AVIS JDP n°33/09 – TRANSPORTS AÉROPORT – Plainte fondée

Décision publiée le 25.01.2010

Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu successivement l’Association de défense de l’Environnement des Riverains de l’Aéroport, organisme plaignant, le représentant de l’Observatoire indépendant de la publicité ainsi que le représentant de l’association Défense contre les nuisances aériennes (ADFOCNAR), experts accompagnant le plaignant, puis, les représentants du Syndicat mixte de l’Aéroport, de la société de gestion de l’aéroport, de l’agence de communication et de la société d’affichage;

– et, après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 19 octobre 2009, d’une plainte émanant de l’Association de défense de l’Environnement des Riverains de l’Aéroport, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne de publicité en faveur de cet aéroport, diffusée, notamment, par voie d’affichage et sous la forme d’un dépliant de 6 pages.

Le visuel principal de l’affiche consiste à présenter au milieu d’un fond bleu clair, l’image d’une feuille verte stylisée. Cette image est reprise au bas de la publicité avec un avion de couleur verte qui paraît s’envoler de la feuille. L’accroche est la suivante « Plus tranquille. Plus vite. Moins cher. Un autre ciel est possible ».

Le dépliant présente le même visuel en sa première page et comporte en pages intérieures un texte intitulé « Plus respectueux de l’environnement – Une démarche volontaire de développement durable » qui présente les engagements des responsables et gestionnaires  de l’aéroport, parmi ceux-ci on peut lire « La volonté d’un développement maîtrisé », « respecter les normes HQE [1] » ainsi que plusieurs points développant les actions et démarches entreprises pour l’aménagement de l’aéroport.

La plainte a reçu le soutien de l’Union française contre les nuisances des avions (UFCNA), de l’Association de réduction des nuisances de l’aérodrome de Châteauroux /Déols, du Collectif contre les nuisances aériennes de l’agglomération toulousaine (CCNAAT) et de plusieurs particuliers.

2.Les arguments des parties

L’association plaignante,  expose que cette campagne « joue sur les codes de l’environnement pour améliorer (…) l’image environnementale de l’activité aéroportuaire » et que cette communication est disproportionnée par rapport à la réalité.

Elle soutient que l’utilisation de la feuille pour communiquer au sujet d’un aéroport contrevient à l’article 7-4 de la recommandation Développement durable qui exclut l’utilisation de végétaux ou d’animaux pour la présentation de produits ou d’activités qui comportent un impact négatif pour l’environnement.

Elle soutient que « la promesse « un autre ciel est possible » renvoie à la possibilité d’un ciel différent » alors que l’aéroport permet d’augmenter le trafic dans la région, que ses gestionnaires n’ont pas de capacité d’action sur les nuisances sonores, en dehors du « couvre-feu » entre minuit et cinq heures du matin, et qu’il est impossible compte tenu de l’augmentation du trafic aérien d’envisager une baisse de la pollution. Elle en déduit que ce slogan ne respecte pas l’article 6 de la Recommandation déjà citée.

Dans des observations ultérieures, l’association plaignante demande qu’un « démenti soit diffusé au Journal Officiel » ainsi que sur tous les supports de cette publicité, reprenant les décisions qui seront rendues par le Jury et que le prochain bulletin du département de l’Oise reprenne intégralement la décision du Jury.

L’agence  de communication, conceptrice de la campagne, explique que celle-ci s’inscrit dans une démarche de développement durable rigoureuse et ambitieuse de la part des gestionnaires de l’aéroport, qui se traduit notamment par une lutte contre les nuisances sonores et atmosphériques ainsi que par le respect et la généralisation des normes HQE. Elle précise que le slogan « Un autre ciel est possible – Plus respectueux de l’environnement. Plus humain » met en exergue la dimension humaine de l’aéroport, les services rendus (coût des parkings, accès à des vols européens au meilleur coût, mise en place de navettes) et les actions concrètes liées à l’environnement. Elle indique que la symbolique de la feuille renvoie au respect de l’environnement, à la légèreté du transport aérien et à l’environnement naturel sur lequel est situé l’aéroport et qu’elle constitue l’étendard de la démarche environnementale de l’aéroport en faveur des usagers comme des citoyens. Enfin, elle précise que « un avion décollant d’une feuille devient la métaphore d’un avion décollant de l’aéroport ».

Le Syndicat mixte de l’aéroport et la société aéroportuaire de gestion et d’exploitation de l’aéroport, son délégataire de service public, toutes deux commanditaires de la campagne de communication en cause, font valoir qu’ils cherchaient à répondre à deux objectifs : rendre compte aux habitants des décisions engagées et appliquées par l’exploitant dans le respect des engagements pris, d’une part, et promouvoir l’aéroport auprès des usagers en faisant valoir ses atouts et ceux des compagnies « low cost » essentiellement présentes sur cette plate-forme, d’autre part.

Elles expliquent qu’elles ignoraient l’existence de la charte de déontologie publicitaire élaborée par I’ARPP et que la responsabilité d’une éventuelle violation incomberait à l’agence, auteur de la campagne, qui n’a jamais évoqué la moindre observation sur l’adéquation de ce qu’il proposait et la charte en cause.

La société d’affichage précise que le visuel affiché par elle comportait en son centre une feuille stylisée avec, en haut, le slogan « un autre ciel est possible » au milieu les mentions «plus de dynamisme, plus d’avenir, plus d’Europe»; en bas le logo de l’aéroport reproduisant très exactement la même feuille stylisée.

Elle fait observer que le motif de feuille figurant au centre de l’affiche a seulement pour objectif d’illustrer les priorités et les actions concrètes mises en oeuvre dans le cadre d’un plan pluriannuel en faveur du cadre de vie et du développement durable, notamment la lutte contre le bruit et la pollution. Dès lors, il ne procède pas à une «assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel» au sens de l’article 7.4 de la Recommandation Développement Durable.

Elle ajoute que le slogan « un autre ciel est possible » illustre les efforts importants déployés par l’aéroport pour démontrer, quotidiennement, qu’un ciel différent de celui qui prévalait jusqu’ici est possible, au service de la collectivité, avec effectivement « plus de dynamisme, plus d’avenir, plus d’Europe ».

Enfin la société d’affichage conteste les affirmations de la plaignante concernant les corrélations entre, d’un côté l’existence de l’aéroport, de l’autre, le trafic, le bruit et la pollution et fait valoir que les affirmations « plus de dynamisme, plus d’avenir et plus d’Europe » ne contreviennent pas aux dispositions de la Recommandation invoquée.

Lors de la séance la  société aéroportuaire de gestion et d’exploitation de l’aéroport a indiqué que le visuel critiqué n’était pas le logo de l’aéroport, mais seulement un signe de campagne.

La société d’affichage admet que ces visuels ayant échappé, au moment de leur présentation pour validation en période estivale, à sa vigilance, ils n’ont pas été transmis à l’ARPP comme il est d’usage pour elle s’agissant de tout visuel évoquant le développement durable. Elle fait toutefois observer que le dépliant de 6 pages témoigne de la réalité des actions mises en œuvre par l’aéroport  en matière de développement durable et que la représentation d’une feuille verte pour illustrer les affirmations contenues dans ce document n’est qu’une illustration. Elle ajoute que le fait de faire jaillir de la tige de cette feuille un avion illustre le lien entre l’avion et le développement durable, sans assimiler l’avion à la feuille.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle qu’il résulte des dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP que, notamment :

– La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable (1) ;

– Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable (6.1) ;

– Les éléments visuels ou sonores doivent être utilisés de manière proportionnée à l’argument écologique et aux éléments justificatifs qui l’appuient (7.1) ;

– Lorsque la publicité utilise un argument écologique, l’assimilation directe d’un produit présentant un impact négatif pour l’environnement à un élément naturel (animal, végétal,…) est à exclure (7.4).

Ces Recommandations conduisent à considérer que si la déontologie publicitaire n’exige pas que le message constitue une information à caractère technique et scientifique, il existe toutefois, lorsque sont utilisés les arguments de l’écologie et du développement durable, une responsabilité particulière de l’annonceur, d’une part, de ne pas tromper le public sur la réalité des qualités du produit et des actions qu’il mène, d’autre part, de ne pas laisser envisager que le produit, dans sa fabrication et son utilisation, est sans dommage pour l’environnement .

S’agissant des visuels

Le Jury relève que la publicité critiquée exploite à deux reprises l’image d’une feuille d’arbre de couleur verte en suspension sur un fond bleu clair. Sur la seconde image, un avion de couleur verte prolonge la tige de la feuille et semble en décoller.

Il est évident, et d’ailleurs admis par les annonceurs, l’agence et les supports, que ce dessin renvoie à l’idée d’environnement et, par extension, à son respect qui constitue l’un des objectifs poursuivis par les annonceurs.

Cependant, au-delà de traduire cet objectif légitime, ce visuel reposant, tant dans ses couleurs que son dessin, sur une représentation symbolique de pureté induit l’idée d’innocuité de l’infrastructure vantée pour l’environnement ce qui, quelles que soient les précautions mises en exergue par les gestionnaires, n’est pas une réalité objective.

Il contrevient en conséquence aux dispositions de l’alinéa 1 de l’article 1 de la Recommandation Développement durable.

Par ailleurs, le dessin associant la feuille et l’avion assimile clairement l’aéroport à la feuille et contrevient aussi à l’alinéa 4 de l’article 7 de la même Recommandation qui prohibe explicitement ce procédé.

Le Jury donne acte à la  société aéroportuaire de gestion et d’exploitation de l’aéroport et au  Syndicat mixte de l’aéroport de leurs déclarations faites en séance selon lesquelles ce visuel ne constitue pas et ne doit pas à l’avenir constituer le logo de l’aéroport.

S’agissant des slogans

Plusieurs slogans sont utilisés selon les supports :

« Plus tranquille, plus vite, moins cher »

Ce slogan du dépliant n’est pas critiqué par la plainte et ne présente d’ailleurs aucune allégation relative à l’environnement qui pourrait justifier des réserves ou observations de la part du Jury.

« Plus de dynamisme, plus d’avenir, plus d’Europe »

De la même façon que le précédent ce slogan des affiches n’est pas critiqué par la plainte et ne présente d’ailleurs aucune allégation relative à l’environnement.

« Un autre ciel est possible »

L’Association de défense de l’Environnement des Riverains de l’Aéroport soutient que derrière cette affirmation se cache celle selon laquelle l’aéroport en question recevrait moins de trafic, produirait moins de nuisances sonores et moins de pollution ce qui, en l’état de ce qu’est l’aéroport en cause, est inexact.

Le Jury relève que ce slogan énoncé de manière générale n’est ni mensonger ni excessif ; il pourrait, par ses seuls termes, décrire la démarche de qualité poursuivie par les annonceurs. Cependant, associé au visuel précédemment décrit, il induit l’idée que l’aéroport aurait réussi à concilier son activité, polluante par nature, avec la préservation de l’environnement.

Cette affirmation apparaît comme étant de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur et sur les propriétés de son installation en matière de développement durable. Elle contrevient en conséquence à l’article 1 de la Recommandation Développement durable.

Sur la mise hors de cause demandée par le Syndicat mixte de l’aéroport et  la société Aéroport Gestion Exploitation.

Ainsi que le précise l’article 3, alinéa 3, de son règlement intérieur, le Jury de déontologie de la publicité n’est compétent que pour se prononcer sur la question du respect par les publicités critiquées des recommandations de déontologie professionnelle. Dans ce cadre, sont en cause l’annonceur, l’agence conceptrice et les supports de publication et l’ignorance par un annonceur des règles de déontologie applicable au message publicitaire, ne saurait justifier sa mise hors de cause par le Jury.

Sur les demandes formées par l’Association de défense de l’Environnement des Riverains de l’Aéroport

Le Jury rappelle qu’aux termes de l’article 16 de son règlement intérieur, il ne peut prononcer d’autre décision que celles du rejet ou du caractère fondé de la plainte ou encore celle consistant à demander au directeur général de l’ARPP de faire modifier, ou cesser la campagne publicitaire incriminée.

Il ne peut donc ordonner la publication d’un « démenti » au Journal officiel ainsi que le demande l’Association de défense de l’Environnement des Riverains de l’Aéroport.

Par ailleurs, les circonstances n’apparaissent pas justifier que la décision soit publiée par le Jury sur d’autres support que celui de son site internet.

4.La décision du Jury

– La plainte de l’Association de défense de l’Environnement des Riverains de l’Aéroport est fondée.

– La campagne de publicité de l’aéroport  contrevient aux dispositions des articles 1, alinéa 1 et 7 alinéa 4 de la Recommandation Développement durable de l’ARPP ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de faire cesser la campagne telle qu’elle existe à ce jour ou, si elle a cessé, de veiller à ce qu’elle ne soit pas renouvelée.

– La présente décision sera communiquée à l’association plaignante, au Syndicat mixte de l’aéroport, à la société aéroportuaire de gestion et d’exploitation de l’aéroport, à l’agence de communication, aux sociétés d’affichage.

–  Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 8 janvier 2010 par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, Mme Drecq, MM Benhaim, Carlo, Lacan, Leers et Raffin .

[1]

Haute qualité environnementale