JDP

QUIPO – Internet – Plainte fondée 

Avis publié le 31 janvier 2024
QUIPO – 984/24
Plainte fondée 

Le Jury de Déontologie Publicitaire,

rend l’avis suivant :

1. La plainte

Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 27 novembre 2023, d’une plainte émanant de l’association Two Sides France, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur de publicité en faveur de la société Quipo, pour promouvoir son offre de ticket de caisse dématérialisé.

Les publicités en cause, diffusées sur le site Internet ainsi que sur les pages Linkedin et Instagram de la société, montrent un écran de téléphone portable, sur fond d’arbres, accompagnés des textes auxquels sont associés des pictogrammes de planète Terre, goutte d’eau, feuille…etc:

Existe également une vidéo qui contient plusieurs messages de même nature par image.

2. Les arguments échangés

L’association plaignante énonce que la loi promulguée le 10 février 2020, dite loi AGEC, prévoit à son article 49 que l’impression et la distribution systématique de tickets de caisse est interdite, sauf demande contraire du client. En conséquence, un décret d’application a été publié le 14 décembre 2022. Cette mesure est ainsi entrée en vigueur le 1er août 2023 après plusieurs reports successifs. Depuis la publication du décret, plusieurs start-ups ont initié des campagnes de publicité faisant la promotion des tickets électroniques comme alternative écologique à l’usage de papier.

Parmi celles-ci, Quipo a récemment communiqué sur le lancement d’un calculateur « mon éco-impact » faisant partie intégrante de son application et constituant de ce fait une caractéristique essentielle du service proposé par la société.

L’association considère que ces communications publicitaires ne respectent pas la législation en matière de communication environnementale, et ne respectent pas la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP.

Ainsi, dès la page d’accueil du site de Quipo apparaissent les allégations « Enfin une solution de dématérialisation des tickets réellement éco-responsable » et, occupant toute la taille de l’écran : « Beaucoup plus éco-responsable ». Ce type de message est repris dans les publications sur les réseaux. Ces messages ont une portée globalisante et/ou établissent une comparaison sans que l’on puisse en identifier la base. En outre, ces messages ne permettent pas au lecteur de comprendre la portée de l’engagement de Quipo, ou leur donnent une importance ne correspondant pas à la réalité.

Sur LinkedIn du 24 octobre, on peut lire « C’est une façon puissante de sensibiliser tout le monde à l’impact de nos choix sur l’environnement. Ensemble, nous pouvons faire une différence significative pour notre planète. » quand les tickets de caisse papier représentent en réalité 0,1% de la consommation de papier en France et 0,001 % des déchets produits en France. (En effet, selon le calcul présenté plus bas, les quantités de papier utilisées pour les tickets de caisse seraient de l’ordre de 3000 tonnes, soit 0,1 % environ du tonnage de papier consommé en France selon l’étude ADEME « Actualisation 2021 des flux de produits graphiques en France » et représenteraient 0,001 % des 342 millions de tonnes de déchets produites en France selon les chiffres de l’ADEME pour la même année.)

Immédiatement visible dans la vidéo publicitaire, le calculateur « mon eco impact » est mentionné et présenté. Par l’importance qui lui est donnée dans les messages publicitaires, et dans l’application elle-même, ce calculateur constitue une caractéristique essentielle du service proposé par Quipo. Ce calculateur permettrait de quantifier les impacts environnementaux évités grâce à l’utilisation de l’application Quipo. Il ressort de ce film publicitaire, et de l’analyse de l’application elle-même ainsi que du site internet de l’entreprise que :

En particulier, pour les chiffres de 300 milliards de tickets de caisse dans le monde et de 12 milliards de tickets de caisse pour la France : aucune source n’est indiquée et leur origine est inconnue, même si elle a été souvent reprise dans les communications institutionnelles ou par les médias – lesquelles ne constituent pas des sources de référence auxquelles l’annonceur pourrait donner crédit sans vérification.

L’association souligne :

De manière générale, Quipo, mis à part une mention selon laquelle son service n’aurait pas besoin de serveurs pour fonctionner, ne donne aucun détail sur son fonctionnement technique et ses impacts environnementaux. Au contraire, il donne indûment l’impression que sa solution n’aurait aucun impact environnemental :

Two Sides souligne, en outre, que le service proposé par Quipo comporte un dispositif de notifications marketing apparaissant sur le smartphone de l’utilisateur, l’informant de promotions chez des commerçants. Cette communication active poussant à la consommation est une partie essentielle du service proposé par Quipo aux commerçant et rappelée sur ses communications (« donne de la visibilité à vos offres et collecte d’avis vérifiés », « communiquez vers vos clients grâce aux notifications et aux messages personnalisés » sur le site internet ; « Avec Quipo, chaque notification devient une invitation à une expérience shopping sans accroc » post LinkedIn du 21 novembre).

L’association conclut que cette communication promotionnelle contrevient à différentes règles édictées dans la Recommandation « Développement durable » notamment en ce que :

La société Quipo a été informée, par courriel avec accusé de réception du 14 décembre 2023, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.

La société fait valoir que ses chiffres proviennent de plusieurs canaux dont plusieurs officiels :

Etudes d’émissions évitées grâce à QUIPO:

Présentation des résultats de l’étude des émissions évitées.

Comparaison des émissions pour les quatre scénarios suivants :

On s’aperçoit que la solution QUIPO présente une empreinte environnementale bien inférieure aux tickets imprimés. Plus de 98% des émissions de GES sont évitées en CO2e par rapport à la solution ticket en papier thermique.

Par rapport à la solution mail, près de 73% des émissions en CO2e sont également évitées, ce qui démontre que le numérique responsable est possible selon l’annonceur.

Elle cite diverses autres sources telles que Media brut et de nombreuses communications gouvernementales sur les origines de la loi AGEC et ses objectifs (exemple : 24/07/2023 – Tickets de caisse et de carte bancaire : le 1er août, remise à la demande du client – Presse – Ministère des Finances; Tickets de caisse et de carte bancaire : le 1er août, remise à la demande du client/ economie.gouv.fr.)

La société fait valoir qu’elle est une start-up composée d’ingénieurs convaincus, et de bonne foi, que le numérique responsable est possible et souhaitable face à l’explosion de la pollution numérique. Elle cherche à développer des solutions éco responsables, ce qui a été fait pour les tickets de caisse, l’étude d’émission opérée par un organisme indépendant le démontrant.

3. L’analyse du Jury

Le Jury rappelle que la Recommandation « Développement durable » de l’ARPP dispose :

1.1 La publicité doit proscrire toute représentation susceptible de banaliser, ou de valoriser des pratiques ou idées contraires aux objectifs du développement durable. A titre d’exemple :

(…)

c/ La publicité doit éviter, dans son discours, de minimiser les conséquences de la consommation de certains produits ou services susceptibles d’affecter l’environnement […]».

« 2.1. La publicité ne doit pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable ;

 (…)

2.3. L’annonceur doit être en mesure de justifier les arguments ayant trait au développement durable au moyen d’éléments sérieux, objectifs et vérifiables au moment de la publicité ; / Pour tout message reposant sur une allégation scientifique, l’annonceur doit être en mesure de présenter l’origine des résultats annoncés et la méthodologie ayant servi de base de calcul. / La publicité ne peut recourir à des démonstrations ou à des conclusions scientifiques qui ne seraient pas conformes à des travaux scientifiques reconnus (…) »

Le Jury relève que les messages « Rejoignez-nous dans cette quête pour un monde plus propre et plus vert en utilisant QUIPO » ou « agissons pour un monde plus propre » sont assortis de pictogrammes symbolisant principalement l’eau et l’arbre. Ils affirment un engagement de l’entreprise pour une « économie que nous faisons ensemble pour sauver la planète ». Cette affirmation est accompagnée, d’abord, d’une invitation pour l’utilisateur de QUIPO à calculer « en temps réel » combien de litres d’eau sont ainsi « sauvés », combien de gaz à effet de serre ne sont pas « générés » ou encore « le nombre d’arbres qu’on préserve en évitant la déforestation nécessaire à la production de papier », puis, ensuite, de la présentation d’une succession de chiffres illustrant les atteintes diverses à l’environnement générées par la production de tickets de caisse en format papier.

Si l’entreprise peut valoriser sa démarche en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale, elle ne peut le faire sans justifier et relativiser ses propres allégations au regard de son activité et notamment sans minimiser voire occulter son propre impact sur l’environnement.

Or, au cas d’espèce, en premier lieu, elle laisse croire qu’en n’utilisant pas le papier, non seulement l’utilisateur ne va pas générer de dépenses énergétiques liées à la production de papier, mais plus encore, il va réaliser des économies immédiatement quantifiables pour sauver la planète ou la rendre plus verte, notamment en consommant moins de quantité d’eau et en préservant les arbres, comme le suggèrent, à plusieurs reprises, les pictogrammes représentant ces éléments naturels et accompagnant les messages.

Une telle allégation ne permet pas de savoir sur la base de quels travaux scientifiques reconnus elle se fonde et elle ne renvoie pas, y compris dans les arguments développés pour le Jury, à des démonstrations objectives, vérifiables et suffisamment démontrées, tant sur la méthodologie, les comparaisons proposées que sur les résultats affichés.

En outre, s’agissant des arbres, le jury rappelle que le papier peut être produit grâce à la récupération de chutes de bois de scieries ou avec des arbres abattus au titre de l’entretien nécessaire à la bonne gestion de la forêt.

Ainsi, eu égard aussi au choix du vocabulaire et aux formulations sans nuances, souvent globalisantes, proposées quant au sauvetage de la planète et à la protection des ressources naturelles, les messages sont donc insuffisamment justifiés et disproportionnés au regard de la portée de l’action menée par QUIPO via son application pour produire un ticket numérique.

En second lieu, l’entreprise ne fournit aucun élément précis ni sur l’incidence écologique réelle des solutions numériques qu’elle propose ni sur l’impact de sa propre activité, notamment celle générée, via son application, au profit des utilisateurs.

Ainsi, d’une part, le Jury relève qu’elle entend faire croire que le QR code numérique proposé par son application n’aurait que peu d’incidence environnementale, voire aucune.

Sur une éventuelle absence d’impact écologique, le Jury note que la première page de la vidéo LinkedIn montre un écran de téléphone portable où dans un encadré intitulé « mon ECO impact » s’affichent les mentions « 0 cl H2O 0, 0g CO2, 0 PTS », lesquelles sont de nature à laisser croire qu’il n’existe ainsi aucune production d’activité dans ces domaines.

Une telle allégation est inexacte puisque l’utilisation de l’application n’est pas neutre et implique, au minimum, celle d’un smartphone, d’un terminal et d’un espace au moins minimal de stockage des données.

Le message manque également de clarté car l’affichage d’un bilan neutre, sur cette première page, prête à confusion puisqu’il est contradictoire avec les chiffres affichés sur les pages suivantes relatifs aux économies réalisées sur les dépenses énergétiques de tous ordres par l’application QUIPO, par rapport à l’émission plus polluante d’un ticket en format papier. Elles font, certes, apparaitre un bilan environnemental bien meilleur que le ticket papier, mais elles révèlent, même si on ignore précisément comment elle est calculée, une action sur l’environnement qui n’est pas nulle.

D’autre part, l’entreprise affirme elle-même qu’elle entend, selon son expression, redéfinir l’expérience en caisse grâce à l’efficacité de son application mais elle précise aussi qu’il s’agit d’un avantage complémentaire puisqu’il intervient « au-delà des offres et évènements simplifiés par nos notifications », ce qui implique l’existence d’une activité commerciale générée via les notifications de QUIPO à ses utilisateurs, mais qui n’est nullement quantifiée dans le calcul environnemental présenté dans les messages.

On peut en conclure que cette présentation ne rend donc pas compte de la réalité des actions de Quipo et revêt également, à ce titre, un caractère disproportionné au regard de la réalité de l’impact environnemental de ses activités, susceptible d’induire en erreur le public

Le Jury conclut donc que les messages en cause ne sont pas conformes aux exigences de véracité, de proportionnalité et de clarté précitées (Recommandation 1.1 c), 2.1,2.3, 3.2, 4.5, 4.6, 7.1, 7.3, 8.1, 8.3).

Avis adopté le 12 janvier 2024 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier, Charlot et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.


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