que le contenu a été vérifié et jugé correct par rapport aux exigences de la cible.
Elle précise encore n’avoir reçu aucune plainte de ses lecteurs parmi lesquels figurent pourtant des enseignants, et que la démarche entreprise avec cette publication n’était pas de débattre sur l’énergie nucléaire mais uniquement de montrer, de façon factuelle, le fonctionnement d’une centrale.
3.Les motifs de la décision du jury
La Recommandation « Identification de la publicité » de l’ARPP reprend dans son préambule les dispositions de l’article 9 du code consolidé sur les pratiques de publicité et de communication de marketing de la CCI qui énonce que « La communication de marketing doit pouvoir être nettement distinguée en tant que telle, quels que soient la forme et le support utilisés ; lorsqu’une publicité est diffusée dans des médias qui comportent également des informations ou des articles rédactionnels, elle doit être présentée de telle sorte que son caractère publicitaire apparaisse instantanément et l’identité de l’annonceur doit être apparente. »
Cette Recommandation fait « obligation aux annonceurs, agences ou supports-presse de faire figurer les mots PUBLICITE ou COMMUNIQUE d’une manière claire et lisible en tête de toute annonce présentant les caractéristiques d’une publicité rédactionnelle, si cette annonce est payée. ».
Dans sa recommandation « Enfant », l’ARPP ajoute que « Lorsqu’il s’adresse aux enfants, le caractère publicitaire du message doit être rapidement identifiable ».
Le Jury rappelle que la nécessité de distinguer la publicité du contenu rédactionnel est fondamentale pour garantir la loyauté à l’égard du consommateur/lecteur et relève du respect de l’obligation de pleine transparence due par la publicité au public.
L’utilisateur de médias doit en effet pouvoir distinguer clairement les contenus qui sont de la responsabilité de la rédaction et ceux qui sont financés par des tiers pour leur propre promotion.
Il s’ensuit que l’éditeur d’un média, quel qu’il soit, a la responsabilité d’assurer une séparation claire pour ses lecteurs entre contenus rédactionnel et publicitaire.
Le Jury relève également que si la Recommandation impose de faire figurer les mentions de « Publicité » ou « Communiqué » en cas de publication d’un « publi-rédactionnel » pour éviter que les publicités soient susceptibles d’être confondues avec le contenu rédactionnel, la pratique courante admet cependant comme équivalentes les mentions de « Publi-communiqué », « Publi-reportage », « Publi-information » ou autres.
Le Jury constate, que le poster en cause, dont le caractère publicitaire n’est pas contesté, comporte outre le logo de l’annonceur et la mention « L’énergie est notre avenir économisons-la! », la précision « En collaboration avec X ». Il se présente, ainsi que l’ont souligné l’annonceur et la société éditrice avec une charte graphique propre et dans un papier différent du journal et a été livré indépendamment de lui sous film plastique.
Le Jury estime cependant que la mention « En collaboration avec X » est ambiguë et de nature à conduire le lecteur à penser que la participation de l’annonceur est limitée à une aide technique. Elle est insuffisante pour permettre au lectorat jeune et inexpérimenté, auquel s’adresse la revue, de distinguer le caractère publicitaire de l’opération ; quant aux autres éléments relevés (charte graphique, livraison détachée, papiers différents), ils ne le permettent pas davantage.
En conséquence, le Jury estime que la publicité en cause ne respecte pas les dispositions de la Recommandation déontologique « Identification de la Publicité ».
Pour le surplus, ainsi que le Jury l’a déjà précisé (Décision n°04/09 du 6 mars 2009), le principe même de l’acceptation d’une telle publicité et de la caution qu’elle est susceptible d’apporter aux yeux du lectorat pour tel ou tel produit ou service ne saurait constituer une question relevant de sa compétence, dès lors que le produit, l’activité ou le service est licite et conforme aux principes admis par le corps social.
4.La décision du Jury
– La plainte est fondée.
– La présente décision sera communiquée à l’association plaignante, à l’annonceur, et à la société éditrice
– Elle sera publiée sur le site Internet du Jury de Déontologie Publicitaire.
Délibéré le vendredi 3 avril 2009 par Mme Michel-Amsellem, vice-présidente, suppléant la présidente empêchée, Mme Drecq, et Ms. Benhaïm, Carlo, Lacan, Leers et Raffin.