Avis publié le 1er juillet 2022
77 FOODS – 845/22
Plainte non fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu les représentants de l’Association Interprofession Nationale Porcine (INAPORC), plaignante, de la société 77 Foods / La Vie, ainsi que le directeur général de l’ARPP, lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
1. La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 20 avril 2022, d’une plainte émanant de l’Association Interprofession Nationale Porcine (INAPORC), afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une campagne publicitaire, diffusée en affichage, en faveur de la société 77 Foods, pour promouvoir son offre de lardons végétaux de marque La Vie.
Les affiches publicitaires en cause, montrent un paquet de lardons végétaux, chacune étant accompagnée d’une accroche publicitaire différente :
- « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc »
- « Tout est bon sans le cochon »
- « Allemagne le vaccin du futur. Etats-Unis : la voiture du futur. France : le lardon du futur »
- « Vous êtes déjà passé à côté du bitcoin. Ne passez pas à côté de ces lardons »
2. Les arguments échangés
– L’association plaignante relève que la société 77 Foods, spécialisée dans la production de produits remplaçant les produits d’origine animale, commercialise un nouveau produit dont elle soutient qu’il a pour vocation de reproduire l’aspect, la texture et le goût des lardons, mais sans cochon. Depuis le 14 mars 2022, la société 77Foods a largement diffusé une campagne publicitaire d’affichage dans plus de 13 villes de France, dont les villes de Paris (en particulier dans le métro), Lyon, Marseille et Bordeaux.
L’association Inaporc rassemble tous les métiers de la filière porcine française : fabricants d’aliments pour les porcs, éleveurs, coopératives, abatteurs découpeurs, industriels dc la charcuterie-salaison, grande distribution, artisans bouchers et charcutiers-traiteurs, restauration collective. Son objet est de défendre les intérêts de la filière porcine française et de mettre en œuvre des actions collectives d’intérêt général.
Elle conteste cette campagne qui utilise des slogans agressifs et dénigrants pour la filière porcine. Pourtant, la filière porcine, aujourd’hui constituée de plus de 100 000 professionnels, met tout en œuvre au quotidien pour proposer aux consommateurs des produits de qualité.
Inaporc considère que les publicités de cette campagne sont contraires aux principes dc la déontologie publicitaire. En effet, celles-ci présentent un caractère dénigrant et sont contraires aux principes de la concurrence loyale, donc aux articles 1er et 12 du code ICC.
Concernant, en premier lieu, le slogan « Tout est bon sans le cochon » : ces propos font directement référence à la célèbre expression « Tout est bon dans le cochon » et cherchent à tourner en ridicule son utilisation, tout en soutenant explicitement que toute nourriture serait meilleure sans cochon. Force est de constater que cette publicité est une attaque particulièrement virulente à l’encontre des produits de la filière porcine, et que son côté sarcastique accentue le discrédit porté sur les produits de la filière porcine. Cette publicité n’est pas équilibrée en ce qu’elle s’inscrit dans une campagne globale de discrédit des professionnels de la viande porcine qui a précisément pour objectif de détourner les consommateurs de leurs modes de consommation
Dans un précédent avis rendu le 18 mai 2011 pour des faits de nature similaire, le JDP avait estimé que la publicité dont l’accroche « Gros Menteur » accompagnait trois morceaux de 3 viande de bœuf et était suivie d’un texte selon lequel « La loi n’impose pas l’étiquetage des viandes issues d’animaux nourris aux OGM », devait être considérée, par induction, comme jetant le discrédit sur certains membres de la filière bovine (Avis JDP N°117/11). Dans cet avis, le JDP estimait notamment que « Ni la légitimité des objectifs et la sincérité des intentions de l’association quelles qu’elles soient, ni le fait que l’étiquette « 100 % naturel » ne soit, en réalité, jamais utilisée, ne sauraient justifier ou atténuer le recours à une terminologie qui peut être de nature à discréditer dans leur ensemble les professionnels de la filière et, par là même, à induire le consommateur en erreur ».
En dénigrant le porc et sa filière dans le cadre d’une publicité largement diffusée, la société 77Foods, qui n’est au demeurant pas une association mais une société commerciale, nuit de façon gratuite et disproportionnée à la filière porcine en fragilisant auprès du grand public l’image des produits contenant du porc.
S’agissant, en deuxième lieu, du slogan « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc », l’accroche fait ici directement référence aux allégations formées à l’encontre de certains produits contenant des nitrites et qui seraient prétendument néfastes pour la santé humaine. Les nitrites sont des sels de l’acide nitreux utilisés comme conservateur pour empêcher le développement de bactéries dont certaines produisent des toxines. Un débat a été soulevé depuis quelques années quant à l’utilisation de ces sels chimiques dans le jambon, le saucisson ou dans les lardons, sans pour autant que leur utilisation ait jamais été interdite. De ce fait, les industriels de la charcuterie ont subi de nombreuses critiques, quand bien même ils adaptent leur production pour réduire les quantités de nitrites présentes dans leurs produits.
En faisant référence à cette situation, les propos utilisés sont critiquables à deux égards. Tout d’abord, ils génèrent une perte de confiance du consommateur dans les produits issus de la filière porcine en laissant entendre sans aucune nuance qu’ils seraient dangereux pour la santé. D’autre part, la publicité cherche à duper le consommateur en lui laissant croire, sans aucune justification, que les lardons végétaux sont meilleurs que les lardons animaux en termes de santé publique.
En l’espèce, cette publicité incite très directement à renoncer à la consommation de porc, elle fragilise l’image du porc et porte un discrédit sur les membres de la filière porcine. Elle doit donc, là encore, être considérée comme dénigrante et déloyale envers l’ensemble des professionnels de la filière.
Certaines publicités laissent entendre, en troisième lieu, que le lardon végétal serait le lardon du « futur ». En effet, deux d’entre elles utilisent pour slogan « Allemagne le vaccin du futur. Etats-Unis : la voilure du futur. France : le lardon du futur » et « Vous êtes déjà passé à côté du bitcoin, ne passez pas à côté de ces lardons ».
Ces deux slogans associent le lardon végétal à un produit d’avenir. Ils incitent le consommateur à considérer ce nouveau produit végétal comme un produit en vogue, laissant entendre que les lardons composés de porc sont des produits dépassés qu’il ne faudrait plus consommer. Le porc se voit ainsi assimilé à un produit totalement démodé.
Dans un avis du 6 décembre 2021, le JDP a fait droit à la plainte d’EDF qui reprochait au fournisseur d’énergie Ekwateur d’avoir lancé une campagne publicitaire dans laquelle de faux dinosaures étaient mis en scène dans des environnements de travail, adoptant des comportements radicalement contraires aux objectifs du développement durable. EDF soutenait que la publicité insistait sur l’aspect obsolète du fonctionnement et de l’organisation des entreprises telles qu’EDF du fait de leur ancienneté et leur manque d’innovation. Le Jury a considéré que, même si les visuels ne désignaient pas directement la société EDF, la publicité incitait clairement les clients à changer de fournisseurs d’énergie et à abandonner ces « dinosaures » procédant au dénigrement d’une catégorie de personnes morales.
Le même raisonnement peut s’appliquer au cas d’espèce : en soutenant implicitement mais nécessairement que le porc est démodé, la société 77Foods dénigre l’ensemble des professionnels de la filière porcine et dévalorise l’image du porc.
Enfin, le fait que la campagne publicitaire utilise un registre prétendument humoristique est sans incidence au regard des griefs formulés.
Il sera rappelé pour mémoire l’avis du 29 septembre 2011, dans lequel le JDP a fait droit à la plainte du Centre d’études et de documentation du sucre qui reprochait à annonceur d’avoir lancé une campagne publicitaire pour du sirop, représentant une moitié de pamplemousse sur laquelle étaient disposées deux lignes de sucre, accompagnée de l’accroche « Arrêtez la poudre ! ». Le JDP a considéré que le rapprochement évident avec la cocaïne donnait une image péjorative du sucre. Cette publicité était donc constitutive de dénigrement et ne saurait être excusée par la volonté dc frapper le consommateur par une campagne au ton particulièrement humoristique et décalé (Avis JDP N°139/11). Ici aussi le Jury ne pourra que retenir que le ton humoristique employé dans les publicités n’est pas de nature à supprimer le caractère dénigrant des propos utilisés.
Enfin, sur le caractère déloyal et trompeur des propos (articles 4 et 11 du code ICC), l’association plaignante rappelle que la publicité ne doit pas abuser de la confiance des consommateurs. Par conséquent, toute information dans la publicité qui serait de nature à influencer la décision des consommateurs doit leur être signalée. Dès lors, les propos tenus dans une publicité qui ne s’appuient pas sur de réels fondements doivent être considérés comme déloyaux et trompeurs vis-à-vis des consommateurs.
En l’espèce, il apparaît que plusieurs publicités de cette campagne sont de nature à induire en erreur le consommateur quant à la qualité des produits contenant du porc, et notamment les accroches « Tout est bon sans le cochon » et « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc ».
Ces deux publicités effectuent une comparaison entre les produits contenant du porc et ceux n’en contenant pas, laissant entendre que la consommation de porc serait dangereuse pour la santé.
Pourtant, ces affirmations ne sont accompagnées d’aucune explication et ne s’appuient sur aucun fait objectivement vérifiable pour le consommateur. Dans l’avis n°117/11 mentionné précédemment, la plaignante estimait que la publicité n’était pas véridique et trompait le consommateur sur les propriétés de la viande de bœuf et sur la fiabilité de la filière des professionnels bovins. Le JDP a retenu cet argument et considéré que cette publicité était de nature à induire le consommateur en erreur.
Ici, force est de constater que ces deux publicités cherchent à abuser le consommateur qui sera davantage porté à faire confiance aux produits ne contenant pas de porc, et ce sans aucun fondement. Elle doit donc être considérée comme contraire aux dispositions du Code ICC.
Lors de la séance, l’association plaignante a repris en substance son argumentation. Elle a insisté sur les points suivants :
- L’allégation « tout est bon sans le cochon» donne à penser qu’il faut exclure le cochon pour qu’un aliment soit bon et que « rien n’est bon dans le cochon », à l’exact opposé du dicton populaire. Il ne s’agit donc pas de proposer une alternative mais d’évincer le porc ;
- L’allégation « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc» est également problématique car la référence au nitrite induit l’idée que la consommation de porc soulèverait un problème sanitaire et que celle des lardons végétaux serait meilleure pour la santé. Or le consommateur n’a aucun moyen de vérifier. Là encore, il ne s’agit pas, en réalité, de proposer une alternative ;
- Les deux autres allégations présentent un caractère dénigrant car elles induisent l’idée que les lardons de porc seraient un produit du passé.
Elle a ajouté que le conditionnement des lardons végétaux prétend que ces produits seraient meilleurs pour la planète, en méconnaissance de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.
– La société 77 Foods a été informée, par courriel recommandé avec avis de réception du 6 mai 2022, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
La société fait valoir que la plainte vient s’ajouter à de multiples pressions (mises en demeure, assignations au tribunal de commerce, pressions sur les partenaires publicitaires et institutions publiques, etc.) auxquelles fait face la quasi-totalité des acteurs de la filière végétale de la part des différentes interprofessions d’élevage, INAPORC en tête. Elle s’inscrit dans une démarche d’acharnement juridique visant à dissuader tout concurrent d’entrer ou de se maintenir sur un marché connexe à celui de la viande, faussant ainsi la concurrence.
Elle explique que la campagne publicitaire présente La Vie comme ce qu’elle est : une alternative à la viande animale. Elle n’est en aucun cas un dénigrement de cette dernière.
L’annonceur conteste le vocabulaire utilisé par le Conseil d’INAPORC (« Agressifs », « dénigrants », « violent », « tourne en ridicule » « fragilisant », « attaque virulente »,
« campagne de discrédit des professionnels » ), qui lui semble tout à fait inapproprié au regard d’une campagne bon enfant et sympathique, et qui ne comporte aucun discours accusateur, belliqueux ou déloyal comme INAPORC le prétend ou le sous-entend.
En ce qui concerne les différents messages, la société présente les observations suivantes :
1/ « Vous avez essayez le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc » : le fait d’évoquer la présence ou non d’un conservateur dans un produit n’est pas critiquable puisqu’il s’agit d’une pratique avérée. Le conseil d’INAPORC évoque le débat soulevé par l’utilisation des sels chimiques dans le jambon ; il souligne également que leur utilisation n’a rien d’illégale et qu’ils continuent d’être largement utilisés et consommés en France et dans le Monde. En quoi le fait de les évoquer serait donc dénigrant ou susceptible de porter le discrédit sur la filière ?
Le message s’inscrit dans une proposition d’alternative et non d’opposition ou d’incitation. C’est une manière créative de mettre en avant l’une des propriétés majeures du produit : le goût de la viande de porc sans porc.
2/ « Tout est bon sans le cochon » : le message s’inscrit dans une volonté de proposition d’alternative et pas de contradiction. Le détournement de l’expression célèbre est évident mais il ne s’agit aucunement de tourner la filière en ridicule. Il s’agit de mettre en avant naïvement les attributs du produit : malgré le fait qu’il n’y ait pas de cochon dedans, tout est bon dans le produit proposé (Saveur de l’Année 2022, entre autres distinctions des consommateurs).
D’autre part, le rapprochement entre la mention « tout est bon sans le cochon » et l’accroche
« Gros Menteur » mise en cause dans un précédent Avis du JDP apparaît tout à fait exagérée et hors de propos. Le niveau d’agressivité est sans commune mesure avec le présent message. Le fait que cette formule accusatoire et dénigrante ait fait l’objet d’une plainte jugée fondée ne saurait en aucun cas être utilisée contre la campagne en cause.
3/ « Le lardon du futur » : l’utilisation du terme « futur » s’inscrit dans une volonté de mettre l’accent sur la nouveauté du produit et non pas sur l’aspect soi-disant désuet, démodé ou dépassé de la viande de porc. En outre, il convient de tenir compte de la publicité dans son ensemble, celle-ci faisant également référence – dans le même champ visuel – à la « voiture du futur » et au « vaccin du futur ».
Cette campagne a ainsi pour but de présenter une alternative qui s’inscrit dans les nouveaux modes de consommation nécessaires à l’atteinte de nos objectifs collectifs de réduction de l’empreinte carbone mais n’est en aucun cas dénigrante envers l’industrie du porc.
En conclusion, l’annonceur soutient que promouvoir un produit ne signifie pas en dénigrer un autre. Il invite Inaporc à cesser de chercher par tous les moyens à censurer une marque innovante française – dont les produits sont fabriqués en France – simplement parce qu’elle est plébiscitée par les consommateurs.
Lors de la séance, la société 77 Foods est revenu sur l’enjeu écologique et économique relatif à la consommation de viande et à la place des produits végétaux alternatifs. Elle indique qu’elle n’aurait aucun intérêt à dénigrer la viande car une grande partie de sa clientèle, actuelle et potentielle, est constituée de « flexitariens » qui consomment aussi bien de la viande que des produits végétaux. Elle se dit choquée d’être attraite devant le Jury alors qu’elle est une petite start-up qui, en dépit de ses faibles moyens, s’est entourée de l’avis des meilleurs experts et de celui de l’ARPP.
Le slogan « tout est bon sans le cochon » ne vise pas à dénigrer la filière porcine mais à corriger la perception de nombreux consommateurs qui doutent des qualités gustatives des lardons végétaux. La société rappelle qu’elle a obtenu de nombreux prix liés à la saveur des produits.
Le slogan faisant allusion au « porc sans nitrite » ne vise pas à faire écho au débat sanitaire sur les nitrites et à mettre en doute la sécurité sanitaire des produits porcins, mais à inviter le consommateur à tenter une nouvelle expérience, comme il le fait quand il achète du jambon sans nitrites. La société relève que de nombreuses marques de premier plan vantent les mérites du jambon sans nitrites.
La publicité relative au « lardon du futur » est sans rapport avec l’avis rendu par le Jury concernant EDF, qui concernait deux concurrents proposant le même produit. Il s’agissait ici de faire écho à l’excellente gastronomique française, en insistant sur le caractère innovant du produit. Parler d’un produit du futur n’est pas un dénigrement pour les autres produits. Il s’agit d’une pratique publicitaire courante.
– La société d’affichage Médiatransports indique avoir affiché, sur 286 faces du réseau RATP du 14 au 22 mars 2022, les visuels objets de la plainte comportant les slogans : « Vous êtes déjà passé à côté du bitcoin. Ne passez pas à côté de ces lardons », « Allemagne le vaccin du futur. Etats-Unis : la voilure du futur. France : le lardon du futur », « Tout est bon sans le cochon » et « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc ».
Le visuel « Tout est bon sans le cochon » a également été diffusé sur une face en gare de Bordeaux sur le réseau SNCF du 22 au 28 mars 2022.
Une première version de ces visuels, sensiblement identiques à ceux diffusés (mêmes slogans et visuels), a été soumise à l’ARPP.
La société Médiatransports conteste l’analyse du plaignant qui considère que ces propos sont constitutifs de propos dénigrants contraires aux principes de la concurrence loyale visés par les articles 1er et 12 du code ICC.
Selon l’afficheur, il n’y a aucune ambiguïté sur les deux premiers slogans critiqués « Vous êtes déjà passé à côté du bitcoin. Ne passez pas à côté de ces lardons » et « Allemagne le vaccin du futur. Etats-Unis : la voilure du futur. France : le lardon du futur » qui se contentent de mettre en avant le produit sans formuler aucune critique à l’égard du porc.
S’agissant des deux autres slogans « Tout est bon sans le cochon » et « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc », l’annonceur a souhaité positionner son produit comme une alternative aux lardons d’origine animale qui sont le plus souvent issus du porc, d’où la référence, certes humoristique via les dessins et slogans mais sans pour autant dénigrer ces produits de la filière porcine.
Le premier message « Tout est bon sans le cochon » reste informatif et laisse plutôt à penser que même sans cochon, tout est bon dans ces lardons végétaux. Il en aurait été autrement avec un message de type « Tout est bon dans ces lardons contrairement aux lardons de porc » qui aurait laissé supposer que les lardons de porc ne sont pas bons pour la santé.
De même, le second message « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc » n’a pas un caractère trompeur dans la mesure où l’usage des nitrites dans les produits transformés du porc et la charcuterie (jambon par exemple et lardons) est connu pour assurer la conservation et empêcher le développement de bactéries particulièrement agressives chez l’humain.
Le message n’oppose pas non plus le lardon de porc avec nitrite au lardon végétal mais invite le consommateur à tester, comme une autre expérience et alternative à la consommation de lardons sans nitrites, les lardons végétaux.
Ainsi, l’intention de l’annonceur n’est nullement de jeter le discrédit sur le porc mais d’inviter le consommateur à découvrir les lardons végétaux.
C’est également l’analyse qu’en a faite l’ARPP qui, dans ses observations transmises le 14 février 2022 sur les projets d’affiches, n’a relevé aucun dénigrement ni aucun manquement aux dispositions des articles 1er et 12 du Code ICC.
La société Médiatransports considère donc que ces slogans ne sont constitutifs d’aucun dénigrement et manquement aux articles du code ICC et a donc accepté l’affichage de ces visuels.
Concernant la non-conformité déclarée par le plaignant aux articles 4 et 11 du code ICC, l’ARPP, dans son conseil du 14 février 2022, n’a pas non plus relevé de manquement à ces articles. Elle a cependant considéré que « le porc sans porc » et « Tout est bon sans le cochon » devaient être supprimés au regard de l’article 5 du Code ICC qui dispose que « La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse ».
Or, pour Médiatransports, le caractère trompeur n’est pas avéré, même si les termes « le porc sans porc » peuvent prêter à confusion. Toutefois, s’agissant de message publicitaire, il n’y a pas tromperie car le consommateur moyen comprend bien qu’il n’y a pas de porc dans les lardons végétaux, ce que l’annonceur a également soutenu à l’occasion de plusieurs échanges à la suite de la consultation des services juridiques de l’agence et d’avocats.
La société d’affichage s’engage toutefois à ne plus réafficher ces publicités si le Jury devait considérer qu’elles contreviennent aux dispositions du code ICC.
– La société d’affichage Clear Channel indique avoir affiché, à la demande de sa cliente, les visuels « Tout est bon sans le cochon » et « Allemagne : vaccin du futur. Etats-Unis : voiture du futur. France Lardons du futur », dans le métro et les réseau tram de Lyon et de Bordeaux.
Clear Channel France avait saisi l’ARPP d’une demande de conseil concernant le visuel
« Tout et bon sans le cochon » à laquelle il avait été répondu le 22 février dernier. A cette occasion, l’afficheur a pris note des préconisations de l’ARPP, laquelle ne relevait pas de caractère potentiellement dénigrant pour la filière porcine.
En outre, compte tenu de la tonalité manifestement humoristique des visuels soumis, Clear Channel a considéré qu’il n’existait aucune ambiguïté possible pour le consommateur sur le caractère décalé de ces derniers, le visuel « Tout est bon sans le cochon » détournant l’expression bien connue « Tout est bon dans le cochon » avec deux cochons représentés de façon humoristique, l’un revêtu d’un Tee-shirt « Miami pigs » et l’autre allongé nonchalamment, l’un et l’autre donnant une image sympathique et réjouissante des cochons, ce qui montre que le but de cette campagne n’était pas d’engendrer une réaction d’hostilité sur le cochon et les produits qui en sont issus.
Si le but avait été dénigrant, des dessins beaucoup plus agressifs (cochon énorme, rougeaud etc..) auraient alors beaucoup plus « utilement » illustrer cette campagne en sous-entendant sans équivoque que les produits issus des cochons et partant de la filière porcine étaient néfastes pour la santé. Tel n’a manifestement pas été le cas ni la volonté de l’annonceur.
Quant au visuel « lardons du futur », il joue simplement sur le caractère nouveau et innovant du produit promu, conçu et fabriqué en France, pays notamment réputé dans le monde pour la qualité et l’inventivité de son art culinaire, contrairement à l’Allemagne ou aux Etats-Unis, réputés dans d’autres domaines.
Là encore, il n’y a rien de dénigrant pour la filière porcine sauf à considérer que cette filière a le monopole de la fabrication des lardons, que ceux-ci doivent être exclusivement à base de porc et que seule cette filière est susceptible de produire des lardons « innovants ». Il serait alors impossible à la filière pêche de produire et commercialiser des « lardons de la mer », des « lardons de saumon » etc…comme on peut pourtant largement en trouver dans le commerce depuis longtemps. La plainte de la filière porcine sur ce point n’est donc pas non plus fondée.
Tout au plus ces visuels comportent-ils des affirmations péremptoires – comme peut-être aussi péremptoire le slogan « tout est bon dans le cochon » – et dont il ne fait aucun doute qu’elles sont spontanément perçues par le consommateur comme manifestement humoristiques et décalées.
– L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) explique que, quel que soit le secteur d’activité, l’ARPP veille au respect des principes déontologiques essentiels applicables à toute publicité et qui visent à préserver une publicité loyale et véridique. Ceux-ci sont inscrits essentiellement dans les dispositions du code ICC « Publicité et Marketing », dans ses articles 1er, 4, 5, 11 et 12.
Concernant cette campagne, le conseil de l’ARPP a été demandé sur plusieurs des visuels à la fin de l’année 2021, puis en février 2022. Ce sont directement les supports d’affichage (Médiatransports et Clear Channel), tous deux adhérents de l’ARPP, qui l’ont interrogée et non les concepteurs de la campagne, en amont.
Compte tenu de l’axe de communication choisi pour faire la promotion de lardons végétaux, le conseil de l’ARPP a insisté sur la nécessité de ne pas induire en erreur le consommateur, des allégations telles que « Porc sans porc », « tout est bon sans le cochon » ou l’utilisation du dessin représentant un cochon rose ne devant pas induire une équivalence non justifiée entre les deux types de produits.
Toujours sur le plan de l’information du consommateur, l’ARPP a rappelé les dispositions introduites par la récente loi du 10 juin 2020 qui prévoit de ne pas employer, pour promouvoir des denrées alimentaires comportant des protéines végétales, des dénominations utilisées pour denrées d’origine animale (en rappelant que le décret d’application n’étant toujours pas publié, l’appellation « lardons » n’est pas à ce jour interdite).
Concernant les accroches utilisées et plus particulièrement visées par la plainte, celles-ci ne sont cependant pas apparues à l’ARPP comme constitutives d’un dénigrement.
L’Autorité a relevé que la campagne vise à présenter le produit qui sont des lardons végétaux, qu’elle met l’accent sur la nouveauté et la spécificité du produit en invitant le consommateur à découvrir les lardons végétaux (« Découvrez… », « Essayez »..), que le produit est présenté comme un choix différent par rapport aux lardons d’origine animale habituellement proposés sur le marché.
Pour cela la campagne a recours à un ton humoristique et une présentation décalée, par des formules de type « Découvrez le porc sans porc » ou « Tout est bon sans le cochon » qui mettent en évidence l’absence de porc dans la composition du produit sans pour autant critiquer de manière négative le porc ; par des allégations telles que « le lardon du futur » qui mettent l’accent sur le caractère innovant du produit et ne sont pas de nature à présenter les lardons à base de porc comme dépassés voire dangereux pour la santé ; par des visuels qui utilisent l’image d’un cochon, humanisé, présenté comme un personnage détendu et plutôt sympathique, qui n’est donc pas dévalorisé.
Dans ce contexte, le contenu des affiches soumises à l’ARPP a certes appelé des observations et réserves (par exemple, en vue de l’insertion du message accompagnant toute publicitaire en faveur des produits alimentaires) mais cette campagne n’a pas été analysé comme jetant le discrédit sur une catégorie de produits à base de porc ou dénigrant la filière porcine.
3. L’analyse du Jury
3.1. Sur le grief tiré de la méconnaissance de la Recommandation « Développement durable »
Le Jury relève que la plainte de l’association INAPORC, fondée exclusivement sur le code de la Chambre de commerce internationale « Publicité et marketing », dit code ICC, ne fait aucune référence à cette Recommandation et que le grief tiré de sa violation, en ce que les publicités litigieuses reproduisent le conditionnement des produits La Vie qui comporte la mention « Meilleur pour la planète », n’a été élevé pour la première fois que lors de la séance du 3 juin 2022, soit en-dehors du délai prescrit. Dans la mesure où rien ne faisait obstacle à ce que l’association présente cette contestation dès sa plainte initiale, celle-ci doit être regardée comme irrecevable sur ce point.
En tout état de cause, le Jury rappelle que, sauf règle déontologique expresse contraire, il ne lui appartient pas d’apprécier la conformité aux dispositions déontologiques en vigueur des mentions figurant sur les conditionnements et emballages reproduits dans une publicité.
3.2. Sur les autres griefs
Le Jury rappelle que le code ICC, dont les principes généraux s’appliquent à l’ensemble des publicités relevant de la compétence du Jury, prévoit que :
« Article 1 – Principes élémentaires
Toute communication commerciale doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique.
Toute communication commerciale doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu’ils sont généralement admis dans les relations commerciales.
Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing. ».
« Article 4 – Loyauté
La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. / Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. »
« Article 11 – Comparaisons
La communication commerciale contenant une comparaison doit être conçue de telle sorte que la comparaison ne soit pas de nature à induire en erreur le consommateur et elle doit respecter les principes de la concurrence loyale. Les éléments de comparaison doivent s’appuyer sur des faits objectivement vérifiables et qui doivent être choisis loyalement. »
« Article 12 – Dénigrement
La communication commerciale ne doit pas dénigrer une quelconque personne ou catégorie de personnes, une entreprise, une organisation, une activité industrielle ou commerciale, une profession ou un produit, ou tenter de lui attirer le mépris ou le ridicule public. ».
Le Jury, à qui il appartient d’apprécier la conformité aux règles déontologiques de chaque publicité composant une campagne, rappelle qu’aucune de ces règles ne fait par principe obstacle à ce qu’une communication commerciale invite les consommateurs à préférer le produit promu à d’autres produits comparables ou substituables, identifiés ou identifiables. Les principes généraux issus des règles précitées du code ICC ne sauraient davantage s’interpréter comme prohibant la critique légitime d’une pratique commerciale réelle ou potentielle ou des caractéristiques d’un produit concurrent. En revanche, ils font obstacle à une publicité qui procèderait à une comparaison trompeuse ou se livrerait à une critique malveillante et tendancieuse d’un produit, d’une entreprise ou d’une catégorie d’entreprises nommément désignés ou identifiables.
Le Jury relève que la campagne publicitaire litigieuse a pour objet de promouvoir des lardons végétaux, en s’adressant principalement, sur un ton humoristique, à un public habitué à consommer des lardons issus de viande de porc, encouragé à découvrir les produits La Vie.
En premier lieu, l’accroche « Vous êtes déjà passé à côté du bitcoin. Ne passez pas à côté de ces lardons » se borne, de façon délibérément exagérée, à présenter les lardons végétaux promus comme une innovation comparable aux crypto-monnaies, sans la moindre allusion à la viande de porc ni comparaison avec les lardons fabriqués et commercialisés par les acteurs de la filière porcine. Elle ne saurait ainsi présenter un caractère dénigrant ou déloyal à l’égard de ces derniers, pas plus qu’elle n’est de nature à induire en erreur le consommateur sur les caractéristiques des produits promus ou celles des lardons de porc.
Il en va de même, en deuxième lieu, de l’accroche « Allemagne : le vaccin du futur. Etats-Unis : la voiture du futur. France : le lardon du futur » qui, jouant là encore sur le registre de la dérision, laisse entendre que la France serait à la pointe de l’innovation en matière de lardons grâce à la production des produits La Vie. La publicité n’en explicite pas les raisons, laissant au consommateur la liberté d’interpréter l’allégation et d’y souscrire ou non en fonction de ses propres préoccupations, convictions et préférences. Elle ne prétend pas que les lardons à base de porc seraient à l’avenir interdits à la vente ou que leur consommation serait inconciliable avec la préservation de l’environnement ou la protection de la santé publique.
En troisième lieu, l’accroche « Vous avez essayé le porc sans nitrite ? Découvrez le porc sans porc » fait référence, dans sa partie interrogative, aux produits à base de porc ne recourant pas à des additifs à base de nitrites, lesquels concourent à la conservation de la viande et donnent aux produits correspondants la couleur rosée caractéristique de la majorité des produits de charcuterie mis sur le marché. Si les nitrites contenus dans la charcuterie sont soupçonnés de pouvoir favoriser l’apparition de certains cancers, motivant des appels à leur interdiction, de tels effets n’ont pas été démontrés à ce jour. La publicité litigieuse s’adresse ainsi à ceux qui, parce qu’ils craignent que les nitrites puissent être néfastes pour leur santé ou s’interrogent sur ce point, ont essayé les lardons de porc qui n’en contiennent pas ; elle les invite à tester le « porc sans porc », jeu de mots qui, derrière l’incohérence apparente, désigne sans ambiguïté les lardons végétaux, lesquels présentent l’aspect des lardons de porc sans contenir cette viande. Pas plus que la promotion du porc sans nitrite, à laquelle se livrent d’ailleurs nombre d’acteurs de la filière porcine, n’induit l’idée que la charcuterie nitritée serait nécessairement nocive pour la santé, cette publicité ne déconseille implicitement aux consommateurs la consommation de viande de porc pour des raisons sanitaires. Elle incite seulement ceux qui s’en préoccupent à « découvrir » les lardons végétaux La Vie et, ainsi, à se faire leur propre opinion sur ce point. Cette invitation à la découverte n’implique du reste nullement que les clients abandonnent la consommation de lardons à base de porc, qui n’apparaissent donc pas dénigrés.
En quatrième et dernier lieu, il est soutenu que la publicité comportant la phrase « Tout est bon sans le cochon » induit l’idée qu’avec la viande de porc, la nourriture ne serait plus bonne, ce qui reviendrait à déconseiller sa consommation. Le Jury observe que cette formulation comporte en effet une ambiguïté qui ouvre la voie à l’interprétation que propose l’association plaignante. Toutefois, il considère qu’un consommateur moyen y verra d’abord et avant tout un « bon mot » reposant sur le détournement du dicton populaire « tout est bon dans le cochon » afin de valoriser les qualités gustatives des lardons végétaux (« sans cochon ») et de corriger la perception de nombreux consommateurs qui peuvent douter que ces produits, qu’ils ne connaissent pas, puissent rivaliser de ce point de vue avec les lardons de porc. D’ailleurs, à supposer même qu’ils partagent la lecture que l’association plaignante fait de cette communication, la plupart des consommateurs connaissent le goût des lardons de porc, de sorte qu’ils sont tout à fait en mesure d’apprécier la pertinence de l’allégation, dont rien ne permet de penser qu’elle comporterait, au-delà de la dimension organoleptique, une dimension sanitaire. Ainsi, cette accroche générale et humoristique, qui ne contient pas d’informations erronées, n’apparaît pas de nature à induire en erreur le public et ne comporte pas de critique malveillante ou agressive de la viande de porc qui serait constitutive d’une méconnaissance des principes de la concurrence loyale mentionnés dans le code ICC.
Dans ces conditions, le Jury, à qui il n’appartient en aucun cas de prendre parti au regard des règles du droit de la concurrence et du droit de la consommation, estime que ces publicités ne dénigrent pas la viande de porc ni les acteurs de la filière porcine, au sens du principe général repris à l’article 12 du code ICC, qu’elles n’abusent pas de la confiance du consommateur, lequel n’est pas induit en erreur sur les caractéristiques respectives des lardons animaux et végétaux, ni ne méconnaissent les principes de la concurrence déloyale au sens du code ICC.
Avis adopté le 3 juin 2022 par M. Lallet, Président, Mmes Lenain et Boissier, ainsi que MM. Depincé, Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.