APE – Publipostage – Plainte fondée

Avis publié le 10 novembre 2022
APE – 868/22
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le conseil de l’annonceur lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 20 juillet 2022, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société APE, pour promouvoir une offre de vente de panneau d’affichage obligatoire destiné aux entreprises.

La publicité en cause, diffusée par publipostage, se présente sous la forme d’un formulaire à compléter, au format A4, comportant l’intitulé « APE – Affichage obligatoire » ainsi que les mentions : « La loi vous impose d’afficher certains documents d’information dans votre entreprise sous peine de sanctions pénales. Le non-respect de ces affichages peut entrainer une amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros ».

Au bas de la page, figure un encart à remplir intitulé « Paiement » comportant les coordonnées de l’annonceur et en petits caractères le texte suivant : « en signant la présente souscription, je certifie l’exactitude des renseignements….reconnais avoir pris connaissance et accepté l’intégralité des conditions générales de vente figurant au verso. Offre facultative ….commercialisé par APE SAS, société de droit privé ….. ».

Les conditions générales de vente figurent au dos du document.

2. Les arguments échangés

Le plaignant énonce que ce document est présenté de manière à induire en erreur la personne qui le reçoit, et de ce fait la pousse à passer commande d’un panneau d’affichage (dont le prix semble par ailleurs sans rapport avec le produit), en rappelant que « le non-respect de ces affichages peut entrainer une amende pouvant aller jusqu’à 1500 euros ».

Le plaignant relève que le document est reçu quelques semaines après la création de la société, comme plusieurs autres documents (officiels pour ceux-ci) importants.

Le caractère « officiel » est renforcé par l’exactitude des informations concernant la société destinatrice ainsi que par le montant réclamé (198,12 euros), très précis au centime près, qui fait immédiatement penser à une taxe ou redevance.

De plus, il n’est pas accompagné d’un courrier explicatif et le nom de la société émettrice prête totalement à confusion car ce nom “APE” semble en rapport avec le « code APE » géré par l’ISEE, ce qui renforce encore l’impression d’un document officiel.

Le plaignant ajoute que ce document joue sur la peur et l’émotion via le rappel du risque d’amende lourde (1500 euros) ainsi que la mention (en majuscules et caractères gras) « AFFICHAGE OBLIGATOIRE ». Il ne présente pas les autres options possibles.

Seule une lecture attentive et réfléchie du verso, présenté en caractères gris – très – clair ce qui en rend la lecture difficile, permet de comprendre qu’il s’agit d’une « offre commerciale ».

En résumé, tout dans cette pratique pousse à passer une commande onéreuse et non obligatoire.

La finalité commerciale du courrier n’est pas présentée, la nature commerciale de la communication n’est pas énoncée, et n’est pas perceptible par le lecteur sans une analyse plus approfondie.

La société APE a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 16 août 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle a été également informée que cette affaire ferait l’objet d’un examen dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l’article 13 du règlement intérieur du Jury. Elle a toutefois demandé la tenue d’une séance.

La société indique tout d’abord que APE est l’acronyme de « affichage pour les entreprises ». Cette dénomination est utilisée par 95 autres sociétés en France. Aucune confusion n’est possible avec le code APE émis par l’INSEE, qui est totalement gratuit.

Elle précise ensuite qu’il n’y a pas d’autre désignation pour l’« affichage obligatoire » prévu par le code du travail et qu’il serait illogique d’utiliser le terme « affichage », sans autre précision.

Elle conteste que le verso du document, qui contient les conditions générales, soit difficilement lisible et soutient que le recto indique clairement qu’il s’agit d’une offre facultative. Aucune confusion n’est possible avec un document administratif.

Enfin, elle rappelle que les prix sont libres et qu’on ne peut lui faire grief de proposer des tarifs relativement élevés.

Lors de la séance, le conseil de la société APE a repris ces éléments et fait valoir en particulier que la qualité de professionnel du destinataire de la publicité doit impérativement être prise en compte dans l’appréciation de sa conformité aux règles déontologiques. En effet, il s’agit d’un public avisé et éclairé, capable de distinguer les sollicitations émanant d’autorités publiques (qui se font de plus en plus souvent en ligne) de documents commerciaux. Une fois l’inscription du professionnel réalisée, ce dernier a peu de démarches à accomplir.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Identification de la publicité et des communications commerciales » de l’ARPP reprend dans son préambule les dispositions du code sur la publicité et le Marketing de la Chambre de Commerce Internationale qui énoncent que « Les communications commerciales doivent être clairement identifiables en tant que telles, quelle que soit leur forme et quel que soit le support utilisé. (…)». Elle précise en son point 1 que « Afin de répondre au principe de bonne information du consommateur, la publicité doit pouvoir être clairement identifiée comme telle, et ce quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente et quel que soit le support de communication utilisé. / Cette identification peut se faire par tout moyen nettement perceptible permettant de rendre d’emblée non équivoque pour le public la nature publicitaire du message ».

Il résulte par ailleurs des principes généraux dont s’inspirent les articles 1er et 5 du code ICC Code de la Chambre de Commerce Internationale, auquel renvoie le préambule des Recommandations déontologiques de l’ARPP, que «  La communication de marketing doit être véridique et ne peut être trompeuse (…) » et qu’elle « (…) ne doit contenir aucune affirmation (…) qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur (…) ».

Le Jury constate que la communication critiquée a pour but de promouvoir une offre de fourniture de panneau d’affichage obligatoire pour les entreprises. Elle revêt donc un caractère publicitaire, qui doit, conformément aux règles précédemment énoncées, être clairement identifié comme tel, de façon non équivoque pour le destinataire.

Il n’appartient pas au Jury de porter une appréciation sur le niveau de prix auquel le service proposé est facturé. En outre, il ne peut être reproché à une entreprise dénommée APE de reproduire cette raison sociale dans l’une de ses publicités, même si celle-ci peut évoquer le « code APE » de l’INSEE, auquel il est par ailleurs fait référence dans la publicité.

En revanche, le Jury relève que le recto de ce message présente très largement l’apparence, sobre, dépouillée et normée, d’un formulaire officiel demandant à une entreprise récemment créée, de « certifier » à « APE » (sans reproduction d’un quelconque logo) l’exactitude de renseignements pré-remplis sous la rubrique « Informations Entreprise ». La nécessité d’une telle certification n’est pas avérée, alors surtout que les renseignements en cause (date de création, SIREN, Code APE, Activité…) semblent sans incidence sur la prestation proposée, s’agissant d’un panneau d’affichage standard, fourni à un prix déjà fixé. Le document comporte en outre un encadré « Paiement » – alors même qu’aucun contrat n’a été préalablement conclu – demandant au destinataire de s’acquitter d’une somme très précise en vue d’assurer un « affichage obligatoire » – termes reproduits en gros caractère en haut du document – afin de ne pas encourir de « sanctions pénales », correspondant en l’occurrence à une amende de 1500 euros.

La présence en petits caractères, dans un bandeau situé tout en bas du document, des termes « Offre facultative uniquement à fournir un panneau d’affichage obligatoire », qui ne sont pas eux-mêmes dépourvus d’ambiguïté, et « commercialisé par APE SAS, société de droit privé », qui évoquent une offre commerciale, ne répond pas à l’exigence d’identification claire de la publicité, pas plus que la reproduction au verso des « conditions générales de vente », qui figurent d’ailleurs dans une couleur grisée sensiblement moins lisible que le recto, sans que cette différence de présentation soit expliquée.

Le Jury estime qu’un tel procédé est de nature à induire une confusion dans l’esprit de ses destinataires, notamment des petits professionnels. En effet, la création d’entreprises est devenue une démarche très accessible, notamment pour les autoentrepreneurs, devenus micro-entrepreneurs, lesquels ne disposent pas de fonctions support et peuvent ne pas être familiers des démarches administratives nécessaires à la suite de cette création. Ils disposent d’ailleurs en général de peu de temps à y consacrer. A cet égard, contrairement à ce qui a été indiqué par la société APE et ainsi que le relève le plaignant, l’immatriculation de l’entreprise ne marque pas la fin des formalités administratives mais, au contraire, s’accompagne, dans les semaines et mois qui la suivent, de multiples échanges avec des organismes officiels (administration fiscale, sécurité sociale…) et de nombreuses sollicitations commerciales, qu’il est important de pouvoir identifier aisément en tant que telles.

En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne respecte pas les règles déontologiques précédemment mentionnées.

Avis adopté le 7 octobre 2022 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain et Boissier, ainsi que MM. Le Gouvello et Thomelin.


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