Avis JDP n°226/12 – APPAREIL DE CHAUFFAGE – Plainte fondée

Décision publiée le 19.12.2012
Plainte fondée

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

– Après examen des éléments constituant le dossier de plainte,

– et après en avoir délibéré,

rend la décision suivante :

1.Les faits

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi le 11 septembre 2012, d’une plainte émanant d’un particulier, afin qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité diffusée sous forme de publipostage, en faveur de radiateurs électriques de la marque A, distribués par la société du même nom.

La publicité est adressée par voie de publipostage en accompagnement d’un magazine, distribué par abonnement. Il vise à proposer l’envoi, sur demande, du guide gratuit de la marque.

L’enveloppe à fenêtre dans laquelle est insérée la publicité mentionne : «… ne jetez plus votre argent par les fenêtres…».

La publicité se compose ensuite d’une lettre d’accompagnement et d’un document de plusieurs pages.

La lettre présente l’électricité comme « l’énergie de demain » et précise que l’utilisation de l’électricité pour produire du chauffage est un choix judicieux en termes économiques et écologiques.

L’un des documents associés se présente sous la forme d’un questionnaire Vrai/Faux en 17 points, sur les avantages du chauffage électrique.

Enfin, une page recto-verso évoque les différentes qualités du chauffage A, qualifié de « + économique » et de « + écologique ».

2.Les arguments des parties :

Le plaignant fait valoir que cette publicité est de nature à induire en erreur les consommateurs.

Concernant le courrier publicitaire, celui-ci vante en termes dithyrambiques le chauffage électrique, seule solution économique face à la montée prétendument vertigineuse du prix de toutes les autres sources d’énergie (fioul, gaz…). Il relève dans ce texte, comme dans les autres prospectus joints, une instrumentalisation du gouvernement qui est cité (« le gouvernement le sait bien… »). La mention « Grande Campagne d’Information Gratuite sur le Chauffage » (avec les majuscules) laisse entendre qu’il s’agit d’un message émanant d’un organisme public d’information et non d’une entreprise privée.

Concernant le document qui se présente sous la forme de questions / réponses, le plaignant met en cause plusieurs phrases qui accréditeraient l’idée que le chauffage électrique serait le meilleur choix en termes économiques et écologiques, alors qu’une étude de l’ADEME de 1997 démontre le contraire et que l’article 9 de la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP interdit les publicités qui incident à des modes de consommation excessive ou de gaspillages d’énergie.

Les indications sur la « hausse continue du prix du gaz et du fioul » comme sur un prétendu soutien du Gouvernement à l’énergie électrique ne sont, quant à elles, pas vérifiées, alors que la publicité passe sous silence la hausse certaine du prix de l’électricité. La référence au Gouvernement constitue par ailleurs une méconnaissance de l’article 5 de la Recommandation « Développement durable », qui interdit d’utiliser des signes suggérant sans fondement une approbation officielle.

La prétendue compatibilité entre chauffage électrique et énergie solaire n’aurait quant à elle d’autre but que d’abuser le consommateur en lui suggérant que le chauffage électrique est écologique, et de créer un lien abusif entre les actions en matière de développement durable et les propriétés d’un produit.

Concernant enfin le document intitulé « A, nouvelle génération + écologique + économique », le plaignant conteste l’usage de ces deux termes, alors que de nombreuses familles se sont lourdement endettées pour payer ce chauffage et peinent à s’acquitter de leurs factures d’électricité, et, s’agissant de l’aspect environnemental, que le chauffage électrique est généralement utilisé en « pointe » de consommation le soir, nécessitant de recourir à des centrales thermiques au fioul, gaz et charbon qui sont très polluantes en dioxyde de carbone.

L’annonceur, la société A, émet des doutes quant à l’identité du plaignant qu’il soupçonne d’être une entreprise concurrente.

Concernant l’utilisation de caractères en majuscules, la société A précise qu’il s’agit d’une pratique courante en publicité qui ne conduit pas à penser que l’annonceur veut se faire passer pour un organisme public.

Sur le tableau présenté dans la plainte, la société A fait valoir que celui-ci ne tient pas compte du prix d’une installation de chauffage central, achat et travaux, ni de la place perdue y compris pour le stockage du fioul ou des autres combustibles, ni du paiement d’avance du fioul, charbon, coke ou des granulés ainsi que de la maintenance.

La société A indique que le soutien de l’Etat à la filière électrique est une évidence compte tenu du nombre de centrales nucléaires existantes et des actions développées en matière d’énergies renouvelables. Elle estime qu’on ne peut faire l’amalgame entre le chauffage électrique et le surendettement.  Elle souligne enfin la réalité et la véracité des témoignages utilisés dans la publicité.

La société éditant le magazine du même nom, fait valoir  que la conception et la réalisation de cette publicité sont le seul fait de l’annonceur et qu’elle n’y a pris aucune part. Son rôle s’est limité à diffuser une seule fois cette publicité qui ne lui est pas apparue contraire à la réglementation en vigueur.

3.Les motifs de la décision du Jury

 Le Jury de déontologie publicitaire rappelle en premier lieu que le code consolidé sur les pratiques de publicité et de communication de marketing de la Chambre de Commerce Internationale (code ICC) pose en son article 3 un principe de loyauté selon lequel « La communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des  consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. Tout facteur pertinent susceptible d’influencer la décision des consommateurs doit être signalé d’une manière et à un moment qui permettent aux consommateurs de le prendre en considération. ». En outre, l’article 5 du même code, relatif au principe de véracité, dispose que « La communication commerciale doit être véridique et ne peut être trompeuse. La communication commerciale ne doit contenir aucune affirmation, aucune assertion ou aucun traitement audio ou visuel qui soit de nature, directement ou indirectement, par voie d’omissions, d’ambiguïtés ou d’exagérations, à induire en erreur le consommateur… ».

Il rappelle en second lieu qu’en vertu de la Recommandation « Développement Durable » de l’ARPP : « 1/1 La publicité ne doit pas induire en erreur le public sur la réalité des actions de l’annonceur, ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ». Il résulte en outre du point 1.4 que « L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité » et que « Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base au calcul ». Le point 2.1 de la même Recommandation dispose que « Le message publicitaire doit exprimer avec justesse l’action de l’annonceur ou les propriétés de ses produits, en adéquation avec les éléments justificatifs dont il dispose ». Enfin, il résulte du point 9.1 de cette Recommandation que « la publicité ne saurait inciter, directement ou indirectement, à des modes de consommation excessive ou au gaspillage d’énergies et ressources naturelles ».

Le Jury rappelle que cette Recommandation s’applique à toute publicité qui, en utilisant l’argument écologique pour la mise en œuvre des produits, les valorise auprès du public au titre du développement durable.

Le Jury observe à titre liminaire que la publicité litigieuse se présente elle-même comme une « Grande campagne d’information » et prétend, à travers l’utilisation d’un questionnaire « Vrai / Faux » et des références à des « experts », informer les consommateurs de manière fiable et étayée sur la réalité des mérites respectifs du chauffage électrique et des autres modes de chauffage. C’est à l’aune de ce constat qu’il a apprécié la conformité de cette publicité aux règles déontologiques mentionnées ci-dessus.

Le Jury relève que de nombreuses mentions de la publicité litigieuse, en particulier le courrier introductif, les questions / réponses n° 1, 5 et 6 et le dernier volet présentant les produits eux-mêmes, affirment sans nuances que le chauffage électrique constitue un choix plus avantageux que d’autres modes de chauffage, notamment ceux qui utilisent les énergies fossiles, tant en termes de coût que d’incidence environnementale. La société ne produit toutefois aucune expertise en ce sens, alors que sa publicité se prévaut expressément de l’analyse d’« experts ».

Il apparaît en revanche, notamment au regard des études de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME),  que, si le coût d’installation d’un dispositif de chauffage électrique est effectivement inférieur à celui d’autres modes de chauffage, comme le gaz, et si le prix du kilowattheure électrique est jusqu’à présent moins fluctuant que celui des énergies fossiles, il n’est financièrement avantageux à l’usage que dans les bâtiments dont l’isolation est efficace et qui sont équipés d’un système de régulation, ce qui n’est clairement pas le cas de l’ensemble des logements en France. L’optimalité d’un mode de chauffage dépend de multiples paramètres dont la publicité en cause ne fait pas état, laissant au contraire entendre aux consommateurs qu’il est toujours préférable d’opter pour un chauffage électrique.

En outre, si le contenu moyen en dioxyde de carbone du kilowattheure électrique est inférieur à celui du gaz ou du fioul, il convient de tenir compte de ce que, en cas de pics de consommation, notamment lors des périodes de grand froid, la production d’énergie électrique suppose de recourir à des centrales thermiques qui consomment des énergies fossiles et dégagent à ce titre davantage de dioxyde de carbone que lors de l’utilisation directe de ces énergies par les ménages.

On ne peut donc affirmer de manière générale et sans réserve que le chauffage électrique serait plus écologique que les autres modes de production de chaleur. La publicité litigieuse ne fait d’ailleurs aucune mention des interrogations que soulèvent certains modes de production de l’énergie électrique.

Le Jury considère ensuite que les mentions selon lesquelles « l’énergie électrique est favorisée par le Gouvernement » et « l’Etat soutient et va soutenir de plus en plus l’électricité » constitue une simple supposition non étayée par la société A.

En outre, la compatibilité affichée du chauffage électrique et de l’énergie solaire est présentée en des termes généraux  et ambigus qui ne permettent pas de comprendre clairement la portée du message publicitaire adressé au grand public.

Dans ces conditions, le Jury estime que la publicité en cause, par la généralité de ses termes, est de nature à induire en erreur les consommateurs tant sur les propriétés des produits vendus que, plus largement, sur les caractéristiques comparées des différents modes de chauffage.

De plus, la société Aterno n’a pas produit d’éléments justificatifs sérieux, objectifs et vérifiables permettant d’apprécier le bien-fondé des allégations que sa publicité comporte. Celle-ci contrevient en conséquence aux dispositions des articles 3 et 5 du code ICC et des articles 1.1, 1.4 et 2.1 de la Recommandation « Développement durable ».

En outre, en tant qu’elle incite à recourir au chauffage électrique en toutes circonstances, y compris pour des constructions dont les caractéristiques (notamment l’isolation) ne l’indiqueraient pas, cette publicité peut être regardée comme incitant à des comportements contraire à un usage rationnel de l’énergie et comme méconnaissant ainsi l’article 9 de la même Recommandation.

En revanche, le Jury estime que cette publicité ne peut, contrairement à ce que soutient le plaignant, être regardée ni comme créant « un lien abusif entre les actions générales d’un annonceur en matière de développement durable et les propriétés propres à un produit » au sens de l’article 4 de cette Recommandation, puisqu’elle ne fait pas référence à des actions de l’annonceur mais seulement des pouvoirs publics, ni comme suggérant une forme d’approbation officielle par l’usage de « signes », au sens de l’article 5 de cette Recommandation.

4.La décision du Jury

– La plainte est fondée ;

– Le message publicitaire en cause méconnaît les dispositions des articles 3 et 5 du code consolidé sur les pratiques de publicité et de communication de marketing de la Chambre de Commerce Internationale, ainsi que des articles 1.1., 1.4, 2.1. et 9.1 de la Recommandation Développement Durable de l’ARPP ;

– Il est demandé au Directeur général de l’ARPP de prendre les mesures permettant de faire cesser cette publicité ;

– La décision du Jury sera communiquée au plaignant et à la société A ;

– Elle sera diffusée sur le site Internet du Jury de déontologie publicitaire.

Délibéré le vendredi 7 décembre 2012 par Mme Michel-Amsellem, Présidente, M Lallet, Vice-Président, Mmes Drecq et Moggio, ainsi que MM. Benhaïm, Carlo, Depincé, Lacan et Leers.