Avis JDP n°133/11 – AUTOMOBILES – Plaintes fondées

Décision publiée le 28.07.2011
Plaintes fondées

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

 – Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– après avoir entendu le représentant de l’ARPP,

– et, après en avoir délibéré, hors la présence de l’ARPP et des parties,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi les 4 et 8 juin 2011, de deux plaintes émanant de particuliers, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur, d’une publicité diffusée dans la presse, concernant  un modèle de véhicule automobile.

La publicité présente une jeune femme qui fait son choix parmi des hommes suspendus comme des vêtements à des cintres dans une penderie.

Le slogan accompagnant cette image est « Les femmes prennent les commandes ».

2.Les arguments des parties

Les plaignants considèrent que cette publicité peut inciter de jeunes enfants à reproduire une situation dangereuse et renvoient au fait divers récent d’un enfant retrouvé dans son collège pendu à un porte-manteau.

L’un des plaignants ajoute que cette publicité est dégradante pour la personne humaine qui est assimilée à une marchandise.

L’agence de communication s’en remet aux éléments transmis par l’annonceur.

L’annonceur fait valoir que cette publicité a été diffusée dans la continuité des précédentes campagnes de la marque qui veulent s’inscrire  dans la modernité. Avec impertinence et un humour souvent novateur dans le secteur de la publicité automobile, les dernières campagnes pour cette gamme de véhicules, notamment les spots télévisés, présentaient des utilisateurs affranchis du carcan des conventions habituelles. Sur le même ton décalé, la campagne presse avait pour objectif de mettre en scène une jeune femme moderne, bien dans son époque, multipliant ses conquêtes. Pour autant, la volonté du constructeur  n’était pas de porter atteinte à la dignité humaine : les jeunes hommes photographiés dans la penderie n’ont en aucun cas l’apparence ou l’attitude de victimes.

 

Sur le lien fait par les plaintes avec le fait divers tragique de pendaison d’un jeune collégien, l’annonceur fait valoir que la campagne n’a pas été exposée ou imposée au regard de tous et des enfants en particulier en affichage, mais uniquement diffusée dans des titres de  presse féminine dont la plupart s’adresse à une cible de lectrices âgées de 20 ans et plus.

Le risque de mimétisme dénoncé par les plaignants reste donc très théorique.

L’annonceur confirme que le plan média est achevé et admet toutefois que si cette campagne devait être à nouveau diffusée, le visuel en serait aménagé. Elle rappelle que cet engagement a été pris auprès de l’ARPP à la suite de son intervention.

 L’ARPP indique que dans le cadre de l’exercice de son rôle de surveillance du respect de la déontologie dans les publicités, après leur diffusion, elle garde la faculté d’intervenir sur les cas de manquements qu’elle a pu observer. C’est à ce titre que l’autorité a relevé la publicité en cause et est intervenue auprès de l’annonceur.

L’ARPP a en effet considéré que la représentation d’une jeune femme qui fait son choix parmi des hommes suspendus à des cintres dans une penderie, assimilés à des vêtements choisis en fonction de la tenue de la femme et de la couleur de sa voiture, associée au slogan « Les femmes prennent les commandes » n’était pas conforme à la déontologie .

L’ARPP rappelle à ce titre qu’en application des dispositions de l’article 2-1 de sa Recommandation « Image de la personne humaine », la publicité ne doit pas  réduire la personne humaine à la fonction d’objet et doit être exempte de toute présentation complaisante d’une situation de domination ou d’exploitation d’une personne par une autre.

Elle a pu expliquer son analyse lors d’un entretien avec l’agence de communication qui a réalisé la campagne et son client, elle a pris  acte de ce que la parution presse dont l’annulation était encore possible, avait été supprimée et que si une nouvelle vague de diffusion devait être envisagée elle concernerait un visuel modifié.

3.Les motifs de la décision du Jury

Le Jury rappelle que l’article 13 du Code consolidé sur les pratiques de publicité de la CCI  reprises dans la Recommandation « Sécurité » de l’ARPP prévoit que : 

« La publicité, sous quelque forme que ce soit, ne doit pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens et doit donc respecter les règles déontologiques suivantes : sauf justification d’ordre éducatif ou social, la publicité ne doit comporter aucune présentation visuelle ni aucune description des pratiques dangereuses ou de situation où la sécurité et la santé ne sont pas respectées. »

Une prudence particulière s’impose aux publicités utilisant des enfants ou des adolescents ou s’adressant à eux. » 

 Par ailleurs, la Recommandation « Image de la personne humaine » dispose :

« La publicité ne doit pas réduire la personne humaine … à la fonction d’objet » 

Le Jury relève que le visuel critiqué contrevient directement aux Recommandations citées ci-dessus tant en ce qu’il illustre un comportement  qui peut être dangereux qu’en ce qu’il traite des personnes humaines comme des  objets sans que puisse être invoqués l’humour et le ton décalé de la publicité en cause ou de la campagne dans laquelle il s’inscrit  ou encore la circonstance que cette publicité n’a fait l’objet d’une diffusion que par voie de presse .

Il prend bonne note de la décision de l’annonceur d’arrêter de diffuser cette publicité.

4.La décision du Jury

– Les plaintes sont fondées ;

– La publicité relative au modèle en cause contrevient aux  dispositions précitées des recommandations « Images de la personne humaine »  et « Sécurité » de l’ARPP ;

– La présente décision sera communiquée aux plaignants, à l’annonceur, à son agence et aux titres de presse;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du JDP.

Délibéré le 8 juillet 2011, par Mme Hagelsteen, Présidente, Mmes Michel-Amsellem,Vice-Présidente,  et  Drecq, et MM Benhaïm, Carlo,  Leers et Raffin.