Avis JDP n°286/13 – MUTUELLES DE SANTE – Plaintes fondées

Décision publiée le 28.11.2013
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu les représentants de l’association Naître & Vivre, ainsi que de la société d’affichage,

– et, après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 2 octobre 2013, d’une plainte de l’association nationale des centres de référence de la mort inattendue du nourrisson (ANCReMIN), puis, le 3 octobre 2013, d’une plainte de l’association Naître et vivre, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité d’une mutuelle destinée à promouvoir ses services.

La publicité en cause, diffusée sur internet et affichée sur l’arrière des autobus de la ville de Montpellier, montre un bébé torse nu, coiffé d’un bonnet de laine et couché endormi sur le ventre.

Le texte accompagnant cette image est « Protégeons le plus précieux ».

2.Les arguments des parties

 Les plaignants considèrent que cette campagne va à l’encontre des messages de santé publique sur les risques de mauvais couchage des nouveaux nés et de la lutte contre le phénomène de mort inattendue du nourrisson.

L’association Naître et vivre explique que de multiples études ont, déjà, depuis plusieurs années, démontré que le couchage sur le dos permet de diminuer considérablement les risques de mort subite du nourrisson. Les actions de prévention réalisées depuis 1992 en France, ont ainsi conduit à observer une baisse de 75% des décès, mais il demeure encore une certaine ignorance du réel danger que comporte le fait de coucher les bébés sur le ventre.

En conséquence, la mort brutale et inattendue d’un nourrisson (MIN) est un drame encore vécu par de trop nombreuses familles, dont la culpabilité ressentie est accentuée lorsque les parents comprennent que leur enfant n’avait pas été couché dans les meilleures conditions possibles et qu’il était de ce fait exposé à un facteur de risque majeur.

Elle indique qu’il est donc encore possible d’obtenir de meilleurs résultats si les habitudes de couchage des nouveaux nés parviennent à être modifiées de façon durable par des messages de prévention.

Elle explique que, dès lors, la prévention est un devoir professionnel pour les acteurs de santé qui interviennent autour de la naissance et de la petite enfance.

Dans ce contexte, l’association Naître et Vivre estime que la publicité de la mutuelle est irresponsable, car elle montre un bébé dormant sur le ventre, dans une configuration qui comporte tous les risques pour que survienne un accident. En effet, l’enfant est nu, ce qui, dans la réalité, induit l’idée d’une température élevée, il porte un bonnet de laine, ce qui accentue le risque d’exposer les petits à l’hyperthermie et il est couché sur une couverture souple, ce qui comporte le risque qu’il s’obstrue le nez en tournant le visage. Elle précise qu’une mutuelle de santé ne peut méconnaitre à ce point des données de santé publique connues depuis 20 ans. Elle fait observer que cette publicité, qui a été vue dans le midi de la France par un vaste public, ne peut que propager dans les esprits l’idée qu’un bébé peut être couché sur le ventre, ce qui brouille les messages de prévention.

L’association ANCReMIN développe une argumentation semblable.

L’annonceur fait valoir qu’il ne pensait pas que cette publicité puisse être contraire aux règles déontologiques de l’ARPP et porter atteinte à la sécurité des personnes.

La mutuelle indique avoir voulu donner l’image d’un enfant dormant paisiblement, comme un petit ange suspendu à un espace/temps non défini. Elle précise que rien ne permet d’affirmer que celui-ci est allongé sur le ventre dans un lit trop grand, c’est-à-dire dans une position réellement dangereuse pour sa santé.

Selon la mutuelle, les bons résultats de la campagne de 1992 montrent que les mères sont désormais suffisamment bien renseignées sur les risques liés à ce type de posture du nourrisson pour ne pas se laisser influencer par cette publicité, qui, en conséquence, ne comporte pas de risque pour la santé des petits et ne fait pas la promotion d’un comportement à risque.

L’annonceur précise que la publicité a été retirée du site internet depuis le 8 octobre dernier.

La société d’affichage fait valoir que cette publicité consistait à mettre en avant une offre promotionnelle « tablette à gagner » accordée par cette mutuelle pour toute adhésion avant le 31 décembre 2013. L’image d’un enfant en bas-âge et le slogan utilisé « Protégeons le plus précieux » avaient uniquement pour but d’informer les futurs adhérents et d’attirer leur attention sur le fait qu’en souscrivant cette mutuelle, ils protégeaient ce qu’ils avaient de plus précieux, leurs enfants.

Elle indique qu’elle a pris acte des conseils et recommandations des professionnels de santé  pour la sécurité des enfants et qu’elle a fait en sorte de sensibiliser ses équipes quant à la nécessité de suivre scrupuleusement ces recommandations pour toute campagne publicitaire mettant en scène des enfants en bas-âge.

Elle ajoute que cette campagne a été diffusée sur ses supports uniquement dans le sud de la France fin septembre et qu’à ce jour, elle n’apparaît plus sur ses dispositifs.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Sécurité » de l’ARPP, qui reprend, dans son préambule, les dispositions du Code consolidé de la Chambre de Commerce Internationale, dispose que :

« La publicité, sous quelque forme que ce soit, ne doit pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens et doit donc respecter les règles déontologiques suivantes :

“Sauf justification d’ordre éducatif ou social, la publicité ne doit comporter aucune présentation visuelle ni aucune description des pratiques dangereuses ou de situation où la sécurité et la santé ne sont pas respectées » ;

Article 13 du Code de la C.C.I. : Une prudence particulière s’impose aux publicités utilisant des enfants ou des adolescents ou s’adressant à eux. ».

Le Jury relève que la publicité qui met en scène un bébé dormant sur le ventre diffuse une image qui peut entraîner, par mimétisme, des risques pour la santé des nourrissons.

Il est, en effet, établi par les données produites par les associations plaignantes que le couchage ventral des bébés est une cause importante de « mort inattendue du nourrisson » dénommée aussi « mort subite du nouveau-né ». Ce risque est de surcroît accentué en l’espèce par la présentation de l’enfant coiffé d’un bonnet de laine et couché sur un support indéfini qui apparaît moelleux, alors que les recommandations sanitaires pour éviter les risques de décès insistent sur la nécessité de coucher les enfants dans une atmosphère de température qui ne soit pas trop élevée et dans un lit de taille adaptée à la leur, sur un matelas ferme.

Contrairement à ce que soutient l’annonceur, les statistiques présentées démontrent que surviennent encore des décès qui auraient pu être évités, par méconnaissance par le public des risques que comporte le couchage des bébés sur le ventre.

Cette diffusion est particulièrement regrettable de la part d’une assurance mutuelle qui par nature est associée par une majorité du public à une idée de préservation de la santé.

Ainsi, la publicité en cause contrevient aux dispositions précitées.

4.La décision du Jury

– Les plaintes sont fondées ;

– La publicité en causecontrevient à la Recommandation « Sécurité » de l’ARPP

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre toutes mesures de nature à assurer le non renouvellement de cette publicité;

– La décision sera communiquée aux associations plaignantes, à l’annonceur et au support;

– Elle sera publiée sur le site du JDP ;

Délibéré le 6 novembre 2013, par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mme Moggio, MM. Benhaïm, Carlo, Lacan et Leers.