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Plainte partiellement fondée

Avis publié le 27 mars 2023
AIR FRANCE – 905/23
Plainte partiellement fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

  • Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
  • les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
  • après avoir entendu la représentante de la société Air France, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
  • et après en avoir débattu,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de déontologie publicitaire a été saisi, le 30 janvier 2023, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de mentions figurant sur une page « Calculateur carbone » du site internet d’Air France, et sur une page relative au programme Trip and Tree de cette compagnie aérienne.

Sur la page du calculateur figure notamment le texte suivant : « Pour réduire ses émissions carbone, Air France active tous les leviers relevant de sa responsabilité : – Investissement continu dans une flotte moderne (qui consomme moins de carburant et donc émet moins de gaz à effet de serre) – Meilleure efficacité des procédures au sol et en vol – Réduction du poids à bord (plus un avion est léger, moins il consomme de carburant) ». Il est également indiqué : « Prenez soin de la planète / Avec le programme Trip and Tree développé en association avec A Tree For You, Air France offre la possibilité de faire un don en faveur de projets de reforestation dans le monde entier et ainsi contribuer à réduire l’empreinte carbone de votre voyage ».

L’autre communication est une page de site internet dont l’adresse est : https://www.atreeforyou.org/fr/airfrance-trip-and-tree-fr. A la date d’introduction de la plainte, la page, modifiée depuis lors, comportait principalement les éléments suivants :

  • Un logo représentant de façon stylisée un humain jouant le rôle de tronc, surmonté d’un feuillage vert, le tout enserré dans un liseré vert sur lequel circule un avion. A côté de ce logo est reproduit le texte : « Trip and Tree BY AIRFRANCE».
  • Un bandeau vert sur lequel est reproduit le texte suivant : « Rejoignez la communauté d’éco-voyageurs d’Air France. Ensemble, plantons des arbres partout sur la planète ! Choisissez le lieu de plantation et recevez régulièrement des nouvelles. ».
  • Un autre bandeau, blanc, présentant « 5 bonnes raisons de planter des arbres» ;
  • Une carte d’une partie du monde précédée du texte : « Où planter ?» ;
  • Et le logo de « nos membres fondateurs».

2. Les arguments échangés

Le plaignant estime que cette page, accessible depuis le calculateur carbone d’Air France, comporte plusieurs allégations qui semblent relever du greenwashing et de la communication trompeuse :

  • le nom du projet et le slogan induisent l’idée que voyager avec Air France & planter des arbres serait bon pour l’environnement. Or, aucune preuve n’est apportée sur le fait que Trip & Tree compense significativement les impacts négatifs d’un vol Air France.
  • la mention « Plantons des arbres partout sur la planète » laisse entendre que la plantation d’arbres est infinie. Or, ce n’est pas le cas. La captation de carbone via plantation d’arbres n’est vouée qu’à absorber une partie des émissions de gaz à effet de serre. C’est expliqué très clairement dans les rapports du GIEC et la SNBC, entre autres.
  • Le terme « éco-voyageur » est vague et trompeur. Il semble aller à l’encontre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire qui interdit de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions « biodégradable », « respectueux de l’environnement » ou un terme équivalent.
  • Le passage critiqué de la page « calculateur carbone » apparaît trompeuse et exagérée. Par exemple, Air France pourrait réduire le nombre de vols : cela aurait un effet immédiat et efficace pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Cela prouve qu’Air France n’active pas tous les leviers relevant de sa responsabilité.

La société Air France a été informée, par courrier recommandé avec avis de réception du 9 février 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

Elle fait valoir que, au mois d’avril 2022, Air France a lancé son programme Air France ACT présentant sa nouvelle trajectoire de réduction des émissions de CO2. Air France s’est ainsi engagé à réduire ses émissions de CO2 de 30 % par passager-kilomètre transporté d’ici 2030 par rapport à 2019 (hors compensation).

La trajectoire de réduction des émissions de CO2 d’Air France repose sur deux piliers :

  • Réduire en priorité les émissions directes générées par les opérations d’Air France ;
  • Réduire les émissions indirectes, en amont et aval des activités de la compagnie.

En décembre 2022, cette trajectoire a été validée par l’organisme indépendant de référence Science Based Targets initiative (SBTi) qui a ainsi confirmé qu’elle était conforme aux objectifs de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique en deçà de +2°.

Pour présenter plus en détail ses engagements et les leviers associés (renouvellement de la flotte, recours accru aux carburants d’aviation plus durables, pratique de l’éco-pilotage et développement de l’intermodalité), Air France a lancé un site grand public dédié, disponible en français et en anglais.

Ce site de référence développe, de manière transparente, toutes les informations utiles à la compréhension de l’impact climatique de l’aviation et de la trajectoire de décarbonation d’Air France. Il est directement accessible au plus grand nombre via l’adresse https://airfranceact.airfrance.com/, dans une rubrique « Développement durable », ainsi que par le biais d’un lien de redirection à partir du site marchand d’Air France.

Plus précisément, le site Air France Act a remplacé l’intégralité du contenu de l’ancienne rubrique « Développement durable » du site corporate, en ce compris la page calculateur carbone objet de la plainte. Cette page n’est donc plus accessible depuis plus de onze mois.

Concernant le soutien aux projets de reforestation, Air France propose aux clients qui le souhaitent de souscrire une option « Environnement », à la fin de leur réservation. Jusqu’à la fin de l’année dernière, les clients pouvaient choisir entre apporter leur soutien à la reforestation dans le cadre du programme « Trip And Tree », contribuer à l’achat volontaire de carburants d’aviation plus durables (« SAF »), ou une combinaison des deux.

L’ancienne formule de cette option combinait deux types d’actions aux effets très différents (la reforestation qui permet la restauration de la biodiversité, l’absorption de CO2, dans le temps, par la croissance des arbres ; les SAFs qui permettent la réduction des émissions des vols sur lesquels ils sont incorporés) et pouvait laisser à penser que planter des arbres permet de « neutraliser » les émissions de CO2 générées par un vol.

Au mois de novembre 2022, Air France a retiré l’offre de reforestation de son option Environnement, pour ne garder que l’offre d’achat volontaire de SAF lors d’une réservation de billet, afin d’offrir à ses clients une offre transparente et compréhensible. Tous les liens du site marchand Air France vers l’ancien site Trip and Tree ont été désactivés.

L’association A Tree for You, partenaire d’Air France, a, quant à elle, initié le déréférencement et la suppression/modification des pages faisant référence à l’ancienne offre Trip and Tree. Cette action progressive devrait être finalisée prochainement.

Les clients qui souhaitent soutenir des projets de reforestation ont toujours la possibilité de le faire de manière totalement décorrélée de l’achat d’un vol et des émissions de CO2 correspondantes. Air France propose ainsi aux membres du programme de fidélité Flying Blue de soutenir l’association A Tree For You, qui œuvre pour la plantation d’arbres en France et dans le monde, par le biais de l’espace donations du site Flying Blue “Miles for charities“.

Cette possibilité, distincte du processus de réservation et de l’empreinte carbone des trajets aériens s’inscrit dans une logique de soutien à projets, différente de celle de « compensation ».

Enfin, depuis le lancement d’Air France Act, soit au mois d’avril 2022, la page « Calculateur carbone » est inaccessible depuis le site corporate d’Air France.

A la suite de la plainte portée devant le Jury de déontologie publicitaire, il est apparu que cette page demeurait, en revanche, toujours accessible en cas de recherche par mot-clé
« Calculateur carbone Air France ». Face à ce constat, la société a immédiatement désactivé le lien qui permettait l’accès à cette page. Aujourd’hui, le résultat apparaissant en tête d’une telle recherche est la page « Bilan carbone » du site Air France ACT.

Par ailleurs, Air France tient à porter à la connaissance du Jury le faible taux de consultation de cette page qui représente environ 1 % des consultations totales du site corporate sur la période du 1er novembre 2022 au 31 janvier 2023.

Il ressort donc de l’ensemble des éléments ci-dessus que :

  • La démarche Air France ACT d’Air France est fondée sur des principes de rigueur scientifique et de transparence, qui sont déclinés dans tous ses supports de communication.
  • Air France ne propose plus à ses clients l’offre « Trip and Tree » dans son option environnement, pas plus qu’elle ne les renvoie vers le site « Trip And Tree » – en cours de suppression – à partir de ses différents sites.
  • La page calculateur carbone, objet de la plainte a été supprimée du site Air France corporate depuis presque un an. Le seul accès possible, via les moteurs de recherche, a été immédiatement désactivé par Air France dès qu’elle a eu connaissance de ladite plainte.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

  • au titre des « impacts éco-citoyens » (point 1 ) :

« La publicité doit s’inscrire dans un contexte de responsabilité sociale en tenant notamment compte de la sensibilité du corps social a un moment donne et du contexte de diffusion de la publicité. Sans qu’il soit fait référence au concept de développement durable ou à l’une de ses composantes, une publicité doit éviter de véhiculer un message contraire aux principes communément admis du développement durable. Dans cet esprit :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

(…)

b/ La publicité ne saurait inciter directement ou indirectement à des modes de consommation excessifs (…) /

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

  • au titre de la véracité des actions (point 2) :

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;

2.2. Les actions des annonceurs et les propriétés de leurs produits dans ce domaine doivent être significatives pour pouvoir être revendiquées ;

2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »

  • au titre de la proportionnalité (point 3) :

« 3.1. Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments transmissibles. / La réalité de ces actions ou propriétés peut s’apprécier au regard des différents piliers du développement durable, des différents types d’impacts possibles et des différentes étapes de la vie du produit ;

3.2. Le message publicitaire doit être proportionné à l’ampleur des actions menées par l’annonceur en matière de développement durable ainsi qu’aux propriétés du produit dont il fait la promotion ; »

  • au titre de la « clarté du message » (point 4) :

« 4.6. Tout argument de réduction d’impact ou d’augmentation d’efficacité doit être précis et s’accompagner de précisions chiffrées, en indiquant la base de comparaison utilisée ».

  • au titre de la « loyauté » (point 5) :

« 5.1. La publicité ne doit pas attribuer à un produit ou à un annonceur l’exclusivité de vertus au regard du développement durable alors que celles des concurrents seraient analogues ou similaires ».

  • au titre du « vocabulaire » (point 7) :

« 7.1 Les termes et expressions utilisés ne doivent pas induire le public en erreur sur la nature et la portée des propriétés du produit ou des actions de l’annonceur en matière de développement durable /

7.3 Dans le cas où il serait impossible de justifier des formulations globales (ex. : écologique, vert, éthique, responsable, préserver, équitable, durable, …), la publicité doit les relativiser en utilisant des formulations telles que “contribue à” ».

S’agissant en premier lieu de la page « Calculateur carbone », le Jury relève qu’à la date d’introduction de la plainte, et ainsi que l’indique l’annonceur, cette page restait référencée par les moteurs de recherche et accessible par ce biais, quand bien même ne l’était-elle plus par le site institutionnel d’Air France. La plainte est donc recevable.

Si cette page avait principalement pour objet de permettre à tout un chacun de calculer l’empreinte carbone associée à un trajet en avion, les mentions figurant en bas de la page revêtaient quant à elle un caractère publicitaire.

Le Jury constate toutefois que la plainte se borne à contester qu’Air France « active tous les leviers relevant de sa responsabilité » pour réduire ses émissions carbone, au motif que la compagnie pourrait organiser moins de vols. Toutefois, dans la mesure où la vocation même d’une compagnie aérienne est d’assurer les vols correspondant à la demande des clients, dans la limite des créneaux de décollage et atterrissage dont elle dispose, une telle allégation ne saurait induire en erreur le public en ce qui concerne tant les efforts consentis par Air France pour réduire son empreinte carbone que l’incidence environnementale de son activité commerciale.

En second lieu, s’agissant de la page du site internet consacrée au programme « Trip and Tree », encore active à la date d’introduction de la plainte, le Jury rappelle tout d’abord qu’il ne lui appartient pas de porter une appréciation sur la pertinence ou le bien-fondé de la marque commerciale choisie par un annonceur. Ainsi, le choix de baptiser le programme de reforestation « Trip and Tree » et de le faire figurer sur la page litigieuse échappe à la compétence du Jury.

S’agissant du « slogan » critiqué par le plaignant, le Jury n’est pas parvenu à l’identifier en l’absence de toute précision.

En outre, le Jury estime que la mention « Plantons des arbres partout sur la planète » se réfère directement à la carte reproduite en-dessous, sur laquelle sont identifiés des emplacements sur différents continents. Ce texte fait ainsi référence au fait que le programme a une portée mondiale. A l’évidence, le consommateur n’ignore pas que des arbres ne peuvent être plantés là où, par exemple, se trouvent des bâtiments, ou dans des zones dans lesquelles les conditions météorologiques ne le permettent pas. Ainsi, contrairement à ce qu’indique le plaignant, cette allégation ne laisse pas entendre au public que la plantation d’arbres serait « infinie » et qu’elle permettrait d’absorber la totalité des émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, la plainte met en cause l’utilisation du terme « éco-voyageur » associé au programme Trip and Tree. Selon les explications de l’annonceur, un client pouvait, au moment de la réservation d’un billet d’avion, souscrire une option « Environnement » selon deux modalités, dont l’une était de soutenir la reforestation dans le cadre de ce programme.

Le Jury rappelle à titre liminaire qu’il ne lui appartient pas d’appliquer les dispositions de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire évoquées par le plaignant, laquelle ne porte du reste que sur les mentions figurant sur le produit ou son emballage. Il y a lieu en revanche d’examiner la conformité aux règles déontologiques précitées de l’allégation : « Rejoignez la communauté d’éco-voyageurs d’Air France ».

Cette phrase assimile clairement les personnes recourant au programme Trip and Tree à des « éco-voyageurs », terme non défini qui peut être compris par un consommateur moyen comme renvoyant à des voyageurs respectueux de l’environnement ou, à tout le moins, attentifs à minimiser leur empreinte écologique lors de leurs déplacements. Eu égard à l’empreinte carbone associée à un trajet en avion, quel qu’il soit, qui est sans commune mesure avec des modes de voyage « doux » susceptibles de relever d’une démarche « éco-responsable », et alors au surplus que l’objet du programme alors promu relevait de la compensation et non de l’évitement ou de la réduction des émissions, le Jury considère que les personnes souscrivant à cette option ne pouvaient en aucun cas être qualifiées d’« éco-voyageurs ».

Le Jury est donc d’avis que l’emploi de ce terme présente en l’espèce un caractère disproportionné. Il prend note que la page accessible depuis l’adresse URL en cause ne comporte plus ce terme, mais celui de « planteurs ».

Il résulte de ce qui précède que la plainte n’est fondée que sur ce dernier point, et ne peut être accueillie pour le surplus.

Avis adopté le 3 mars 2023 par M. Lallet, Président, Mme Gargoullaud, Vice-Présidente, Mmes Lenain, Boissier et Charlot, MM. Depincé, Le Gouvello et Lucas-Boursier.


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