Avis JDP n°136/11 – AUTOMOBILE – Plaintes fondées

Décision publiée le 29.09.2011
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de la société annonceur et de son agence de communication,

– et après en avoir délibéré, hors la présence des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, les 16 et 17 juin 2011, de deux plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une campagne publicitaire en faveur d’un des modèles de véhicules du constructeur, diffusée par affichage.

Cette campagne publicitaire se compose de deux visuels sur lesquels un modèle du véhicule est présenté, stationné devant un mur ou un immeuble, sur lequel est inscrite la mention «  Ne respectez pas les règles, fixez-les ».

2.Les arguments des parties 

 Les plaignants considèrent que ces publicités sont contraires aux principes élémentaires de bonne conduite car la phrase utilisée en accroche incite les conducteurs à un « comportement irresponsable » ainsi qu’à « la mise en danger de la vie d’autrui » et nuit aux « efforts déployés pour améliorer la sécurité routière ».

L’un des plaignants ajoute que cette publicité contrevient à la règle déontologique selon laquelle la publicité « ne doit pas donner à penser, dans les messages, que les qualités des véhicules en matière de sécurité active et passive permettent de transgresser les règles élémentaires de prudence qui s’imposent à tout conducteur. »

 Or, en l’espèce, même si le texte en bas de la photo entretient une certaine ambiguïté quant aux règles en question (règles esthétiques ? de conformisme social ?), reste que le sentiment de sa propre supériorité technique ou de celle de son véhicule, voire une impression de toute-puissance, fait partie de l’état d’esprit de l’automobiliste imprudent qui se croit dès lors autorisé à ne pas respecter les règles du Code de la route ou à fixer les siennes, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît.

S’il est un domaine où les règles doivent impérativement être respectées, c’est bien sur la route.  Encourager aussi explicitement un comportement transgressif, sans même l’excuse du second degré, semble au plaignant irresponsable et condamnable venant de professionnels de la publicité qui connaissent parfaitement la psychologie des acheteurs potentiels.

L’annonceur fait valoir qu’il s’agit d’une campagne globale qui revendique la volonté de se démarquer et non d’une affiche isolée qui inciterait à enfreindre le Code de la route, qu’elle a pour objet d’inciter le consommateur à se distinguer par rapport au comportement majoritaire d’achat sur le marché et qu’à aucun moment, la voiture ne roule mais est seulement présentée comme un objet de séduction; il n’est fait état non plus d’aucun argument relatif à la motorisation ou à la puissance.

La société d’affichage fait valoir que le slogan incriminé ne contrevient pas à la Recommandation « Automobile » ni à l’article 4 du Code de la CCI. De fait, ce message ne cautionne ni n’encourage « des comportements violents, illicites » pas plus qu’il ne cherche à « susciter chez les conducteurs un comportement agressif, violent ou portant atteinte aux autres usagers de la route ».

En effet, les « règles » évoquées dans le slogan ne font pas référence à celles du Code de la Route mais à celles de la société prise en son ensemble. Pour paraphraser un autre slogan attaché à ce modèle, il s’agit de « dire non au conformisme ».

Ceci ressort clairement du texte du premier visuel (« Suivre les règles, c’est suivre les autres. Ne faites plus comme tout le monde, fixez votre propre style en prenant le volant de X… Ne choisissez plus entre élégance et plaisir de conduire. Conduisez X. ») ; ainsi que de la communication faite par le constructeur pour sa ligne de produit qui utilise des personnages iconoclastes pour faire la promotion de ces véhicules qui ne correspondent pas aux règles classiques en matière de design ou de positionnement sur leurs marchés.

Le support de diffusion presse précise que le plan média établi par l’annonceur ne comportait que des magazines hebdomadaires dont les news, son magazine économique n’étant donc pas concerné par la diffusion de cette campagne.

 3.Les motifs de la décision du Jury

 Il résulte des dispositions déontologiques, notamment celles contenues dans la Recommandation Automobile de l’ARPP que :

– article 1: « En plus des dispositions législatives et réglementaires applicables, la publicité pour un véhicule de tourisme doit, sous quelque forme que ce soit, respecter les règles déontologiques suivantes : La publicité ne doit pas argumenter sur la vitesse, non plus qu’exploiter l’attrait que celle-ci pourrait représenter, tant dans l’expression visuelle, sonore, qu’écrite dans les messages » ;

article 3 : « Elle ne doit pas donner à penser, dans les messages, que les qualités des véhicules en matière de sécurité active et passive permettent de transgresser les règles élémentaires de prudence qui s’imposent à tout conducteur ;

– article 5: « Elle ne doit pas susciter chez les conducteurs un comportement agressif, violent ou portant atteinte aux autres usagers de la route ».

Il résulte également de l’article 4 du Code consolidé sur les pratiques de publicité et de communication de marketing de la Chambre de Commerce Internationale relatif à la Responsabilité sociale que : « La communication de marketing ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements violents, illicites ou antisociaux. »

 Le Jury observe que les deux publicités mises en cause représentent l’image d’une voiture à l’arrêt, surmontée de l’accroche « Ne respectez pas les règles – Fixez-les ». L’une des deux publicités comporte dans son commentaire en bas de page la recommandation suivante « conduisez sans compromis, conduisez X ».

Selon l’annonceur et son agence, cette accroche et ce slogan doivent être replacés dans le contexte d’ensemble de la campagne publicitaire réalisée pour ce produit dans différents supports et qui visait à faire ressortir qu’il s’agit d’un véhicule se démarquant clairement  des autres véhicules de sa catégorie si bien qu’il ne peut plaire qu’à des personnes anticonformistes refusant de se soumettre aux codes de comportement en vigueur.

A cette lumière, le slogan critiqué ne vise nullement les règles de conduite – ce qu’illustre le fait que la voiture soit à l’arrêt – que l’annonceur n’a jamais eu la volonté d’encourager à enfreindre .

Mais le Jury relève en premier lieu, que lorsqu’une publicité s’intègre dans une campagne d’ensemble qui décline pendant une certaine durée un même thème ou un même slogan selon différents messages, l’annonceur et son agence doivent veiller à ce que chaque étape de la campagne, prise isolément, soit conforme aux règles déontologiques sans qu’il soit nécessaire de se référer aux précédents messages pour en décrypter le sens.

Il note en second lieu l’ambiguïté du slogan accompagnant les deux visuels qui peut être aussi bien compris comme visant des règles personnelles de comportement que les règles du Code de la route et comme appelant à adopter des comportements dangereux.

A cet égard, les deux publicités en cause, quelles que soient les intentions et la bonne foi de leurs auteurs, ne peuvent être considérées comme respectant les Recommandations précitées.

4.La décision du Jury

– Les plaintes sont fondées ;

– La publicité en cause ne respecte pas les dispositions des articles 1,3 et 5 de la Recommandation Automobile de l’ARPP ainsi que l’article 4 du code de la CCI;

– Il est demandé au directeur général de  l’ARPP de veiller à ce que ces messages publicitaires ne soient plus diffusés;

– La décision du Jury sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur, à l’agence et à la société d’affichage;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le vendredi 9 septembre 2011 par Mme Hagelsteen, Présidente, Mme Michel-Amsellem, Vice-présidente et Mme Drecq et  MM. Benaïm, Carlo, Lacan, Leers, et Raffin.