ALAIN AFFLELOU – Télévision – Internet – Plainte non fondée

Avis publié le 29 décembre 2020
ALAIN AFFLELOU – 688/20
Plainte non fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu le représentant du syndicat des audioprothésistes, plaignant, et son conseil, ainsi que le représentant de la société Alain Afflelou et son conseil, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • après en avoir débattu,
  • et compte tenu de la demande de révision présentée par le Syndicat des audioprothésistes, plaignant,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 30 septembre 2020, d’une plainte émanant du syndicat des audioprothésistes, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Lion Seneca France Audio, tête de réseau des magasins d’audioprothésistes à l’enseigne Alain Afflelou, pour promouvoir son offre de prothèses auditives « Tchin Tchin audio ».

La publicité en cause, diffusée en télévision et sur le site internet www.alainafflelou acousticien.fr, montre le navigateur M. Philippe Poupon effectuant des manœuvres sur son bateau. Les images sont accompagnées d’une voix off indiquant : « Philippe Poupon, c’est un grand navigateur ; et dans la vie, il ne peut pas se passer de ses aides auditives. Jusqu’à présent il n’en avait qu’une seule paire, ce qui n’est pas très prudent en cas de problème vous savez. Encore plus sur un bateau où il doit être en permanence à l’écoute du moindre petit bruit. Alors pour lui comme pour tout le monde j’offre une deuxième paire d’aides auditives pour un euro de plus. Et maintenant il navigue en toute tranquillité ». Une voix féminine indique alors « Tchin tchin audio, votre deuxième paire d’aide auditive pour un euro de plus –dispositif médical CE ».

Sur le site de l’enseigne, le film publicitaire est accompagné du texte suivant : « S’équiper pour vivre normalement Passé un certain âge (autour de 55-60 ans), on entend moins bien. C’est un phénomène tout à fait normal qui nous concerne tous. Cela se traduit dans un premier temps essentiellement par une chute des sons aigus et progressivement sur l’ensemble des fréquences sonores. Cela vous (Comme l’a souligné l’Autorité de la Concurrence dans son avis n°16-A-24 du 14 décembre 2016 2 Etude de la revue médicale The Lancet, 31 juillet 2020) oblige souvent à faire répéter votre entourage, et vous met dans des situations inconfortables. Pour y remédier, les aides auditives sont parfaitement adaptées aujourd’hui. Discrètes, confortables et légères, les aides auditives sont portées en continu par les malentendants. Les aides auditives sont précieuses : elles permettent de retrouver relativement vite une qualité auditive et de vivre normalement dans des circonstances qui étaient devenues difficiles (au restaurant, au cinéma, en réunion, etc.). Tchin Tchin Audio 2 paires d’aides auditives, un indispensable au quotidien Aujourd’hui, nous vous offrons la possibilité d’être serein dans toutes les situations, à n’importe quel moment et en toute discrétion grâce à notre offre Tchin Tchin Audio pour l’achat d’une paire d’appareils auditifs, bénéficiez pour un euro de plus d’une seconde paire d’appareils auditifs de classe 1 *. La seconde paire d’appareils auditifs est pour vous ou pour la personne de votre choix. Avec cette offre vous avez la possibilité de choisir 2 paires d’aides auditives identiques (2 intra-auriculaires ou 2 contours d’oreille) ou complémentaires (1 intra-auriculaire et 1 contour d’oreille), et de même marque. Profitez de l’offre Tchin Tchin Audio dans tous les magasins et centres ALAIN AFFLELOU ACOUSTICIEN de France, jusqu’au 31 décembre 2020. »

2. Les arguments échangés

Le syndicat des audioprothésistes, plaignant, considère que cette publicité a pour objectif d’inciter le public à une consommation excessive d’aides auditives, par l’utilisation d’un vocabulaire et une présentation anxiogènes de nature à altérer le comportement économique de son destinataire et à le tromper sur la prétendue nécessité d’acquérir une deuxième paire d’aides auditives.

Par ces agissements, la société Alain Afflelou porte atteinte aux principes de décence, de dignité humaine et de loyauté, et encourage une consommation excessive de produits de santé.

Le syndicat rappelle qu’une aide auditive est un dispositif médical à usage individuel présentant un niveau élevé de risque lié à leur utilisation, ainsi que le prévoit l’arrêté du 20 avril 2006, fixant les règles de classification des dispositifs médicaux, pris en application de l’article R. 5211-7 du code de la santé publique. Elle est destinée à compenser électroacoustiquement, au moyen d’une amplification appropriée, les pertes d’audition des malentendants ou les troubles de la compréhension. Les audioprothésistes, profession réglementée par ce code et qui sont tenus d’être titulaires d’un diplôme d’Etat, bénéficient du monopole de délivrance des aides auditives, soumises à prescription médicale préalable obligatoire.

La diligence professionnelle doit ainsi être appréciée plus strictement pour les audioprothésistes que pour les opticiens-lunetiers. Le dirigeant de la société Alain Afflelou a d’ailleurs souligné le « danger » de cumuler les activités d’audioprothésiste et d’opticien-lunetier, à l’occasion d’une table ronde intitulée « Quel est l’avenir de la profession d’opticien ? » en septembre 2009.

Un dispositif médical ne doit pas être présenté comme un bien de consommation, comme peuvent l’être les lunettes, et doit respecter les règles protectrices encadrant la publicité des dispositifs médicaux, telles que prévues aux articles R. 5213-1 et suivants du code de la santé publique, ainsi que par la déontologie professionnelle. Il en va ainsi, en particulier, des appareillages auditifs, alors que le déficit auditif constitue l’un des principaux facteurs de démence.

Or le spot litigieux, largement diffusé, promeut une offre permettant de bénéficier d’une seconde aide auditive pour l’achat d’une première. Cette seconde paire doit nécessairement être choisie parmi les appareils auditifs de classe I, tels que définis par l’arrêté du 14 novembre 2018, à savoir les appareils bénéficiant du dispositif « 100 % santé ».

Cette publicité, qui crée un climat anxiogène et culpabilise les personnes qui ne disposent que d’une seule aide auditive, tente de tirer profit d’une situation de fragilité du public concerné, en majeure partie composé de personnes âgées et a pour objet et pour effet d’altérer abusivement le comportement économique du consommateur.

Par conséquent, elle ne respecte pas les exigences de décence, de dignité et de loyauté, consacrés à l’article 3 du code ICC sur les pratiques de publicité et de communication commerciale). Elle méconnaît également l’exigence de conception des publicités avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et les principes de la concurrence loyale, conformément à l’article 2 du même code ICC. Ce spot publicitaire méconnaît enfin l’article 4.1 de la recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP selon lequel « la publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes ».

Le syndicat plaignant s’appuie en outre sur les travaux du conseil de l’éthique publicitaire consacré aux produits de santé et au risque d’altération du comportement économique face à l’achat de tels produits. Il dénonce l’incitation à une consommation excessive dans la mesure où la possession d’une seconde aide auditive est présentée comme une nécessité.

Il déplore que cette publicité intervienne au moment même de la mise en œuvre de la réforme du 100% santé qui se traduit par un investissement considérable par l’assurance maladie, et donc par la collectivité, pour une amélioration du remboursement et un engagement corrélatif des audioprothésistes de limiter le prix des prothèses et du suivi.

Le syndicat plaignant signale enfin que l’inspection générale des affaires sociales vient d’être chargée d’établir un rapport sur l’audioprothèse, qui évaluera l’ensemble des pratiques commerciales des opérateurs du marché.

Lors de la séance, le représentant du syndicat plaignant reprend l’ensemble de ces critiques en insistant sur le fait que le dispositif médical en cause n’est pas un produit de consommation comme les autres, que l’offre commerciale cache en réalité une concurrence déloyale, en raison notamment des prix pratiqués par l’enseigne en cause, et qu’il s’agit d’une incitation à acheter deux produits sans nécessité avérée.

La société Alain Afflelou a été informée, par courriel avec accusé de réception du 8 octobre 2020, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle rappelle à titre liminaire que le spot critiqué, dans ses deux versions quasi-identiques, a fait l’objet d’avis de diffusion favorables par l’ARPP les 6 janvier et 5 juin 2020.

La société estime être victime d’un procès d’intention de la part d’un syndicat de professionnels qui craint de voir les produits d’audition commercialisés à des tarifs plus abordables et plus conformes au besoin des consommateurs. Elle rappelle que l’Autorité de la concurrence avait exprimé la préoccupation d’un fonctionnement plus concurrentiel du secteur des audioprothèses, au bénéfice des consommateurs (avis n°16-A-24 du 14 décembre 2016 relatif au fonctionnement de la concurrence dans le secteur des audioprothèses). Tel est justement l’objectif poursuivi par la société à travers son offre « Tchin tchin audio », qu’elle propose depuis 2013.

Elle indique qu’elle a toujours communiqué sur cette offre dans le respect de la déontologie auxquels sont soumis les audioprothésistes de son réseau, tout comme les opticiens qui composent celui de la société Alain Afflelou franchiseur, qui commercialisent tous des dispositifs médicaux. La profession d’audioprothésiste n’est pas plus encadrée que celle d’opticien, notamment pour ce qui concerne le diplôme dont doivent justifier ceux qui l’exercent.

L’annonceur réfute l’idée que le spot mis en cause constituerait une incitation excessive à la consommation d’un produit médical. Il se borne à informer le consommateur d’une offre grâce à laquelle, en achetant un équipement auditif, il peut bénéficier, pour un euro de plus, et donc à un coût extrêmement limité, d’un second équipement identique pour bénéficier d’une plus grande sécurité. En effet, en cas de panne, de perte ou de casse de l’une de ses audioprothèses, le consommateur se retrouve handicapé par une acuité auditive diminuée. L’offre répond simplement à cette problématique.

Le spot publicitaire critiqué n’est ni trompeur, ni anxiogène et ne porte aucunement atteinte aux principes de décence, de dignité humaine et de loyauté. Au contraire, en mettant en scène des personnalités comme Alain Afflelou, le navigateur Philippe Poupon ou l’acteur Gérard Hernandez, il transmet le message que la surdité n’est pas un handicap inavouable, qu’il n’y a aucune honte à utiliser un appareil auditif et que le recours à un tel équipement peut contribuer au lien social et familial. Cette publicité permet ainsi aux personnes qui souffrent de déficience auditive de surmonter le frein psychologique au recours aux audioprothèses, qui s’ajoute au frein financier auquel l’offre elle-même entend répondre.

La société considère en outre que l’ambiance du spot n’a rien d’anxiogène mais est au contraire tout à fait sereine.

L’annonceur soutient donc que la publicité mise en cause est parfaitement conforme aux dispositions du Code ICC et aux recommandations déontologiques de l’ARPP, appréciées à la lumière de la liberté d’expression constitutionnellement garantie.

L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) confirme avoir examiné deux versions successives du spot en faveur de l’offre Tchin Tchin audio, de Alain Afflelou, pour une diffusion en télévision.

Dès la fin de l’année 2019, l’agence HAVAS Paris a soumis à l’ARPP des projets de publicité concernant cette campagne télévisée dans le cadre de sa mission de conseil préalable à l’attention de ses adhérents.

Les projets ont été examinés au regard de leur conformité avec les dispositions du code de la santé publique applicables et des règles applicables par l’ARPP dans un article publié sur son Blog, en juillet 2019. Il y est relevé notamment que la publicité en faveur de prothèses auditives présentant des offres promotionnelles est autorisée. Ces offres ne doivent pas cependant constituer le seul axe de communication et le message ne doit pas donner l’impression que le dispositif d’appareillage est un simple bien de consommation.

En l’espèce, l’ARPP a considéré que le message télévisé mettait l’accent sur l’intérêt, le confort et la sécurité que peut procurer ce type d’appareillage pour un homme souhaitant demeurer actif et alerte, comme le navigateur Philippe Poupon, malgré une baisse d’audition.

L’ARPP doit, pour la publicité de ces dispositifs, s’assurer par ailleurs que les mentions imposées par ce texte (telles que la dénomination du dispositif, le renvoi au conseil d’un professionnel, etc.), figurent bien dans le message publicitaire, ce qui est le cas en l’espèce. En outre, la nature de dispositif médical doit être indiquée à l’oral, en application de la Recommandation de l’Agence Nationale de Sécurité des Produits de santé (ANSM), par exemple au moyen d’une formule de type « X est un dispositif médical ».

Ces mentions sont présentes et lisibles, la vitesse de défilement est suffisamment lente pour en permettre une lecture correcte et les caractères utilisés respectent une taille minimum applicable dans toute publicité (2% de la hauteur de l’image).

Par conséquent, l’ARPP a délivré un avis favorable pour la diffusion du spot télévisé en cause, dans ses deux versions soumises en janvier puis en juin 2020.

Le Réviseur de la Déontologie publicitaire a été saisi d’une demande de révision formulée par le plaignant le 10 décembre 2020. Le Réviseur a examiné cette demande conformément à l’article 22.1 du Règlement intérieur du Jury de Déontologie Publicitaire et lui a apporté la réponse jointe en annexe au présent Avis.

3. L’analyse du Jury

3.1 Sur la compétence du Jury

Le Jury rappelle qu’en vertu de l’article 3 de son règlement intérieur, il n’est compétent que pour connaître des questions relatives au non-respect des règles de déontologie publicitaire, et statue exclusivement sur la conformité ou la non-conformité des messages publicitaires contestés avec les règles professionnelles publiées par l’ARPP, les principes généraux contenus dans le code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale, ainsi que les engagements publiés, pris par l’interprofession à l’égard des pouvoirs publics et dont l’ARPP est cosignataire.

Il en résulte, en premier lieu, que, hors le cas où une règle déontologique y renvoie expressément, le Jury n’a pas, en principe, à examiner la conformité des publicités dont il est saisi aux dispositions législatives et réglementaires. Un tel examen relève de la seule compétence des juridictions, auxquelles il ne saurait se substituer, ses décisions ne présentant d’ailleurs elles-mêmes aucun caractère juridictionnel.

Aucune règle déontologique en vigueur n’y renvoyant, il n’entre donc pas dans les attributions du Jury d’apprécier la conformité des publicités en faveur de dispositifs médicaux aux dispositions du code de la santé publique, en particulier à son article R. 5213-1 qui interdit notamment que la publicité assimile le dispositif médical « à une denrée alimentaire, à un produit cosmétique ou à un autre produit de consommation ».

Il résulte en second lieu de l’article 3 du règlement intérieur qu’il n’appartient pas au Jury de porter une appréciation sur le produit promu, sur la qualité du service, sur la « diligence professionnelle », pas plus que sur la licéité d’une offre commerciale, notamment au regard du code de la consommation, ou sur le recours éventuel par une entreprise à des pratiques commerciales déloyales ou de pratiques anticoncurrentielles, indépendamment de la publicité critiquée.

Par conséquent, il n’appartient pas au Jury de se prononcer sur le débat élevé par le syndicat plaignant quant aux prix pratiqués par l’annonceur, au respect du droit de la concurrence par ce dernier ou à l’observation des règles respectivement applicables aux audioprothésistes et aux opticiens-lunettiers, qui ne se rapportent pas à la publicité elle-même.

En revanche, le Jury est pleinement compétent pour apprécier le respect, par le film publicitaire en cause et le texte qui y est associé sur le site de l’enseigne, lesquels constituent une campagne publicitaire pour l’offre « Tchin tchin audio », des règles de la déontologie publicitaire.

3.2 Sur les règles déontologiques invoquées

Le Jury rappelle qu’aux termes des dispositions de l’article 1er du code de la chambre de commerce internationale sur la publicité et les communications commerciales (dit code ICC), dans son édition 2018 applicable en l’espèce, consacré aux « principes élémentaires » : « Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. / Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales ». La portée de ces exigences est précisée par les autres articles du même code.

L’exigence de responsabilité sociale, régie par l’article 2 de ce code, implique notamment que les communications commerciales doivent respecter la dignité humaine, ne pas inciter ou cautionner les discriminations et les comportements antisociaux et proscrire toute exploitation des sentiments de peur, de malchance ou de souffrance.

L’exigence de décence prohibe, conformément à l’article 3 du même code, « toute déclaration ou tout traitement audio ou visuel contraire aux convenances selon les normes actuellement admises dans le pays et la culture concernés ».

Les exigences de responsabilité professionnelle et de conformité aux principes de la concurrence loyale sont explicitées par les articles 4 et suivants du code, notamment :

  • le principe de loyauté de la publicité commerciale (article 4), qui impose de ne pas abuser de la confiance des consommateurs et ne pas exploiter leur manque d’expérience ou de connaissance ;
  • le principe de véracité (article 5) ;
  • ou encore les règles encadrant les comparaisons (article 11) et le dénigrement (article 12).

Le Jury rappelle en outre que le point 4.1 de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose que « la publicité doit éviter d’induire une idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine et en particulier les femmes ».

3.3 Sur l’application en l’espèce

En premier lieu, le Jury n’identifie dans ce spot publicitaire aucun élément indécent, attentatoire à la dignité de la personne humaine, incitant ou cautionnant des discriminations, ou encore induisant l’idée de soumission ou de dépendance dévalorisant la personne humaine.

En deuxième lieu, il relève que ce film présente, dans une ambiance de navigation familiale, un navigateur connu du public, qui effectue avec sérénité des manœuvres nautiques. L’indication selon laquelle il n’avait « qu’une seule paire [d’aides auditives], ce qui n’est pas très prudent en cas de problème », prononcée sur un ton qui n’a rien d’alarmiste, correspond à la réalité des conséquences qui peuvent s’attacher, pour un navigateur, à la perte partielle ou totale d’acuité auditive à la suite d’une panne, de la perte ou de la destruction de ses aides auditives. Ni les images ni le texte, qui se termine par les mots « Et maintenant il navigue en toute tranquillité », ne sont de nature à créer une atmosphère anxiogène et à exploiter le sentiment de peur, en méconnaissance de l’article 2 du code ICC.

Cette publicité invite seulement le consommateur, indirectement, à s’interroger sur les conséquences qui s’attacheraient à l’indisponibilité immédiate d’une seconde paire de prothèses auditives pour lui, au regard de sa situation personnelle, sans qu’on puisse considérer que le consommateur s’identifie automatiquement à M. Philippe Poupon, dont l’activité est très spécifique. Par suite, cette publicité ne peut être regardée comme abusant de la confiance des consommateurs ou comme exploitant leur manque d’expérience ou de connaissance.

S’agissant de l’incitation à une consommation excessive de prothèses auditives, dénoncée par le syndicat plaignant, le Jury estime qu’une telle argumentation peut se rattacher à la règle, figurant au troisième alinéa de l’article 2 du code ICC (responsabilité sociale), selon laquelle la publicité ne doit pas sembler cautionner ou encourager des comportements antisociaux, ainsi qu’à l’exigence, posée à l’article 5 du même code, que la publicité ne soit pas « trompeuse ». A ce titre, il appartient au Jury de vérifier que les messages publicitaires, dont l’objet même est de susciter un acte d’achat, n’incitent pas à des modes de consommation manifestement excessifs ou inappropriés, notamment à des achats qui seraient dénués de tout rapport avec les besoins rationnels des consommateurs. La nature de dispositifs médicaux des prothèses auditives et leur prise en charge par les régimes de sécurité sociale appellent une vigilance particulière de la part de l’annonceur sur ce point. Il convient toutefois de rappeler que le code de la santé publique admet expressément, en l’encadrant, la publicité pour de tels dispositifs et que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, il n’appartient pas au Jury d’apprécier si cet encadrement réglementaire a été respecté en l’espèce.

En l’occurrence, le Jury observe que le message publicitaire repose, dans le film et le texte associé, sur l’amélioration de la qualité de vie résultant du port d’aides auditives et, s’agissant du film, sur le fait qu’il est imprudent pour un navigateur de ne disposer que d’une seule paire. Il n’est à aucun moment indiqué que toute personne souffrant d’un handicap d’acuité auditive aurait nécessairement besoin de deux paires d’aides auditives. Cette publicité laisse ainsi à chaque consommateur la responsabilité finale d’apprécier l’opportunité de souscrire à l’offre de l’annonceur et de se procurer une seconde paire de prothèses auditives pour un euro de plus. Si, indéniablement, elle comporte une dimension incitative à cet égard, le Jury estime que celle-ci n’est ni dénuée de rapport avec les besoins des consommateurs, ni manifestement excessive ou inappropriée. Les exigences de responsabilité sociale et professionnelle ne sont donc pas méconnues.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que la publicité en cause ne méconnaît pas les dispositions précitées.

Avis adopté le 6 novembre 2020 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Charlot, Drecq et Lenain, ainsi que MM. Depincé, Lacan, Leers et Lucas-Boursier.

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Consultez la réponse apportée par Monsieur Alain GRANGE-CABANE Réviseur de la Déontologie Publicitaire.