Avis JDP n°336/14 – PLACEMENTS FINANCIERS – Plainte partiellement fondée

Avis publié le 24 décembre 2014
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations et à prendre part à la séance,

– après avoir entendu le président de la société annonceur,

– et, après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1.La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 11 juin 2014 d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité adressée par voie de courrier électronique en faveur d’un produit d’investissement.

Cette publicité, qui mentionne en objet du mail : « il est temps d’investir dans le solaire », représente une famille souriante et le logo de la société, accompagnés des mentions :

« Ce n’est pas un « super » livret à 5% pendant 5 mois… Ce n’est pas un placement spéculatif à la merci des marchés… »

« Bénéficiez d’un rendement de 7% minimum en conjuguant nouvelles énergies et nouveaux investissements. »

« Réservé uniquement aux particuliers »

« Plus rentable que les autres placements et non soumis aux aléas du marché »

« Bénéficiez d’une totale sécurité »

« Constituez-vous des revenus défiscalisés »

« Contribuez au développement des énergies propres ».

La publicité comporte en outre un encadré « Demander une information » sur laquelle le destinataire peut cliquer.

2.La procédure

La société annonceur a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 23 juillet 2014 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Par courrier en date du 21 août 2014, le conseil de l’annonceur a proposé au Jury de mettre en œuvre la procédure de règlement amiable prévue à l’article 13 de son règlement intérieur, en suggérant que la société pourrait prendre l’engagement de ne plus adresser de nouveaux messages publicitaires au plaignant. Sollicité en ce sens par le Jury, le plaignant a opposé un refus à cette démarche et indiqué qu’il maintenait sa plainte.

L’examen de la plainte par le Jury devait initialement être soumis à la délibération du 12 septembre 2014. A la demande du cabinet Bamboo & Bees, conseil de l’annonceur, invoquant les congés d’été, il a été décidé de reporter cet examen à la séance du 17 octobre 2014. La société a été avisée du principe du report par courrier électronique du 9 septembre 2014, et de la date de la séance par courrier en date du 10 octobre 2014.

Le 16 octobre 2014, le cabinet Bamboo & Bees, agissant pour le compte de la société, a adressé à l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) une assignation en justice, faisant notamment état de l’impossibilité dans laquelle la société se serait trouvée, selon elle, d’être représentée à la séance du 17 octobre. Le Jury a décidé de différer l’examen de la plainte dans l’attente de l’issue de la procédure contentieuse. La société ayant été déboutée de l’ensemble de ses demandes par le juge des référés, cet examen est intervenu lors de la séance du 12 décembre 2014, au cours de laquelle le président de la société a pu présenter ses observations.

Le courrier recommandé avec avis de réception adressé au conseil de la société n’a pas été réclamé et a donc été retourné au Jury le 16 décembre 2014.

 3.Les arguments échangés

Le plaignant indique que cette publicité ne respecte pas les règles déontologiques générales et spécifiques aux produits d’investissement, sur plusieurs points. En premier lieu, il estime que l’identification de la nature du produit n’est pas claire et contrevient ainsi à l’article 1.3 de la Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés » de l’ARPP. En deuxième lieu, il fait valoir que la nature du taux (net ou brut) n’est pas indiquée, pas plus que les frais et le délai de disponibilité de l’investissement, contrairement aux prévisions de l’article 2 de la Recommandation, ni les mentions légales évoquées à l’article 4 de celle-ci. En troisième lieu, il considère que la publicité ne respecte pas le principe d’équilibre, ni les règles encadrant la promesse de résultats, prévus à l’article 2-1-3 de l’annexe 2 de la Recommandation. Elle ne comporte en effet aucun avertissement sur les risques et inconvénients.

La société reconnaît que la publicité en cause ne respecte pas les règles déontologiques, et précise que l’annonce a été retirée dès la fin du mois de juin 2014. En outre, elle a rompu le contrat conclu avec le prestataire qui l’avait conçue. Elle ajoute toutefois que le client est pleinement informé des caractéristiques des produits qu’elle propose, tant par le biais de documents écrits que d’échanges avec un conseiller. A cette occasion, les risques inhérents aux investissements sont portés à sa connaissance, de même que les mesures prises par la société pour les prévenir. Ces éléments ont été développés par le président de la société au cours de la séance du 12 décembre 2014.

Le Jury a enfin reçu communication d’un courrier de l’Autorité des marchés financiers, sollicitée par le Directeur Général de l’ARPP dans le cadre de la convention de partenariat ARPP – AMF du 18 mai 2011, dans lequel cette autorité administrative indique que la publicité lui paraît contraire aux règles déontologiques. Cet avis avait été communiqué à la société annonceur par l’ARPP dans le cadre de la procédure de référé évoquée ci-dessus.

3.L’analyse du Jury

 Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il est une instance associée de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), dont la mission consiste à émettre des avis sur le respect, par les publicités faisant l’objet d’une plainte devant lui, des règles déontologiques que la profession s’est prescrite. Il se borne donc à examiner le contenu des publicités et à les confronter à ces règles. Il ne lui appartient en aucun cas d’apprécier la complétude des informations effectivement transmises aux clients d’une société ou aux personnes qui s’intéressent aux produits qu’elle propose, ni la conformité des pratiques commerciales aux  textes législatifs et réglementaires en vigueur.

La Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés » de l’ARPP, applicable à la publicité mise en cause dès lors que celle-ci a été diffusée en mai 2014, s’applique non seulement aux produits financiers, mais aussi aux « produits et services non financiers, communément appelés « placements atypiques » », définis comme suit : « Les placements atypiques, couvrant notamment les placements en biens divers, supposent un investissement dans d’autres types de placements que les placements financiers traditionnels. Ils proposent, généralement, une performance, un rendement, une plus-value sur la revente (…), dans des secteurs aussi divers que (…) les panneaux solaires (…) ». La publicité en faveur de ces « produits atypiques » doit respecter non seulement les règles générales et transversales de cette Recommandation, mais aussi celles qui résultent de son annexe 2 intitulée : « Publicité des placements dits atypiques et des services liés ».

En l’occurrence, la publicité mise en cause vise à promouvoir un produit d’investissement « dans le solaire » dont le rendement annoncé s’élève à « 7 % minimum ». Elle porte donc sur un « produit atypique » au sens de cette Recommandation.

Le point 1.3 de la Recommandation exige que la nature du produit ou du service, objet de la publicité, soit identifiée. Cette identification peut se faire « par tout moyen » et résulter de termes génériques sous réserve de ne pas induire en erreur ou de créer de confusion. Le point 2-1-2 de l’annexe 2 relative aux « produits atypiques » précise que « La dénomination des biens ou services visés dans la publicité devra répondre, lorsqu’elles existent, aux définitions officielles. Le cas échéant, les dénominations utilisées dans le message publicitaire pour qualifier les biens devront être communément admises et compréhensibles par le public d’attention moyenne ».

En l’occurrence, l’objet du courriel (« Il est temps d’investir dans le solaire ») et les mentions de la publicité, qui font état d’un « placement » et d’un « investissement » dans les « énergies propres », laissent entendre que l’annonceur propose au destinataire d’investir financièrement dans des produits en rapport avec l’énergie solaire. Toutefois, et ainsi que l’a admis le président de la société lors de la séance du 12 décembre 2014, ces allusions ne permettent pas d’identifier de manière suffisamment claire la nature du produit proposée, qui n’est pas « dénommé » au sens du point 2-1-2 de l’annexe 2.

S’agissant des règles de présentation d’un taux, le point 2 de la Recommandation prévoit que :

« La nature du taux (brut ou net) devra être précisée» : le Jury constate que tel n’est pas le cas en l’occurrence.

« Lorsque des frais sont inhérents à la gestion du produit ou service (…), leur existence doit être indiquée de manière parfaitement lisible» : le Jury prend note des explications apportées par la société lors de la séance, dont il ressort que celle-ci ne facture pas en tant que tels de frais de gestion.

« Si un délai est nécessaire pour que l’épargne soit disponible, il doit être annoncé» : selon les indications non contredites du plaignant, le contrat doit être conservé au minimum pendant un an. Or aucun délai ne figure dans la publicité.

Le Jury relève que la Recommandation n’envisage pas la possibilité d’un renvoi à un autre document ou une page de site Internet. En tout état de cause, il estime que, s’agissant d’une publicité diffusée par voie de courrier électronique, et à la différence d’un affichage public, la contrainte d’espace n’est pas telle que l’annonceur puisse se dispenser d’y faire figurer les informations requises par le point 2 de la Recommandation.

Le plaignant indique que la publicité ne comporte pas les « mentions légales », en méconnaissance du point 4 de la Recommandation. Il ne précise toutefois ni la nature des mentions manquantes, ni les dispositions qui imposeraient leur présence sur une telle publicité. Il ne met donc pas le Jury à même d’apprécier la portée de cet argument.

Selon le point 2-1-3 de l’annexe 2 de la Recommandation, la publicité en faveur des produits atypiques doit « répondre aux principes de clarté, véracité, loyauté (…) ». Il en résulte :

Selon le a) de ce point, que « l’ensemble de la publicité doit être équilibré entre, d’une part, la présentation des performances (gains, rendements y compris sous forme visuelle ou graphique) du produit ou service et, d’autre part, les risques éventuels à la souscription de ce dernier. / Cet équilibre de la publicité implique la présence, dans toute publicité, quel que soit le support de diffusion utilisé, d’une information claire, intelligible et parfaitement lisible et/ou audible sur les risques propres à l’activité ou au(x) produit(s) visé(s) (…) » ;

Et selon le b) de ce même point 2-1-3, relatif à la « promesse de résultats et indications chiffrées », que « la publicité ne peut laisser penser que le consommateur ne prend aucun risque et/ou que son risque est limité ».

En l’occurrence, le Jury constate que la publicité en cause ne fait état d’aucun risque associé à l’investissement dont elle fait la promotion. A l’inverse, elle entend se démarquer de produits risqués (« Ce n’est pas un placement spéculatif à la merci des marchés… »), précise qu’il s’agit d’un placement « plus rentable que les autres placements, et non soumis aux aléas du marché » et que le client peut bénéficier d’une « totale sécurité », met en avant, en gros caractères, un rendement de « 7 % minimum » et, enfin, représente une famille souriante, ce qui renforce le sentiment de sécurité. La publicité laisse donc penser que le consommateur ne prendrait aucun risque.

Or, ainsi qu’il ressort des observations écrites de la société et des observations orales formulées par son président lors de la séance du 12 décembre 2014, les placements proposés, dont le capital n’est d’ailleurs garanti qu’à hauteur de 87 %, ne peuvent être regardés comme dépourvus de risques, compte tenu notamment des aléas inhérents à l’exploitation des centrales photovoltaïques dans lesquelles les clients investissent. La publicité en cause n’offre donc pas une présentation équilibrée entre performances et risques.

4.L’avis du Jury

Compte tenu de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause méconnaît les points 1-3 et 2 (6ème et 10ème alinéas) de la Recommandation « Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés » de l’ARPP, ainsi que les points 2-1-2 et 2-1-3 de son annexe 2. Le surplus de l’argumentation du plaignant ne peut en revanche être retenu.

Le Jury prend note des indications de la société annonceur selon lesquelles elle aurait mis fin rapidement à l’envoi de ces courriels, qui auraient été remplacés par de nouvelles publicités.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 12 décembre 2014 par M. Lallet, Vice-Président, Mme Moggio et MM. Carlo et Lacan.