Avis JDP n°206/12 – RADIO – Plainte fondée

Décision publiée le 16.07.2012
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de la Direction Générale de la santé du Secrétariat d’État à la santé, des radios annonceurs, et de l’ARPP ;

– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 24 avril 2012, d’une plainte émanant de la Direction générale de la santé du Secrétariat d’Etat à la santé, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée au cinéma, à la télévision et sur internet, en faveur de la société de radio A pour la station radiophonique B;

Le spot en cause intitulé « Corentin, Baby-sitter » met en scène un jeune homme qui couvre ses oreilles d’un casque audio pour ne pas entendre les cris des enfants dont il a la surveillance.

Le film est signé « Louder is better. Monte le son ! radio B. Un maxx de tubes».

2.Les arguments des parties 

La Direction générale de la santé, considère que cette campagne, en particulier le slogan, incite le public à monter le niveau sonore de la musique, ce qui est dangereux pour la sécurité et la santé, en raison du risque auditif, notamment pour les jeunes. Elle fait valoir que l’écoute de la musique à hauts niveaux sonores, notamment lors de l’utilisation de baladeurs, a des impacts reconnus sur l’audition des utilisateurs.

Ce message va donc à l’encontre de la politique de prévention des risques auditifs portée par le ministère chargé de la santé depuis de nombreuses années.

Elle précise que cette politique de prévention a conduit à une réglementation relative aux baladeurs qui impose désormais l’apposition sur tous les appareils d’un message sanitaire qui précise que « à pleine puissance, l’écoute prolongée du baladeur peut endommager l’oreille de l’utilisateur » (article L. 5232-1 du code de la santé publique).

Par ailleurs, l’INPES diffuse des messages de prévention et de sensibilisation des risques auditifs relayés, notamment, depuis 2011, par une campagne de sensibilisation nationale et par les associations investies sur le sujet qui incite à écouter « pas trop fort, pas trop longtemps ».

Selon elle, la campagne publicitaire de la société Radio B incite les jeunes à avoir un comportement à risques pouvant mettre en danger leur audition.

Pour ces raisons, cette campagne et son slogan lui apparaissent comme étant contraires à l’article 18 du Code des pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de Commerce Internationale et à la Recommandation « Enfant» de l’ARPP.

Dans un mémoire ultérieur, la DGS a encore invoqué la non-conformité de la publicité à la Recommandation  «Sécurité ». Elle précise avoir indiqué ce point aux représentants de la radio, lors d’une réunion qui s’est tenue au ministère le 30 mai 2012.

Les sociétés  qui exploitent la radio B, ont fait valoir que l’entreprise était sensible aux inquiétudes exprimées par le Ministère chargé de la santé et qu’elles ont, au cours de plusieurs entretiens menés avec la direction plaignante, formulé plusieurs propositions concernant les spots publicitaires qui seraient diffusés a l‘avenir à la télévision ou au cinéma.

La première est de modifier le message « Monte le son » par une traduction incitant à « écouter la musique plus passionnément / plus intensément » ou à « écouter la musique plus à fond / plus intensément », tout en conservant l’expression anglaise « Louder is better» qui est une marque déposée, la deuxième consiste à apposer un bandeau déroulant comportant le message de mise en garde suivant : « A pleine puissance, l’écoute prolongée du baladeur peut endommager l’oreille de l‘utilisateur », la troisième consiste à remplacer la scène au cours de laquelle le personnage principal augmente le niveau sonore au maximum par un visuel montrant une augmentation du volume sonore qui n’atteint pas le maximum.

Ce spot publicitaire une fois modifié selon les indications données ci-dessus, remplacerait le spot actuellement diffusé sur le site web de radio B.

Concernant le site internet, qui relaie la vidéo « Corentin, baby sitter », où la vidéo serait conservée dans sa version actuelle, radio B fera en sorte qu’apparaisse, de manière visible, à proximité du “player” de la vidéo, le message de mise en garde suivant : “A pleine puissance, l’écoute prolongée du baladeur peut endommager l’oreille de l’utilisateur“;

Pour la Direction générale de la santé, les propositions de radio B reflètent la démarche d’une entreprise responsable qui a pris conscience, à l’occasion de leurs échanges, du danger que présente la campagne publicitaire diffusée. Cependant, les propositions faites ne lui semblent pas suffisantes au regard de l’enjeu de santé publique, dans la mesure où le message véhiculé en anglais « Louder is better» reste identique et aucun engagement sur la nature du message n’est associé a la modification de la traduction du slogan « Monte le son ».

Elle fait observer que les modifications du spot restent conditionnées à la diffusion d’une nouvelle campagne publicitaire utilisant le spot  « Corentin, baby-sitter »  et que la publicité demeure dans sa version initiale sur internet, média majeur de diffusion avec plus de deux millions d’internautes ayant visionné le spot sur le site internet.

La tentative de transaction ayant échoué, la Direction générale de la santé a maintenu sa plainte.

L’annonceur, la société radio A exploitant l’enseigne radio B explique qu’elle est une radio privée musicale du Groupe Lagardère qui a été lancée le 1er janvier 2008, dont la cible est celle de l’auditoire jeune.

Elle a lancé une campagne publicitaire composée de deux films : « Corentin dans sa voiture » et « Corentin Baby-sitter », diffusés à partir du mois d’octobre 2011 en vue de promouvoir son slogan déposé à titre de marque « Louder is better » (traduit par « Monte le son») visent à renforcer la signature de la marque « Un Maxx de Tubes ».

Il rappelle que le film publicitaire « Corentin dans sa voiture » a déjà fait l’objet d’une décision du Jury de déontologie publicitaire qui a rejeté la plainte formulée en considérant qu’elle ne contrevenait pas aux règles déontologiques et aux recommandations de l’ARPP.

L’annonceur rappelle que le Jury de Déontologie Publicitaire a, dans plusieurs décisions énoncé qu’il n’entre pas dans ses missions de statuer sur la violation de dispositions législatives et que son examen ne peut porter que sur le respect des règles de déontologie élaborées par les professionnels eux-mêmes, réunis au sein de l’ARPP.

En conséquence, le Jury ne pourra fonder sa décision sur les dispositions de l’article L.5232-1 du code de la santé publique invoquées par le secrétariat d’Etat à la santé.

Il ajoute que le Jury ne pourra non plus pas, sous couvert de déontologie, imposer des atteintes disproportionnées à la liberté de communication dont la valeur constitutionnelle a été reconnue. La demande formée de ce chef serait donc irrecevable.

Sur la violation prétendue de l’article 18 du code des pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre du commerce internationale, d’une part, et de la Recommandation Enfant de l’ARPP, d’autre part, l’annonceur fait valoir que la décision rendue par le Jury de déontologie concernant l’autre communication publicitaire de radio B, à savoir le film «Corentin dans sa voiture », a considéré que la mise en scène illustrait « essentiellement des difficultés de compréhension générationnelles », que l’ironie « s’exprimait avec humour et sans agressivité » et que la publicité en cause ne méconnaissait pas la Recommandation Enfant.

La société radio A  fait encore valoir que sa communication n’incite à aucun comportement dangereux, ni ne légitime un comportement répréhensible ou valoriserait un comportement délictueux et antisocial.

Le spot publicitaire « Corentin baby-sitter » met en scène un moment de détente et de relâchement que s’accorde le personnage Corentin, face aux hurlements des enfants qui ne veulent pas aller se coucher et le slogan adopté n’incite pas nécessairement à écouter de la musique de façon constante à des sonorités élevées mais de « monter le son ».

Par ailleurs, cette publicité s’inscrit dans la continuité de la communication humoristique de radio B. Comme bon nombre de publicités, il s’agit en réalité d’un message métaphorique écrit au second degré et d’une publicité écrite sur le ton de l’humour.

Elle ajoute que ce spot publicitaire transforme, durant un laps de temps très court, des situations négatives en scènes positives par l’intermédiaire de la musique diffusée par radio B, permettant ainsi de s’abstraire un court instant des cris des enfants. Son objectif est d’illustrer le concept publicitaire « Louder is Better » qui caractérise le plan de communication de radio B afin de renforcer sa signature: « Un Maxx de Tubes » et de manière plus générale vise à valoriser l’écoute de cette radio.

Cette publicité présente un caractère décalé qui ne peut échapper même aux plus jeunes téléspectateurs et n’a pas pour objet de les inciter à réitérer les comportements mis en scène.

Par ailleurs, la société annonceur fait valoir qu’elle s’est déjà conformée aux règlementations et règles déontologiques applicables en matière de publicité, puisqu’elle a soumis les différents spots publicitaires à l’ARPP qui, en vertu de son pouvoir d’appréciation, les a jugé « conformes aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur » et a émis un avis favorable sans aucune réserve concernant un prétendu non-respect de ses recommandations déontologiques alors que l’ARPP prend nécessairement en compte, lorsqu’elle rend ses avis avant la diffusion de spots publicitaires, le recours à des scènes de nature à causer des dommages sur le plan mental et physique des adolescents et jeunes adultes.

Faire droit à la demande du Secrétariat d’Etat à la Santé aurait donc pour effet d’interdire toute communication originale sur le thème de la musique et porterait atteinte de façon injustifiée à la liberté d’expression et de création des publicitaires.

L’agence de communication  s’est associée aux arguments et éléments de son client radio B et demande également le rejet des demandes du Secrétariat d’Etat à la Santé.

La chaîne de télévision de service publique fait valoir qu’elle partage la préoccupation de l’Administration sur la nécessaire prévention des atteintes auditives résultant de l’emploi inconsidéré du volume sonore des baladeurs et des autres dispositifs acoustiques, notamment par les adolescents et les jeunes adultes. Elle fait observer que le message incriminé ne permet cependant en rien de conclure que le seuil d’alerte sonore ait été dépassé par le baby-sitter désireux d’échapper aux cris des enfants. En outre, l’arrivée rapide de la mère de famille  ne permet pas non plus de conclure que la durée d’écoute de la musique par le baby-sitter ait été trop longue, conformément aux recommandations de l’INPES.

C’est donc, selon elle, légitimement que les services de visionnage de l’ARPP ont pu considérer que ce message publicitaire n’était pas contraire aux recommandations en cause, et c’est sur la base de cet avis que ce message a  été diffusé sur les chaînes de télévision dont les espaces publicitaires sont régis par France Télévisions Publicité.

A ce titre, elle fait observer que ce message a seulement été diffusé sur ses espaces du 1er au 12 février 2012, et que la lettre de saisine date du 24 avril 2012. Si le message publicitaire incriminé avait constitué un réel danger pour la santé publique, l’Administration n’aurait pas attendu aussi longtemps pour intervenir. De plus, il en résulte que, pour ce qui concerne France Télévisions,  le délai de deux mois prévu à l’article 3 du Règlement Intérieur du JDP a été dépassé, et qu’en conséquence cette plainte n’est pas recevable.

La régie de cinéma fait valoir que ce spot, délibérément axé sur l’humour et l’exagération, s’inscrit dans une campagne décalée dont l’objet est de promouvoir une station de radio dédiée à une audience jeune et que dès lors, il ne lui est pas apparu critiquable ni susceptible d’encourager des comportements dangereux pour les enfants ou les adolescents ou de nature à leur nuire. Dans le cas contraire, elle aurait exclu la diffusion de ce spot des films pour enfants.

L’ARPP indique que, comme toute publicité destinée à être diffusée en télévision, ce spot lui a été soumis pour avis avant diffusion sur les chaines.

Plusieurs échanges ont eu lieu avec l’agence de communication, au stade du conseil préalable sur le projet de film. Le conseil de l’ARPP a porté essentiellement sur la mise en scène, dans ce contexte, de jeunes enfants. Elle a attiré l’attention de l’agence principalement sur la non présentation des enfants en situation dangereuse (en déconseillant par exemple de les montrer en train de casser des objets ou encore debout sur les canapés). A titre accessoire, ont été également souligné, l’absence de gaspillage de produits alimentaires et la traduction nécessaire des termes en langue étrangère.

Sur la question spécifique de l’utilisation du baladeur par le jeune homme, en l’absence de tout avertissement officiel des autorités scientifiques ou publiques qui l’aurait alertée sur les risques de présentation en publicité de l’usage de baladeurs par un enfant ou un adolescent, l’ARPP n’est pas intervenue sur cette scène.

Dans ce contexte, ni le geste du jeune montant le son (la barre d’amplification du volume sonore ne va pas à son maximum et demeure dans le vert ce qui ne suggère pas  explicitement que le niveau sonore utilisé dans la publicité correspond à un cas d’écoute de musique à risque), ni la formule « monte le son » , ne sont apparus comme incitant à l’abus de niveau sonore et pouvant dès lors induire des comportements similaires.

L’ARPP a également particulièrement relevé, dans l’analyse de cette publicité, que rien ne permet de déterminer qu’il s’agit d’un acte qui se répète régulièrement et présenterait ainsi un risque d’usage excessif et que la situation décrite relève de l’exagération (par le comportement des enfants et par le décor – totalement dévasté) et de l’humour (par l’effet de superposition entre les paroles de la chanson et les mouvements des lèvres des enfants et de la mère).

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, ce spot est donc apparu acceptable au regard des principes déontologiques en vigueur et en particulier aux dispositions contenues dans la Recommandation Sécurité et dans l’article 4 du Décret du 27 mars 1992.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Sur la recevabilité

S’agissant du délai de saisine, le Jury relève que la Direction générale de la santé a adressé sa plainte le 24 avril 2012, alors que la diffusion de la publicité télévisée s’est achevée le 12 février 2012.

Il en résulte, ainsi que l’a relevé la chaine de télévision publique, qu’en application de l’article 3 du règlement intérieur du Jury, la plainte est irrecevable concernant la diffusion télévisée, puisqu’elle a été adressée dans un délai supérieur à deux mois après la fin de la diffusion.  Cependant, la plainte demeure recevable concernant la diffusion du même film, toujours actuelle, sur le site internet radio B.

S’agissant des dispositions visées, ainsi que le rappelle l’annonceur, le Jury de Déontologie publicitaire a, à plusieurs reprises, déjà précisé qu’il n’entre pas dans ses missions – alors même que certaines règles déontologiques recommandent le respect de la Loi – de statuer sur la violation de dispositions législatives ou règlementaires qui relèvent de l’appréciation des tribunaux, mais qu’il lui appartient, en revanche, d’apprécier le respect, par les annonceurs, les agences et les diffuseurs des règles de déontologie élaborées par les professionnels eux-mêmes, réunis au sein de l’ARPP, afin d’assurer dans la durée, la protection de la confiance que les consommateurs accordent à la publicité, et qui peuvent être plus exigeantes que celles résultant de la législation applicable.

Le Jury ne peut dès lors se prononcer sur une éventuelle violation de l’article L. 5232-1 du Code de la santé publique par la publicité en cause, mais demeure compétent pour apprécier le respect des dispositions de déontologie publicitaire.

A ce sujet, le Jury observe que la plainte ne vise que l’une des dispositions de la Recommandation « Enfant » de l’ARPP et l’article 18 du code des pratiques loyales en matière de publicité de la CCI.

Cependant, il résulte des observations des sociétés exploitant la radio B déposées au mois de mai que celles-ci étaient, dès ce moment, informées de ce que le non respect de la Recommandation « Sécurité » était aussi invoqué par la Direction générale de la santé.

Par ailleurs les représentants de l’annonceur ont, lors des débats, fait valoir un certain nombre d’arguments à ce sujet, notamment que la situation montrée par la publicité, était une situation d’instant ne permettant nullement d’en déduire une habitude d’écoute prolongée du son au maximum de puissance ou une incitation à cet égard et que le jeune homme demeurait vigilant en écartant les oreillettes de son casque à plusieurs reprises pour écouter les paroles des enfants ou de la mère, ce qui tendrait à montrer qu’il n’était nullement en situation de mise en danger pour son audition. Il en résulte que l’annonceur a pu valablement faire valoir sa défense sur le respect de la Recommandation « Sécurité » et que la plainte peut être examinée au regard de cette Recommandation.

Sur le fond

 Le Jury rappelle que la Recommandation «Sécurité » de l’ARPP dispose :

« La publicité, sous quelque forme que ce soit, ne doit pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens et doit donc respecter les règles déontologiques suivantes :

“Sauf justification d’ordre éducatif ou social, la publicité ne doit comporter aucune présentation visuelle ni aucune description des pratiques dangereuses ou de situation où la sécurité et la santé ne sont pas respectées” Article 13 du Code de la CCI

Une prudence particulière s’impose aux publicités utilisant des enfants ou des adolescents ou s’adressant à eux.

 Manipulation des produits pouvant être considérés comme dangereux

2.2 Présenter les produits de telle sorte que le mode d’utilisation offrant le maximum de sécurité soit souligné (tant par la présentation elle-même que dans son contexte) ;

2.3 Ne pas donner ou paraître donner une garantie complète de sécurité dans les messages publicitaires ;

2.4 N’utiliser aucun texte ou visuel susceptible d’induire directement ou indirectement un comportement pouvant porter atteinte à la santé et à la sécurité des biens et des personnes, même pour des produits ou services ne pouvant être considérés comme dangereux par nature. »

La Recommandation «Enfant » de l’ARPP dispose :

Dans son préambule :

« La communication de marketing ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental, moral ou physique (article 18 du code CCI).

et au point 5- Sécurité

« 5.1 La publicité s’adressant aux enfants doit présenter les produits dans un environnement et des situations répondant aux règles de sécurité prévues par les normes en vigueur.

5.2 La publicité ne doit pas donner l’impression qu’un comportement dangereux ou imprudent est acceptable et peut être reproduit, dans quelque situation que ce soit, y compris dans le cadre de jeux. ».

 Enfin, l’article 18 du code des pratiques loyales en matière de publicité de la Chambre de Commerce Internationale énonce que « La communication commerciale ne doit comporter aucune déclaration ou aucun traitement visuel qui risquerait de causer aux enfants ou aux adolescents un dommage sur le plan mental moral ou physique. Les enfants et les adolescents ne peuvent être représentés dans des situations dangereuses (…) ni être encouragés à participer à une activité ou à adopter un comportement potentiellement dangereux. ».

Le Jury relève que la Direction administrative plaignante a produit les références d’analyses et de rapports, non contestés par l’annonceur, qui démontrent que l’exposition au bruit, notamment en raison de l’écoute à un fort niveau sonore de la musique (baladeurs, concerts discothèques) très fréquente pour les personnes jeunes, risque d’entraîner des pertes auditives irréversibles.

Il précise que, s’il s’est déjà prononcé sur le respect des règles de déontologie dans la publicité  intitulée «Corentin en voiture » diffusée pour radio B, sa décision du 6 janvier 2012 ne concerne que le respect de la disposition relative au respect de l’autorité parentale contenue dans le préambule de la Recommandation « Enfant ».

Il observe qu’il était effectivement allégué dans la plainte que « les seuls bénéficiaires de cette publicité seraient les médecins spécialistes en ORL en raison des déficiences de l’ouïe provoquées par un son trop fort », mais que celle-ci ne comportant pas de développement relatif à cette question il n’a pas examiné la publicité en cause sous cet angle.

Il a toutefois considéré dans cette décision que le personnage de Corentin était « un jeune homme, dont il n’était pas possible de déterminer l’âge précis », mais qu’il apparaissait « avec une certaine évidence proche de la majorité ». Il n’en demeure pas moins que ce personnage est jeune et que son rôle dans une publicité en faveur d’une radio qui s’adresse à un auditoire jeune est destiné à porter un message aux adolescents et aux très jeunes adultes.

Le Jury observe que la publicité montre ce personnage assailli par deux enfants hurlant qu’ils ne veulent pas aller se coucher, et qui, pour se protéger de leurs cris, pose sur ses oreilles le casque d’un baladeur dont il monte le son.

La progression du son se manifeste par un plan sur l’échelle de celui-ci, les « barrettes » d’intensité demeurent vertes mais s’affichent tout au bout de la fenêtre prévue à cet effet, suggérant que le son est monté au maximum.

Par ailleurs, c’est à deux reprises que le personnage appuie sur le bouton d’intensité, pour arriver à ce niveau maximum.

Le visionnage du film permet, en outre, de constater que le son de la musique couvre les cris des enfants et les paroles de la mère formulées à un haut niveau sonore.

Le slogan « Louder is better », est traduit par la phrase « monte le son », mais il est, en tout état de cause, facilement traduisible à son sens littéral « plus fort est mieux » par n’importe quelle personne possédant des rudiments d’anglais comme le sont (à tout le moins) les jeunes et adolescents des générations actuelles.

Ainsi que le fait valoir l’annonceur, il n’est nullement montré dans ce spot une écoute prolongée à un niveau maximum de son et une telle invitation n’y est pas formulée. Il n’en demeure pas moins que cette publicité diffusée par une radio qui s’adresse aux jeunes générations (certains enfants, adolescents et jeunes majeurs), dans laquelle ils se reconnaissent et se retrouvent, diffuse un message les incitant à écouter la musique plus fort.

Compte tenu de l’exposition de ces générations à de multiples sources de niveaux sonores très élevés qui comportent des risques pour l’avenir de leur audition, cette invitation incite à un comportement qui est susceptible de comporter un danger pour l’avenir de la santé des jeunes personnes.

Elle est donc contraire aux dispositions précitées des Recommandations « Sécurité » et « Enfant » de l’ARPP, ainsi que de l’article 18 du Code des pratiques loyales en matière de publicité de la CCI.

Le Jury observe, par ailleurs, que l’humour exprimé dans ce spot ne permet pas d’atténuer la violation de ces dispositions ou de prendre de la distance avec le message permettant d’en relativiser la portée.

En conséquence, le Jury considère que la représentation en cause contrevient aux règles déontologiques rappelées ci-dessus.

4.La décision du Jury

– La plainte est irrecevable concernant la diffusion télévisée mais recevable concernant sa diffusion sur internet ;

– La plainte est fondée;

– La publicité des sociétés exploitant pour la Radio B contrevient au préambule et au point 5.2 de la Recommandation « Enfant », au préambule et au point 2.4 de la Recommandation « Sécurité » de l’ARPP ainsi qu’à l’article 18 du code ICC ;

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de prendre toute mesure pour faire cesser cette publicité en tant que telle et qu’elle ne soit pas renouvelée ;

– La présente décision sera communiquée à la plaignante, aux sociétés exploitant la radio B, à l’agence de communication,  à la chaîne de télévision publique, au syndicat représentant les chaînes de télévision et à l’ARPP ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 6 juillet 2012, par Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, suppléant la Présidente empêchée, Mmes Drecq et Moggio et MM Benhaim, Carlo et Leers.