Avis publié le 31 octobre 2025
PHILINGERIE – 1086/25
Plainte non fondée
Le Jury de Déontologie Publicitaire,
- après examen des éléments constituant le dossier de plainte,
- les personnes intéressées ayant été invitées à faire valoir leurs observations,
- après avoir entendu la représentante de l’association Koumbit Fanm Karayib et le représentant de la société Samsag lors d’une séance tenue sous la forme d’une visioconférence,
- et après en avoir débattu,
rend l’avis suivant :
- La plainte
Le Jury de Déontologie Publicitaire a été saisi, le 11 août 2025, d’une plainte émanant de l’association Koumbit Fanm Karayib, tendant à ce qu’il se prononce sur la conformité aux règles déontologiques en vigueur d’une publicité en faveur de la société Philingerie, pour promouvoir son offre de maillots de bains.
La publicité en cause, diffusée en affichage, montre, sur sa partie droite et en premier plan, une femme de dos, se tenant appuyée sur ce qui semble être le dossier d’un fauteuil en rotin, vêtue d’un maillot de bain deux pièces, la culotte de forme string à ficelles, laissant voir ses fesses. A l’arrière-plan, une piscine est entourée de végétation luxuriante.
A gauche de la publicité, le texte accompagnant cette image est « Philingerie, habillez vos émotions », « Juillet Août tout doit disparaître ! », « Promo jusqu’à -80% », ainsi que les coordonnées de l’entreprise.
- Les arguments échangés
– L’association plaignante s’étonne que ce type de publicité mettant la femme en situation d’objet sexuel puisse encore exister en 2025. Le corps des femmes est traité comme un objet érotique et marchandisé.
Elle ajoute que le panneau publicitaire est positionné dans une zone soumise à un fort passage routier, donc véhiculant le message à un nombre important de personnes (hommes, femmes et enfants).
De plus, cet endroit est soumis très régulièrement à une forte congestion routière, donnant le temps aux occupants des véhicules de bien prendre connaissance de son contenu, de bien « se rincer l’œil », banalisant ainsi l’hypersexualisation des femmes et participant à la diffusion d’un imaginaire inégalitaire.
L’association énonce que les publicités de lingerie ont la fâcheuse habitude de montrer des femmes, la plupart de face, en position lascive ; Benjamin Bloch, expert en publicité, rappelle que la publicité déshabille les hommes depuis plusieurs décennies mais jamais de la même façon que les femmes (Arte TV).
Ce visuel lui semble enfreindre les principes de la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARRP. En particulier :
- Le recours à une représentation dégradante et réductrice de la femme, la réduit à un objet sexuel
- L’absence de visage contribue à nier l’individualité et l’humanité du modèle présenté
- Cette publicité suggère aussi que l’on peut acheter le corps d’une femme à petit prix, en solde, voire qu’il faut « sauter sur l’occasion »…
- Cette publicité soulève le problème de la nudité dans l’espace public, ici, prétendument cachée par un string de maillot.
– La société Philingerie et la société d’affichage Samsag ont été informées, par courriel avec accusé de réception du 11 septembre 2025, de la plainte dont copie leur ont été transmise et des dispositions dont la violation est invoquée.
Le représentant de la société Philingerie fait valoir que, depuis plus de 29 ans, la société œuvre avec passion pour valoriser la femme antillaise dans toute sa beauté, sa diversité et sa puissance.
La marque est née d’un besoin profond : celui de représenter les femmes et les hommes caribéens dans un univers de mode qui leur ressemble, loin des standards européens souvent inadaptés au climat, aux corps et aux coutumes locales.
La publicité visée s’inscrivait dans une campagne intitulée « En août, tout doit disparaître », avec des promotions allant jusqu’à 90 %. Dans un contexte de vie chère, l’objectif était de rendre les produits de la marque accessibles, tout en mettant en lumière une création portée par une mannequin antillaise, assumant fièrement ses formes.
Ce visuel reflète le slogan « Habillez vos émotions » et la volonté de l’entreprise de célébrer les corps, les émotions et les identités caribéennes.
L’annonceur précise que l’affiche a d’ores et déjà été retirée, dans un souci d’apaisement et de respect des sensibilités exprimées.
Selon lui, le visuel s’inscrivait dans une démarche artistique respectueuse. À aucun moment, l’intention n’a été de choquer ou de porter atteinte à la dignité des personnes. Bien au contraire, la société revendique une esthétique libre, fière et enracinée dans la culture caribéenne.
Il souligne que l’histoire de l’art regorge de représentations de femmes nues célébrées comme des chefs-d’œuvre :
- La Vénus de Milo, exposée au musée du Louvre, incarne la beauté classique et l’élégance intemporelle.
- La Danaïde, sculpture de Rodin, exprime la sensualité et la douleur avec une puissance émotionnelle rare.
- La Méditerranée, œuvre d’Aristide Maillol, célèbre les formes féminines dans leur plénitude et leur sérénité.
Ces œuvres sont exposées sans polémique, car elles incarnent la beauté, la sensualité et l’élégance. Pourquoi la création publicitaire en cause serait-elle jugée autrement ?
La société d’affichage Samsag précise que le visuel en cause a été affiché sur un de ses dispositifs de communication extérieure implanté sur le département de la Guadeloupe.
Son représentant souligne l’attachement de la société au respect des règles déontologiques de la publicité et à l’égalité femmes-hommes.
Samsag est membre et représentant de l’Union de la Publicité Extérieure dans les départements d’Outremer depuis plus de 30 ans, et participe régulièrement aux ateliers du club « Communication extérieure » de l’ARPP.
La campagne concerne exclusivement la vente de lingerie féminine et de maillots de bain.
L’image présentée sur l’affiche illustre un produit réel, disponible en boutique et sur le site internet de l’annonceur. La mise en scène d’une personne portant ce produit constitue donc une présentation fidèle et pertinente de l’objet de la publicité.
Conformément aux recommandations de l’ARPP, le recours à un mannequin en lingerie est justifié dès lors qu’il s’agit d’un produit vestimentaire dont la vocation est d’être porté directement sur le corps.
L’univers de la lingerie implique par nature l’exposition du corps humain. De nombreuses marques françaises et internationales utilisent ce registre visuel dans leurs campagnes.
Le visuel choisi reste sobre, ne contient aucune référence vulgaire, dégradante ou violente, et s’inscrit dans les usages admis du marché de la lingerie et des maillots de bain. En l’occurrence, sur ce visuel, il s’agit précisément d’un maillot de bain, porté par un grand nombre de femmes guadeloupéennes, que l’on peut observer tout au long de l’année sur les plages de l’archipel et au bord des piscines publiques et privées.
Le maillot de bain « string », est un véritable produit de mode aux Antilles et se trouve économiquement être un marché très concurrentiel entre les différents acteurs économiques (distributeurs, revendeurs, créateurs locaux et internationaux).
Le mannequin est présenté dans un cadre esthétique (bord de piscine, posture non dégradante).
La publicité ne véhicule aucun message de domination, de soumission ou de stéréotype sexiste. Elle valorise un maillot de bain dans un environnement positif, sans atteinte à la dignité humaine.
L’objectif premier de cette campagne est de communiquer sur une opération promotionnelle (-80 %), dans un contexte saisonnier (« Juillet – Août, tout doit disparaître »).
Le message commercial reste clairement lisible, la photo est un support illustratif venant renforcer la mise en avant des articles de lingerie et maillots de bain disponibles en boutique et sur le site de la marque.
Ce visuel respecte les principes posés par la législation française et les recommandations déontologiques de l’ARPP, dès lors qu’il existe un lien direct entre l’image et le produit vendu, qu’il ne comporte aucun caractère dégradant, discriminatoire ou violent et qu’il s’inscrit dans les standards usuels de la communication en lingerie et maillots de bain aux Antilles.
- L’analyse du Jury
Le Jury rappelle que la Recommandation « Image et respect de la personne » de l’ARPP prévoit :
- En son préambule que « Le respect de la dignité de la personne humaine est un principe universel…. Les communications commerciales doivent respecter la dignité humaine et ne doivent pas inciter ou cautionner aucune forme de discrimination, notamment fondée sur l’origine ethnique ou nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle. » ;
- En son point 1 – « Dignité, décence » que :
- 1 « la publicité ne doit pas être susceptible de heurter la sensibilité ou de choquer le public en propageant une image de la personne humaine portant atteinte à sa dignité et à la décence » ;
- 2 « Lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante et a fortiori ne réduise pas la personne à un objet. » ;
- En son point 2 « Stéréotypes » que :
- 1 « La publicité ne doit pas réduire les personnes humaines, et en particulier les femmes, à la fonction d’objet » ;
- 2 «La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. » ;
- 3 « La publicité ne peut valoriser, même indirectement, des sentiments ou des comportements d’exclusion, d’intolérance, de sexisme. »
Le Jury relève que la publicité critiquée représente une jeune femme vue de dos assise au bord d’une piscine dans un décor tropical, revêtue d’un maillot de bain de type string dévoilant ses fesses.
Pour le Jury si la photo montre une très large partie du corps et de la tête vus de dos d’une jeune femme, le cadrage de la photo montre de manière très apparente son fessier et il ne laisse aucune ambiguïté sur le fait qu’elle porte un maillot dont la particularité est précisément qu’il le découvre.
En revanche, comme le suggèrent les mentions de la publicité qui font référence à juillet et août où « tout doit disparaître », le Jury constate que l’objectif de cette publicité est, de manière manifeste, de faire la promotion d’un article de bain soldé et porté principalement pendant la saison sèche, avec une photographie de femme prise dans un cadre naturel puisque l’ensemble du décor est celui d’une piscine avec des palmiers qu’on aperçoit, sans doute entourée de fauteuils en osier, le mannequin paraissant prendre appui sur des croisillons rappelant cette matière.
En outre, le Jury relève que la pose de la jeune femme ne suggère aucune association douteuse ni aucune posture suggestive ou vulgaire ce qui fait que la représentation choisie, même si elle dénude les fesses de chaque côté de la ficelle qui compose le bas du maillot, ne va pas au-delà de ce que peut donner à voir ce type de maillot dit string lorsqu’il est porté dans l’espace public des plages ou des piscines.
Enfin, le message qui l’accompagne évoque le fait essentiellement qu’il s’agit d’un prix de promotion exceptionnel de nature à surprendre voire à « émouvoir », correspondant à une liquidation de ce type de produit par une marque de lingerie, qui apparait de manière lisible, ce qui n’est pas de nature à créer une confusion ambiguë sur le fait que c’est bien le maillot qui est en promotion et non la femme.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Jury conclut que cette publicité reste globalement acceptable et ne contrevient pas aux dispositions précitées.
Avis adopté le 10 octobre 2025 par Mme Tomé, Présidente, M. Aparisi, Vice-Président, Mmes Aubert de Vincelles, Boissier et Lenain, ainsi que MM. Le Gouvello, Lucas-Boursier et Thomelin.