Avis JDP n°353/15 – ALIMENTATION/CONFISERIE – Plainte fondée

Avis publié le 21 janvier 2015
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

 – Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,

– et, après en avoir débattu ,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 6 novembre 2014, d’une plainte de la chargée de mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité de Troyes afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée en affichage sur le lieu de vente, en faveur de bonbons.

Cette publicité présente une femme aux épaules dénudées, tirant la langue et ouvrant grand les yeux ; sa langue, sur laquelle on aperçoit un piercing, est prise entre les lames d’une cisaille, comme si on s’apprêtait à la sectionner.

Le texte accompagnant cette image est, en accroche : « Une langue qui ne sucxe pas … ne sert à rien ! » et sous le visuel : « X : La folie du bonbon ».

2. Les arguments échangés

– La plaignante considère que cette publicité est violente et très incitative, notamment pour des enfants, d’autant qu’elle est située au bas de la vitrine du magasin, à hauteur de vue de ces derniers. Elle y voit en outre une atteinte à la dignité de la personne humaine, en particulier de la femme.

– La société a été informée par courrier recommandé avec avis de réception du 8 décembre 2014 de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

L’annonceur, qui se dit étonné de la plainte, fait valoir qu’elle a acheté le visuel sur l’une des principales banques d’images du monde, et que ce dernier a été sélectionné par une clientèle adulte qui constitue l’essentiel de son fonds de commerce. La société a pris le parti de représenter sur ses publicités des adultes tirant la langue, en jouant sur un registre humoristique, sans que cela ait choqué personne à ce jour. Elle précise que le gérant du magasin dans lequel l’affiche mise en cause était diffusée a décidé de la retirer.

3. L’analyse du Jury

 Le Jury rappelle que la Recommandation « Image de la personne humaine » de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) dispose en son article 3/3 que : « La publicité doit éviter toute scène de violence, directe ou suggérée, et ne pas inciter à la violence, que celle-ci soit morale ou physique. / (…) la violence suggérée s’entend par une ambiance, un contexte voire par le résultat de l’acte de violence ».

Il résulte en outre de la Recommandation « Sécurité » que : « La publicité, sous quelque forme que ce soit, ne doit pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens et doit donc respecter les règles déontologiques suivantes : Sauf justification d’ordre éducatif ou social, la publicité ne doit comporter aucune présentation visuelle ni aucune description de pratiques dangereuses ou de situation où la sécurité et la santé ne sont pas respectées. / Une prudence particulière s’impose aux publicités utilisant des enfants ou des adolescents ou s’adressant à eux ».

Le Jury constate que le visuel publicitaire mis en cause fait apparaître en gros plan une jeune femme menacée de voir sa langue sectionnée par une cisaille apposée sur son visage et dont les lames effleurent son appendice lingual. Le regard effrayé du modèle et l’aspect usagé voire maculé de l’une des lames, ainsi que l’accroche, qui laisse entendre que cette langue pourrait ne servir à rien, ce qui justifierait son ablation, renforcent la crédibilité de la menace de même que, dans une moindre mesure, la référence à la « folie » du bonbon.

Si le ressort humoristique de cette publicité n’a pas échappé au Jury, ce dernier estime que, sans nécessairement inciter à la violence, la mise en scène litigieuse la suggère fortement, et représente une pratique dangereuse, alors qu’elle s’adresse notamment aux enfants compte tenu de la nature du produit promu.

Dans ces conditions, le Jury est d’avis que cette publicité n’est pas conforme aux règles déontologiques précitées. Il considère en revanche qu’elle ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine, notamment de la femme, dès lors que la connotation sexuelle critiquée par la plainte n’apparaît pas de manière explicite. La succion à laquelle il est fait référence se rapporte directement à un mode de consommation des bonbons.

Le Jury prend note que l’affichage de cette publicité dans le lieu de vente où elle était diffusée a cessé.

Le présent avis sera publié sur le site internet du Jury de Déontologie Publicitaire.

Avis adopté le vendredi 9 janvier 2014 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M. Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio et MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.