Avis JDP n°145 /11 – TRANSPORTS ROUTIERS – Plainte fondée

Décision publiée le 29.09.2011
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

-Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

-après avoir entendu les représentants de  la Fédération Nationale des Usagers des Transports et de l’annonceur,

-et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 20 juin 2011, d’une plainte émanant de  la Fédération Nationale des Usagers des Transports (FNAUT), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une offre publicitaire accessible sur le site Internet d’une société proposant un service de transport sur réservation.

Le service est décrit sur le site de la marque comme notamment « 100% écologique », « véhicules parmi les plus propres du marché », « dans le respect de l’environnement »….

2.Les arguments des parties 

 L’association plaignante, la Fédération Nationale des Usagers des Transports (FNAUT) estime que les allégations environnementales et notamment « 100% écologique » ne sont pas démontrées et contreviennent aux règles de l’ARPP.

Elle relève principalement les phrases « nous compensons les émissions de CO2 de toute notre flotte de véhicules en finançant des projets de compensation carbone », « la somme de l’utilisation de véhicules parmi les plus propres du marché, des pratiques d’éco-conduite de nos conducteurs et de cette politique de soutien à des projets de développement durable nous permettent de nous offrir un service 100% écologique ».

La FNAUT reproche au site Internet de ne pas expliquer en quoi le financement de projets de compensation carbone permet de rendre le service proposé « 100% écologique ». De plus, rien n’est dit sur la consommation effective des différents véhicules mis à disposition, en carburant.

Ainsi, selon l’association, les allégations de cette publicité ne sont absolument pas démontrées notamment en ce qui concerne le caractère écologique du service de transport proposé. En effet, le texte de cette publicité ne fait apparaître aucune donnée objective et vérifiable permettant de justifier cette allégation. Enfin, cette allégation est de portée très générale et indémontrable.

La publicité ne respecte donc pas la disposition de la Recommandation Développement durable selon laquelle est proscrite « toute déclaration de nature à tromper directement ou indirectement le consommateur sur la réalité des avantages ou propriétés écologiques des produits ».

La société annonceur précise qu’elle est une société de Transport Public Routier de personnes qui réalise des prestations de transport sur réservation, dont les trajets et les prix sont déterminés au moment de la réservation.

Dans le cadre de son activité, elle a pris la décision de proposer un service aussi respectueux de l’environnement que possible. A ce titre, un ensemble de mesures ont été prises et sont prises au quotidien :

  • La société ne possède que des Toyota Prius – voitures considérées par l’ADEME comme la voiture essence qui pollue le moins,
  • Elle forme ses chauffeurs à l’éco-conduite de la Prius et notamment à certaines spécificités d’usage de cette voiture,
  • Elle peut faire appel à d’autres types de véhicules auprès de sous-traitants lorsque la demande de ses clients l’exige (nombre de passagers/bagages trop important pour rentrer dans une Pius) : il est moins polluant d’effectuer un trajet avec une voiture plus polluante qu’une Prius mais de plus grande capacité, qu’avec deux Prius (émissions de CO2 de deux voitures + coût environnemental de l’usure des voitures),
  • Dans tous les cas, la société compense les émissions de CO2 de tous les trajets qui lui sont réservés, en partenariat avec EcoAct (membre de l’ADEME, audité par les bureaux Veritas certification) et est à ce titre mentionnées sur sont site Internet.

La société fait valoir que même si elle est une société trop jeune (première course en février 2010 avec 2 voitures en circulation) pour qu’il soit pertinent de réaliser un bilan carbone, elle a tenu à compenser ses émissions de CO2 par anticipation, sur la base de prévisions.

Concernant la plainte, l’annonceur comprend qu’un certain nombre d’allégations peuvent paraître excessives et accepte de modifier sa page web mais fait valoir que l’ensemble des démarches entreprises depuis sa création lui permettent de se prévaloir d’une attitude éco-responsable.

Sur le reproche de justification insuffisante, une page entière de son site est consacrée à son engagement environnemental, au choix des véhicules, aux exigences de ses clients qui nécessitent parfois l’utilisation d’autres voitures que les Prius, à sa compensation carbone.

Sur le reproche de ne rien dire « sur la consommation effective des différents véhicules mis à disposition, en carburant », tout au long du site, il n’est pas mentionné les consommations de carburant mais les émissions de CO2 (89g/km) car la mesure en taux d’émissions est généralement celle qui est retenue pour évaluer le niveau de pollution d’un produit.

Sur le reproche qu’ « il n’est pas expliqué en quoi le financement de projets de compensation carbone permet de rendre le service proposé « 100% écologique », la société fait valoir qu’elle explique son partenariat avec EcoAct, donne des exemples de projets soutenus par cette dernière et renvoie vers son site sur lequel la démarche de  compensation carbone est expliquée.

Sur l’utilisation du mot « Taxi », celui-ci n’apparaît que sur l’en-tête de la home page.  Cette erreur a été réparée depuis.

La société annonceur fait valoir qu’elle est claire sur son activité et sur sa démarche environnementale. Deux grands axes sont développés :

« L’utilisation de véhicules faiblement polluants » : il est donc clairement dit que les véhicules polluent et que selon les demandes, elle peut mettre à disposition des véhicules adaptés qui polluent plus qu’une Prius.

« La compensation volontaire des émissions » : il est expliqué que c’est justement parce qu’elle pollue, qu’elle compense ses émissions de CO2 en finançant des projets visant à réduire des émissions de gaz à effet de serre par ailleurs.

Il est cependant impossible de donner des chiffres précis sur les émissions de CO2 car lorsque l’activité a été lancée il y a 18 mois, l’annonceur ne savait pas combien de voitures elle allait acheter ni quel serait le volume d’activité pour la première année.

Sur le reproche fait à la dénomination de l’entreprise d’utiliser le préfixe « Eco », la société fait valoir que celui-ci renvoie certes à la notion d’écologie mais également à celle d’économie car l’annonceur propose des abonnements gratuits et des tarifs compétitifs qui sont un axe de communication majeur. En réalité, 99% de ses clients ne sont pas intéressés par l’écologie mais par les tarifs pratiqués.

Sur la critique portée à la mention « … transport de personnes à bord de véhicules de moins de 9 places… », l’annonceur précise qu’elle exerce son activité sous un cadre réglementaire, celui du transport routier de personnes, conformément à l’article 34 du décret n°85-891 du 16 août 1985. La mention présente dans les conditions générales de vente est un rappel du cadre réglementaire dans lequel la société propose ses services et n’est pas une indication sur les orientations stratégiques, commerciales ou managériales de l’entreprise.

En revanche, la référence au « transport écologique » mentionnée par ailleurs fait référence aux efforts pour rendre son activité plus respectueuse de l’environnement.

Sur le reproche fait par la plainte de ne pas relativiser les allégations environnementales, la société explique que la Prius et les autres véhicules utilisés polluent et que cette pollution incompressible fait l’objet d’une compensation carbone dont la démarche est présentée.

Concernant l’utilisation de la feuille verte, la société ne verra pas d’objection à son retrait s’il est nécessaire.

3.Les motifs de la décision du Jury

 La Recommandation « Développement Durable » dispose notamment que:

1/1 : « La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable » ;

1/4 : «L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et véritables au moment de la publicité » ;

2/1 : « Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose » ;

6/3 : «  »Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable…), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que « contribue à».

7/3 : « Sans exclure leur utilisation, l’emploi d’éléments naturels ou évoquant la nature ne doit pas induire en erreur sur les propriétés environnementales du produit ou des actions de l’annonceur « ;

8/2 : S’agissant des dispositifs complexes dans lesquels le bénéfice en matière de développement durable est indirect, par exemple les compensations carbones, « si  la publicité   utilise des raccourcis simplificateurs à visée pédagogique, elle doit apporter au public   les explications nécessaires aux conditions définies  par l’article ¾ de ce texte  ».

Le Jury observe en premier lieu, que le site internet de l’annonceur utilise plusieurs formules générales et globalisantes : c’est ainsi qu’il offre un service de transport « dans le respect de l’environnement », qu’il se présente comme un service « écologique » ou même « 100% écologique ».

De telles allégations sont soit de portée trop générale pour apporter une information véridique aux consommateurs, soit erronées comme l’est, par exemple, l’affirmation selon laquelle le service offert est « 100% écologique ».

Cette présentation méconnaît donc la recommandation 6/3 précitée.

En deuxième lieu, le Jury relève que le site utilise, pour présenter le service offert, une voiture stylisée en feuille verte. Ce visuel reposant, tant dans ses couleurs que son dessin, sur une représentation symbolique de pureté, induit l’idée d’innocuité du service proposé pour l’environnement ce qui n’est pas une réalité objective.

Il contrevient en conséquence aux dispositions du point 7/3 de la Recommandation Développement durable.

Enfin, le message publicitaire met en avant l’action de compensation volontaire des émissions de CO2 engagée par l’annonceur et qui est réelle.

Toutefois, il ne donne aucune indication précise sur les émissions de carbone engendrées par son activité, qu’elle se propose de compenser, ce qui ne permet pas de vérifier la réalité et la portée de son action.

Une telle présentation est donc de nature à méconnaître les points 1/1,1/4, 2/1 et 8/2 de la Recommandation Développement durable précités.

Le Jury prend en compte toutefois les explications données par le représentant de l’annonceur et tenant d’une part, à la réalité des actions de compensation engagées et d’autre part, au fait que venant de créer son activité, il ne disposait pas alors de tous les éléments  permettant de présenter les données environnementales propres à celle-ci.

Le Jury relève également favorablement l’engagement pris par le représentant de la société de se conformer à l’avenir en tous points aux Recommandations de l’ARPP et de modifier en conséquence la présentation de son site internet.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée;

– La publicité de la société annonceur ne respecte pas les dispositions de la Recommandation Développement durable de l’ARPP dans ses points 1/1, 1/4, 2/1, 6/3, 7/3 et 8/2 ;

– Il est demandé au directeur général de l’ARPP de veiller à ce que les manquements constatés soient corrigés et ne soient pas renouvelés;

– La décision du Jury sera communiquée au plaignant et à l’annonceur;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 9 septembre 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente, MmeDrecq et , MM Benaïm, Carlo, Lacan, Leers, et Raffin.