Décision publiée le 16.11.2009
Plainte rejetée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
– après avoir entendu successivement les représentants de l’annonceur, de l’agence de communication, et de l’ARPP,
– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,
rend la décision suivante :
1.Les faits
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 1er juillet 2009, d’une plainte émanant d’un particulier, contestant la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire diffusée par voie de presse, par la société annonceur, en faveur de la voiture XX.
Cette publicité est tantôt déclinée sur une simple page, tantôt constituée de deux visuels présentés en parallèle sur une double page, représentant d’un côté, une femme ajustant une ampoule basse consommation à un plafonnier, accompagné du texte « Vous connaissez déjà les bons gestes. Allez plus loin », d’un autre côté, le modèle de voiture accompagné de l’accroche « Nouvelle XX. Le luxe devient responsable. »
2.Les arguments des parties
Le plaignant qui a produit des observations écrites mais s’est présenté trop tardivement pour participer à la séance, soutient que cette publicité ne respecte pas les principes déontologiques applicables en matière d’écologie et de développement durable, sur plusieurs points :
Tout d’abord en ce que le chiffre d’émissions de C02 du véhicule présenté (186 g/km) place celui-ci dans la catégorie E de l’étiquette C02 automobile, c’est à dire dans la moitié supérieure d’une classification qui va de A à G, la moitié supérieure représentant les «émissions de C02 élevées ». Selon l’Ademe, la moyenne des émissions de C02 des véhicules neufs vendus en France est de 140 gCO2/km, ce qui correspond à la catégorie C’. Les catégories A, B et C correspondent donc à des véhicules émettant moins que la moyenne des véhicules neufs, les catégories D, E, F et G correspondant à des véhicules émettant plus que la moyenne. Le véhicule présenté a donc des émissions supérieures de 33% à la moyenne des véhicules neufs vendus en France en 2008, et encore supérieures de 6% aux émissions moyennes des véhicules neufs vendus en France il y a 14 ans (1995), alors que cette moyenne n’a cessé de baisser depuis.
Par ailleurs, le chiffre d’émissions de C02 du véhicule présenté (186 g/km) place celui-ci dans la deuxième catégorie des véhicules soumis au malus écologique (la première catégorie étant constituée des véhicules dont les émissions sont comprises entre 161 et 165 gCO2/km).
Or, l’étiquette C02, rendue obligatoire par arrêté publié au J.O. le 10 novembre 2005, indique que « le CO2 est le principal gaz à effet de serre responsable du changement climatique ».
Le plaignant indique qu’un véhicule émettant des émissions de C02 importantes, c’est-à-dire dans la moitié supérieure de la classification française et dans la deuxième catégorie de malus écologique, contribue plus que la moyenne aux phénomènes de changement climatique. Compte tenu de l’ampleur et de la gravité de ces phénomènes, y contribuer plus que la moyenne, et, qui plus est, à la hauteur de 33% de plus que la moyenne, constitue manifestement une façon d’agir non réfléchie, sans peser les conséquences de ses actes ce qui est précisément la définition que le Petit Larousse illustré 2007 donne pour le terme « Responsable ». La publicité, en indiquant qu’un véhicule émettant 186 gCO2/km est «responsable», suggère ainsi une vertu écologique que le produit ne possède pas, et par conséquent trompe et induit en erreur le public.
Le slogan « Le luxe devient responsable » est un slogan absolu et non relatif. En qualifiant de « responsable» le véhicule présenté dont les caractéristiques répondent précisément au qualificatif inverse, la publicité enfreint a minima, selon le plaignant, quatre règles déontologiques de I’ARPP :
- la règle déontologique 2/1 relative aux arguments écologiques, qui indique que «la publicité doit proscrire toute déclaration de nature à tromper directement ou indirectement le consommateur sur la réalité des avantages ou propriétés écologiques des produits ».
- la règle déontologique 2/12 relative aux arguments écologiques, qui indique que «le choix des […] termes utilisés dans la publicité […] ne doit pas suggérer des vertus écologiques que le produit ne possèderait pas ».
- la règle déontologique 1/1 relative au développement durable, qui indique que « la publicité ne doit pas induire le public en erreur sur […] les propriétés de ses produits en matière de développement durable ».
- la règle déontologique 6/1 relative au développement durable, qui indique que « les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur […] la portée des propriétés du produit ».
Concernant l’utilisation du terme « respect de l’environnement », le texte en bas du visuel induit que le véhicule présenté est compatible avec le respect de l’environnement.
Compte tenu de la contribution du CO2 au changement climatique, et à l’impact du changement climatique sur l’environnement, la déclaration «compatible avec le respect de l’environnement» du véhicule présenté est trompeuse et suggère des avantages écologiques que le produit ne possède pas. L’expression « respect de l’environnement » est donc également utilisée ici, selon le plaignant, en infraction aux quatre règles énoncées ci-dessus.
L’ARPP précise qu’elle a été consultée préalablement à la diffusion de cette campagne par l’agence de communication, qui est un de ses adhérents, pour une diffusion en presse. Dans un contexte de sensibilité particulière et de surveillance accrue des publicités se réclamant des problématiques du développement durable, certains produits et secteurs font l’objet d’une vigilance particulière, comme le secteur automobile. A ce titre, c’est avec la plus grande attention que l’ARPP a procédé à l’examen de cette campagne. Celle-ci a fait l’objet d’échanges sur la base des recommandations « Développement durable » et « Arguments écologiques » alors applicables. Ses observations ayant été prises en compte, l’ARPP a indiqué à l’agence que son message était diffusable en l’état.
Plus précisément, sur le taux d’émissions de CO2 du véhicule hybride, objet de la publicité, l’ARPP a relevé que si le taux de 186 g n’était pas en soi un taux faible, il n’en demeurait pas moins réduit par rapport aux autres véhicules du même segment de marché. La formule « championne du monde de sa catégorie » est apparue acceptable à l’Autorité, dans cette mesure.
Concernant la signature « Le luxe devient responsable », l’ARPP a considéré que celle-ci était à rapprocher du fait que l’objet de la publicité est un véhicule hybride qui a un taux d’émission de CO2 « jamais atteint dans la catégorie des Berlines de luxe ».Elle n’est pas apparue, dans ce contexte, comme une promesse publicitaire excessive.
En ce qui concerne le terme « responsable », l’ARPP fait remarquer que celui-ci ne signifie pas « écologique » ou encore « propre » ou « vert ». Il n’est pas interdit en soi, en publicité. Son utilisation dépend du contexte. Or, la fabrication d’un véhicule de la catégorie « berline de luxe » avec un moteur hybride dont le taux d’émissions de CO2 est le plus bas du monde dans cette catégorie, constitue une avancée en matière automobile.
L’ARPP indique avoir néanmoins conseillé à son adhérent de nuancer la formule «respect de l’environnement » en la remplaçant par « meilleur respect de l’environnement »
L’annonceur indique à titre liminaire que le strict respect de la législation et de l’environnement sont des pré-requis incontournables pour elle. L’annonceur précise que le cadre de cette campagne est la promotion de la technologie hybride, sur le haut de gamme de la marque, la X.
Concernant plus précisément l’objet de la plainte, l’annonceur indique se situer sur un segment de véhicules de prestige ; avec 186 grammes de CO2, la XX est de loin le véhicule le moins polluant grâce à sa technologie hybride. La campagne en cause ne trompe pas ou n’induit pas en erreur. L’évocation « Le luxe devient responsable » est à rattacher aux réels efforts de prise en compte de la problématique CO2, en proposant un niveau de rejet remarquable pour un véhicule de luxe. L’annonceur fait remarquer que la Y ne fait pas partie de la même catégorie de véhicule.
En ce qui concerne le seuil de CO2 de 120 grammes en 2015 évoqué par le plaignant, il convient de rectifier que l’objectif à atteindre est de 130 grammes et non de 120. Par ailleurs, il s’agit d’un objectif de consommation moyenne à atteindre par chaque constructeur dans 6 ans.
L’annonceur indique par ailleurs avoir présenté sa campagne à l’ARPP qui en a validé le contenu après que les modifications demandées aient été prises en compte. Il admet que la première publication de cette campagne dans un quotidien ne reprenait pas, à la suite d’une erreur, la recommandation de l’ARPP de parler de « meilleur respect de l’environnement » plutôt que de « respect de l’environnement » ; cette erreur a été immédiatement corrigée dans toutes les autres parutions.
L’agence publicitaire ayant conçu la campagne a exposé avoir respecté les dispositions déontologiques ainsi que les préconisations de l’ARPP au stade de l’avis préalable. Elle a indiqué avoir vérifié auprès de l’annonceur la véracité des affirmations de la publicité en cause. Plus précisément :
Sur le positionnement du véhicule, l’agence indique avoir construit cette campagne afin d’assurer la meilleure information des consommateurs et d’effectuer une publicité loyale qui ne soit pas de nature à induire en erreur. C’est pourquoi elle a positionné clairement toutes les allégations relatives aux performances de la XX dans la catégorie de ce véhicule. Ainsi, par exemple : «Nouvelle XX : championne du monde de sa catégorie en émissions de C02 et en consommations », «la XX atteint des niveaux encore jamais atteints sur le segment des berlines de luxe ».
La communication n’a en aucun cas cherché à positionner la nouvelle XX face à un véhicule tel que la Y, qui n’appartient pas à la même catégorie.
La plainte est donc infondée sur ce premier point.
Sur l’accroche «le luxe devient responsable», celle-ci a été longuement réfléchie et travaillée, tant sur le plan commercial qu’au niveau déontologique avec l’ARPP.
L’agence fait valoir que l’annonceur, à travers son histoire, a toujours défini les standards du luxe automobile (très hauts standards de sécurité, de confort, d’équipements, etc.). La X constitue la référence dans la catégorie des berlines de luxe. Après des années de recherche visant à réduire les émissions de ses véhicules, l’annonceur a innové en lançant en juin 2009 la Nouvelle XX, premier véhicule de luxe à motorisation hybride commercialisé en série. C’est donc très logiquement, devant cette innovation visant à concilier véhicule de luxe et véritable effort environnemental, que l’accroche « le luxe devient responsable» s’est imposée.
3.Les motifs de la décision du Jury
Le Jury rappelle que les Recommandations « Développement durable » et « Arguments écologiques » de l’ARPP, applicables au jour de la publication de la publicité, disposent, notamment, que :
- « La publicité doit proscrire toute déclaration de nature à tromper directement ou indirectement le consommateur sur la réalité des avantages ou propriétés écologiques des produits ainsi que sur la réalité des actions que l’annonceur conduit en faveur de l’environnement ;
- La publicité ne doit pas tromper le public sur la réalité des actions de l’annonceur en faveur du développement durable, ni sur les propriétés de ses produits et services en la matière.
- Le choix des signes ou des termes utilisés dans la publicité, ainsi que des couleurs qui pourraient y être associées, ne doit pas suggérer des vertus écologiques que le produit ne possèderait pas ; ».
Ces Recommandations conduisent à considérer que si la déontologie publicitaire n’exige pas que le message constitue une information à caractère technique et scientifique, il existe toutefois, lorsque sont utilisés les arguments de l’écologie et du développement durable, une responsabilité particulière de l’annonceur, d’une part, de ne pas tromper le public sur la réalité des qualités du produit et des actions qu’il mène, d’autre part, de ne pas laisser envisager que le produit, dans sa fabrication et son utilisation, est sans dommage pour l’environnement.
En l’espèce, le Jury a relevé que si le taux d’émissions de CO2 du véhicule présenté dans la publicité en cause est élevé, il n’est pas contesté que sur le segment de marché concerné, celui des berlines de luxe, ce taux n’est atteint par aucun autre véhicule appartenant à la même catégorie. La publicité qui se réfère explicitement à cette dernière en visant un produit déterminé, ne peut dès lors être considérée comme ayant cherché à tromper le consommateur.
Il observe également que l’accroche utilisée, « le luxe devient responsable », d’une part, emploie le terme « responsable » lequel n’est pas juridiquement prédéterminé et doit s’apprécier dans le contexte et non de manière absolue et d’autre part, se situe dans la dynamique imposée aux constructeurs automobiles de réduire la moyenne des émissions de CO2 des véhicules qu’ils construisent d’ici 2015 à 130 grammes en présentant un modèle de luxe dont le taux d’ émissions est le plus bas de sa catégorie. Dans cette mesure, elle ne contrevient pas non plus aux Recommandations rappelées ci-dessus.
Enfin, si la première publicité parue dans un quotidien ne reprenait pas la préconisation de l’ARPP de mentionner la compatibilité des caractéristiques du véhicule présenté non pas avec le « respect de l’environnement » mais avec « un meilleur respect de l’environnement », il s’est agi d’une erreur qui a été immédiatement rectifiée par l’entreprise, ainsi que l’ARPP l’a confirmé en séance.
Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de relever un manquement aux règles déontologiques applicables.
4.La décision du Jury
– La plainte est rejetée
– La présente décision sera communiquée au plaignant, à l’annonceur et à l’agence de communication.
– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.
Délibéré le vendredi 6 novembre 2009, par Mme Hagelsteen, présidente, Mmes Drecq et Moggio, et MM. Benhaïm, Leers et Raffin .