Avis publié le 31 octobre 2025
PURE THE – 1088/25
Plainte fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- et après en avoir débattu dans les conditions prévues par l’article 13 du règlement intérieur,
rend l’avis suivant :
- La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 16 septembre 2025, d’une plainte émanant d’un particulier, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité, en faveur de la société Pure Thé, pour promouvoir son offre de produits, boissons et « gummies » destinés aux femmes.
La publication en cause, diffusée sur le réseau social Instagram, se présente en deux parties :
– Sur la première, le produit Pure thé est exposé à côté du dessin d’un poisson entouré d’un tissu et duquel s’échappent des émanations. Une flèche le désignant renvoie vers le texte « Devinez qui n’a pas pris ses gummies ? ».
Les textes accompagnant cette image sont : « Les gummies que les poissons redoutent », « Les gummies Equilibre féminin sont formulés pour soutenir la flore vaginale, les odeurs intimes, l’équilibre du PH vaginal ».
– Sur la deuxième, « Il a dis qu’il étais accroc à moi depuis que je prends les gummies », « Elimine les odeurs et goûts vaginaux », « Préviens les infectiens, le PH », « Rend naturellement plus humide et juteuse », « Il descend me (symbole d’une langue tirée) depuis que je prends ça ».
- Les arguments échangés
– La plaignante énonce que cette publicité constitue un discours humiliant et dégradant pour les femmes et le sexe féminin. Elle relève du sexisme.
Elle explique que celle-ci a été adressée sur son compte Instagram et celui de Pépite Sexiste sans qu’elles soient abonnées à des contenus de thé/ de boissons, de conseil sur l’intimité féminine ou en sexologie.
Par ailleurs, la publicité en question est une incitation à boire une boisson pour être sexuellement plus désirable et supprimer des odeurs corporelles naturelles (réelles ou supposées) qui seraient vues comme désobligeantes par des hommes, avec un vocabulaire très stigmatisant.
La publicité est susceptible d’avoir été vue par des cibles jeunes, avec une pression de normalité forte. Elle peut générer un complexe chez des personnes jeunes ou fragiles, sur la perception de leur corps et de leurs odeurs.
Elle reprend les arguments sexistes et misogynes sur ce que devrait être un sexe féminin et les règles auxquelles on devrait se plier pour avoir une vie sexuelle et être bien considérées par les hommes.
La publicité de cette marque inscrit clairement la femme comme objet, et on peut considérer qu »elle propage une idée dégradante qui porte atteinte à la dignité et à la décence de la personne humaine.
– La société Pure Thé, a été informée, par lettre recommandée électronique avec avis de réception du 18 septembre 2025, de la plainte dont copie lui a été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Elle n’a pas présenté d’observations.
- L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP dispose :
- en son point 1 (Dignité, Décence) que :
- « 1.1 La publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité, choquer ou même provoquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence.
- 1.3 D’une façon générale, toute représentation dégradante ou humiliante de la personne humaine, explicite ou implicite, est exclue, notamment au travers de qualificatifs, d’attitudes, de postures, de gestes, de sons, etc., attentatoires à la dignité humaine. »
- en son point 2, (Stéréotypes), que :
- « 2.1 La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet.
- 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société.
- 2.3 La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »
Le Jury relève que cette publicité est entièrement construite sur la nécessité pour les femmes, perçues en tant que groupe appartenant à un genre, de consommer des produits alimentaires de la marque en cause, afin de les empêcher de produire des odeurs intimes nauséabondes et repoussantes symbolisées par une référence au poisson et à son odeur, tout en leur permettant d’être plus attractives sexuellement par une référence aux adjectifs “humide” et “juteuse”, expressément cités.
Le Jury estime que les qualitatifs et le sens même des mentions comme du message lui-même sont dégradants, stigmatisants, discriminants vis à vis des femmes et de nature à porter atteinte à leur dignité au sens de la Recommandation précitée.
Il estime encore que la femme, en général et sans aucune nuance ou humour même minimal, est présentée comme un objet, qui plus est à caractère sexuel, avec un consentement qui paraît acquis par nature au vu de la satisfaction manifestée par celle qui se félicite de consommer les produits en cause dans sa relation amoureuse et sexuelle, comme si elle était en quelque sorte faite pour cela.
En conséquence de ce qui précède, le Jury est d’avis que cette publicité méconnaît gravement les dispositions déontologiques précitées.
Avis adopté le 10 octobre 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.